Introduction
Engager une réflexion sur l’éthique et le politique au Congo rejoint un questionnement majeur et essentiel sur la lecture du Congo comme phénomène dans son dynamisme historique où les enjeux actuels sont ceux de développement et d’instauration de la démocratie ; laquelle démocratie est aujourd’hui présentifiée comme le système universellement éprouvé pour la gestion des sociétés sur un mode d’organisation rationnelle de la cité. Prise comme une dimension actuelle de la modernité politique, la démocratie est, selon la définition que donne Jacqueline Barus-Michel (2003) « un projet de fonctionnement de l’unité sociale, des rapports sociaux (modes d’échange et de pratique, où tous sont invités à prendre la parole (voix) dans le débat qui détermine les modalités du pouvoir, ses objectifs, les critères de sa légitimité, de sa pertinence et de sa durée. C’est une dynamique où les singularités s’affrontent pour des modes de coopération et de solidarité, au nom d’une unité symbolique, aux limites provisoires et relatives, à vocation universelle1 ».
Par delà le prisme strictement congolais, la question de l’éthique constitue, en effet, un enjeu existentiel car au centre des préoccupations sociales pour le progrès des sociétés et de l’humanité. Elle est devenue pour le cas du Congo, une préoccupation de développement, car au centre de la problématique du changement comme processus de transformation de la société congolaise. Dans cette perspective, la question de l’éthique devient la question clé au fondement de l’organisation sociale sur fonds d’humanisme et de régulation des rapports sociaux, notamment des rapports des individus aux institutions et face à la chose publique et du bien commun ; autrement dit, elle est au cœur de la démocratie
Nous inspirant d’E. Morin dans ses réflexions sur l’éthique, nous pourrions avancer que la question de l’éthique est au fondement de la raison humaine et de légitimation sociale de la vie de l’individu dans son rapport au monde, c’est à dire la morale. Tentant de distinguer ce qui d’ailleurs se distingue difficilement, E. Morin(2004) écrit : « L’éthique désigne un point de vue supra ou méta-individuel, et la morale, quant à elle se situe au niveau de la décision des individus. Mais la morale individuelle dépend implicitement de ou explicitement d’une l’éthique. L’éthique se dessèche et devient vide sans les morales individuelles2». Ainsi, la morale ou l’éthique, deviennent la passerelle régulatrice de la relation entre l’individu et la société en s’appuyant sur la culture qui génère en lui la raison pour son harmonisation avec la société. En tant que valeur vers la quelle tend l’action, elle est une valeur centrale qui donne sens à l’existence et constituerait le fondement du système axiologique de l’individu en ta nt que valeur première dans la hiérarchie des valeurs. La régulation de cette dynamique par la culture devient le problème central des questionnements sur l’éthique. Toutes les déviances, les érudits, les fragilités, les conflits, les guerres, et autres épiphénomènes observés trouvent sens au sein de cette problématique centrale de l’éthique ; d’où sa considération dans l’approche des situations sociales qui se rattachent à la vie, à l’existence de l’homme de manière générale.
Ainsi l’éthique se trouve au cœur de la régénérescence, la reconstruction, de la pérennisation et la préservation de l’espèce, c’est à dire au centre de tous les questionnements sur l’existence ; laquelle existence se nourrit de la culture qui régule les rapports de l’individu à la société dans une dynamique complexe où l’individualité et la socialité sont des référentiels clés. L’adéquation ou l’inadéquation qui résultent de cette relation est source, soit de l’équilibre, soit de déséquilibre ; d’où, interroger les sources ou les facteurs d’équilibre et de déséquilibre de la vie humaine, c’est interroger l’éthique. En d’autres termes, interroger les disfonctionnements dans leur traduction sociale, c’est aussi interroger l’éthique. Rien ne lui échappe, et rien ne peut se concevoir sans elle. En réalité tout se joue là et c’est là le lieu d’un débat véritable sur les problématiques individuelles et sociales mais aussi sur la démocratie dans sa contextualisation africaine et congolaise en particulier.
En effet, la démocratie est déjà une éthique comme valeur universelle mais qui, à l’évidence, déstabilise les sociétés africaines : non pas que ces sociétés ne soient capables de démocratie, donc de ne pouvoir s’arrimer à la mondialité, mais qu’elles rencontrent au contact de cette valeur culturelle universelle, des difficultés, quant à son applicabilité en politique congolaise notamment ; la quelle politique est actuellement perçue comme un mécanisme d’appropriation du pouvoir et de tous les prestiges, et ce, au détriment du progrès social.
Par ailleurs, l’ancrage ethnique dans la gestion politique de la cité renforce cette difficulté qui apparaît, de ce point de vue, comme un frein à l’instauration d’un système véritablement démocratique. La question du développement des sociétés africaines, du point de vue de la conditionnalité exigée quant à l’application de la démocratie, constitue elle aussi une difficulté. En somme, ces difficultés renvoient, non pas à des considérations formalistes liées à des politiques de coopération entre les pays du nord et ceux du sud, mais plutôt à des problématiques dont l’approche obéit à des référentiels à la fois anthropologique, sociologique et psychologique pour une bonne lisibilité du fait politique. L’enjeu est de taille et à la hauteur de la complexité du phénomène que constitue la démocratie. Tenant compte du sens originel lié à son essence athénienne comme l’idéal politique destiné à la gestion des sociétés, elle est, en réalité, une culture garantissant les rapports sociaux et institutionnels, précisément l’équilibre entre les institutions de la cité et les citoyens. Elle est de plus une culture rangée à la sphère de modèle qui se conçoit comme une valeur qualifiante pour la gestion des cités et des rapports sociaux. De ce point de vue, la démocratie devient un système politique universel auquel toute l’humanité politique aujourd’hui doit souscrire. Le problème, à nous posé, n’est pas tant l’intérêt du modèle, mais son impact dans le domaine du politique en Afrique et au Congo surtout.
Devant ce qui apparaît comme une impossibilité, probablement du fait de la culturalité de ce concept, l’idéal politique semble obéir à des logiques dont la compréhension et l’analyse du fait politique renvoient à des dynamiques sociales et culturelles qui relèvent à la fois de la sociologie et de l’anthropologie et de la psychologie politique. Les différentes systématisations ou modélisations consacrées en ce domaine sont d’une grande opportunité pour accéder aux divers questionnements sur la démocratie et le développement en Afrique, singulièrement au Congo.
Lecture psychologique de la démocratie et des paradoxes politiques
S’agissant de la représentation et de la conquête du pouvoir qui semble être la motivation principale dans le monde politique actuel, les interrogations deviennent pertinentes et pressantes du fait de leur opérationnalisation dans un contexte sociologique en mutation où les valeurs traditionnelles et occidentales s’imbriquent en secrétant un espace mental spécifique qui engendre des comportements et pratiques très complexes. Ils expriment tant de paradoxes qui, dans leur structuration, renvoient à des logiques endogènes et exogènes résultant du contexte de l’entre-deux qui régit le fonctionnement des sociétés africaines : un contexte qui est au fondement de la contexture sociale actuelle des pays africains marquée par les bouleversements des références socialisatrices du fait du choc des cultures. A cet effet, Jean William Wallet indique « la mobilité plus grande et le brassage des groupes sociaux produisent une fragmentation des identités socioculturelles et des combinatoires insolites entre ces fragments. Des systèmes référentiels d’hier (eux-mêmes pénétrés et altérés par d’autres) il ne reste souvent que les reliques de gestes, des récits ou des signes détachés de l’ensemble auquel ils appartiennent3 ». De cette situation fort complexe l’anté et le post colonial constituent les repères importants dans l’historicisation de ces sociétés. La démocratie comme système obéissant à la logique de la rationalisation politique occidentale s’inscrit, du point de vue de son appréhension en Afrique, dans le cadre du contact des cultures avec toute la trame « impositionnelle » due au système de la colonisation, et ce, au nom de la domination. Il y a donc au fondement de la compréhension du phénomène politique actuel au Congo, la question de la gestion des idéologies différentes, la logique traditionnelle africaine et celle de l’occident avec des syncrétismes récurrents dont l’imbrication produit un certain nombre de paradoxes en acte sur la scène du jeu politique au Congo.
En considérant la démocratie comme un mécanisme de régulation des rapports individuels, institutionnels et sociaux et politiques, elle interpelle la conscience de l’africain au regard de divers remous et guerres fratricides ou civiles avec tout le cortège de maux y afférents que sont le pillage, le braquage, le viol, le vol etc.., qui visiblement expriment la difficulté de l’imprégnation de la démocratie dans l’ordre culturel africain actuellement en crise. Ainsi, on parle de crise de valeurs, crise de conscience, crise d’identité, crise sociale et naturellement de crise politique, notamment au travers des différents paradoxes en acte dont nous nous proposons d’en comprendre les ressorts psychologiques. Le contexte de l’entre-deux est un contexte de production des paradoxes. Ceux-ci sont visualisés dans les pratiques et comportements politiques où la question de la représentation du pouvoir contient effectivement cet aspect de la paradoxalité comportementale de l’acteur politique congolais qu’il nous revient d’interroger.
En effet, il est constaté, lors des différentes phases préparatoires précédant les élections dites démocratiques, après toutes les turpitudes liées à la mise en place de la commission nationale chargée d’organiser les élections, qu'un consensus de factice est obtenu après multiples tiraillements, pressions et injonctions tant intérieures qu’extérieures. Mais quelques temps après, ce consensus se défait du fait de l’absence de confiance mutuelle des protagonistes sur le caractère orthodoxe du scrutin. Et corrélativement, sont remises en cause les closes consignées dans la charte des élections signées par toutes les parties et les partis impliqués dans cette lutte qui, d’ailleurs souvent, présage la manipulation et la contestation des résultats. Le problème de la validité des résultats du scrutin est ainsi posé où l’avis des observateurs internationaux est sollicité. On observe à ce moment là une ambiance politique et sociale malsaine faite de suspicion et qui d’ailleurs cristallise toute la vie publique parce que, semble t-il, le destin du paysage politique du pays est en jeu. C’est aussi et surtout le moment des réaménagements stratégiques et des réajustements pour garantir la transparence, mais sans une conviction partagée par toutes les parties, malgré le caractère de légitimation formelle posé comme acquis. Alors désabusés, certains hommes politiques, soit procèdent à des ralliements spectaculaires qui percutent la conscience des électeurs qui se sentent abusés, soit jettent l’éponge ou soit font de la « résistance intéressée » qui, au fil du temps que dure la campagne finissent par perdre de toute la vitalité oppositionnelle. Pourtant les règles et le cadre sont définis, mais on assiste à une désinscription sociale à ce formalisme qui n’assure aucune garantie à l’agent social impliqué dans le choix politique au point où nombreux des citoyens estiment que tout est joué à l’avance et que ce n’est qu’une simple question de formalité pour le pouvoir en place. Un des faits les plus bruyants en ces moments cruciaux pour la conquête du pouvoir, c’est la question de la constitution de la commission d’organisation des élections voulue neutre. Question pourtant à visée consensuelle, en tous cas conçue comme telle, où toutes les obédiences sont représentées, mais la plupart du temps on constate souvent des contestations véhémentes sur fonds de déconsidération mutuelle, surtout de renie de l’autre concurrent afin de s’approprier, même de façon machiavélique, cet objet précieux et prestigieux qu’est le pouvoir. L’enjeu est cerné et connu, c’est le pouvoir, sa conservation à tout prix par les uns et la conquête effrénée par les autres, et ce, en déployant toutes sortes de démagogie et autres coups inimaginables frisant souvent l’immoralité. Très souvent, à ce tableau, se rattachent des faits du genre : corruption des consciences par une marchandisation sans limite, l’embrigadement ethnique, la prolifération des propos calomnieux, les dénonciations fallacieuses, pernicieuses et dé-stabilisatrices destinées à porter atteinte à l’honorabilité de l’autre, bref tout est permis, toléré, socialement consommé, et pourvu qu’on y arrive.
Il s’agit là d’une situation complexe ou une série de mécanismes psychologiques interviennent et interfèrent pour créer une dynamique conflictuelle reposant sur fond d’agressivité et de violence masquée par son corollaire défensif qu’est la peur en tant qu’expression de l’angoisse face à un événement virtuel. Cette peur se manifeste entre autres par une attente douloureuse faite de doute, de suspicion, de supputation, de crainte, de terreur, de persécution et même de manipulation. Elle s’accompagne de modalités agressives, particulièrement l’affabulation, le dénigrement systématique, la dénégation, qui sont des mécanismes que le sujet développe contre l’objet menaçant, c’est à dire l’autre. Pour conquérir le pouvoir, il faut anéantir l’autre par les moyens même les plus obscènes, le calomnier etc. Il en résulte une tension qui, à la suite d’un obstacle réel ou imaginaire, peut déclencher des réactions émotivo-fonctionnelles dont la plus en vue et la plus virulente demeure la violence où le plus souvent l’individu perd ses facultés de discernement, d’analyse, d’auto-contrôle et le conduit dans ce que l’on a, au Congo après les guerres civiles, stigmatisé en terme de " bêtise humaine". On est, dans ce cas d’espèce, en présence d’un tableau clinique dominé par le sentiment de doute sur soi : « que deviendrai-je ? Comment serai-je perçu par les miens, vu les engagements pris, au risque de se voir lâcher ? Autant d’interrogations essentiellement fondées sur l’incertitude face au réel et sur la légitimité du combat mené. Cette peur concerne une catégorie d’hommes politiques qui se représentent le pouvoir comme une source de compensation pour assouvir et combler des désirs afin de réaliser un destin et conserver un statut et une existence collectivement soutenue faite de jouissance quasi permanente d’opulence, de bouffonnerie et autres excentricités.
En cas d’échec lors des consultations populaires, la frustration qui en résulte et sa récupération par le groupement ethno-politique peut, par le biais des mécanismes d’identification, de projection, de transfert d’affect, d’idéalisation et, au nom du principe de la descendance, devenir l’échec de l’ethnie toute entière. Toute attaque manifestée à l’endroit du leader est perçue comme une préoccupation personnelle du groupe. Le moi du leader et le moi du groupe interfèrent à telle enseigne qu’à la moindre alerte du leader, c’est aussi le groupe qui réagit en présentant une réaction de masse faite de résistance, de renie de l’autre, de fanatisme, d’intégrisme, et pire d’extermination systématique qui sont des comportements nocifs pour la paix sociale et réfractaires à l’instauration véritable de la démocratie. En fait ces manifestations aux inclinaisons cliniques assez prononcées renvoient à des contingences anthropologiques dont le sentiment de ne plus être reconnu, valorisé par les membres de son groupe, l’affaiblissement ou la perte de l’estime de soi, la perte des privilèges économiques, financiers et autres avantages inhérents à ce statut prestigieux que leur confèrerait la gestion du pouvoir, constituent des écueils fondamentalement psychologiques.
Par delà toutes ces illustrations significatives des paradoxes observés sur la scène politique congolaise, on remarque une sorte de dilemme au niveau du comportement de certains acteurs politiques par la dissonance enregistrée entre, d’un côté le discours politique comme énoncé normatif et de l’autre la pratique comme expression objectivée du fait politique en déphasage avec le discours. Dans ce dilemme, deux faits majeurs à savoir : d’une part, l’instrumentalisation ethnique marquée par un fort investissement clientéliste exagéré et exaspérant de l’acteur politique, et d’autre part la « marchandisation » politique par l’achat des consciences : la pratique consistant à distribuer de l’argent aux électeurs dont la voix devient un objet de monnayage ; ce qui, à l’évidence, heurte l’éthique et défie le modèle d’idéal politique claironné par l’ensemble de la classe politique, que constitue la démocratie. Alors dans ce « fourre- tout » politique, où est la démocratie, mieux, qui est démocrate et qui ne l’est pas ? Là, est à notre avis aussi une vraie question.
Ce que l’on pourrait tirer et retenir en termes de mécanisme psychologique relatif à ces paradoxes, c’est le mécanisme de la résistance. Cette résistance manifestée presque inconsciemment par rapport à cet idéal « normativé socio politiquement » s’opère sur le plan de la mobilisation politique. Elle constitue le tréfonds de la crise politique et alimente tous les débats incessants et insipides qui le plus souvent tournent autour de l’éthique. Mais quelle éthique, dans quel contexte, pour quel type d’acteur politique et pour quel type «d’agent ou client politique » pris au sens d’adhérent, militant ou activiste au sein d’un groupement politique ? ; une adhésion assujettie à des considérations culturelles dites « ethnicistes », laquelle ethnie est présentifiée, à l’instar de f. Morin (cité par G. Gosselin) comme « l’objet d’une instrumentalisation où le groupe ethnique jouerait comme un groupe d’intérêt, notamment politique dans une vision stratégique4 ». Pour Patrice Yengo, quant à la nécessité d’objectiver le fait politico-ethnique, « l’ethnie est le support du politique en Afrique, son objectivation inconsciente, l’écran sur lequel se trouvent projetées les contradictions de la société politique qui, une fois résolues, la font apparaître comme singulièrement vide de sens pour des politiques qui en sont dénuées5 ». L’instrumentalisation ethnique en politique étant avérée, il n’en demeure qu’elle traduit substantiellement le mode d’articulation des relations sociales dans un système dont le principe de la descendance et de la croyance sont des principes fédérateurs des consciences individuelles et des pratiques politiques. Quelques modèles d’appréhension théorique de la question peuvent être envisagés, tant qu’ils offrent l’opportunité de saisir la complexité des logiques contraires dans un espace sociopolitique, celui du Congo en l’occurrence, pris comme une société en rupture et donc en crise ; laquelle crise, précisément dite crise structurelle, renvoie au processus de transformation d’une société aujourd’hui confrontée à la difficulté d’arrimage à la forme de la mondialisation politique qu’est la démocratie. Il est à rappeler que ces logiques, dans leurs diversités discursives,renvoient aux théories sur les dynamiques de la parenté (Balandier) quant au pouvoir des « aînés » sur les « cadets », sur la croyance subséquente (Max Weber) qui entérine ou valide le principe de la descendance et sur ce que Jacqueline Barus-Michel appelle la politique de l’autorité.
Engageant une réflexion sur l’Etat au Cameroun J.F. Bayart, que rapporte Jean Baudouin (1997), indique que « de manière générale, l’Etat africain n’est pas la simple reproduction d’une contrainte extérieure. Il perpétue également les modes de domination spécifique, notamment la domination ancestrale des aînés sur les cadets. L’Etat reste encore perçu comme un lieu d’accumulation et de redistribution de richesses permettant aux aînés du même clan de satisfaire les revendications de leurs cadets sans aliéner leurs privilèges6». L’autre grille de lecture aussi essentielle est celle que soulève G. Balandier pour qui « les relations politiques s’expriment en termes de parenté et les manipulations de la parenté sont un des moyens de la stratégie politique »7 ; laquelle parenté avec ses mécanismes internes et externes participe à la formation des groupes politiques. Concomitamment à ces conceptualisations, s’agissant de l’ethnicité, l’approche de M. Weber basée sur la croyance à la parenté clanique et de sa portée dans la dynamique sociopolitique est assez édifiante car, pense t-il « les groupes ethniques sont ces groupes humains qui nourrissent une croyance subjective à une communauté d’origine de sorte que cette croyance devient importante pour la propagation et la communalisation et peu importe qu’une communauté de sang existe objectivement » (op. cité, Gosselin, p.416).
Par ailleurs, d’un point de vue strictement psychologique, l’approche que développe M. Barus-Michel (20003) sur les politiques d’autorité permet une lecture plus fine de la question du politique au Congo et de celle de la représentation du pouvoir. Centrées sur la problématique de l’identité, les politiques d’autorité, indique l’auteur’ « offrent des supports d’identification forts, à travers des figures paternelles sévères et infantilisants (les chefs charismatiques, ou les despotes plus ou moins éclairés) qui « forcent » la surmoi et le moi, écrasant les singularités du sujet8 ».
Toutes ces grilles de lecture procédant des modèles proposés dans leurs diversités reposent sur un substratum essentiel et substantiel qu’est la dimension culturelle, quant à l’interférence des dynamismes culturels en milieu africain dans le champ de la modernité politique. Cela corrobore à l’observation d’A. Kouvouama (2001) qui relève que « les structures politiques actuelles des Etats africains ne renvoient pas exactement aux anciennes structures politiques et étatiques des sociétés africaines anté coloniales, ni aux structures politiques et étatiques des pays capitalistes du centre, même si ceux-ci portent la marque de leur domination9 ». Cette affirmation s’intègre dans la démarche dynamiste de Balandier qui consiste à saisir la dynamique des structures, c'est-à-dire prendre en considération les incompatibilités, les contradictions, les tensions et le mouvement inhérent à toute société : car il ya lieu de « tenir compte de la conjonction, des dynamismes de dehors et de ceux de dedans qui permet une analyse plus fine des faits en privilégiant l’interaction des causes internes et des causes externes »10.
Tous ces paradigmes indispensables à la connaissance de ces paradoxes politiques au Congo, tout en invitant au dépassement, appellent l’observance d’une logique autre à laquelle seraient rompus les «néo-acteurs» politiques, non pas pour des greffes selon une reproduction classique dite universalisante, mais plutôt qui s’inscrirait dans une dynamique, pour reprendre J. Copans, de réinvention, et ce, dans la perspective de l’avènement d’une société assise sur l’accordage structurelle et étayant du complexe tradition- modernité. Une des conditions exigibles en ce domaine consisterait, par exemple, à « détribaliser » le politique, à l’instar de la « dé-tribalisation urbaine» prise comme une forme de réinvention sociale et culturelle (J. Copans, 1990). Dans la même mouvance, une enquête effectuée en 200 à Brazzaville sur la mobilisation des jeunes dans des milices lors des guerres qualifiées d’ethniques de 1997-1998 a révélé que la mobilisation des jeunes issus des catégories sociales longtemps urbanisées, ceux de Moungali précisément, s’est faite sur d’autres critères que des critères ethniques. Cela est probablement le fait d’une cohabitation de plusieurs ethnies sur plusieurs décennies et sur un même espace vital ayant favorisé l’émergence de la culture de la « solidarité trans-ethnique »11 en tant que valeur orientant l’individu vers le passement de soi et l’acceptation de l’autre ; ou soit le fait de stratégies de survie d’une catégorie de jeunes exclus, car pour la plupart, ils sont désœuvrés, de- scolarisés et dont l’avenir est quelque peu hypothéqué dans une société en déclin. Dans un tel contexte, comme l’exprime R. Rechtman (2004), interrogeant la souffrance adolescente, que « l’adolescent a du mal à s’y résoudre par ce qu’il se débat avec l’ordre du social. Quand on ne sait pas contre quoi il faut se battre alors pourquoi ne pas se battre contre tout ce qui se présente sous la forme de la contrainte.12 ». De ce fait l’hypothèse d’une mobilisation « trans- ethnique » peut être retenue et constituer un mécanisme susceptible d’être versé au registre de la réinvention en tant qu’exigence fondamentale pour la refondation de l’Afrique.
Réinvention et conscience africaine
L’exigence de la réinvention procède de la faculté de ré- appropriation de soi par l’homme ou la société pour se refaire, se reconstruire, rattraper et restaurer ce qui doit l’être, afin de s’inscrire dans le cours normal et naturel de son histoire. C’est une disposition prioritairement intellectuelle qui fait acte de créativité pour la réhabilitation de la conscience africaine et aussi un devoir de mémoire indispensable pour une auto régénérescence par la réinvention dans une perspective de dépassement.
L’effort de réinvention doit être collectivement soutenu dans une sorte de dynamisme unitaire.
Dans ce sens, les concepteurs propulseurs d’idées, les agents de relais par des mécanismes de mobilisation, de sensibilisation des consciences à des échelles soit micro, soit macro régionales, chacun dans sa sphère contribuerait à la reconquête de l’identité du sujet africain afin de donner corps et vie à la conscience africaine. Dans cette entreprise, le rôle de l’intellectuel africain est plus que déterminant comme l’affirment certains penseurs dont les idées émises sont au cœur de la problématique de la re-invention. L’argument de base d’assise psychologique et contextualisante se structure autour de deux thèses, celle Rapportée par R. Kaës (2004) sur les phénomènes de « crise, rupture et dépassement ». En effet selon R. Kaës « nous avons à survivre créativement aux grands séismes de l’histoire, aux grandes faillites sociales aux faillites des cultures, aux conteneurs de nos angoisses, à ce qui nous fait ce que nous sommes13 ». Cela rejoint l’approche de J. Copans quant à l’opérationnalité de cette entreprise intellectuelle de re-invention du modèle de démocratie politique. En substance il écrit : « Il s’agit de reproduire par soi-même et non à un identique impossible et trompeur, les conditions intellectuelles et pratiques de la démocratie politique. La démocratie n’est pas un kit à remonter une fois rentré chez soi14 ».Ce point de vue trouve résonance dans la position qu’émet A. Kouvouama qui parle de « l’invention d’une démocratie pluraliste participative fondée sur la confrontation des idées et la coopération dans la résolution des problèmes fondamentaux de la société15».
Il est à noter que la pensée de Cheikh Anta Diop en la matière conforte cette option qui vitalise la cause africaine à travers deux thèses significatives et à forte interpellation. Obenga Théophile en restitue la teneur à savoir : « Il n’y aura pas de sauveur pour l’Afrique. Nos actions doivent être basées sur une analyse, mais nous ne devrions pas être paralysés par l’analyse. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une idéologie centrée sur l’Afrique où nous regardons dans nos propres cultures et expériences afin d’être capables d’avoir une meilleure vision sur le reste du monde16». Par delà cette exigence fondamentale de re-invention, celle de la culture démocratique est aussi une préoccupation d’envergure intellectuelle en ce qu’elle sous-tend et alimente la conscience nationale et façonne l’identité du sujet, du citoyen. Cette préoccupation renvoie à une dimension culturelle essentielle que consacre le concept de l’intégration. A ce propos D.Schnapper indique que « le processus l’intégration interne suppose qu’ils soient définis et acceptés des buts communs à l’entreprise collective, que les individus partagent un certain nombre de pratiques et de croyances communes. Parce qu’il s’agit d’un processus, il faut tenir compte, tout ensemble, des conditions objectives et de leur intériorisation par les individus17». Au centre cette préoccupation se trouve tout un enjeu éducatif quant à l’intériorisation des connaissances, des normes et des valeurs communes, le respect de la pratique de la vie publique et surtout l’intériorisation par le sujet de ce qu’il existe un domaine public : car il est un principe que rappelle Sandrine Rui selon lequel ;« que de citoyens soient invités à prendre part à l’exploration et l’élaboration des choix publics, qu’ils puissent livrer leur point de vue et le confronter à d’autres promet d’augmenter leur capacité réflexive18».
En tout état de cause, au regard de ce qui apparaît comme la responsabilité de l’intellectuel dans cette entreprise d’appropriation de la démocratie dans l’univers socio politique congolais deux préoccupations pédagogiques et scientifiques se dégagent, à savoir :
D’un point de vue pédagogique, cela consistera, d’une part à organiser le message dans le sens d’une prise de conscience du citoyen sur l’intérêt de la démocratie et des enjeux véritables qui sont ceux de la construction de la nation et de son développement et, d’autre part de vulgariser l’information correcte pour la mettre à la portée du citoyen et du vaste public sans suggestion aucune. Ce sont les conditions nécessaires à un choix raisonné, libre, conscient, donc démocratique. Il faut que le citoyen accède à l’information la plus nuancée et la plus véridique possible pour son engagement dans le choix de société et l’accomplissement de son identité citoyenne. Dans son questionnement sur la modernité africaine, A. Kouvouama énonce le principe de la contextualisation de la démarche du chercheur intéressé à la question du politique au Congo, « qu’il doit toujours s’efforcer de faire de façon objective l’analyse des premières expériences négociées ou imposées par la rue pour mesurer la nature des défis posés. Le chercheur en sciences sociales doit toujours s’efforcer de faire de façon objective l’analyse des premières expériences démocratiques post-monopartites des dix dernières années en Afrique, expériences négociées ou imposées par la rue pour mesurer la nature des défis posés.19».
Ce faisant, face à un travail d’éducation patiemment mené et causant quelque fois des remises en question chez certaines personnes en raison du changement de l’ordre politique, progressivement l’individu, congolais en l’occurrence, intériorisera la nouvelle culture politique qui produira le Congolais démocrate souhaité par tous. Tout est alors question d’apprentissage, mieux d’enculturation. C’est à cela que tient le processus d’acquisition de la culture démocratique et de mentalisation de l’identité nationale à laquelle a droit le citoyen congolais. C’est finalement de cette manière que pourrait s’actualiser cette éthique démocratique rassurante pour l’avenir de la démocratie au Congo et de son impact dans l’œuvre immense et impérieuse de modelage de l’identité nationale qui puise dans la mémoire collective toutes les ressources nécessaires au dépassement, à l’affirmation de soi et l’acceptation de l’autre dans un système socio-politique qui garantisse, à l’instar des autres nations, d’une part le droit à l’existence humaine dans la société, et d’autre part les libertés fondamentales qui sous-tendent cette humanité.
Conclusion
Comme l’on peut s’en convaincre le problème de développement de société africaine par le prisme démocratique est éminemment culturel. Comme tel il est tout à fait aisé de comprendre à travers la vitrine politique congolaise tous les écueils fonctionnels ci-dessus retracés en termes de paradoxes dont l’ethnie et son instrumentalisation constitue une déviation politicienne en déphasage avec l’ordre démocratique. Elle s’inscrit de plus en plus dans un processus d’historicisation transformative des sociétés africaines qui, justement, fait de la solidarité ethnique à, la fois une valeur et un repère : une valeur par ce que les différents acteurs sociaux impliqués dans le jeu socio politique doivent s’y résoudre ; un repère parce qu’il s’agit d’une donnée de contextualisation et d’accordage des niveaux d’analyse des faits sociaux en général, et singulièrement sur la question de l’impact de l’ethnie perçu en termes de frein au développement. Cette solidarité s’observe de plus en plus dans les espaces urbains et semble marquer et confirmer cet élan de dépassement de la limite ethnique dont l’emprise s’amenuise progressivement.
L’expérience de la guerre de 1997 à travers l’implication spontanée de certains jeunes, non pas sur la base ethnique, constitue un argument de poids militant contre l’enracinement d’un système politique basé sur l’ethnie. Que l’ethnie serve de levier, d’appui ou de dernier rempart, c’est une chose. Qu’‘il serve d’objet de légitimation du pouvoir d’Etat pour une gestion centrifuge, c’en est une autre. Le dilemme subséquent à cette situation appèle un recadrage intellectuel conceptuel et méthodologique quant aux formes d’analyse à faire. Elles doivent tenir compte des éléments formalisants de la conscience de l’individu africain et d’appréhension de la structure sociale dans sa logique de fonctionnement avec ses logiques interne et externe indispensables à la réflexion sur la problématique de la ré-invention. La ré-invention est à la fois une exigence de survie et de développement et qui mobilise tous les acteurs du système tant que la conviction d’ensemble est garantie pour un engagement communautaire dans l’action, pour le changement en vue de l’installation d’une démocratie véritable.
Cette approche « développementale» en ce qu’elle indique les pistes d’évolution naturelle du Congo vers la modernité politique par la démocratie, suggère un certain nombre d’alternatives et de perspectives liées au contexte actuel du Congo. A cet égard, il ;convient de mentionner à juste titre, la place et l’importance de la culture démocratique dans ses visées éducatives et transformatives aux plans mental et social des individus habitant les villes et la campagne et qui puisse, par le biais de l’acquisition des valeurs communes et l’adoption des normes de comportement par lesquelles se maintient la collectivité, favoriser l’émergence d’une identité personnelle liée à une identité collective que confère la nation, car comme le rapporte Schnapper (ci-dessus cité) « ce qui est une condition nécessaire à l’existence de la nation, c’est que le citoyens partagent l’idée qu’il existe un domaine politique indépendant des intérêts particuliers et qu’ils doivent accepter les règles de son fonctionnement20 ». Cela est une exigence de la réinvention qui, apparaît pour l’Afrique et le Congo comme une perspective à, investir pour l’érection des systèmes véritablement démocratiques débarrassés de toute idée hégémonique quant au transfert d’un modèle politique dit moderne sur le contexte africain : car autant l’Afrique a à survivre de sa crise, autant elle a à vivre de son modèle de démocratie et d’une conception du pouvoir politique ; tel est le défi du développement et de la sortie de l’Afrique et du Congo des crises et conflits socio politiques.
1 Barus-Michel, J. (2003). Identité citoyenne, identité impossible : la construction identitaire. In Baugnet, L. (EDS). Constructions identitaires et dynamiques politiques. P. 22.
2 Morin, E. (2004). La méthode 6 : l’éthique. Paris : Seuil. P. 12.
3 William, J. W. & al. (1996). Perspectives des jeunes issus de l’immigration maghrébine. Paris : l’Harmattan. P.227.
4 Gosselin, G. (2001). Ethnicité et mobilisations sociales. Paris : L’Harmattan. P. 33.
5 Yengo, P. (1997). Identités et démocratie. Paris : L’Harmattan. P.209.
6 Baudoin, J. (1998). Introduction à la sociologie politique. Paris : Seuil. P.81.
7 Balandier, G. (1995). Anthropologie politique. Paris :Puf. P.61.
8 Barus-Michel, J. (2003). Identité citoyenne, identité impossible. In Baugnet L. (EDS). Constructions identitaires et dynamique politiques. P21.
9 Kouvouama, A. (2001). La modernité en question. Paris : Paris. P35.
10 Balandier, G.(1995). op. cité p.51.
11 Mahoungou, A.S. (2002). Jesse et mobilisation : cas des jeunes “Cobras » de Moungali pendant la guerre de Juin 1997. Mémoire de maîtrise de sociologie. Brazzaville.
12 Rechtman, R. (2004). Le miroir social des souffrances adolescentes : entre maladie du symbolique et aveu généralisé. In l’Evolution Psychiatrique. Vol. 69. 1.pp129-139.
13 Kaës, R., Missenard, A., Anzieu, D. & al. (2004). Crise, rupture et dépassement. Paris ; Dunod. P. 8.
14 Copaons, j. (p.11).
15 Kouvouama, A. (2002). Modernité africaine ; les figures du politique et du religieux. Paris : Paari. P.124.
16 Obenga, Th. (2005). Les dix points essentiels de l’œuvre de Cheikh Anta diop. Revue panafricaine(19°)dossier.
17 Schnapper, D. (1994). La communauté des citoyens : sur l’idée moderne de la nation. Paris : gallimard. p.39.
18 Rui, S. (2004). La démocratie en débat : les citoyens face à l’action publique. Paris : Armand Colin. P.19.
19 Kouvouama A. op. Cité, p. 124.
20 Schnapper, D. op. Cité. P.44.
Balandier, G. (1995). Anthropologie politique .Paris : Puf.
Barus Michel, J. (2003). Identité citoyenne, identité impossible : la construction identitaire. In Baugnet L. (Eds). Constructions identitaires et dynamiques politiques. pp. 19-26.
Beaudouin, J. (1998). Introduction à la sociologie politique . Paris : Seuil.
Copans, J. (2001). Introduction à l’ethnologie et à l’anthropologie. Paris : Nathan .
Copans, J. (1998). La longue marche de la modernité africaine : Savoirs intellectuels, démocratie . Paris : karthala.
Dorier-Apprili, E.& Kouvouama, A. (2001) .Pluralisme religieux et société urbaine à Brazzaville . Afrique contemporaine . n°2000. 82-89.
Dorna, A. (1998). Fondements de la psychologie politique. Paris : Puf.
Elster, j. (1990). Psychologie politique. Paris : Minuit.
Gosselin, G., & Lavaud, J.P. (2001) . Ethnicité et mobilisation sociale . Paris : L’harmattan
Kaës, R., Missenard, A. Kaspi, R., Anzieu, D. & al (2004) .Crise, rupture et dépassement . Paris : Dunod.
Kouvouama, A. (2002) Modernité africaine : Les figures du politique et du religieux . Paris : Paari .
Kouvouama, A. (2001). La modernité en question . Paris :Paari.
Mahoungou, A.S. (2002). Jeunesse et mobilisation politique : Cas des jeunes « cobras spontannés du quartier 41 de Moungali pendant la guerre de juin 1997, mémoire de maîtrise, Université Marien Ngouabi, Brazzaville
Morin, E. (2004) . Méthode 6 : Ethique . Paris : seuil.
Rechtman, R. Le miroir social des souffrances adolescentes : entre maladie du symbolique et aveu généralisé. In l’Evolution psychiatrique. Vol. 69. n°1. pp. 129-139.
Obenga, Th. (2005). Les dix points essentiels de l’œuvre de Cheikh Anta Diop. Revue culturelle panafricaine. (dossier 19° hommage). Paris.
Sandrine, R. (2004). La démocratie en débat : les citoyens face à l’action publique. Paris : A. Colin.
Schnapper, D. (1994). La communauté des citoyens : sur l’idée moderne de la nation. Paris : Gallimard.
Tonda, J. (2005). Le souverain moderne : le corps du pouvoir en Afrique centrale. Paris : Karthala.
Tsokini, D. (2005). Les déterminants psychoaffectifs du tribalisme. In le tribalisme en question. Paris : L’Harmattan. pp 37-43.
Yengo, P. (1997). Identités et démocratie. Paris ; L’harmattan.