N°23 / La psychologie politique en Europe Juillet 2013

Compte rendu : Ni droite ni gauche

Jérémy Mercier

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Zeev Sternhell Ni droite ni gauche. L’idéologie fasciste en France, Gallimard-Folio Histoire, 2012, 1075 pages.

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Relire un chef d’œuvre de Zeev Sternhell est toujours une épreuve fascinante, au cours de laquelle le lecteur confie son attachement à l’Histoire sous l’angle d’une méthode d’analyse bien particulière : celle du plus grand spécialiste international du fascisme et des anti-Lumières. L’ouvrage, d’abord paru en 1983, avait suscité d’importantes réactions et même un procès contre son auteur par Bertrand de Jouvenel qui s’était alors estimé – à tort  – diffamé par plusieurs passages relatifs à son militantisme au PPF de Doriot comme à son admiration de la renaissance allemande sous les nazis. Des pages que de Jouvenel préférait, il est vrai, faire oublier en utilisant l’arme du droit. Un bloc d’historiens, de politistes et de journalistes français avaient, à leur tour, au moment de la querelle des historiens en Allemagne, fortement critiqué la thèse de cet ouvrage selon laquelle la France fut, notamment durant la première moitié du XXe siècle, largement imprégnée de fascisme. Zeev Sternhell y développe en effet l’idée, archives à l’appui, que la France n’a pas du tout été immunisée au phénomène fasciste par sa tradition républicaine. Bien pis, le refus des Lumières, la critique de la démocratie, la révolte contre la République et contre l’universalisme – traits caractéristiques de l’idéologie fasciste -  ont installé le fascisme  en France et amenés la Révolution nationale. Le régime de Vichy n’est donc pas un accident de parcours dans l’histoire de France mais, au contraire, le pur produit d’une idéologie nationale, antirépublicaine, antibourgeoise, antidreyfusarde de cette funeste période, qui a germé dans l’esprit d’intellectuels réactionnaires. En effet, la droite révolutionnaire qui produit le fascisme, très proche de la tradition volkisch en Allemagne, « a emprunté à divers systèmes de pensée, courants idéologiques et familles d’esprit des éléments qu’elle a su fondre dans une synthèse nouvelle, puissante et attractive ». L’étude méticuleuse que propose cet ouvrage se construit autour d’analyses de cas et d’influentes figures du paysage idéologique français à l’origine de l’idéologie fasciste. De surcroît, elle met en lumière les raisons pour lesquelles le fascisme français du régime de Vichy a engendré plus de malheurs que le fascisme italien : en livrant par exemple des milliers d’enfants juifs ou des réfugiés antinazis. Ni droite ni gauche est donc un ouvrage clé pour procéder à une sorte de bilan sur une triste époque, dont Zeev Sternhell fait bien de nous avertir qu’elle peut toujours se reproduire. Le nationalisme de la Terre et des Morts de Barrès, l’explication raciale de l’histoire et de la politique par André Siegfried, la relative indifférence des avocats et des universitaires français de l’époque aux lois raciales de 1940 et 1942, le fascisme naïf de Georges Valois, le Cercle Proudhon, le socialisme idéaliste à la Sorel ainsi qu’un antisémitisme de masse ont accompagné la mise en place d’un État autoritaire, bureaucratique, foulant aux pieds les droits de l’homme. Les institutions actuelles nous protègent-elles face à d’éventuels retour du fascisme à l’avenir ?

Grâce à Zeev Sternhell et à cette nouvelle édition, précédée d’une préface inédite de l’Auteur écrite en 2012, le débat est encore et toujours ouvert. L’ouvrir, c’est par exemple se demander comment des hommes formés à l’école républicaine, comment des intellectuels et/ou des universitaires brillants ont pu s’associer à la politique de répression qui fut menée par le régime de Vichy. Et qu’en est-il des risques à vouloir dépasser les clivages « droite et gauche » ? Comprendre la  fascisation de l’État français sous Vichy fait œuvre de salubrité publique.

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