N°21 / Résistances et altérité Juillet 2012

Le corps en thérapieDu plaisir douloureux de la dépendance au plaisir orgastique de la liberté - Pascal Matrat

Préface de Jacques Lesage de la Haye - Chronique Sociale, 152 pages, 14 € 90

Jorge Morales

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Pascal Matrat, psychologue, analyste reichien et spécialiste des problèmes liés à la toxicomanie nous présente, à travers ce livre, une facette peu connue du travail bio-psycho-corporel de l’approche reichienne, celle concernant la prise en charge de la souffrance indicible de ceux qui, malmenés d’abord par leur milieu familial puis par la société, sont tombés dans la douloureuse spirale de la toxicomanie.

Pascal Matrat cherche avant tout à se poser les bonnes questions, à aborder le problème d’une autre manière, à mettre en pratique une méthode humaniste et libertaire qui s’intéresse, dans le droit-fil de l’héritage reichien, aux liens complexes qui existent entre plaisir et souffrance, frustration sexuelle et dépendance, une méthode qui s’intéresse aussi à la dimension émotionnelle et politique du corps, qui propose une réflexion politique critique alternative à l’impérialisme du dogmatisme médical et psychologique, à une politique de répression vis-à-vis des usagers de drogues qui, au lieu de tendre vers la justice sociale, les marginalise et les criminalise.

L’auteur considère la méthode reichienne comme l’une des plus pertinentes et efficaces pour remonter à l’origine du traumatisme subi par les personnes concernées, c’est-à-dire au moment où la perte de l’objet d’amour a fixé l’usager de drogue dans un besoin oral irrépressible et douloureux, dans une angoisse de mort imminente. En effet, lors de la thérapie, un lien subtil doit être tissé entre le « roman familial », le contexte culturel et économique et la souffrance corporelle cumulée au fil du temps par le patient. La synthèse de toutes ces corrélations permettra d’établir une « typologie » dont la lecture évolutive offrira au thérapeute une méthode de travail efficace et dynamique.

Une fois ces liens établis, le thérapeute doit mettre en place un programme de mobilisations neuromusculaires (il ne s’agit pas d’une gymnastique) appelées « actings » qui, de façon progressive, souple et respectueuse de la « ligne de résistance » du patient, vise à travailler en profondeur sur le vécu psychique et émotionnel du patient – le corps étant la porte d’accès privilégiée –, à décuirasser niveau par niveau les tension physiques et émotionnelles et à assouplir les souffrances archaïques et récentes qui l’ont conduit à la toxicomanie, à être l’esclave du « plaisir douloureux de la dépendance » dont le leitmotiv est le besoin et la demande d’amour.

Ainsi, la méthode reichienne cherche, par une approche transdisciplinaire, un nouvel « apprentissage du plaisir » qui aboutit à la décharge végétative et donc corporelle, à l’expression de l’émotion, à l’assouplissement des défenses et donc à la fin de la dépendance, de ce plaisir artificiel qui nie le corps tout en anesthésiant la douleur.

Enfin, l’auteur, à l’instar de Wilhelm Reich qui nie toute fatalité, rompt avec le système thérapeutique et social existant. Il faut en effet revigorer l’esprit critique, lutter contre la culture de la soumission, contre le ronronnement institutionnel qui ne cherche plus à soigner mais à gérer la souffrance.

Pascal Matrat ne choisit donc pas la voie de la facilité et nous invite à sortir de l’orthodoxie, à examiner notre société et nous-mêmes à travers ceux qui, étant tombés dans « l’abîme de la fracture sociale », nous rappellent notre propre souffrance, tel un miroir déformant susceptible de nous mettre mal à l’aise ; mais cette démarche paraît indispensable pour remettre l’homme au centre de nos préoccupations.

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