N°25 / numéro 25 - Juillet 2014

D’un François à l’autre…

Philippe Sanguinetti

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Saint François d’Assise, anciennement Giovanni di Pietro Bernardone, fait un retour médiatique avec la personnalité du nouveau Pape, Jorge Mario Bergoglio, pourtant jésuite, qui a choisit le prénom de François. Tous les deux ont des parents d’origines italiennes, père et mère pour le Pape François, mère d’origine provençale et père italien pour Saint-François. Saint-François, le « petit pauvre » est né à Assise, en Ombrie, en 1181. La forme de vie de son ordre, approuvé en 1209 par le Pape Innocent III, semble s’appuyer sur des messages indémodables, toujours d’actualité en notre XXIème siècle. Cet ordre est particulièrement ouvert dans ses composantes avec des frères puis des sœurs Clarisses en 1212 suite à l’appel de Claire (proclamée Patronne de la télévision par Pie XII en 1959) et enfin une place officielle accordée aux laïcs dès avant 1215 environ. Le 3 octobre 1226 François décède et il est canonisé très rapidement, deux ans après, par le Pape Grégoire IX. Les franciscains actuels sont le résultat de la fusion de quatre familles par Léon XIII en 1897 : les Observants, les Récollets, les Réformés et les Alcantarins et se répartissent de nos jours en trois branches : les Conventuels, les Capucins et les Franciscains (O.F.M, Ordre des Frères Mineurs). De multiples rameaux existent notamment avec le tiers-ordre qui comprend des séculiers et des réguliers. Par exemple les Franciscaines Missionnaires de Marie sont affiliées au Tiers-Ordre régulier de Saint-François depuis 1885 avec une approbation définitive en 1896. En 2002 elles disposaient de 800 communautés actives sur tous les continents avec une présence à l’ONU au sein de l’ONG Franciscain International. Il est intéressant de noter l’unité dans la diversité de cette famille franciscaine mais l’essentiel est d’exprimer ce qui l’anime, la fait vivre et exister depuis neuf siècles. Il ne s’agit pas d’un développement en rhizomes mais plutôt d’un arbre généalogique, structuré, hiérarchisé comme tout ordre catholique.

La pauvreté et le dialogue fraternel

La pauvreté et le dialogue fraternel sont deux points essentiels qui le traversent sans cesse. En 1206 François qui est issue d’une famille aisée abandonne ses biens devant l’Evêque d’Assise, la pauvreté sera toujours une constante chez lui. L’ordre sera souvent troublé dans ses différentes tendances par des secousses sur la possession ou non de biens, les spirituels étant pour une pauvreté radicale, les conventuels souhaitant quelques aménagements. Claire d’Assise obtiendra quant à elle « le privilège de la très haute pauvreté » par le Pape Innocent IV : ni propriétés ni aides financières pour assurer leur présence. Pour François la pauvreté est un atout de justice sociale et pour l’abandon à Dieu seul. Cet esprit de pauvreté est en osmose avec celui du dialogue. François souhaitait être avec les exclus, les lépreux, les marginaux et dans son époque d’apparition des grandes villes et de la bourgeoisie cela devenait clairement une vocation caritative. Cet élan tient toujours à travers des personnalités diverses et très actives comme l’Abbé Pierre (1912-2007, capucin), Léonardo Boff (dont la thèse en théologie fut dirigée par un jésuite) et ses « communautés de base » au Brésil (qui entraîneront dans leur sillage des personnages comme Francisco van der Hoff, co-fondateur du commerce équitable et de la marque Max Havelaar), le Frère Alain Richard fondateur des Cercles de Silence avec ses frères (franciscains) de Toulouse. Durant la seconde mondiale les martyrs ont été nombreux, l’un des plus célèbres, canonisé par le Pape Jean-Paul II le 10 octobre 1982, fut le polonais Saint Maximilien Kolbe, mort à Auschwitz le 14 août 1941 après avoir donné sa vie à la place d’un père de famille. Le dialogue, « l’être avec », est au cœur de ces actions diverses enracinées dans une vie spirituelle. Si Jean-Paul II a lancé la « rencontre d’Assise » le 27 octobre 1986 en invitant à participer toutes les religions du monde ce n’était pas un hasard. L’« esprit d’Assise » de dialogue interreligieux était ainsi lancé par le sommet de l’église avec un impact symbolique et politique extrêmement fort. Cela est une sorte d’écho au charisme de François qui était reçu par le sultan Al-Malik al-Khamil en septembre 1219 lors d’une trêve pendant la cinquième croisade pendant le siège de Damiette. Il fut raccompagné par l’escorte princière de son hôte. Dans cette même ligne les franciscains, et ce n’est donc pas un hasard, sont toujours les gardiens des lieux saints de Jésuralem. Il s’agit de la Custodie (sous-Province) de Terre sainte, fondée en 1342, même si leur présence sur place remonte à 1220. C’est une spécificité de cet ordre d’être accepté dans des pays et des zones difficiles car on sait que leur priorité est une présence dans un» être avec » l’autre sans volonté d’évangélisation. Tant la rencontre d’Assise que les fonctions assurées par la famille franciscaine démontrent un lien de confiance avec la papauté et le Vatican. En effet si François était une sorte de personnage charismatique et fougueux opposé au pouvoir de l’argent et à l’esprit bourgeois, sans exception des institutions visées, il ne s’est jamais opposé à l’église de l’époque, toute puissante, et à sa hiérarchie. S’il a eut sa vision de reconstruire l’église à partir de sa prière devant le crucifix de la chapelle Saint-Damien en entendant une voix lui demandant de « réparer son Église en ruine » (1297-1299) sa quête s’est manifestée dans une réorientation pacifique, pas dans un processus révolutionnaire vis-à-vis de l’institution.

Le choix d’un prénom : François

En prenant le prénom de François le Pape jésuite actuel fait donc un choix extrêmement judicieux exprimant une volonté de réforme sans heurter les fondamentaux de la structure. Premier pape jésuite, deuxième non européen, ses origines immédiates sont cependant italiennes et Saint-François est le saint patron de l’Italie. Si le changement est réel il s’inscrit donc dans une continuité rassurante pour une majorité de la Curie vaticane. Sur un plan structurel une comparaison des deux ordres, franciscain et jésuite révèle quelques similitudes. Ignace de Loyola fonde la Compagnie de Jésus en 1537 et elle est approuvée par le pape Paul III en 1540. Actuellement elle est en nombre de membres juste un peu en dessous des franciscains mais beaucoup plus unitaire et structurée qu’eux, certainement plus élitiste dans le recrutement aussi. Quoiqu’il en soit avec ce double lien religieux, le « réel », en tant que jésuite (le symbole de la compagnie est sur son blason) et celui, nominatif et symbolique qui s’y ajoute par ce choix d’orientation franciscaine, le Pape François s’appuie sur les deux plus grandes forces spirituelles, au moins numériquement, de son église. Le fait qu’il choisisse un dialogue très direct avec tous ceux qui l’entourent, qu’il reste dans un appartement de soixante dix mètres carrés à la Résidence Saint Marthe et non pas dans les appartements pontificaux, sans famille pontificale (les services personnels du pape), qu’il proteste sans cesse contre le clergé mondain le place pleinement dans les pas d’un Saint-François d’Assise. Déjà Archevêque de Buenos Aires il avait refusé de loger dans la résidence officielle pour préférer un petit appartement tout proche de la cathédrale. Nommé Cardinal le 21 février 2001 il ne veut pas de festivités à Rome et donne l’argent qui aurait pu être utilisé pour le voyage aux personnes pauvres. Le Jeudi Saint de la même année il lavera les pieds de douze malades atteint du sida. Les lépreux pour François d’Assise, les malades du sida pour le futur pape. Les points communs sont donc nombreux. Le libre choix du prénom François, annoncé le 13 mars 2013 par le cardinal proto-diacre Jean-Louis Tauran, a été expliqué lors de l’audience aux Représentants des Moyens de Communication, « Discours du pape François » dans la Salle Paul VI au Vatican le 16 mars 20131 :

« Certains ne savaient pas pourquoi l’Évêque de Rome a voulu s’appeler François. Certains pensaient à François Xavier, à François de Sales, et aussi à François d’Assise. Je vais vous raconter l’histoire. À l’élection, j’avais à côté de moi l’Archevêque émérite de Sao Paulo et aussi le Préfet émérite de la Congrégation pour le Clergé, le Cardinal Claudio Hummes : un grand ami, un grand ami ! Quand la chose devenait un peu dangereuse, lui me réconfortait. Et quand les votes sont montés aux deux tiers, l’applaudissement habituel a eu lieu, parce que le Pape a été élu. Et lui m’a serré dans ses bras, il m’a embrassé et m’a dit : « N’oublie pas les pauvres ! » Et cette parole est entrée en moi : les pauvres, les pauvres. Ensuite, aussitôt, en relation aux pauvres j’ai pensé à François d’Assise. Ensuite j’ai pensé aux guerres, alors que le scrutin se poursuivait, jusqu’à la fin des votes. Et François est l’homme de la paix. Et ainsi est venu le nom, dans mon cœur : François d’Assise. C’est pour moi l’homme de la pauvreté, l’homme de la paix, l’homme qui aime et préserve la création ; en ce moment nous avons aussi avec la création une relation qui n’est pas très bonne, non ? C’est l’homme qui nous donne cet esprit de paix, l’homme pauvre… Ah, comme je voudrais une Église pauvre et pour les pauvres ! »

La place de l’écologie dans « le respect de la création », le cas de Léornardo Boff

Il est intéressant de noter dans cette partie de discours, outre la présentation comme Evêque de Rome favorisant une meilleure universalité de l’église par un renforcement des responsabilités de chaque évêque, la référence à la création, mentionnée deux fois qui en terme « laïc » correspond à l’écologie. Léonardo Boff, ancien religieux franciscain mais qui en a gardé pleinement l’esprit est sans aucun doute celui qui est le plus connu sur ce terrain. Il a réalisé une soixantaine de livres avec des succès planétaires notamment en France (plusieurs ouvrages avec les éditions du Cerf). Partisan de l’hypothèse Gaïa il accorde une grande place à l’écologie dans ses discours et ses actes, notamment en 2010 contre le barrage de Belo Monte au Brésil. En mai 2007, il traitait la hiérarchie catholique de "bureaucrates du sacré" (un peu comme Eugen Drewermann avec son ouvrage « les fonctionnaires de Dieu ») et son manque d’initiative vis-à-vis de l’écologie. Sanctionné il a quitté le sacerdoce, s’est marié, est devenu père de famille, mais il a conservé intacte sa foi et sa pratique religieuse (son frère est prêtre de l’Ordre des Servites de Marie). Il est devenu un fervent admirateur du Pape François et sa voix faisant autorité un rapprochement serait possible. Cela permettrait sans doute une meilleure compréhension de la théologie de la libération qui était si proche du peuple brésilien et spécialement des plus pauvres. Sans doute la fuite colossale en Amérique Latine de nombreux fidèles catholiques vers le christianisme évangélique2 devrait opérer un vaste repositionnement en faveur des analyses pertinentes de cet homme. Ainsi, les communautés de base, c'est-à-dire « l’être avec » les plus pauvres devrait être remises à l’honneur plaçant les privilèges des princes de l’église parfois proches de pouvoirs peu démocratiques au second rang. Cela pour le plus grand profit, humain, spirituel et social de l’église et de la société. En effet, ces communautés tissaient du lien social dans les cités mais aussi en zones rurales, en lien avec les prêtres locaux. Nous assistons avec l’exemple de Léonardo Boff à une interaction entre franciscains et jésuites car ces derniers, sous la coupe de leur supérieur général de la Compagnie de Jésus de 1965 à 1981, le père Pedro Arrupe (Fondateur du Service Jésuite aux Réfugiés JRS3, présent dans une cinquantaine de pays), grand acteur de justice sociale, lui apportèrent leur soutien. Ils furent tous sanctionnés par le futur Pape Joseph Ratzinger et se trouvèrent surtout en opposition frontale avec le Cardinal conservateur colombien Alfonso Lopez Trujillo (1935-2008). On ne parle plus maintenant de communautés de base mais de « communautés nouvelles ». Il se peut que sous l’impulsion du Pape François, argentin, le retour aux sources se réalise selon les perceptions de Léonardo Boff avec un simple changement sur la forme. Les enjeux sont importants car le centre de gravité de l’église ne se situe plus forcément en Europe. L’Amérique Latine en termes de nombre de fidèles constitue l’avenir de l’église, enfin les vocations explosent en Asie et l’Afrique en pleine expansion est devenue une terre de mission aussi importante que la Chine de par le passé.

Les « Cercles de Silence »

Pour ce qui est de l’Europe, et spécialement de la France, tancée par les mots de Saint Jean-Paul II en 1980 : « France, fille aînée de l'Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? »4 Les actions des franciscains sont présentes et bien congruentes avec le temps. Un exemple intéressant et ouvert à tous sans distinction est celui des fameux « Cercles de Silence »5 pour manifester de façon pacifique la solidarité et le désir de changements dans le statut des personnes sans papiers. Ces manifestations qui ne troublent en rien l’ordre public s’appuient sur des coopérations réciproquement ouvertes et fermées. En effet, un ordre, que l’on prenne les dominicains, les franciscains ou autres porte avec lui le plus souvent plusieurs siècles d’histoire, d’identité, de traditions. Cela pourrait porter à générer un système fermé donc voué à s’éteindre. Les franciscains, et par extension toute la famille franciscaine, avec une forte proportion de laïcs n’ont pas attendu les principales théories des sciences de l’information et de la communication pour diffuser leur présence dans un simple « être avec » le monde. Ils ont toujours su s’adapter. Ainsi, bien avant les théories de Mc Luhan6 le village global franciscain était déjà bien structuré. Le souci des plus pauvres, une grande place accordée à l’écologie, une incarnation sociale dans un cheminement ici et maintenant avec le tissage de liens fraternels…Tout cela est d’actualité. Comme évoqué précédemment ils sont des précurseurs du développement durable et des aiguillons historiques dans la prise en compte des plus vulnérables, des plus marginaux, des plus oubliés. Mais comment un ordre, même avec les troubles survenus mondialement, comme en France avec la révolution et deux guerres mondiales dans toute l’Europe, a-t-il pu se maintenir à travers les siècles sans modifier ses constitutions ? Comment la symbiose a-t-elle pu s’opérer pour le plus grand profit de toute la société, et cela dans la discrétion, entre deux pôles, un automatiquement conservateur – l’ordre, l’église, les vœux – et l’autre complètement ouvert, exposé avec le message léger et profond, poétique, du petit pauvre d’Assise ? Quel est le secret de cette osmose ? En tant que religieux dans un ordre catholique tout franciscain n’est-il pas automatiquement un représentant du passé, du conservatisme, d’une histoire moyenâgeuse selon les étiquettes communément accolées en France ? Il faut croire que le « curseur » est placé à l’exact point d’équilibre permettant d’éviter de pencher vers trop d’ouverture et la perte du message ou de l’autre côté, vers une homéostasie rigoureuse, évitant toute néguentropie pour aboutir au final à une structure omniprésente séchée de toute vie. Concrètement nous pouvons constater des réalisations spécifiquement franciscaines, de façon redondante, dans nos vies de tous les jours, au cœur de la société : les monts de piété devenus les crédits municipaux si utiles aux plus précaires, les pompiers, les Cercles de Silence…

Nouvelles solidarités face aux pouvoirs

Après l’Amérique Latine et l’Europe avec le cas de la France nous pouvons trouver de nombreux autres exemples comme les multiples structures médico-sociales gratuites misent en place par « les franciscains du Bronx »7 en Amérique du Nord. Partout nous retrouvons un rapport à l’argent qui fait que celui-ci n’est pas le maître absolu. Non pas qu’il soit considéré comme le mal mais que la pauvreté, sans s’enorgueillir à la rechercher comme vertu, soit considérée comme une valeur fondamentale dans la relation d’imitation au Christ. A travers son action ce Pape qui fait de ses priorités la gestion saine des finances et une nouvelle systémique hiérarchique dans l’église vaticane, qui combat ouvertement la mafia et les lobbies se place profondément dans une ligne évangélique typiquement franciscaine. Quand il donne une place réelle aux laïcs, au statut de laïc dans l’église, cela s’adresse directement à la volonté de service et non pas de domination qui doit animer les clercs. Il rejoint l’esprit des pratiques publiques qui anime les pays scandinaves dans leur façon d’exercer les mandats politiques. Libération par rapport au pouvoir, par rapport à l’argent. Nous retrouvons là des archétypes à la base de certains partis politiques, parmi les plus récents, comme Europe Ecologie Les Verts (EELV) affichant le désir de faire de la « politique autrement ». Cette dynamique est en communion avec les grandes lignes qui animent la Communauté de Taizé, le mouvement de Lanza Del Vasto, la Fondation Emmaüs ou bien les pensées d’Albert Jacquard dans son ouvrage « François d’Assise le souci des pauvres ». François Super Star ? Non, même si avec lui une révolution médiatique et sur la forme s’opère. Cela constitue une influence qui n’est pas à négliger. Politiquement l’impact peut être fort. Il suffit de constater la représentation diplomatique de nombreux états lors de la double canonisation récente des deux Papes Jean XXIII et Jean-Paul II. Les idées de François en tête d’affiche ? Pourquoi pas. Il a une volonté de participer activement au changement du monde. L’église se trouve finalement, spécialement avec ce pape au profil franciscain, la seule à lutter ouvertement et internationalement, médiatiquement, contre le tout pouvoir donné à l’argent. Sans armée. Sans aucun réel pouvoir financier. Ce choix social du Pape actuel déborde directement sur les questions écologiques mondiales mentionnées comme le respect de la création. Ce choix place aussi les personnes pauvres dans la visibilité. A l’époque de la transparence et de l’immédiateté le pauvre est absent, caché, oublié. Absent des réseaux sociaux. Combien de dégradations de l’état psychologique provoquées par les crises financières et politiques ? Par le mépris ? Par le manque des moyens essentiels ? « Ventre affamé n’a point d’oreilles »8 est une expression bien connue qui peut percer dans notre actualité. Difficile de prier avec le ventre vide. Ce Pape commence peut-être par là comme il avait fait le choix d’un temps de silence le soir de son élection. Une sorte de jeûne médiatique face à la surexposition mondiale liée à ces grandes occasions. Temps de silence, temps d’abstinence, temps de retour à l’essentiel, à la simplicité, au partage. La pauvreté est un fléau qui blesse la fraternité, donc toute la communauté humaine. Dans ce contexte il ne faudrait pas mettre les franciscains au pouvoir car tel n’est pas leur charisme mais reprendre encore, comme dans les siècles précédents, leurs idées en les adaptant au contexte laïc. Et cela dans tous les programmes politiques. Ce n’est pas une volonté de retour du religieux dans le politique mais une nécessité pour plus de dignité humaine. Le succès du film « Des hommes et des Dieux » avec ses moines en Algérie est d’un humanisme formidable car il montre une présence religieuse utile en terre musulmane sans volonté de domination, de conversion, d’évangélisation. Juste un « être avec » bienveillant, dans le respect et un intérêt pour les altérités dépassant la simple tolérance. Quand le Pape François déclare le 3 octobre 2013 comme une « honte » le naufrage de 82 refugiés venus de la Corne d’Afrique9 il ne tient pas compte de la religion des victimes, c’est la dignité humaine qui compte au-delà des appartenances. Ce positionnement permet d’éviter les interférences entre politique et religion. Si c’est la dignité de toute personne qui est portée sans aucune distinction religieuse, de statut social ou financier, d’orientation politique alors la liberté de tous est respectée. Nous sommes dans l’expression de la laïcité à la française qui n’est pas l’établissement d’une religion laïque mais la possibilité pour chaque religion de s’exprimer sans empiètement sur les lois de la République. La religion touchant les comportements elle est à prendre à compte dans les pratiques gouvernementales et intergouvernementales. Elle touche tout le village global. Les religieux quant à eux ont la responsabilité de suivre les lois de chaque état. Si la coalition est possible entre pouvoirs politiques et religieux, l’alliance est automatiquement néfaste car elle écarte d’office une partie de la population dans tous les cas. Si le pouvoir politique domine et intègre le religieux il peut l’entraîner dans des dérives, le manipuler de façon machiavélique : guerres, oppressions, dictatures. Si le pouvoir religieux domine et intègre le politique c’est bien pire car c’est la spiritualité qui se trouve limitée à des objectifs temporels, enfermée dans des jeux de pouvoirs et de compromissions. Les coopérations peuvent cependant être nombreuses et fructueuses. Quand le Secours Catholique, l’Ordre de Malte, les hôtelleries monastiques et bien d’autres font du social pour tous, quand les lieux de prière sont des espaces de paix, quand les catholiques proposent et défendent des avancées humanitaires comme la lutte contre la Torture avec l’ACAT (association des chrétiens contre la torture) ou insistent sur le maintien de l’aide médicale d’état (AME) aux personnes étrangères en situation irrégulière cela est bénéfique pour toute la société. C’est aussi bon pour l’économie car sur ce dernier exemple de l’A.M.E sa suppression amènerait le risque, par l’aggravation ou la diffusion de maladies, de risques de frais énormes. Il est donc plus pragmatique et intelligent économiquement de la maintenir. Penser la politique de façon communautaire en partant de la base et des « mineurs » pour reprendre le nom des franciscains appelés dans leur branche principale « les frères mineurs » permet donc non seulement de relever la dignité humaine à un meilleur niveau mais aussi de l’accompagner d’une gestion saine. C’est, au-delà de toute limite religieuse, donc de croyance ou de non croyance, le message, le charisme et l’action franciscaine, dans son souci d’imitation et de relation au Christ. Le Pape François, jésuite, dans une institution qui en bien des points ne peut être que liée à la tradition dans son fonctionnement apporte une petite source prometteuse de fraîcheur franciscaine au monde.

1  Source : http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2013/march/documents/papa-francesco_20130316_rappresentanti-media.html

2  Voir à ce sujet : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/03/05/01016-20130305ARTFIG00617-le-catholicisme-reference-majeure-en-amerique-latine.php

3  JRS, Service Jésuite des Réfugiés : http://fr.jrs.net/

4  Source : http://www.evangelium-vitae.org/documents/233/guetteurs-veilleurs/vie-spirituelle/france-fille-ainee-de-l-eglise-estu-fidele-aux-promesses-de-ton-bapteme-.htm.

5  Site des cercles de silence sur la toile : http://www.cercledesilence.fr/

6  Site du programme Mc Luhan de l’Université de Toronto : http://mcluhan.ischool.utoronto.ca/

7  Site Officiel des Franciscains du Bronx : http://franciscains.free.fr/

8  Source l’Internaute : http://www.linternaute.com/proverbe/349/ventre-affame-n-a-point-d-oreilles/

9  Source : http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Pape-Francois-Le-naufrage-de-Lampedusa-est-une-honte-!-2013-10-03-1032214

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Dalarun Jacques (sous la direction de) — Avec la collaboration de Gisèle Besson, Michael W. Blastic, Marc Boriosi, Alexis Charansonnet, Michael F. Cusato, François Delmas-Goyon, Laurent Gallant,, Jean-François Godet-Calogeras, Jay M. Hammond, J.A. Wayne Hellmann, Isabelle Heullant-Donat, Timothy J. Johnson, Jean-Baptiste Lebigue, Olivier Legendre, Armelle Le Huërou, André Ménard, Pietro Messa, Marc Ozilou, Luigi Pellegrini, Sylvain Piron, Dominique Poirel, Jeanne Poirel, Marie Anne Polo de Beaulieu, William J. Short. Préface par André Vauchez. (Mars 2010).François d'Assise — Écrits, Vies, témoignagesÉdition du VIIIe centenaire (2 volumes). Paris : Collection Sources Franciscaines. Editions Franciscaines.

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