DOSSIER : POLITIQUE DE SANTE
José Polard est psychologue et psychanalyste. Il préside l’association « EHPAD de côté- Les pas de côté ». Il anime des blogs : http://lagelavie.blog.lemonde.fr/ et https://blogs.mediapart.fr/jose-polard-0/blog. Il est co-directeur de la collection « L’âge et la vie », avec M. Billé, C. Gallopin aux Editions Erès.
SOMMAIRE
1. Brève histoire de la politique vieillesse
1.1. Naissance de la politique vieillesse avec le rapport Laroque en 1962
1.2. Le virage de la dépendance
1.3. Le choc de la canicule de 2003
1.4. La loi d’adaptation de la société au vieillissement
1.5. L’émergence de nouveaux acteurs et trois logiques d’action
2. La Silver économie, une puissance en marche en quête d’un eldorado
2.1. Le public visé
3. Gouverner par l’influence
3.1. Edward Bernays, Propaganda. Comment manipuler l'opinion en démocratie ?
3.2. Un art d’agir et de gouverner une opinion
4. La Silver économie, ses stratégies de communication et de relations publiques
4.1. Lobby et communication d’influence en direction de l’Etat et des décideurs
4.2. D’un rapport aux sciences, médecine et statistiques d’une part, sciences humaines et sociales d’autre part
4.3. La stratégie de marque en Silver économie
4.4. L’ambition d’un thought leadership de la marque Korian
4.5. Une puissante communication défensive, illustrant d’un accès massif aux médias
5. La fabrique de la société des seniors
5.1. La société des seniors : inclusion et exclusion
5.2. Les exclus
5.3. Les inclus, ce que cela implique.
5.4. Un « senior », mais quelle définition ?
6. Penser l’action du marketing sur nous
6.1. Consommation
6.2. Marketing anthropologique et générationnel
6.3. Le miroir aux alouettes
Depuis quelques années, notre pays s’est engagé dans un ambitieux projet politique, social et économique assez singulier, celui de bâtir une société des seniors dont un des objectifs essentiels sera de « bien- vieillir ». Cette société des seniors, aux contours flous, semblent inscrire chacun (dès l’âge de 50 ans...), dans une temporalité suspendue qui s’allonge et se rallongera toujours plus, via les progrès de la médecine (numérique, régénérative, prothétique, etc.), au point que le « senior » peut apparaitre comme le maillon manquant qui nous ferait passer de l’homme diminué à l’homme augmenté.
Une industrie dite du bien-vieillir, la Silver économie porte ce projet avec d’énormes moyens financiers, privés pour une part, étatiques pour le reste, depuis la signature d’un contrat de filière en 2013. A chacun sa répartition des tâches ; l’Etat pour impulser mais aussi contrôler et réglementer, et au marché à forte inspiration libérale l’objectif attribué de développer, d’organiser et rentabiliser.
Cette politique de la vieillesse est disruptive à bien des égards. La culture que porte ces entreprises imprègne la décision politique, influe sur des nouveaux modes managériaux1, rationalise à l’excès le fonctionnement des structures d’accueil des personnes âgées dépendantes, transforme l’usager en consommateur, fabrique et segmente une société des seniors à des fins commerciales, établit des relations de grande proximité avec les médias tout comme avec les sciences humaines et sociales. Cette vision projetée du sujet âgé est dans sa communication forcément positiviste, puisqu’il s’agit de le narcissiser tout comme les entreprises qui souhaitent s’engager dans ce marché. Evidemment l’écart entre cette projection et la réalité du terrain explique bien des crises. Enfin le marketing envahit tout, de l’image aux mots afin de produire un discours performatif.
Cette alliance, une co-construction dans les faits, de l’Etat et d’une filière industrielle se caractérise par un certain type de gouvernance, agissant conjointement sur l’économie et l’opinion, promouvant pour une part importante de cette société des séniors, les « plus jeunes », certains aspects caractéristiques d’une société du spectacle.
Pour ce faire, la Silver économie a mis en place diverses politiques d’action et de communication à visée d’influence à destination des décideurs, de l’opinion et de sa cible, les seniors. C’est sur cet aspect que notre analyse sémiologique portera pour montrer ainsi comme on nous silverise, comme on nous seniorise.
1. Brève histoire de la politique vieillesse
L’action publique à destination des personnes âgées est une pratique sociale relativement récente dans l’histoire de la société française. Par le passé, la prise en charge des vieillards relevait généralement de la sphère privée et familiale, et dans une moindre mesure du réseau traditionnel d’assistance à la pauvreté. Puis, avec l’avènement de la société industrielle, les modes d’organisation de la famille vont profondément évoluer. On assiste progressivement à une diversification des modes d’aide et de prise en charge des personnes âgées, avec notamment la montée en puissance de l’action publique.
Comme l’ensemble des politiques sociales, les politiques à destination de la population âgée se développent à partir du milieu du XXe siècle avec, d’abord, la structuration de l’assurance vieillesse, puis plus tard, d’un système d’assistance et d’action sociale spécifique.
1.1. Naissance de la politique vieillesse avec le rapport Laroque en 1962
Considéré comme l’acte fondateur des politiques vieillesse en France, le rapport Laroque propose une approche plutôt “moderniste” de la vieillesse « conçue comme un “3e âge actif, autonome et participant” ». On assiste ainsi à l’émergence d’une nouvelle catégorie sociale, le troisième âge, vers qui il ne s’agit plus seulement de porter une politique des retraites, mais une politique des “modes de vie” tant celle-ci induit une régulation des conduites individuelles.
La logique prônée par le rapport Laroque s’inscrit en porte-à-faux avec les pratiques antérieures d’assistance caritative aux pauvres et de relégation des vieillards dans les hospices et les asiles. L’intégration dans la société et le maintien des personnes âgées dans leur environnement constituent les mots d’ordre de cette nouvelle politique vieillesse qui se met en place.
Dans les années 70, se structure le secteur social et médico-social avec la loi fondatrice du 30 juin 1975. Cette volonté politique insufflée au début des années 1960 s’inscrit dans un contexte de forte croissance économique.
Avec le ralentissement de la croissance s’invite dans le débat un nouvel enjeu, désormais incontournable, la maîtrise des dépenses de protection sociale. Cette nouvelle ère économique qui voit se creuser le déficit des budgets sociaux a donc des répercussions importantes sur les soins et l’aide sociale à destination des personnes âgées.
La loi Defferre du 2 mars 1982 confie aux départements la responsabilité de l’action sociale et de l’aide sociale à destination des personnes âgées.
1.2. Le virage de la dépendance
Cette nouvelle ère budgétaire correspond également à l’enclenchement d’une nouvelle dynamique des politiques vieillesse, plus centrée cette fois sur la prise en charge de la dépendance. On s’éloigne ainsi de la gérontologie sociale au profit d’une approche plus médicale de la vieillesse de plus en plus considérée sous l’angle des incapacités et de la dépendance. La vieillesse, appréhendée jusque-là via la figure du 3ème âge, est désormais considérée sous le jour de l’invalidité.
On continue de soutenir les dispositifs de maintien au domicile, mais cette fois en encourageant la diversification des modalités d’aide. La logique d’emploi s’invite ainsi dans les actions de politique vieillesse avec en trame de fond la volonté de libéralisation du secteur de l’aide à domicile. Le début des années 2000 est marqué par une loi majeure en matière de politiques vieillesse, la loi du 20 juillet 2001, qui instaure une nouvelle prestation sociale spécifique aux personnes âgées dépendantes. L’Allocation personnalisée d’autonomie ou APA.
1.3. Le choc de la canicule de 2003
La canicule de l’été 2003 génère une onde de choc chargée de culpabilité, si ce n’est de culpabilisation sociale, qui met en lumière la situation d’isolement et d’exclusion dans laquelle se trouvent un grand nombre de citoyens âgés. Les pouvoirs publics réagissent avec la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées – à l’origine de la création de la CNSA, de la mise en place d’un plan d’alerte et d’urgence, et de l’institution d’une journée de solidarité.
Deux autres lois sont également importantes concernant, cette fois, l’affirmation des droits liés à la perte d’autonomie : la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale [9] permet d’encadrer davantage les pratiques et de renforcer les droits des usagers ; la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées promeut par là-même les droits des personnes âgées en situation perte d’autonomie.
Les années 2000 se caractérisent, par ailleurs, par le renforcement de la coordination gérontologique, mais sans que cela soit élaboré de manière structurée ce qui renforce les inégalités territoriales en matière de politiques vieillesse.
1.4. La loi d’adaptation de la société au vieillissement
Cette loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dite loi ASV, est le dernier grand acte en matière de politiques vieillesse. Elle porte avant tout une ambition très forte de prise de conscience nationale de l’imminence et de l’importance du vieillissement de la population en France. Loin d’être un sujet annexe qui pourrait être géré de manière indépendante des autres pans de la société, le vieillissement est au cœur des projets sociétaux et doit être intégré dans l’ensemble des politiques publiques.
Elle porte, également, un discours sur la vieillesse qui n’est plus seulement centré sur la perte d’autonomie. Il apparaît de fait que le “tout médical” ne constitue pas une réponse suffisante au défi du vieillissement qui doit être appréhendé de manière plus globale : promotion de la prévention et de la participation sociale – lutte contre l’isolement – amélioration de l’habitat, etc. Sur cette dimension de déclencheur, la loi ASV a plutôt bien joué son rôle. En revanche, elle a également été déceptive dans le sens où les mesures et les moyens déployés ont pu être jugés insuffisants au regard des ambitions affichées.
1.5. L’émergence de nouveaux acteurs et trois logiques d’action2
Il faut dire que dans un contexte de stagnation économique et de réduction des déficits, les marges de manœuvre pour établir une politique vieillesse nationale qui porte fort les ambitions sociétales restent somme toute limitées – ouvrant ainsi la voie à de nouveaux acteurs.
En promouvant une approche du vieillissement moins centrée sur une logique catégorielle, l’État a ouvert le champ à des acteurs susceptibles de s’intéresser à cette problématique. Mais cette évolution du référentiel peut-elle ouvrir un nouveau cycle pour l’action sociale vieillesse dans un contexte où l’État ne dispose plus des moyens de ses ambitions.
Dominique Argoud distingue trois logiques d’actions :
« - une logique de territorialisation : Elle consiste à promouvoir des actions intersectorielles et globales à l’échelle d’un territoire de proximité de façon à ce que le vieillissement soit mieux pris en compte par l’ensemble des acteurs. Sa finalité est de « déspécialiser » la vieillesse en ouvrant la réflexion locale à des non-spécialistes de la gérontologie.
Pour notre part, nous considérons cette logique très dynamique dans les territoires comme l « ’assise ou la pierre angulaire » de tout projet gérontologique, dans une perspective éco-systémique, avec une dimension contributrice et co-élaborative.3
- une logique de seniorisation : des politiques conçues avec le soutien de l’État, afin de favoriser le « bien-vieillir ». Ce faisant, ces dernières ont tendance à se centrer sur la figure du sénior, du jeune vieux, et à valoriser les comportements prédictifs d’une « belle » vieillesse, contribuant ainsi à occulter le vieux dépendant et à le renvoyer sur une prise en charge sanitaire dans et par des institutions spécialisées
- une logique de marchandisation, qui se traduit concrètement par l’introduction d’une logique de plus en plus concurrentielle et pour conséquence la privatisation de l’action gérontologique. »
Cette dernière constitue évidemment le cœur des actions de la Silver économie. Mais nous considérons que le champ d’action de celle-ci se déploie progressivement, presque sans fin, et recoupe les deux autres logiques décrites ci-dessus. Ne se réduisant pas à un simple secteur industriel, à une approche de marché et d’innovation technologique, il intervient de plus en plus, selon un modèle marchand, dans les registres de prévention de la santé et même d’inclusion sociale, sans oublier tout récemment l’ambition de structurer les politiques de territoires par des filières régionales.
2. La Silver économie, une puissance en marche en quête d’un eldorado4
L’or gris, mirage ou réalité progressive, la question se pose encore. Relevons déjà que la solvabilité des consommateurs d’une part, la dimension captive des marchés d’autre part en constituent des éléments clés. Mais qu’est-ce que la Silver économie ?
Améliorer la qualité de vie des personnes âgées, garantir leur autonomie le plus longtemps possible ou même allonger leur espérance de vie : tels sont les principaux objectifs de la Silver économie. Sous ce nom se cachent l'ensemble des produits et services à destination des seniors, qui se développent avec le vieillissement des Français. « Les nouveaux besoins économiques, technologiques et industriels liés à l'avancée en âge (...) [ouvrent] un champ vaste pour l'économie et l'industrie dans nos pays », soulignaient déjà en 2013 les ministères de l'Economie et des Finances et des Affaires sociales et de la Santé lors de la signature du contrat de filière.
Dès lors, cette industrie va se structurer progressivement via France Silver Éco. Il s’agit d’une association qui a vocation à fédérer les acteurs qui souhaitent proposer ensemble des solutions et produits permettant de répondre aux besoins des seniors, qu’ils soient actifs et indépendants, fragiles ou en perte d’autonomie. Collectivités territoriales, industriels, métiers de l’immobilier, financeurs, assureurs, clusters5, fédérations représentatives, autant de membres d’un même environnement qui doivent réussir à partager des objectifs communs pour faire avancer la cause de la « société de la longévité ». Elle prône une vision active de la « séniorité » où l’habitat adapté, mobilité, inclusion sociale, santé préventive sont des axes essentiels au bien-vieillir.
Son premier objectif consiste à organiser en une filière industrielle les nombreux acteurs concernés et qui peuvent proposer des produits adaptés aux plus âgés, dans les secteurs de la santé, de la sécurité et l'autonomie, de l'habitat et l’immobilier, des services, des loisirs, de la communication, des transports, etc.
Récemment une organisation régionale complète la stratégie. « L’Etat a ainsi eu le grand mérite de mettre la Silver Economie sur les rails : il convient désormais que les Régions puissent décliner cette Silver Economie sur les territoires et de développer des éco-systèmes locaux en partenariat avec l’ensemble des acteurs de terrain. » déclare Luc Broussy président de France Silver Eco.6
Le deuxième objectif majeur, explicite et clairement assumé, consiste à un rôle d’influence, de communication et de lobbying pour lever les freins au développement de la Silver économie.
2.1. Le public visé
Les produits et services de la Silver économie peuvent être ciblés selon ces trois catégories de public.
1. Les âgés dits « actifs ». Ces retraités, autonomes et indépendants connaissent un vieillissement habituel ou usuel avec le cas échéant des atteintes de certaines fonctions, liées à l’âge, considérées comme physiologiques.
2. Les âgés dits « fragiles ». Ces personnes présentent des limitations fonctionnelles et une baisse des capacités d’adaptation ou d’anticipation, sous l’action conjuguée du vieillissement physiologique, de maladies chroniques et du contexte de vie. La fragilité doit être comprise comme une situation dynamique ou même un état instable, qui peut évoluer vers une rupture d’équilibre, des complications et une perte d’autonomie, mais peut aussi être stabilisée par des interventions appropriées.
3. Les âgés dits « dépendants ou en perte d’autonomie ». Ces âgés ont besoin d'être aidés pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie ou requièrent une surveillance régulière. Ils peuvent vivre à domicile ou en EHPAD. Ils ne représentent que 8 % du nombre d’âgés en France.
Cet ensemble constitue un ensemble hétérogène qui va constituer la société des seniors. Nous pouvons dès lors, constater le tryptique suivant :
-
une filière industrielle la Silver économie.
-
sa cible, la société des seniors, nous étant projetée sur le mode d’une société du spectacle (et de la jouissance, encore). Une société, pas sans effets d’exclusion de certains, dont nous illustrerons comment elle est en partie fabriquée.
-
et une idéologie le bien-vieillir, avec un changement de paradigme majeur. Jusqu’à présent, pour tout un chacun, le travail psychique lié au vieillissement consistait à accepter de vieillir, ou pas. Dorénavant il s’agira de réussir7 son vieillissement8. Dans les faits, nous assistons à une co-construction de cette nouvelle politique vieillesse, l’Etat restant étroitement lié à la Silver économie par de nombreux liens de proximité et agissant selon le mode de l’impulsion sur le plan social, de l’encadrement par des lois programmatiques et enfin veillant à un strict contrôle sur les plans sécuritaire et sanitaire.
Dans chacun de ces trois registres, Silver économie, société des séniors, idéologie du bien-vieillir, nous faisons le constat d’une puissante politique de l’influence avec ses diverses modalités d’action :
Lobbying auprès des décideurs et acteurs publics ; communication d’influence et relations publiques ; communication de crise et d’acceptabilité ; campagnes envers l’opinion publique avec le développement d’un marketing social (le bien-vieillir), caractérisé par un positivisme systématique relayé via un accès massif aux médias ; utilisation des savoirs universitaires et de recherche à des fins de connaissance des consommateurs transformés bien souvent en discours performatif ; constructions d’identité de marques ; et enfin un silver marketing envahissant et segmentant la société des seniors afin d’affiner les cibles, couplé à un story stelling « radieux »via l’image et les mots.
3. Gouverner par l’influence
3.1. Edward Bernays, Propaganda. Comment manipuler l'opinion en démocratie ?
Les usages, parfois peu scrupuleux, que l'on peut faire des sciences humaines et sociales peuvent s'avérer redoutablement efficaces, notamment quand elles revêtent la forme du marketing, également appelé de manière euphémisée « relations publiques ». La démonstration en a été faite dès 1928 par Edward Bernays considéré comme le père de la propagande politique institutionnelle et de l'industrie des relations publiques, ainsi que du consumérisme américain.
Le coup de maître de Bernays fut sans doute, pour le compte d'une multinationale du tabac, d'avoir réussi à amener les femmes américaines à fumer, alors même que la cigarette leur était peu de temps avant encore interdite, et surtout que cette pratique était initialement perçue par nombre d'entre elles comme machiste. Mais le facteur décisif dans la généralisation des relations publiques réside certainement dans la mise en place en 1917 de la Commission on Public Information, dite « Commission Creel » du nom du journaliste qui la dirigeait, par le président Wilson, dont l'objectif était de convaincre la population américaine, jusque-là majoritairement réticente, de la nécessité d'une entrée en guerre.
Ce « laboratoire de propagande moderne » réunissant journalistes, intellectuels et publicistes réussit au-delà de toutes espérances, et ce fut le début des campagnes de masse telle que nous les connaissons encore et plus que jamais aujourd'hui. Le texte de Bernays constitue ainsi un véritable manuel de « relations publiques » destiné tout à la fois à transmettre un certain nombre de techniques de propagande, mais aussi à convaincre les incrédules des vertus. Par la « fabrique du consentement ».
Ce texte commence par ces mots explicites : « la manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays ». Ce pouvoir s'exerce sous la forme d'interactions coordonnées et par la convergence d'intérêts -Bourdieu parlait de « connivence ».
Un argument récurrent que Bernays utilise pour répondre aux objections potentielles consiste à affirmer que certes, la propagande (dont il s'efforce de réhabiliter une acception neutre, pour ne pas dire positive) peut être utilisée à mauvais escient, mais « cette organisation et cette polarisation [de l'opinion publique] sont nécessaires à une « vie bien réglée », bien organisée dirions-nous.
Bernays remarque cependant que si la manipulation de l'opinion a toujours existé sous diverses formes de la part des gouvernants, celle-ci a pris un tour nouveau avec l'élévation du niveau d'instruction qui a permis, non pas au peuple de s'émanciper, mais à une minorité d'influencer la majorité bien plus efficacement que ne pouvaient le faire les monarques absolutistes des époques antérieures.
Les « nouveaux propagandistes » dont il s'efforce ensuite de dresser le portrait sont ainsi plutôt des « hommes de l'ombre », dont il détaille la liste pour l'époque : présidents de groupes d'intérêt en tous genres, écrivains, journalistes, producteurs, mais aussi ecclésiastiques populaires, financiers ou sportifs de haut niveau. En somme, ceux que nous appelons aujourd’hui le gouvernement des experts et des « leaders d'opinion ».
Bernays insiste ensuite sur l'importance d'influencer ces « modèles », et plus généralement tous ceux qui sont un tant soit peu suivis dans leur comportement ou leur discours, postulant un grégarisme marqué au sein de la population. Ainsi écrit-il que « dans maints domaines de la vie quotidienne où nous croyons disposer de notre libre-arbitre, nous obéissons à des dictateurs redoutables ». Il y a là un certain pressentiment du concept d’« habitus » développé plus tard par Bourdieu, à l’origine de la détermination sociale des goûts et utilisé par l’approche marketing.
Dans « La société des individus », Norbert Elias évoque le terme latin d'habitus pour évoquer une « empreinte » de type social laissée sur la personnalité de l'individu par les diverses configurations (systèmes d'interdépendance) au sein desquelles celui-ci agit.
Pour Bourdieu, l'habitus est pour lui le fait de se socialiser dans un peuple traditionnel, définition qu'il résume comme un « système de dispositions réglées », qui permet à un individu de se mouvoir dans le monde social et de l'interpréter d'une manière qui d'une part lui est propre, qui d'autre part est commune aux membres des catégories sociales auxquelles il appartient. Matrice des comportements individuels, cet habitus influence tous les domaines de la vie (loisirs, alimentation, culture, travail, éducation, consommation…).
Pour l'entreprise, Bernays s'efforce de démontrer en quoi la mise en œuvre des techniques de propagande ne constitue pas une manipulation du grand public, mais au contraire favorise la rencontre entre l'entreprise et ses clients potentiels. Un discours de légitimation qui est encore au fondement des cours de marketing dispensés dans les formations de gestion.
Il liste l'ensemble des moyens de propagande disponibles à son époque, tout particulièrement ces nouveaux outils que représentent alors la radio ou le cinéma. Actuellement, ces outils9 contemporains sont encore plus puissants et précis qu’il s’agisse d’Internet, des réseaux sociaux, du numérique, du Big data, etc., afin que « les esprits intelligents comprennent qu’ils leur offrent l'outil moderne dont ils doivent se saisir à des fins productives, pour créer de l'ordre à partir du chaos ».
3.2. Un art d’agir et de gouverner une opinion10
« Économie et opinion, ce sont là, je crois, les deux grands éléments de réalité que le gouvernement aura à manipuler. »11
M. Foucault a montré qu’à partir du XVIIIe siècle, l’art de gouverner suppose que la Raison d’État puisse s’imposer toujours davantage à la population. Il ne s’agit plus d’imposer des croyances vraies ou fausses auxquelles on demande aux individus de se soumettre mais toujours davantage de connaître, de modifier et de modeler l’opinion de la population à laquelle il est demandé une servitude volontaire ou une soumission librement consentie, ce que Bernays nommerait la fabrique du consentement.
Pour cela, il faut une police des conduites qui prélève, rapporte, rassemble et analyse des données sur les forces et les ressources d’une population. Ces techniques de connaissances des individus par l’analyse de leur comportements et besoins constituent un savoir que l’État doit constituer à partir d’enquêtes ou de sondages pour agir sur le comportement des individus conçus comme sujets économiques, et sur leurs représentations sociales, individuelles et collectives puisqu’ils sont aussi des sujets politiques. C’est donc l’activité de l’homme concret qui va faire l’objet d’un savoir pratique constitutif d’un guide politique pour l’exercice du pouvoir et d’un guide moral, normatif, pour la population à laquelle le Pouvoir se doit de renvoyer en retour les informations qui la concernent.12
On voit ici d’une part, comment les sciences sont convoquées pour construire un savoir sur la population qui permette l’action politique et l’hygiène des conduites, et d’autre part, on soulignera comment tous les médias et leurs réseaux des plus archaïques aux plus sophistiqués se trouvent invités à modeler l’opinion que les gens peuvent se faire de la manière dont ils sont gouvernés.
Cet art de gouverner n’a de cesse de promouvoir la figure anthropologique d’un homo economicus capable de gérer lui-même toutes ses conduites au mieux de ses intérêts économiques. Ici gouverner ce n’est plus seulement faire croire, faire de la propagande, c’est promouvoir une vente et adapter ses produits aux demandes sociales des consommateurs
En somme une nouvelle civilisation s’affirme qui tend à confier aux experts et aux publicitaires le soin de penser à notre place en fabriquant une opinion majoritaire se faisant passer pour une vérité ou une norme. La publicité et la propagande rendent crédibles ce que l’on ne parvient pas à distinguer comme vérité ou erreur et la référence aux experts tente de suppléer au déficit de l’autorité.
4. La Silver économie, ses stratégies de communication et de relations publiques
Qui ne fait le constat de son omniprésence et de son influence dans tous les débats concernant le vieillissement, promouvant sa philosophie et ses orientations ? Avec l’efficacité d’un lobbying de haut niveau, elle s’impose comme un interlocuteur incontournable et créant les conditions d’une proximité idéologique contagieuse – comme le montrent les travaux de George Stigler (1911-1991) [Prix Nobel d’économie en 1982 dont les travaux ont montré que l’Etat-providence sous l’emprise des groupes de pression, n’est plus garant de l’intérêt général] – avec certaines sphères politiques et la haute administration, et donc génératrice d’intérêts communs13. Cette proximité est cause de nombreuses confusions, entre un intérêt public et sociétal et des intérêts privés, confusion des rôles -décrypteurs ou prescripteurs pour les experts, confusion identitaire dans la définition des seniors.
4.1. Lobby et communication d’influence en direction de l’Etat et des décideurs
Les actions de lobbying et de communication d’influence auprès des pouvoirs publics sont des moyens d’action classiques pour une industrie lorsqu’elle veut promouvoir ses intérêts.
Lobbyiste ou groupe d'intérêt, groupe de pression, groupe d'influence, quelle que soit l’appellation, il s’agit d’un groupe de personnes créé pour promouvoir et défendre des intérêts privés en exerçant des pressions ou une influence sur des personnes ou des institutions publiques détentrices de pouvoir. Ces actions, menées par des représentants d'intérêts, sont le lobbying, qui consiste « à procéder à des interventions destinées à influencer directement ou indirectement l'élaboration, l'application ou l'interprétation de mesures législatives, normes, règlements et plus généralement, toute intervention ou décision des pouvoirs publics14 » Par exemple, le rôle d'un lobby sera d'infléchir une norme, d'en créer une nouvelle ou de supprimer des dispositions existantes.
Cette pratique est très encadrée en France, notamment depuis la création de la haute autorité pour la transparence de la vie publique15. A titre d’exemple, parmi les lobbyistes de la Silver économie, on relève : -des cabinets de conseils (conception de stratégies de communication d’influence appropriées, élaborées en vue de sensibiliser les décideurs aux problématiques et de faire partager les aspirations à des publics ciblés), afin que les messages soient diffusés efficacement ; -des cabinets d’affaires publiques et de lobbying ; -mais aussi des syndicats SYNERPA ; -des entreprises, KORIAN, DOMUSVI, etc. et des lobbyistes indépendants. Ces actions passent aussi par des rencontres, informelles ou organisées, lors de journées parlementaires thématiques, des clubs parlementaires16.
La communication d'influence se distingue du lobbying puisqu’elle vise à influencer les décideurs politiques, par une démarche indirecte qui consiste à agir sur l'opinion publique17, considérant que celle-ci pèse fortement sur les choix politiques.
4.2. D’un rapport aux sciences, médecine et statistiques d’une part, sciences humaines et sociales d’autre part
Les relations entre les chercheurs et les universitaires et la Silver économie se déclinent dans les trois registres suivants :
-Une entreprise, à fortiori quand con champ d’action est l’humain se doit de connaitre et d’analyser les travaux académiques pour une meilleure connaissance de ses clients, en l’occurrence les seniors, afin de répondre à leurs besoins. A travers l’offre de colloques, salons, conférences, revues, qu’elle finance et les rémunérations qu’elle propose, la Silver économie propose aux chercheurs et universitaires des espaces d’exposition de leurs travaux et de leur utilité. Par contre, il deviendra, implicitement, compliqué de critiquer le modèle que porte cette industrie, nécessitant une forme d’auto censure, sous peine d’être plus ou moins blacklisté.
C’est ainsi que nous expliquons l’absence18 saisissante d’études ou de d’informations médias critiques sur la « salle de machinerie » de la Silver économie et de la confusion que cela entraine. A titre d’illustration, la « revue de proximologie », excellente quant à son contenu, destinée aux professionnels de santé et aux chercheurs, concernant les relations entre les personnes malades et leur entourage est portée par la Fondation Novartis, émanant du grand groupe pharmaceutique suisse. Or sur le même site, la présentation de cette fondation cohabite avec les résultats, les carrières, les investisseurs, pèle mêle suscitant une certaine confusion quant à ses buts.
-Savez-vous que Microsoft est le deuxième plus important employeur d'anthropologues au monde, tout de suite après le gouvernement américain ? L'idée même de l'anthropologue, observateur des mœurs d'une lointaine race autochtone ou de l'archéologue à la découverte de pointes de flèche ou d'artefacts semble de plus en plus éloignée. Aujourd'hui, de plus en plus d'entreprises emploient des spécialistes des sciences humaines et sociales assez sophistiquées au service du marketing. Ces entreprises s'entourent de diplômés en sciences sociales issus de l'anthropologie, de la sociologie et de la philosophie, de la psychologie, de la médecine, etc., car il s'agit d'aller beaucoup plus loin pour tenter de comprendre les motivations profondes des consommateurs. Ces consultants sont pour la plupart des détenteurs de maîtrise (parfois de doctorat) qui ont délibérément délaissé la sphère académique - avec ses contraintes éthiques, disons le franchement - et où il y a de moins en moins de postes de toute façon.
-La Silver économie soutient, promeut ou projette des experts leaders d’opinions, dont les relais médiatiques et les caisses de résonance portent un message ou des prescriptions. En somme ils ne sont pas simplement des décrypteurs mais aussi des prescripteurs, par l’aspect prononcé d’un discours performatif.19 Cela requiert de leur part un niveau d’attention, afin de ne pas être qualifiés de trafic d’influence, notamment vis-à-vis à l’égard des marques.
4.3. La stratégie de marque en Silver économie
La Silver économie si elle héberge de nombreuses marques, est en elle-même autant construite comme un label que comme une marque. Cette logique, qui n’a rien de commun avec les acteurs habituels du champ de la gérontologie, présente de nombreux intérêts stratégiques : -le critère de marque est un équivalent de qualité pour le public. -les revenus sont assurés car on vise une clientèle plus aisée, (du moins au début) qui a l’habitude de payer. -on vend ainsi par l’intermédiaire d’une image et d’un discours. – c’est un critère rassurant et déterminant pour un investisseur privé pour acheter une chambre en EHPAD, etc.
Korian, un exemple du positionnement et de la stratégie d’une marque consacrée au marché de la vieillesse
Korian est le numéro 1 des maisons de retraite en France et en Europe. Sur un segment en plein essor du fait du vieillissement accru des populations et de la perte d’autonomie qui s’ensuit souvent, l’entreprise ambitionne depuis des années d’être un leader référent et aspirationnel20 sur le sujet. Pour cela, en 2015 Korian lance une stratégie de marque.
Tout en comptant sur les opportunités de reprise d'Ehpad associatifs en difficultés, Korian prévoit donc de se développer dans les services à domicile, les résidences de services et les RSS. Avec ses nouvelles dimensions, le groupe, notamment détenu par l'assureur Predica, filiale du Crédit Agricole, et le canadien Investissements PSP, veut surtout se déployer autour de sa propre marque. Le projet est ambitieux : même aux Etats-Unis, le marché de la vieillesse n'est pas « brandé » (marqué). Il faudra tout de même assumer sans complexe la posture – une entreprise commerciale, lucrative et cotée en Bourse dans le secteur sanitaire et social – qui n'est pas sans rappeler celle des gros acteurs de la restauration collective, dans les années 1980.
Le PDG de l’époque est convaincu qu'en matière de bien-vieillir, « le premier opérateur qui réussira à créer un territoire de confiance autour d'une marque aura un atout concurrentiel significatif. »
En 2016, étape supplémentaire de cette stratégie de marque, le groupe refond son écosystème digital, accompagné par la même agence Babel avec 3 nouveaux sites :
-
Korian.com, un site corporate au service de la stratégie de marque, de la RSE, de la marque employeur et des enjeux financiers avec un véritable espace Investisseurs.
-
Korian.fr, un site commercial au service du business et du recrutement, qui présente l’ensemble de l’offre Korian en termes de maison de retraite, de clinique SSR (ou Soins de Suite et de Réadaptation), de résidence services et d’hôpital.
-
Institutdubienvieillirkorian.org, un site au service du thought leadership( voir plus loin) de la marque qui présente les travaux prospectifs et sociétaux de l’Institut autour des thématiques du Plaisir, du Vieillir Ensemble et Vieillir Demain.
Cet institut illustre, d’une part le flou existant dans les relations entre la Silver économie et les sciences humaines et sociales dans l’usage de ces dernières, et d’autre part le souci constat de n’aborder le vieillissement que dans ses perspectives plaisantes ou valorisantes, ce qui évacue, de fait, tout possibilité d’une pensée critique, pourtant selon nous, contributive.
La page d’accueil du site Web consommateurs de Korian est à cet égard emblématique de l’image aspirationnelle et rassurante que souhaite cultiver l’enseigne. Le film institutionnel de Korian met d’emblée en avant les 4 valeurs qui structurent la philosophie et la gouvernance de l’entreprise : « Bienveillance, Transparence, Initiative et Responsabilité ». Avec de surcroît, une signature martelée régulièrement : « Le soin à cœur ». Sur un sujet aussi délicat et sensible que sont le vieillissement et la perte d’autonomie, l’entreprise entend revendiquer un positionnement haut de gamme où l’humain est au centre des attentions et des soins de ses équipes dans les maisons de retraite.
Korian a pour cela forgé un concept, le « Positive Care » qui est décliné dans toutes ses communications.
Il s’agit pour lui de cultiver un imaginaire qui incarne les valeurs de la marque et donne vie au mythe de celle-ci. Cet idéal est éloigné de la réalité de vie de ses clients ? C’est bien pour cela qu’elle est dite « aspirationnelle » : elle est en élévation, au niveau du monde des Idées.
4.4. L’ambition d’un thought leadership de la marque Korian
Le Thought Leadership se définit comme l’art de positionner son entreprise comme un meneur d’opinion sur un sujet donné, en produisant du contenu à haute valeur ajoutée. Souvent, cela réside dans du contenu prospectif et créateur de tendances. C’est finalement la faculté à prendre la parole sur une thématique stratégique pour l’entreprise afin de faire autorité et d’être considéré comme un influenceur par les professionnels de l’industrie.
En effet, un thought leader, ou meneur d’opinion, peut aussi bien être un individu qu’une entreprise ; en plus d’être un vecteur de création de business pour l’entreprise en faisant preuve d’expertise, et donc de savoir-faire, le Thought Leadership a d’autres bénéfices :
-Il peut permettre aux managers d’« éduquer » leurs salariés sur la vision, les valeurs et la stratégie de l’entreprise, en leur montrant le discours public à tenir.
-Il sert également, en positionnant l’entreprise comme définisseur de tendances, à influencer l’industrie dans son ensemble vers une évolution souhaitée et favorable à l’entreprise.
-Enfin, le Thought Leadership est créateur de connexions, de partenariats, d’opportunités, pas forcément traduites en business au départ, mais qui peuvent le devenir à moyen terme.
Dans ces trois aspects, l’institut du bien-vieillir Korian fort de sa notoriété exerce sa pleine fonction au cœur de l’entreprise. Mais que penser des travaux produits par cet institut et de leur finalité ?
Mais une stratégie de marque expose de fait l’entreprise, lorsque celle-ci est confrontée à une crise (des morts problématiques en EHPAD par exemple) ce qui met alors à mal l’image idéalisée tout comme sa position sur le marché, d’où la nécessité d’une communication maitrisée avec tous les leviers d’influence possibles.
4.5. Une puissante communication défensive, illustrant d’un accès massif aux médias
Les groupes d’EHPAD, et pas simplement les privés lucratifs, accumulent depuis quelques années déjà, des crises qui sont autant de violentes remises en cause de la réalité idéalisée et affichée par les campagnes de la silver économie face à celle qui se dévoile. Remarquons d’emblée une posture systématique de communication qui consiste en une mise en accusation systématique d’« EHPAD bashing »21, dès lors qu’on émet une analyse critique de ce type d’hébergement.
Lors des situations de situation de crise, on observe ce même déroulé : une communication minimaliste des entreprises concernées, seul un leader d’opinion calibre un discours à visée politique. Longtemps, ce fut la déléguée générale du syndicat SYNERPA (EHPAD à but lucratif) mais depuis quelques années, les ministres de la santé ou en charge des personnes âgées assurent cette première et décisive communication, une nouvelle illustration de la proximité entre l’Etat et la Silver économie. Les éléments de langage communs se positionnent très vite et une enquête est annoncée dans le temps court. Inévitablement s’en suivent des débats médiatiques en résonnance à l’indignation publique mais la temporalité médiatique étant ce qu’elle est, cela cesse assez rapidement. Puis la communication marketée reprend avec des « leaders d’opinion positifs ».
C’est que la question est sensible médiatiquement depuis la canicule mortelle de 2003. Chaque crise est un focus sur le fonctionnement des EHPAD, très imparfait : manque de personnel de plus épuisé, dure rationalité des gouvernances qui intervient jusqu’au nombre de couches allouées par personnes âgées, aux nombres de douches que les équipes soignantes doivent enchainer comme à la chaine, sans parler du scandaleux prix en euros alloué aux résidents, à peine quelques euros.
La réputation (ça compte pour une marque) des grands groupes d’EHPAD est toujours au bord d’une rupture d’équilibre, sensible au débat récurrent des conditions de vie et de soins des personnes âgées placées en EHPAD ainsi que le peu de moyens et de ressources humaines pour le personnel soignant. Sans parler de la pressurisation financière qui va de pair pour ces entreprises, cotées en bourse et dont les cours peuvent vite décrocher au CAC 40. Ainsi même la communauté financière commence à émettre des doutes à l’encontre de Korian suite à un drame récent. En février 2018, un analyste avait même écrit : « Bien que les objectifs du plan stratégique Korian 2020 pour les années 2019 et 2021 soient maintenus, les guidances 2018 nous s’incitent à garder une certaine prudence en la capacité du management à redresser les marges à long terme ».
Pour cela, depuis juin 2018, Korian a accéléré le pas pour nourrir son image « d’expert des services de soin et d’accompagnement aux seniors ». Tous les lundis sur France 3 avant le 19/20, gros carrefour d’audience pour les populations seniors, il diffuse une série de 20 épisodes intitulés « Générations Indépendance ». Ceux-ci sont tournés dans les locaux même de différents établissements sous enseigne Korian avec le concours de collaborateurs qui viennent évoquer diverses thématiques liées au grand âge et comment Korian y répond avec respect et bienveillance.
5. La fabrique de la société des seniors
L’allongement de la durée de la vie nous conduit à évoquer une révolution des âges, transposée en une société des seniors. Pourtant, l’écart est grand entre la vie vieillissante de chacun d’entre nous et l’image projetée de « seniors », toujours privilégiés, qui ne sont rien d’autre qu’une nouvelle catégorie sociale créée pour ne pas nommer la vieillesse. Notons qu’il est rarement question des exclus de cette société des seniors, c’est à dire les jeunes, les vieux pauvres, les personnes âgées dépendantes.
5.1. La société des seniors : inclusion et exclusion
Nous constatons combien cette société des « seniors » est autant inclusive qu’excluante, ce qui nous fait craindre une lutte des classes « seniors » diffuse autant qu’une inévitable logique communautariste liée aux âges, tel qu’on la voit à l’œuvre déjà dans certains pays. De plus, cette manière qu’a la Silver économie de traiter l’âgisme en visant la re-narcissisation des « jeunes seniors » renvoie les autres sujets âgés vers l’ombre de la dépendance et de la bientraitance associée.
5.2. Les exclus
De cette société des seniors, en sont exclus, les jeunes, les vieux pauvres, les sujets âgés dépendants, et enfin les soignants.
Avec un telle (re)présentation de ces seniors, aux fins de renarcissiser les consommateurs, on ne peut pas être étonné du ressentiment qui monte chez les plus jeunes, ni surpris par cette guerre de générations entre jeunes et vieux qu’on nous annonce (nous préférons insister sur le nécessaire et inévitable conflit des générations pour ne pas l’occulter par un discours systématiquement « heureux » que promeut certains experts…), tellement ces campagnes médiatiques, « indécentes » par leur magnificence et leur discours de contentement, éclipsent et rejettent dans l’ombre les exclus de la société des « seniors ».
De sorte que se met en place la rivalité suivante, entre les plus jeunes plus ou moins précaires et les « seniors » nantis. Puisque tout leur est possible. Encore. Jouissants, consommateurs et solidaires, parent et enfant tout à la fois, aidant et entrepreneur, tels sont ces seniors newlook.
Exclus les vieux pauvres, nombreux à être confrontés à la précarité pour qui la « seniorisation » se traduit uniquement en terme de solvabilité, perçue comme un cap indépassable. Faire du bien- vieillir un projet de société, c’est cela aussi. Rappelons cette préconisation de l’Institut Montaigne, ici totalement désinhibé : « Développer des solutions pour « monétiser » le bien immobilier des seniors à revenus insuffisants, (recours au crédit adossé ou au prêt viager hypothécaire modernisé) permettrait de rendre liquide une partie de leur patrimoine afin de bénéficier de revenus complémentaires permettant par exemple de financer une situation de dépendance ou un hébergement en Résidence Seniors ». Ça pourrait ressembler à un coupe-gorge.
Dans cet univers, un senior n’est jamais dépendant, au grand maximum en perte d’autonomie. Autonomie qui est LE trait identitaire déterminant, celui qui en déchoit (déçoit ?) change alors d’univers, trébuchant du « senior » à celui du vieillard, via le marqueur de la dépendance. Tel un seigneur ayant perdu son fief (domicile).
Traduction économique de ce passage sans retour. L’industrie du bien-vieillir a divisé son territoire en deux marchés bien distincts : celui des « seniors », le plus prometteur, et celui de la dépendance, le plus stigmatisant. Un signifiant, une imagerie, un storytelling, un marché, voilà les outils de découpe sociétale.
Si les grands groupes d’hébergement sont florissants, c’est peu dire qu’il n’en est pas de même pour les professionnels qui y travaillent, au bord de la rupture, en carence majeure de reconnaissance sociale et financière.
5.3. Les inclus, ce que cela implique.
Cette inclusion implique une adhésion, un effort, une vigilance. A quoi ? Au bien-vieillir, projet tout autant personnel que sociétal, Si un senior est responsable de sa bonne santé, en prenant soin de lui-même, en somme, il pourra « moralement » se sentir coupable de sa maladie, voire pire de sa perte d’autonomie, au regard d’éventuels excès ou intentions psychiques.
La novlangue
Sommes-nous bien conscients de la programmation annoncée, dans la langue française, de la disparition des mots « vieillesse » et « vieillissement » et de leurs dérivés directs ?22
Préfigurant une philosophie transhumaniste, elle est le fruit d’une stratégie de communication et de travail de l’opinion, en marche, afin de remplacer tous les mots qui traduisent cette expérience humaine pour d’autres, plus flous et imprécis : seniors, silver et ses dérivés, personnes dépendantes, quincados, et tant d’autres. Récemment, une ancienne ministre des personnes âgées décidait de remplacer systématiquement le mot vieillissement par celui de longévité. Et avec quel contentement, son objectif étant de présenter cette réalité (vieillir…) de manière exclusivement positive.
Dans ce secteur aussi le marketing, créé à l’origine pour le commerce, est devenu un outil de gouvernance et d’influence jusque dans les sphères psychologique, sociale et politique. Et ça fonctionne, puisqu’on emploie ces nouveaux mots et leurs dérivés dans tous les médias sans qu’on sache réellement ce qu’ils décrivent.
Des mots qu’on invente, aux définitions floues, on pense à la novlangue. A l’origine, c’est la langue officielle d’« Océania » inventée par George Orwell pour son roman 1984, avec un principe simple : plus on invente des mots pour en réduire le nombre ( aidant, senior et toutes les autres occurrences de ce dictionnaire), plus on diminue le nombre de concepts avec lesquels les gens peuvent réfléchir, moins les gens sont capables de réfléchir. Ils raisonneront donc à l'affect. Le marketing social, institutionnel et commercial, l’a bien compris. Cette simplification linguistique, destinée à rendre caduque l'expression des idées dérangeantes, se traduit par un conformisme social puissant. Une novlangue pour nous empêcher de penser, de nommer le vieillissement, mais aussi une découpe par les mots à des fins de marché.
Ainsi « le guide des mots du bien-vieillir23 », préparé sous l’égide de la fondation Korian précise les mots à bannir et ceux à privilégier pour parler positivement des vieux et veut sensibiliser et convaincre les professionnels de santé, les institutionnels et la société dans son ensemble de l’intérêt de changer les mots pour changer le regard.24
Quelques mots issus du marketing :
-
Bien-vieillir : L’idée était dans l’air du temps ce qui a convaincu l’agence Babel (« redonne à la communication le pouvoir de créer de la valeur ») qu'en matière de « bien-vieillir » – doux euphémisme trouvé par cette agence, le tiret est essentiel, « le premier opérateur qui réussira à créer un territoire de confiance autour d'une marque aura un atout concurrentiel significatif ». Pour rappel Babel est conseil de Korian depuis quelques années.
-
Senior : La trouvaille vient de Jean-Paul Tréguer qui, alors qu’il dirigeait l’agence MGTB Ayer au début des années 1990 (et aujourd’hui patron de Senior Agency), a décidé de faire des vieux son fonds de commerce. À l’époque, cette cible est minoritaire dans le monde publicitaire, obnubilé par la « ménagère de moins de 50 ans », et Tréguer doit faire face à l’hostilité des annonceurs, soucieux de ne pas « vieillir » l’image de leurs produits. « Nous avons dû évangéliser les marques ». « Les seniors bénéficient, en France, des plus hauts revenus disponibles et font preuve, malgré la crise, d’un bel appétit de consommation. » Il suffirait donc, une fois étudié « ce qu’ils aiment et détestent », de vendre des produits et services « adaptés à cette cible prometteuse » pour profiter de cette tendance démographique.25
-
Silver économie : Dans son choix de l’expression « silver économie », Michèle Delaunay va piocher dans le lexique anglo-saxon toujours avec un souci d’image ( et de solvabilité ajouterons nous). « “Silver”, ce n’est pas dépréciatif. Cela fait penser à la carte Gold que distribuent les banques pour leurs riches clients. Avoir une carte Silver, c’est chic. »
-
Quincado, cette figure du quinqua consommant et jouissant encore est médiatisée par Serge Guérin en l’occurrence autant communicant que sociologue. Cette dénomination qui fleure le marketing est en fait la traduction d’un fait clinique connu, une crise existentielle en milieu de vie, découverte dès 1960 par Eliott Jacques, un psychanalyste anglais. Cette crise est ici systématiquement positivée, ce qui ne correspond pas à la clinique, en évacuant ainsi la dimension de fin de vie qui se profile. Cette dénomination est marketée via le signifiant ado et les éclats de jeunesse qu’elle suppose. Comme le dit Florence Foresti, l’humoriste, « un senior, c’est un ado avec une carte bancaire ».
Dans un essai critique, la sociologue Eva Illouz et le docteur en psychologie Edgar Cabanas26 explorent les coulisses de la psychologie positive et la tyrannie du bonheur que celle-ci nous infligerait. Pour la psychologie positive, le bonheur n’est qu’une question de choix personnel et donc la souffrance l'est tout autant.
Le bien-vieillir avec sa volonté de penser positivement la vieillesse, à l’aide d’une certaine sociologie et d’une psychologie positive, produit une communication et un marketing qui ferait presque de la Silver économie, « une industrie du bonheur ». Ce qui compterait pour un senior consisterait à tendre vers un développement et un épanouissement de soi, tout à la fois facteur essentiel pour le business et démobilisateur d’un point de vue politique.
5.4. Un « senior », mais quelle définition ?
Il n’y a pas vraiment de définition précise et partagée, la meilleure selon nous, est celle proposée par Wikipedia : « un senior est une personne plus ou moins âgée, ou faisant partie d'une catégorie dite des seniors ». On ne peut pas être plus précis.
On devient « senior » à partir de quand ? Très changeant selon l’intervenant, le marché, le contexte : 50, 55, 60 ans…Cette incertitude est toujours l’indice d’une intentionnalité plus ou moins équivoque, dissimulée, plus ou moins intéressée. La décrypter est essentiel. Somme nous senior jusqu’à la fin de notre vie ? Oui, sauf lorsque nous perdons notre autonomie, la caractéristique identitaire majeure du senior.
Avec ce mot, il s’agit d’une circonvolution pour éviter l'usage des mots « âgé » ou « vieux », puisque nous sommes une société gérontophobe, ressort majeur de cette politique médiatique. Quand le mot équivaut à la « chose », il s’agit d’inventer de nouveaux mots qui habilleront ce réel, le dissimulant ainsi. Comme l'idée de la vieillesse, connotée négativement, n'évoque plus nécessairement la sagesse ni ne suscite le respect, on ne la rend acceptable, désirable qu’en la parant des attributs de la jeunesse.
« Senior » est un mot masculin, exclusivement, singulier ou au pluriel, signant par là une appartenance groupale et indice de la véritable nature du mot : une catégorisation. Pas de féminin, donc. Ces seniors décrivent une société en un sens asexuée, la décharge pulsionnelle visée, ciblée est dépensière ; et essentiellement éclairée aux lueurs d’un narcissisme aux reflets adolescents. Les campagnes de pub sont saisissantes, c’est moins la sexuation des modèles qui est visée que l’indice juvénile.
6. Penser l’action du marketing sur nous
6.1. Consommation
Dépassant largement la seule satisfaction des besoins primaires, l’acte de consommer constitue aujourd’hui » un mode actif de relation (non seulement aux objets mais à la collectivité et au monde), un mode d’activité systématique et de réponse globale sur lequel se fonde tout notre système culturel (Baudrillard, 1968, p. 275). Cette activité façonne l’inscription de l’individu au sein du monde. Consommer signifie, en effet, entrer dans un espace de significations, comme le langage (Baudrillard, 1970, p. 110) dans un espace qui possède sa grammaire, sa structure syntaxique et son système de valeur.
6.2. Marketing anthropologique et générationnel
Il n’est jamais aisé de penser le marketing, social ou commercial, un champ qui envahit l’espace sociétal et qui s’alimente de tout pour l’intégrer ; il est devenu un mode majeur de gouvernance contemporain. Si l’on prend cet extrait du rapport d’Anne Lauvergeon sur l’innovation et les 7 défis, en 2013 :27
« L’approche marketing des marchés de la silver économie est complexe. L’image de la vieillesse renvoie dans les sociétés occidentales à un désengagement social, au conservatisme et à la dégradation physique et mentale. Il est difficile de construire un discours positif. Les seniors développent d’autre part des comportements paradoxaux : refusant d’être stigmatisés, ils revendiquent pourtant des aspirations et des besoins spécifiques. C’est pourquoi les efforts en termes de marketing doivent être particulièrement développés. »
On comprend qu’il s’agit de revaloriser cette cible et en même temps de rendre désirables des produits qui seraient au contraire stigmatisants, bref de faire correspondre une cible à un marché avec ce qu’il suppose d‘un puissant travail en profondeur pour agir sur nos modes de vie.
Pour ces raisons, depuis quelques années, les études de marketing ont renoncé à envisager les seniors sous l’angle du vieillissement uniquement pour les penser dans une dimension générationnelle, reprenant ainsi des travaux d’historiens. Il n’en reste pas moins que tout vise donc à promouvoir une nouvelle figure (que nous n’osons pas qualifier d’anthropologique) le « senior », figure aux trois facettes28 :
-
celle d’un « senior économicus », capable de gérer lui-même, sa santé comme ses émotions et toutes ses conduites au mieux de ses intérêts, expressions de cette autonomie à l’origine financière, adhérant au souverain bien de l’époque, l’autonomie du sujet.
-
celle d’un « senior comportementalis », adapté quant à ses conduites, se corrigeant et s’évaluant pour tendre vers le bien-vieillir, bien manger, etc.,
-
celle enfin, d’un « senior conformis », modelé par les médias ambiants, formaté par de très nombreuses injonctions à destination de cette catégorie d’âge où le temps serait comme suspendu.
Ces trois facettes du « senior » dessinent, silhouettent, « stéreotypisent » une image lisse et parfaite, comme objet de notre désir. Pour le reste, le silvermarketing, actionne trois leviers comme starter de consommation.
- Une image renvoyée comme miroir, image idéalisée, et systématiquement rajeunie de 10 à 15 ans, comme point aveuglant et attirant de notre narcissisme.
- Nos peurs en rapport avec le vieillissement corporel et la finitude auxquelles répondent une industrie et une médecine contra-phobiques.
- Un trajet du narcissisme aux pulsions (d‘achat) en passant par le désir. Si le désir crée du lien, dès lors qu’il redevient pulsionnel, le sujet se réduit à un être antisocial et individualiste, autocentré. Autrement dit, le consumérisme retransforme le désir en pulsions, réduisant tout à une consommation et non plus un investissement.
6.3. Le miroir aux alouettes
Le narcissisme est une excellente défense contre les stigmates du vieillissement et l’idée de la mort, c’est ce qu’a parfaitement intégré le Silver marketing. Qu’est-ce qu’un miroir aux alouettes ? Technique de chasse, basée sur un leurre, il s’agit d’un morceau de bois en forme d'oiseau, constellé de petits morceaux d'un miroir, qu’on agite. Certains oiseaux sont sensibles à ce qui brille. La technique de marketing consiste à appâter des « seniors » par des artifices narcissiques. Ici, des représentations extrêmement valorisantes d’eux-mêmes, à l’aide d’indices de jeunesse qu’on agite médiatiquement. Rien d’illégal, mais il vaut mieux le savoir.
En guise de conclusion, nous voudrions questionner cette obsession de nous affranchir des limites de notre condition humaine, et si elle ne nous conduit pas à tendre vers un « conditionnement bienheureux », nouvel avatar d’une servitude volontaire ?
1 Voir l’article de Michel Bass dans ce numéro 36 des Cahiers de psychologie politique
2 Dominique Argoud ; Nouveaux acteurs, nouveaux enjeux : quel avenir pour l’action sociale vieillesse ? in Vie sociale 2016/3 (n° 15), pages 101 à 115
3 Nous ne développerons pas dans cet article cette approche qui peut contrebalancer la logique de consommation portée par la Silver économie.
4 Eldorado, définition : Pays, lieu imaginaire où rien ne manque ; Pays de rêve habité par des gens heureux.
5 Les clusters sont des réseaux d’entreprises constitués majoritairement de PME et de TPE, fortement ancrés localement, souvent sur un même créneau de production et souvent à une même filière.
6 http://www.france-silvereco.fr/wp-content/uploads/2016/06/Guide-des-Silver-Regions_France-Silver-Eco.pdf
7 Pour Rowe et Kahn, chercheurs américains en gérontologie, la responsabilisation des individus, l’insistance mise sur leurs performances et leur autonomie permettent justement de s’opposer à une approche du vieillissement fondée sur le care qui a dominé selon eux la gérontologie pendant trop longtemps.
8 Nous renvoyons à l’article de Michel Billé et Didier Martz pour la déconstruction de cette idéologie et de ses injonctions dans ce n° 36 des Cahiers de psychologie politique.
9 « Toute technique est un pharmacon, c’est-à-dire poison ou remède selon l’usage que l’on en fait et l’impact destructeur ou constructif qu’elle produit sur nous ». Bernard Stiegler est éclairant sur cette thématique. https://www.franceculture.fr/emissions/ce-qui-nous-arrive-sur-la-toile/internet-nest-pas-neutre-internet-est-un-pharmakon
10 Roland Gori ; L'art des douces servitudes, in Adolescence 2009/2 (n° 68), pages 271 à 295
11 « Foucault M. (1977-1978). Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France. 1977-1978. Paris : Gallimard, 2004, p. 278.
12 Roland Gori, ibid.
13 https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/05/06/l-indecence-de-la-silver-economie_4914977_3232.html José Polard, Michel Bass, Michel Billé, Odile David, Alain Jean (EHPAD de côté)
14 J. Franck Farnel, Le lobbying : stratégies et techniques d'intervention, Paris, Éditions Organisation, 1994,
16 Par exemple, le « Club Autonomie & Dépendance, bien vieillir ensemble », organisé par une société de relations publiques.
17 L’opinion publique désigne l'ensemble des convictions et des valeurs, des jugements, des préjugés et des croyances plus ou moins partagées par la population d'une société donnée. Je souligne la lecture très intéressante de Noam Chomsky et Edward S. Herman, « La fabrique de l'opinion publique », 1988
18 Dominique Argoud, ibid.
19 C’est-à-dire réalisant une action ou affirmant un fait par le fait même de ses énonciations.
20 Néologisme traduit de l’anglais « aspirational », fort utilisé par les publicitaires, ayant un sens très large puisqu’il qualifie tous les discours publicitaires qui jouent sur ce à quoi aspire la cible, ici les seniors.
21 https://blogs.mediapart.fr/jose-polard/blog/021116/non-l-ehpad-bashing-oui-sa-critique-argumentee-par-bille-polard-gallopin
22 José Polard « Lettre aux dictionnaires » in http://lagelavie.blog.lemonde.fr
23 https://www.fondation-korian.com/sites/fondation/files/images/guide-les-bons-mots.pdf
24 Les mots changent mais pas la Chose…
25 https://lesjours.fr/obsessions/seniors-arnaque/ep2-silver-economie/
26 Eva Illouz, Edgar Cabanas ; Happycratie. Comment l'industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies, Premier Parallèle, 2018
27 https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/134000682.pdf
28 José Polard : Comment les seniors ont remplacé les vieux ? Tribune Huffington Post, le 23/11/16
Billé Michel, Martz Didier ; « La tyrannie du "Bienvieillir- Vieillir et rester jeune » Eres 2018
Edward L. Bernays ; « Propaganda-Comment manipuler l'opinion en démocratie ?1928
Debord Guy ; « La société du spectacle », Gallimard, 1992
Foucault Michel ; « Sécurité, territoire, population. Cours au collège de France », Gallimard 2004
Horel Stéphane ; Lobbytomie- Comment les lobbies empoisonnent nos vies et la démocratie - Éditions La Découverte 2018.
Polard José ; La vieillesse, un autre regard pour une autre relation- Vieillir est dans l'air du temps. Erès 2018
Stiegler Bernard ; « Dans la disruption », Les Liens qui nous Libèrent »2016.
Articles
Argoud Dominique ; Nouveaux acteurs, nouveaux enjeux : quel avenir pour l’action sociale vieillesse ? in Vie sociale 2016/3 (n° 15), pages 101 à 115
Gori Roland » L’art des douces servitudes » in Adolescence 2009, 27, 2
Polard José ; La fabrique de la société des seniors, in Tous connectés, le numérique et le soin ; revue Médecine et Psychanalyse, sous la direction de Danielle Brun, éditions Etudes Freudiennes 2017