Introduction
Qui est Elisabeth Roudinesco ?
Née en 1944, fille de la psychanalyste Jenny Aubry, Elisabeth Roudinesco se présente comme « historienne, psychanalyste, directeur de recherche au département d’histoire de l’Université de Paris-VII et chargée de conférences à la section des Sciences historiques et philologiques de l’Ecole pratique des hautes études » (Le Magazine littéraire, janvier 2006). Elle a été membre de l’Ecole freudienne de Paris (1969-1981) et du comité de la rédaction de la revue Action poétiques (1969-1979).
Elle est également (la liste n’étant pas forcément exhaustive) :
chargée de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (1992-1996) ;
Vice-présidente de la Société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse (SIHPP), depuis 1990 ;
membre du conseil de rédaction de la revue L’Homme et de la Société française d’histoire de la médecine, depuis 1997 ;
membre de la Société « L’évolution psychiatrique », depuis 1999 ;
collaboratrice au journal Libération (1986-1996), puis au journal Le Monde, depuis 1996.
Elle est considérée comme « la figure maîtresse de l’histoire actuelle du mouvement psychanalytique » (Le Magazine Littéraire, janvier 2006) et a notamment publié : Histoire de la psychanalyse en France (Fayard, 1994) ; Dictionnaire de la psychanalyse (Fayard, 1997) ; Pourquoi la psychanalyse ? (Fayard, 2000) ; Le patient, le thérapeute et l’Etat (Fayard, 2004) ou encore : Pourquoi tant de haine ? Anatomie du Livre Noir de la Psychanalyse (Navarin, 2005), etc.
La guerre des « psys » :
La récente publication du fameux Livre Noir de la Psychanalyse (2005), paru sous la direction de Catherine Meyer, a ravivé la guerre entre les comportementalistes et les psychanalystes qui constituent deux des grands courants théoriques de la psychologie. En effet, ce livre, co-écrit par 40 spécialistes (dont les principaux auteurs sont M. Borch-Jacobsen, J. Cottraux et J. Van Rillaer) passe en revue tous les abus, dérives et mystifications de la théorie psychanalytique et prône l’utilisation des thérapies cognitivo-comportementales. Très vite, les psychanalystes ont usé de leur pouvoir sur les médias pour donner leur point de vue plutôt défavorable et désapprouver le contenu de cet ouvrage.
Ce qui a été appelé «la guerre des psys » a commencé lors de la publication, en février 2004, d’un rapport de l’INSERM (Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale) qui visait à évaluer l’efficacité des psychothérapies (dont faisaient partie les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) et la psychanalyse), rapport qui concluait à la supériorité des TCC. Face à cette vérité, qui n’en était pas une aux yeux des psychanalystes pour diverses raisons, ceux-ci ont obtenu du ministre de la Santé de l’époque, Philippe Douste-Blazy, qu’il désavoue ce rapport en le retirant du site Internet officiel de son ministère. A la même époque se tenait au Parlement un débat houleux sur l’usage du titre de psychothérapeute, titre jusqu’alors non réglementé pouvant donc être utilisé aussi bien par des psychanalystes et des psychologues diplômés que par des soi-disant psychothérapeutes autoproclamés, afin de protéger les patients des sectes et des charlatans. Cette discussion a abouti au vote, en août 2004, de l’amendement Accoyer imposant aux prétendants au titre une formation de niveau BAC+5 en psychologie clinique, qui exclut donc les praticiens sans formation universitaire, mais à laquelle les psychanalystes ont réussi à échapper.
Ces trois faits nous éclairent sur l’influence que peuvent avoir les psychanalystes à la fois sur les médias mais aussi sur les pouvoirs publics pour se faire entendre et garder le quasi-monopole sur la santé psychique. Ce constat nous a amené à essayer d’illustrer le pouvoir de ces derniers à travers l’exemple d’une des psychanalystes la plus médiatisée : Elisabeth Roudinesco. Pour cela, nous passerons en revue la plupart de ses interventions médiatiques et littéraires dans les principaux débats opposant psychanalystes et comportementalistes, à savoir : ceux qui concernent l’Amendement Accoyer, le rapport de l’INSERM, l’affaire Bénesteau et, enfin, Le Livre Noir de la Psychanalyse, ainsi que les réponses qui lui sont adressées suite à ses prises de positions. Nous tenterons, en conclusion, de comprendre comment s’opère ce pouvoir.
Elisabeth Roudinesco et l’Amendement Accoyer.
Historique de l’Amendement Accoyer1
Face à l’absence de réglementation concernant la profession de psychothérapeute, qui se destine à soulager la souffrance psychique, le député UMP Accoyer, oto-rhino laryngologue, dépose le 13 octobre 1999 une proposition de loi devant faire partie du code de la santé publique et réservant l’usage du titre de psychothérapeute aux personnes titulaires d’un diplôme universitaire (psychiatres et psychologues). L’exposé des motifs est présenté de la manière suivante :
« Mesdames, Messieurs,
Deux professions de la santé mentale sont formées par les universités : les psychologues et les médecins psychiatres. Les conditions d’accès et d’utilisation de ces titres sont étroitement encadrées par la loi. Pourtant, il existe un grave vide juridique concernant l’exercice de la psychothérapie. La profession de psychothérapeute n’est en effet, à ce jour, toujours pas définie par le code de la santé publique. Ainsi, de trop nombreuses personnes insuffisamment qualifiées, voire non qualifiées, se déclarent et s’instituent psychothérapeute en toute impunité, faisant courir les plus grands dangers à des personnes qui, par définition, sont vulnérables et risquent de voire leur détresse et leur pathologie aggravées.
A l’heure où nos concitoyens exigent, à juste titre, une sécurité sanitaire accrue, il importe dans ce domaine que le législateur prenne ses responsabilités. C’est pourquoi, il vous est proposé de combler cette lacune en réservant strictement l’appellation « psychothérapeute » d’une part, aux titulaires du diplôme de docteur en médecine qualifié en psychiatrie et d’autre part, aux titulaires d’un diplôme de troisième cycle en psychologie. »
La proposition de loi est rédigée ainsi :
« Art.1. 360-1 – L’usage du titre de psychothérapeute est strictement réservé d’une part, aux titulaires du diplôme de docteur en médecine qualifié en psychiatrie et d’autre part, aux titulaires d’un diplôme de troisième cycle en psychologie. »
N° 1844.- Proposition de loi de M. Bernard Accoyer relative à l’usage du titre de psychothérapeute.
Cependant, la proposition du député Accoyer et de ses collègues n’aboutit pas.
Plusieurs députés font alors d’autres propositions de loi relatives à l’exercice de la profession de psychothérapeute et à la prescription et la conduite des psychothérapies mais, c’est en 2001, avec l’arrivée de Bernard Kouchner à la tête du ministère de la santé, que le député Accoyer essaie de convaincre le ministre d’insérer son amendement dans la loi sur les droits des malades. Ce dernier recule au dernier moment pour divers motifs, la mobilisation des associations de psychanalyse, notamment. Depuis, cette question n’a pas cessé de faire l’objet de débats parlementaires dont nous allons faire l’économie au lecteur.
Enfin, le 24 septembre 2003, la commission des affaires sociales de l’assemblée nationale adopte l’Amendement dit « Accoyer ». Cet amendement est proposé le 8 octobre 2003 à l’assemblée nationale et obtient un vote favorable à l’unanimité. Il est rédigé comme suit :
« 1- Dans le livre 2 de la troisième partie du code de la santé publique, il est crée un titre 3 intitulé « Dispositions particulières » intégrant un chapitre unique intitulé « psychothérapie »
2- Dans le titre 3 du livre 2 de la troisième partie du code de la santé publique, est inséré l’article L. 3231 ainsi rédigé :
« Art L 3231 : Les psychothérapies constituent des outils thérapeutiques utilisés dans le traitement des troubles mentaux. Les différentes catégories de psychothérapies sont fixées par décret du ministre chargé de la santé. Leur mise en œuvre ne peut relever que de médecins et psychologues ayant les qualifications professionnelles requises fixées par ce même décret. L’agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé apporte son concours à l’élaboration de ces conditions.
Les professionnels actuellement en activité et non titulaires de ces applications, qui mettent en œuvre des psychothérapies depuis plus de cinq ans à la date de promulgation de la présente loi, pourront suivre cette activité thérapeutique sous réserve de satisfaire dans les trois années suivant la promulgation de la présente loi à une évaluation de leurs connaissances et pratiques par jury. La composition, les attributions et les modalités de fonctionnement de ce jury sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l’enseignement supérieur. »
Le député Accoyer justifie son amendement de la manière suivante :
« Les français sont les premiers consommateurs au monde de psychotropes, et de plus en plus de jeunes sont affectés par des psychopathologies souvent graves.
La prise en charge de la souffrance psychique fait souvent appel aux psychothérapies. Or le vide juridique en ce domaine est total. Des personnes, insuffisamment qualifiées ou non qualifiées, se proclament elles-mêmes « psychothérapeutes ». Elles peuvent faire courir de graves dangers à des patients qui, par définition, sont vulnérables et risquent de voir leur détresse ou leur pathologie aggravées. Elles connaissent parfois des dérives graves. Depuis février 2000, la mission interministérielle de lutte contre les sectes signale que certaines techniques psychothérapeutiques sont un outil au service de l’infiltration sectaire et elle recommande régulièrement aux autorités sanitaires de cadrer ces pratiques. Cette situation constitue un danger réel pour la santé mentale des patients et relève de la santé publique. Il est donc indispensable que les patients puissent être clairement informés sur la compétence et le sérieux de ceux à qui ils se confient. Il convient donc de considérer les psychothérapies comme un véritable traitement. A ce titre, leur prescription et leurs conduites doivent être réservées à des professionnels détenteurs de diplômes universitaires, attestant d’une formation institutionnelle, garantie d’une compétence théorique, pouvant être doublée d’une expérience pratique. »
C’est là le véritable point de départ de la mise en mouvement des organisations des professionnels, des associations, instituts et syndicats car, d’après cet article de loi et la justification du député Accoyer, un psychothérapeute doit avoir un diplôme universitaire attestant d’une formation institutionnelle de haut niveau. Or, tous les psychanalystes ne sont pas médecins ni même psychologues. Ceux-là en sont donc exclus, l’analyse didactique ne rentrant pas dans le cadre d’une « formation institutionnelle ». Les réactions ne se sont pas faites attendre et, arrivé devant le Sénat le 19 janvier 2004, l’amendement Accoyer est devenu l’amendement 363 de About-Mattéi :
« L’usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national de psychothérapeutes. L’inscription est enregistrée sur une liste dressée par le représentant de l’état dans le département de leur résidence professionnelle.
Sont dispensés de l’inscription les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine, les psychologues titulaires d’un diplôme d’état et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations.
Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. »
Le 11 avril 2004 l’amendement Accoyer devient amendement Dubernard. Il est rédigé ainsi :
« La conduite des psychothérapies nécessite soit une formation théorique et pratique en psychopathologie clinique soit une formation reconnue par les associations de psychanalystes.
L’usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes.
L’inscription est enregistrée sur une liste dressée par le représentant de l’état dans le département de la résidence professionnelle des personnes souhaitant user du titre de psychothérapeute. Cette liste mentionne notamment les formations suivies par le professionnel. Elle est tenue à jour, mise à disposition du public et publiée régulièrement. En cas de transfert de la résidence professionnelle dans un autre département, une nouvelle inscription est obligatoire. La même obligation s’impose aux personnes qui, après deux ans d’interruption, veulent à nouveau faire usage du titre de psychothérapeute.
Sont dispensés de l’inscription sur la liste visée à l’alinéa précédent les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine, les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue dans des conditions définies par l’article 44 de la loi portant diverses dispositions d’ordre social n°85-772 du 25 juillet 1985 et des psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations.
Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat.»
Après le retour au Sénat de l’amendement puis son examen en séances publiques à l’Assemblée Nationale et au Sénat, il devient l’article 52 de la loi n°2004-806 du 9 août 2004 paru dans le Journal Officiel du 11 août 2004, page 14277, texte n°4.
Cet historique montre à quel point le texte du député Accoyer a subi de nombreuses modifications devant la vigueur des réactions des psychanalystes qui ont un poids certain dans la vie intellectuelle française. Nous allons maintenant examiner le débat médiatique à ce propos, dans lequel Elisabeth Roudinesco est intervenue au travers de multiples formes, dont un livre, qui permettent de comprendre ses positions et ses opinions.
Les références à Elisabeth ROUDINESCO et les interventions de celle-ci dans les médias à propos de l’Amendement Accoyer
Paul Benkimoun, dans un article du journal le Monde du 12 novembre 2003 qui s’interroge sur la réglementation de la pratique des psychothérapies, met l’emphase surl’inquiétude des psychanalystes à propos de « l’évaluation » que devraient subir les non médecins et les non psychologues qui exercent la psychothérapie depuis plus de cinq ans à la promulgation de la loi et qui voudraient bénéficier du titre de psychothérapeute. En effet, étant donné que tous les psychanalystes ne sont pas diplômés en médecine ni même en psychologie, ceux-là devraient passer devant un jury qui risquerait de leur interdire la pratique des psychothérapies. Mais qui jugera et sur quels critères que quelqu’un est apte à exercer en tant que psychothérapeute ? C’est là la grande frayeur des psychanalystes dont certains rejettent complètement le projet et d’autres l’acceptent sous certaines conditions. C’est alors qu’Elisabeth Roudinesco propose de négocier une représentation de toutes les écoles de psychanalyse dans le jury proposé par Bernard Accoyer.
Toujours en réaction aux expertises des non médecins et non psychologues proposée par l’amendement Accoyer, dans son intervention au « Forum des psys » organisés par Jacques-Alain Miller le 15 novembre 2003, Elisabeth Roudinesco dénonce et appelle à la mobilisation contre ce qu’elle qualifie « d’invasion barbare », c'est-à-dire, le scientisme. Selon elle, « on ne combat pas les dérives des médecines parallèles -ni mêmes des psychothérapies- par des expertises mais par la lutte intellectuelle d’une part et par de bonnes lois de l’autre ». L’historienne de la psychanalyse pense également que « le pouvoir de l’expertise […] se retournera contre ceux qui s’en croyaient protégés » et de ce fait, craint des divisions encore plus fortes au sein même de la psychanalyse.
La réponse que fait Patrice Van Den Reysen (professeur agrégé d’éducation physique et sportive) à cette intervention est que, sur le plan intellectuel, le monde occidental a connu bien des « invasions barbares » et notamment celle de la psychanalyse qui n’a pas fini de faire des ravages. En effet, selon lui, « la psychanalyse a réussi à faire imposer le totem de la théorie de l’inconscient avec ses tabous : les critiques dirigés contre lui ». Patrice Van Den Reysen souligne la contradiction d’Elisabeth Roudinesco qui ne cesse d’affirmer que la psychanalyse est une science et qui refuse des expertises scientifiques sur son efficacité. Le professeur d’éducation physique appelle ça de l’obscurantisme qui consiste à « vouloir combattre et éradiquer la raison, et le rationalisme critique en particulier ».
Dans son article Les faux-semblants de l’amendement Accoyer paru dans Le Monde du 24 novembre 2003, Elisabeth Roudinesco maintient sa position vis-à-vis de l’amendement qui, selon elle, ne permet en aucun cas de préserver la population des charlatans et déclare qu’il n’y a pas eu assez de discussion à propos de la loi proposée par le député UMP Accoyer avec les principaux intéressés, c'est-à-dire, avec les professionnels de la santé mentale.
Cet article a suscité plusieurs échanges entre l’historienne de la psychanalyse et le Docteur Vasseur (Psychiatre, Psychanalyste) entre le 25 novembre 2003 et le 5 décembre 2003. Dans sa première réponse du 25 novembre 2003, le Docteur Vasseur déplore la non compréhension d’Elisabeth Roudinesco à propos de « l’esprit » du texte du député en reprécisant l’un des objectifs premiers de l’amendement qui est : « appeler, comme exigence première à la pratique des psychothérapies, l’acquisition par la théorie et par la clinique des connaissances en psychopathologie ». A cela, Elisabeth Roudinesco répond qu’elle ne comprend pas comment le Docteur Vasseur, lui-même psychanalyste, peut être favorable aux expertises et ainsi s’opposer violemment à des personnalités de la psychanalyse telles que Jacques-Alain Miller, membre fondateur de l’Ecole de la cause freudienne, Jacques Sédat, membre du conseil d’administration de l’association Espace Analytique et Alain Fine, président de la Société psychanalytique à laquelle le Docteur Vasseur appartient. Le docteur Vasseur répond qu’il réussit tout à fait à concilier ses deux pratiques (psychiatre et psychanalyste) sans se tromper de rôle lorsqu’une demande de soin lui est faite, quelle soit médicale ou psychanalytique. Il explique également que, pour lui, la psychiatrie ne serait pas ce qu’elle est devenue aujourd’hui sans la psychanalyse. Enfin il précise que lui et le député Accoyer ont décidé de passer par des actions de témoignages scientifiques pour alerter le public et les politiques. Dans sa dernière réponse, Elisabeth Roudinesco déplore le fait que la psychiatrie soit devenue, à ses yeux, une « discipline sinistrée » car « elle a rompu le pacte qui l’unissait à la psychanalyse […] en se soumettant aux classifications du DSM2… ». Enfin, elle termine en désapprouvant le côté « pensée unique » que manifeste, selon elle, le Docteur Vasseur.
Le 12 décembre 2003, le ministre de la santé de l’époque (M. JF Mattei) reçoit les représentants des associations psychanalytiques, dont Elisabeth Roudinesco, qui demandent le retrait de l’amendement Accoyer. Cette rencontre a abouti à un verbatim, rédigé par Elisabeth Roudinesco le lendemain de la réunion à partir des notes prises sur place. Ce texte se présente sous la forme d’un dialogue dans lequel les propos tenus par chacun sont retranscrits. Il en ressort que le ministre de la santé propose le retrait de la psychanalyse du champ d’application d’un amendement en échange d’une remise d’un annuaire commun des analystes qui ferait passer la psychanalyse sous le contrôle d’un Ministère. Cette proposition est loin de convenir à Elisabeth Roudinesco et c’est ce qu’elle explique dans une interview du journal Libération. Selon elle, « un annuaire commun n’est pas une bonne idée » et si cette proposition était acceptée, alors « ce serait un aveu de faiblesse et le signe d’une sorte de faillite de la réflexion intellectuelle des psychanalystes ». Mais, un article de Libération du 20 décembre 2003 met en exergue une « querelle de psys autour d’un annuaire ». En effet, de nombreux psychanalystes ne sont pas d’accord avec les propos d’Elisabeth Roudinesco publiés dans l’article précédent. Elle y affirmait que la majorité des sociétés analytiques avait donné leur accord au ministre pour la création d’un annuaire commun (de tous les analystes) remis officiellement aux pouvoirs publics. Or, Jacques Sédat, lui-même psychanalyste, déclare dans un communiqué que cet annuaire serait à la disposition du public.
Dans un article de Libération du 13 janvier 2004, le journaliste Eric Favereau fait le bilan de la mobilisation des « psys » contre l’amendement Accoyer en reprécisant la position d’Elisabeth Roudinesco qui dénonce une société d’évaluation et d’expertises. En effet, elle déclare lors d’une interview du journal Le Point que cet amendement est inefficace et « inapplicable ». Selon elle, il donne trop de pouvoir aux psychiatre et ainsi, aux médicaments et aux experts. Elle craint « une société de plus en plus standardisée…et psychiatrisée » et pense que cette loi souligne la confusion entre trouble mental et souffrance psychique.
Enfin, dans un article du journal le Monde de juillet 2005, alors que les décrets d’application du dispositif réglementant la profession adopté en 2004 sont en préparation et se concentrent sur la formation des futurs psychothérapeutes, Elisabeth Roudineco estime qu’ « il s’agit de bannir la psychanalyse des formations de psychopathologie » et que « ce projet revient à créer un corps de fonctionnaires chargés du contrôle du psychisme des individus ».
Le pamphlet d’Elisabeth Roudinesco
Le patient, le thérapeute et l’Etat (2004)
Le pamphlet d’Elisabeth Roudinesco, intitulé : Le patient, le thérapeute et l’Etat (2004) fait suite à l’adoption de la réécriture par JF. Mattei et F. Giraud de l’amendement Accoyer devenu amendement 363 de About-Mattei (dont nous avons parlé précédemment) et au rapport de l’Inserm3 dont nous parlerons dans la troisième partie de ce travail.
Elle y annonce clairement, dès le début, sa position : l’Etat n’a pas à se mêler de « qui fait quoi » dans la psychanalyse ; la psychanalyse, quelle qu’elle soit, n’a pas de compte à rendre à l’Etat. En disant cela, il est évident qu’Elisabeth Roudinesco décide, au travers de ce livre, d’ouvrir un véritable règlement de comptes avec l’Etat et les psychanalystes qui ont accepté de remettre à l’Etat un annuaire commun de tous les analystes.
Elle rappelle que Freud lui-même considérait la psychanalyse comme un système de pensée et comme un art plutôt que comme une psychothérapie. Ainsi, la psychanalyse n’a pas pour but de guérir et se justifie d’elle-même. On comprend alors pourquoi Elisabeth Roudinesco est fermement opposée aux listes des membres que les sociétés psychanalytiques doivent régulièrement présenter, tout comme les médecins et les psychologues doivent présenter leur diplôme pour bénéficier du titre de psychothérapeute. En effet, le titre de psychothérapeute étant réglementé, cela implique que les psychothérapies, quelle qu’elle soient, sont soumises à l’évaluation de leur efficacité. C’est ainsi que l’auteur consacre tout un chapitre intitulé : Mirage de l’expertise dans lequel elle condamne fermement le rapport de l’Inserm. Elle déclare que les évaluateurs de l’Inserm (ces « experts ») sont inaptes à juger les psychothérapeutes car ils ne savent pas à qui ils ont affaire. De plus, l’historienne de la psychanalyse remet en cause l’objectivité des évaluateurs du fait qu’ils sont eux-mêmes des adeptes des Thérapies Cognitive et Comportementales (TCC)4 qu’elle définit comme « un mélange de méthode Coué, de dressage des corps, de technique de persuasion et de conditionnement conscient ». Elle ajoute que « ces adeptes du comportementalisme expertisent des hommes et des femmes en les traitant comme on traitait autrefois des rats de laboratoire ». Elle conclut en disant que les théories du conditionnement (sur lesquelles se basent les TCC) ne sont inspirées que par la négation radicale de toutes les formes de liberté. De toute évidence, Elisabeth Roudinesco se positionne en tant que défenseur de la liberté des patients. Cependant, le patient ne doit-il pas savoir, justement, à qui il a affaire avant de choisir librement le thérapeute qu’il estime capable de l’aider ?
Les retombées de son livre dans la presse française
Dans un article de Libération de mai 2004, le journaliste Eric Favereau décrit Elisabeth Roudinesco comme le repère dans « la planète compliquée de la psychanalyse ». Il la définit comme étant une femme d’influence avec un très fort tempérament et qui montre librement ses avis. Son livre est ressenti tel un « coup de colère ». L’historienne de la psychanalyse pense que la loi proposée n’est pas la bonne et qu’il s’agit d’une abdication des libertés. Egalement, elle y dénonce le fait que « les psychanalystes ont déserté les débats, leurs sociétés sont devenues des corporations ».
Quant à l’article du journal l’Humanité du 24 mai 2004, il décrit le livre de la psychanalyste comme « un combat » contre la dérive scientiste de la psychanalyse. Le journaliste y expose le point de vue de l’auteur selon lequel l’amendement Accoyer « s’identifie bien plus à une mise au pas qu’à une réflexion sereine, collective et nécessaire sur la situation contemporaine des thérapies de l’âme et le statut du sujet qu’elles dessinent ».
Dans l’interview qui suit cet article, Elisabeth Roudinesco reproche aux psychanalystes d’accepter l’intrusion de l’Etat dans leur discipline au travers des expertises. En effet, selon elle, on ne peut pas expertiser le psychisme comme on évalue un médicament : « […] l’histoire de chacun est toujours autre chose que les recettes chimiques […] ». Elle leur reproche également « d’avoir engagé le dialogue avec leurs ennemis alors qu’ils croyaient dialoguer avec la science ». Or, d’après l’historienne, la scientificité de la psychanalyse n’a pas de sens, la cure par la parole n’étant pas une science exacte. Seule une analyse sociologique pourrait apporter une certaine validité à cette cure. Elisabeth Roudinesco termine cette interview par un appel à « un sursaut collectif de réflexion et d’analyse » le but étant de « sauver la liberté et la puissance émancipatrice de la psychanalyse ».
Le Monde du 10 juillet 2004 publie un article dont le titre résume en une phrase le contenu du livre de la psychanalyste : Elisabeth Roudinesco pourfend les « donneurs d’annuaires ».
La parution de ce livre a également suscité de vives réactions sur Internet, notamment de la part d’un certain Loïc Talmon qui a écrit, en Août 2004, un article intitulé : Les patients, Roudinesco et l’étau (psychanalytique). Dans ce texte, Talmon (qui possède une formation académique en psychologie) présente le livre de l’historienne comme une récidive en référence à un autre livre de Roudinesco : Pourquoi la psychanalyse ? (1999). Il y dénonce « cette mauvaise fois qu’on ne lui connaît que trop » qui lui permet de défendre « ce champ de ruines que constitue désormais l’invention freudienne » et la contradiction permanente de l’auteur. Pour cela, il reprend point par point les arguments avancés par Roudinesco dans son livre et démontre qu’ils n’ont pas de sens. Cela part du rapport de l’Inserm sur l’évaluation des psychothérapies qui auraient été produites uniquement par des thérapeutes favorables aux TCC en passant par le nazisme enfoui des anti-freudiens…
Selon Talmon, dans ce livre, « notre chère psychanalyste ne dissimule plus les véritables enjeux : il s’agit d’une lutte de pouvoir […] » et « Elisabeth Roudinesco ne recule devant aucun procédé rhétorique pour discréditer ses « ennemis » et rehausser d’autant la psychanalyse aux yeux du public ».
Jamais un article de loi n’a suscité de telles réactions dans l’un des derniers pays les plus freudiens au monde. Les uns, alertés par les associations de victimes, accueillent à bras ouverts cette mesure qui vise à encadrer une profession envahie par le « charlatanisme ». Les autres, plus nombreux, s’insurgent : l’écoute ne se réglemente pas !
Comme nous avons pu le voir, face à la pression exercée par les psychanalystes, Bernard Accoyer a rectifié le tir et promis de les épargner : par leur histoire et leur organisation en écoles, ils méritent une place à part. La psychanalyse a réussi, une fois de plus, à tirer son épingle du jeu. Cependant, les membres de ce courant sont loin d’être tous en accord avec le compromis qui a été adopté.
Au début de l’année 2006, des discussions ont été entamées avec diverses associations représentant des professionnels de la santé mentale (psychologues, psychiatres, psychanalystes…) à propos de l’avant-projet de décret d’application de l’amendement. Le ministère de la santé a décidé que tous les professionnels, y compris les psychanalystes, souhaitant bénéficier du titre de psychothérapeute devront se soumettre à une nouvelle formation sanctionnée par un diplôme de niveau Master, validé par l’Université. Le but de cette formation est de permettre aux futurs psychothérapeutes d’acquérir « une connaissance de la diversité des théories se rapportant à la psychopathologie et une connaissance des quatre principales approches de psychothérapie validées scientifiquement (analytique, systémique, cognitivo-comportementaliste, intégrative) ».
Les réactions de l’historienne de la psychanalyse, face à ce projet, ne se sont pas faites attendre : cette dernière refuse l’enseignement de la psychanalyse (qui « ne s’est jamais définie comme une science ») à l’Université. Son objectif est clair : préserver la psychanalyse de tout contrôle de l’Etat afin de maintenir le pouvoir du courant freudien sur la France.
Au moment où nous écrivons ces lignes, cet avant-projet est déjà désuet, d’autres ont été proposés et la question n’est toujours pas réglée ! Affaire à suivre…
Elisabeth Roudinesco et le rapport de l’Inserm.
Inserm, expertise collective (2004). Psychothérapies : trois approches évaluées5
Suite au plan de santé mentale mis en place en 2001 par le ministère de la santé, l’Inserm s’est vu adresser la demande conjointe par la direction générale de la Santé (DGS) et deux associations de patients : l’UNAFAM (union national des amis et des familles de malades psychiques) et la Fnap-psy (fédération nationale des associations de patients et ex-patients de psychiatrie) d’une expertise collective visant à évaluer l’efficacité des psychothérapies utilisées dans le secteur de soins français.
De fait, la présente expertise dresse un bilan selon les données disponibles parmi la littérature internationale concernant trois approches psychothérapeutiques à savoir : les approches psychodynamique, cognitivo-comportementale, familiale et de couple, approches auxquelles les professionnels intéressés ont largement recours pour traiter les troubles mentaux de l’adulte, de l’adolescent et de l’enfant.
Le travail des experts de l’Inserm s’est organisé autour de trois axes principaux qui constituent les données générales sur l’évaluation de l’efficacité thérapeutique : la définition, les aspects méthodologiques et l’évaluation de chacune des approches ainsi qu’un bilan faisant intervenir études comparatives et études d’évaluation par la pathologie.
Face au dogme d’« inévaluabilité scientifique » des psychothérapies persistant en France (qui constitue « l’exception qui confirme la règle »), la publication le 26 février 2004 de l’expertise collective de l’Inserm a soulevé bien des critiques. Qui plus est, les résultats qu’elle a mis en avant sont loin d’être ceux qui vont dans le sens de l’opinion de nombreux praticiens et de celui de l’opinion publique. En effet, si la psychanalyse a un poids très fort dans le système psychothérapeutique français, elle n’en fournit pas moins de mauvais résultats en terme d’efficacité : 16 troubles ont été examinés dans le rapport de l’Inserm et pour 15 d’entre eux, ce sont les thérapies cognitivo-comportementales (« bête noire » de la psychanalyse) qui sont apparues comme étant le mode psychothérapeutique le plus efficace.
Par conséquent, une large polémique, confrontant les opposants et les défenseurs des TCC, s’est ouverte dans les médias et notamment dans la presse. Si, pour les défenseurs, les résultats ne font que rendre compte d’une réalité clinique souvent méconnue, leurs opposants argumentent leur rejet par le manque de rigueur estimé quant aux critères déterminant l’efficacité d’une thérapie ou par le manque de données scientifiques concernant les résultats de la psychanalyse en clinique française.
Quant à Elisabeth Roudinesco, elle est évidemment très hostile à ce rapport et nous allons voir quel est son point de vue à travers ses interventions médiatiques.
Les références à Elisabeth ROUDINESCO et les interventions de celle-ci dans les médias à propos du rapport de l’Inserm
Dans un article de l’Humanité du 13 janvier 2004, avant même la parution du rapport de l’Inserm, Elisabeth Roudinesco publie un article intitulé La psychanalyse, la santé, l’expertise dans lequel elle s’oppose clairement à « cette politique hygiéniste » que le gouvernement a mise en place. Elle rejette le scientisme, l’évaluation et l’expertise. Selon elle, « la psychanalyse est attaquée partout dans le monde par les neurosciences et le comportementalisme (« les piliers de ce sombre hygiénisme ») et par les psychanalystes eux-mêmes qui sont parfois complices d’une volonté d’auto-anéantissement parce qu’elle représente […] l’une des formes les plus modernes de résistance à la pratique de l’expertise, du contrôle et de l’évaluation ».
Cet article nous donne un avant goût de la manière dont va être accueilli le rapport de l’Inserm par l’historienne de la psychanalyse…
Lors d’une interview, disponible sur le site de la cité des Sciences, l’avis de Roudinesco est sans surprise. Celle-ci remet en cause le fait que les évaluations du dit rapport ont été réalisées par des adeptes des TCC ce qui aurait orienté les conclusions en faveur de ces thérapies. Par ailleurs, ce rapport n’a pas de sens étant donné que, pour elle, « on ne peut pas tester le psychisme comme on teste une substance dans un médicament ». Le psychisme fait partie de ces « choses qui, dans la vie, ne peuvent pas être expertisées ». Enfin, en tant que bonne historienne, elle rapporte les faits d’une « guerre » menée par l’amendement Accoyer et le rapport de l’Inserm contre le courant freudien qui résiste en héros et que, bientôt, l’homme devra remercier pour ne pas l’avoir laissé se faire réduire à « la somme de ses comportements ».
Cette interview a suscité une vive réaction de la part d’Annie Gruyer, présidente de Médiagora Paris6, qui définit cette interview comme « un tissu de haine, de prétention, d’ignorance, de mépris tant pour les autres approches thérapeutiques (que la sienne) que (plus grave encore) pour les personnes en souffrance (les patients) », les patients qui sont considérés par Madame Roudinesco comme, je cite : « des rats de laboratoire » (rien que ça…). Par la suite, Mme Gruyer prend le soin de justifier cette définition en dénonçant, dans un premier temps, une « désinformation » dont nous avons déjà parlé précédemment et qui concerne l’appartenance des experts de l’Inserm à tous les courants en faisant référence à Jean-Michel Thurin, psychiatre-psychanalyste. Puis elle pose la question de « l’évaluabilité » des thérapies qui est infaisable d’après Elisabeth Roudinesco mais qui, pourtant, se pratique chez « nos voisin anglo-saxons » et sert de garantie aux premiers concernés mais trop souvent négligés : les patients. C’est sur ce point qu’Annie Gruyer insiste en parlant en tant que patiente ayant le droit légitime d’exiger le maximum d’informations sur toutes les formes de thérapies disponibles. A ce propos, elle joint une lettre ouverte qu’elle a elle-même rédigée et qui est destinée à tous les psychothérapeutes (psychiatres, psychologues, psychanalystes, cognitivo-comportementalistes). Le message y est clair : les patients ont un « droit de savoir » que tout thérapeute doit respecter !
Puis, alors qu’on n’entendait plus parler du rapport de l’Inserm depuis un moment, le ministre des solidarités, de la santé et de la famille de l’époque : M. Philippe Douste-Blazy a relancé le débat.
Le 5 février 2005 se tenait à Paris, à la Maison de la Mutualité, le septième Forum des psys, organisé notamment par Jacques-Alain Miller, gendre du psychanalyste Lacan, qui a invité M. Douste-Blazy. Face à la réticence des psychanalystes vis-à-vis du rapport de l’Inserm, le Ministre a profité de ce forum pour y annoncer le retrait du site officiel du ministère dudit rapport. Cette décision sonne comme une victoire pour les psychanalystes qui ne tardent pas à l’annoncer au grand public. C’est le cas d’Elisabeth Roudinesco qui publie également un article dans le journal Le Monde du 15 février 2005 intitulé La fin d’une évaluation dans lequel elle félicite M. Douste-Blazy d’avoir rendu un tel hommage à Freud lors du forum. Elle rappelle également que « le psychisme qui caractérise tout sujet échappe à de telles évaluations » sous-entendu, les évaluations du rapport.
Cet article lui a valu une réponse Internet de Loïc Talmon qui se livre à une véritable analyse du « vibrant hommage » qu’Elisabeth Roudinesco rend « à notre cher Ministre » dans son article en y dénonçant une « propagande tapageuse des fantômes psychanalytiques qui hantaient les médias français ». Il nous dévoile ainsi la recette utilisée par l’historienne de la psychanalyse « qui donnent au final un plat qui se mange froid et sent bon la vengeance différée ». Le premier « ingrédient » est alors « l’argument carbonisé de l’antisémitisme » (sous-entendu, que celui qui est contre la psychanalyse est un « nazi qui s’ignore »). Le deuxième ingrédient est « la désinformation » (tout ce que dit Elisabeth Roudinesco à propos des TCC dans son article n’est que caricature). Enfin, dernier ingrédient : « la politisation du débat » (l’amendement Accoyer provient « d’une politique réactionnaire » et le rapport de l’Inserm « d’un groupe néo-nazi »). Loïc Talmon souligne également, et à juste titre, que la psychanalyste exclut complètement les patients du débat, patients qui sont pour une évaluation des psychothérapies, ce qui va de soit…
Dans une interview menée par Philippe Grauer, responsable du SNPPsy7, Elisabeth Roudinesco parle du geste du ministre comme d’« une victoire de la raison contre l’obscurantisme et de l’intelligence contre la sottise ». Il faut bien sûr entendre par « raison et intelligence » la discipline reine qu’est la psychanalyse et par « obscurantisme et sottise » le milieu scientifique de l’expertise et de l’évaluation que l’historienne rejette en bloc. Mais cette victoire ne suffit pas, dit-elle, le prochain objectif étant d’obtenir l’abrogation de l’amendement Accoyer qui est « inapplicable » et « contradictoire ».
Quand la vérité éclate au grand jour et que celle-ci ose aller à l’encontre de la discipline reine qu’est la psychanalyse, tous les moyens sont bons pour garder la face ; et, cela, Elisabeth Roudinesco le sait bien. Elle qui se comporte comme la défenderesse du mouvement freudien, elle réussit, une fois de plus, à nous faire une détestable démonstration de manipulation sur les médias et sur les pouvoirs publics français entremêlée d’une certaine mauvaise fois…et ça marche !
Le coup de grâce : la décision de retrait du site du ministère du fameux rapport de l’Inserm par M. Douste-Blazy dont Elisabeth Roudinesco se vante d’en avoir été informée par ce dernier bien avant que tout ceci ne soit officiel. Et comme si cela ne suffisait pas, dès qu’elle en a l’occasion, Roudinesco souligne le courage de M. le Ministre, histoire de le caresser un peu plus dans le sens du poil…
Seulement, l’Inserm et la Direction générale de la santé prennent très mal la décision du ministre. L’Inserm, organisme public, se dit scandalisé. La direction de la santé, quant à elle, dénonce un pays totalitaire.
Heureusement que certains voient clair dans le petit jeu sournois de l’historienne et qu’ils considèrent que « dénoncer les manigances d’une fausse prophétesse constitue une action d’utilité publique » (Talmon, op.cit.).
Elisabeth Roudinesco et l’affaire Bénesteau.
Le livre de Jacques Bénesteau : Mensonges freudiens
Jacques Bénesteau est psychologue clinicien, formé aux Université de Nice, Paris V et Aix-en-Provence. Après vingt-six années de carrière en pédopsychiatrie, il pratique désormais au sein du Service de Neuropédiatrie du C.H.U de Toulouse et est, depuis 1974, chargé d’enseignement à l’Institut de Formation en Psychomotricité de la Faculté de Médecine de Toulouse-Rangueil.
En 2002, il publie Mensonges freudiens : histoire d’une désinformation séculaire aux éditions Mardaga qui est un véritable pavé jeté dans la mare freudienne. L’importante documentation, constituée de plus de 730 éléments de référence, sur laquelle s’appuient les arguments de ce livre, lui donne une incontestable valeur objective. C’est un travail de recherche colossal et qui impose le respect tant pour sa pertinence, sa rigueur, sa précision que pour la clarté de l’exposé. Mais à quoi donc aboutit cette enquête ?
Comme le titre de l’ouvrage le laisse présager, ce livre nous démontre à quel point Freud, le père de la psychanalyse, était indiscutablement un charlatan qui n’avait aucun scrupule à manipuler ses patients, à les exploiter au mépris de leurs réelles souffrances pour pouvoir fabriquer les fausses vérités nécessaires à la construction de son propre mythe et à la cause de la psychanalyse.
Le lecteur découvre ainsi comment la théorie de l’inconscient se révèle n’être qu’une véritable escroquerie montée de toutes pièces par un homme avide de reconnaissance et d’argent.
Mais, dans un pays comme la France, où la théorie freudienne reste prégnante dans le milieu de la santé mentale, la parution de ce livre a connu bien des déboires comme nous le fait remarquer François Aubral8 dans un article paru dans le numéro 5 de Seine et Danube ainsi que (voir livre).
En effet, François Aubral nous apprend, de source sure, que quatorze éditeurs français qui ont lu le manuscrit de Bénesteau n’ont pas souhaité le publier. De plus, après sa parution chez nos voisins belges dans la courageuse collection dirigée par Marc Richelle9 chez l’éditeur Mardaga, « personne n’a daigné en France faire l’écho à ce livre dans les feuilles littéraires de la grande presse dont c’est le métier ! ». Il y a là selon l’auteur de cet article « un vrai problème qui mérite réflexion ». Tout est mis en œuvre pour passer sous silence tous ceux qui osent s’en prendre à la théorie freudienne. A ce propos, François Aubral revendique le fait que « même en matière de psychanalyse, le droit de penser, de critiquer et de philosopher par soi et pour soi appartient à tout honnête homme […]. La France n’a aucune raison de mépriser ce droit » tout en précisant que « presque partout ailleurs dans le monde, elle [la psychanalyse] a pour ainsi dire disparu ou est en voie de disparition ». Mais ce droit est difficilement applicable étant donné le véritable « embargo sur archives », exercé par les membres restant de la famille du médecin viennois et de ses disciples, qui laisse planer le doute quant à la validité de la théorie psychanalytique.
Malgré tout, en mars 2003, l’œuvre de Bénesteau reçoit le premier prix de la Société Française d’Histoire de la Médecine (SFHM) à l’unanimité. Mais, encore une fois, la grande presse littéraire n’en dit mot, ce qui n’est pas le cas de notre chère historienne de la psychanalyse qui profite de l’occasion pour se faire entendre.
Les références à Elisabeth ROUDINESCO et les interventions de celle-ci dans les médias à propos du livre de Jacques Bénesteau
D’après l’article de François Aubral, suite à la récompense décernée par la SFHM à Bénesteau pour son livre Mensonge Freudien, Roudinesco, qui fait partie de cette société, a adressé une lettre10 au Docteur Alain Ségal, président de ladite société, dans laquelle elle fait part de sa stupéfaction. D’après François Aubral, elle y ferait également un amalgame entre l’ « épouvantable » auteur d’un best-seller11 et Bénesteau, ce que François Aubral excuse en considérant qu’il s’agit certainement d’« un mouvement de colère acceptable » de la part de l’historienne.
Mais le professeur de philosophie va vite s’apercevoir qu’il ne s’agit pas d’un simple coup de colère avec la parution d’un article de Roudinesco dans la revue Les temps Modernes sous le titre « Le Club de l’Horloge et la psychanalyse : chronique d’un antisémitisme masqué ».
Dans cet article, Elisabeth Roudinesco explique clairement qu’elle a écrit à Alain Ségal parce qu’il était de son devoir de demander des comptes aux membres du jury de la SFHM pour avoir décerné le premier prix au livre de Jacques Bénesteau (ce même premier prix qui lui avait été remis pour un de ses livres auparavant). Après avoir soi-disant démonté point par point les principaux arguments avancés par Bénesteau (cet « adepte du courant cognitivo-comportemental »), elle décrit l’ouvrage de ce dernier comme un mélange de « démarche scientiste » et de « rhétorique d’inspiration antisémite et négationniste ». Je cite : « L’ouvrage de Bénesteau n’est donc rien d’autre que l’expression masquée d’un retour du refoulé d’une certaine France chauvine et réactionnaire qui, durant l’entre-deux-guerres, appelait « science boche » la doctrine inventée par Freud, laquelle deviendra ensuite, dans le discours nazi, « une science juive », et enfin, dans le contexte d’aujourd’hui, une fausse science propageant des complots bolcheviks ».
Enfin, elle termine son article en pointant du doigt les « spécialistes du domaine psychiatro-psychologique » qui ont fait l’éloge de l’œuvre de Bénesteau, ceux-là qui ne méritent pas, selon elle, le titre de ‘scientifique’ « qu’ils s’octroient ».
Cet article, d’après François Aubral, est « hallucinant, haineux et rigoureusement faux » et ce dernier finit par s’adresser directement à Elisabeth Roudinesco : « Mais que vous arrive-t-il Madame ? A-t-on le droit de critiquer Freud et la psychanalyse sans se voir immédiatement marqué du sceau de l’infamie sans le moindre argument ? Vous maniez à tout va les amalgames, à mes yeux les plus délirants, pour salir Bénesteau que vous n’avez probablement pas les moyens intellectuels de critiquer à la loyale ». Aubral dénonce, dans l’article de Roudinesco, « un très affreux montage » (des citations prêtées à Bénesteau qui n’existent pas, des « résumés frauduleux », ajout de petits mots qui font la différence…) et félicite avec ironie le « courage » de l’historienne pour avoir utilisé ces moyens plus qu’inadmissibles mais dont Bénesteau nous avait prévenu !
François Aubral n’est pas le seul à avoir décortiqué les méthodes plus que douteuses d’Elisabeth Roudinesco pour discréditer le contenu de l’ouvrage de Bénesteau. Patrice Van den Reysen en a fait autant et son analyse détaillée qu’il rend disponible dans son article rejoint celle du Professeur Aubral : « […] Madame Roudinesco crée de toutes pièces des phrases qui ne se trouvent pas dans le livre de Jacques Bénesteau ainsi que des montages argumentaires et des mots qui permettent de lui attribuer des démonstrations ou des affirmations qu’il ne fait pas ». Dans son article, Patrice Van den Reysen souligne, dans un premier temps, le pouvoir de « Madame Roudinesco et consort » sur les médias et les politiques de notre pays, utilisé pour contrer toutes les critiques faites au freudisme. Il explique également que quoique que l’on dise ou fasse, les psychanalystes ont toujours le dernier mot grâce à leurs interprétations abusives. Pour cela, il nous fait une jolie démonstration en prenant l’exemple du fameux argument d’antisémitisme que voici : « […] être contre la psychanalyse et le freudisme, c’est être contre la « science juive », donc être un antisémite. Et si votre antisémitisme reste impossible à prouver par les faits, c’est donc qu’il est inconscient et qu’il avance masqué, comme le prétend madame Roudinesco. Mais dans ce cas, comment réfuter une telle accusation ? Car selon les freudiens, si je refuse une interprétation par la causalité inconsciente, c’est que je résiste à la théorie, et toute résistance est assimilée comme une confirmation de la théorie par les freudiens ! »
Enfin, Patrice Van den Reysen termine son article en faisant allusion au procès en diffamation qu’ont intenté Jacques Bénesteau et le Club de l’Horloge à Elisabeth Roudinesco ; ce procès dont s’est emparée la presse qui, une fois de plus, plaide en faveur de la psychanalyse.
Le 14 avril 2005, l’Humanité publie un article qui prend clairement partie pour Elisabeth Roudinesco en intervertissant complètement les rôles. Tout d’abord son titre, qui met en avant l’historienne de la psychanalyse : Roudinesco face à la droite extrême, donne l’impression que c’est cette dernière qui attaque en justice Bénesteau ; or, il s’agit bien du contraire. De plus, le journaliste commence son article en posant une question (« Les penseurs de la droite extrême supporteraient-ils mal la critique ? ») dont le sujet du verbe (faisons un peu de grammaire) semble quelque peu inapproprié. En effet, comme nous avons pu le voir dans les deux brillants articles de Aubral et Van den Reysen, ne serait-ce pas plutôt la psychanalyste qui supporterait mal la critique de son courant de pensée ? Cet article ne fait que rapporter les faits d’un seul point de vue : celui de la psychanalyse.
A la même date, Libération publie un article un peu plus long sur l’affaire et toujours en faveur d’Elisabeth Roudinesco. Selon le journaliste, cette affaire « s’inscrit dans le contexte d’une montée en puissance de la critique de la psychanalyse » en faisant référence au rapport de l’Inserm sur l’évaluation des psychothérapies. Comme dans l’article précédent, celui-ci expose les faits du seul point de vue psychanalytique.
Le 16 avril 2005, le même journal raconte le procès entre l’auteur de Mensonges freudiens et le président du Club de l’horloge, d’un côté, et l’historienne de la psychanalyse, de l’autre (alors que les deux affaires étaient parfaitement distinctes au début et ont été volontairement réunies par la suite) en décrivant les stratégies employées par chacun des partis pour se défendre. L’auteur de cet article ne peut tout de même pas s’empêcher de faire une pointe d’humour noir à la mode « psychanalyse » en déclarant que de Lesquen (président du Club de l’horloge) a « (re)découvert » l’existence de l’inconscient avec un « lapsus » qu’il aurait commis à deux reprises : celui de dire « madame Bénesteau » au lieu de « madame Roudinesco ». Enfin, le journaliste n’oublie pas de laisser sous-entendre, à la fin de son article, qu’Elisabeth Roudinesco semble bien partie pour gagner ce procès.
Toujours le 16 avril 2005, le journal Le Monde publie un article dont le contenu est sensiblement le même que le précédent et renvoie le lecteur au verdict qui sera prononcé le 2 juin 2005. De même pour l’article du 18 avril 2005 du journal l’Humanité.
Au lendemain du jugement, les quotidiens : l’Humanité, Libération et Le Monde publient le résultat du fameux procès. Roudinesco obtient la relaxe, Roudinesco-Club de l’horloge, 1-0 ou encore Le Club de l’horloge perd son procès contre l’historienne Elisabeth Roudinesco, bref, le lecteur l’aura compris : la psychanalyste a gagné le procès qui lui avait été intenté. En fait, les juges ont estimé que, sur la forme, la procédure engagée par Jacques Bénesteau était juridiquement nulle, les propos n’étant pas suffisamment précisés ; ils n’ont donc pas pu se prononcer sur le fond. Pour ce qui est du Club de l’horloge, le tribunal a fini par considérer qu’Elisabeth Roudinesco, en procédant à une analyse critique des modes de pensée et positions de l’association, « n’a pas dépassé les limites autorisées du droit de libre critique dans le cadre d’un débat d’idées ». Evidemment, l’historienne de la psychanalyse s’est dite « très heureuse » de la décision du tribunal en déclarant que c’était le droit de l’historien qui avait été démontré, et s’est répandue dans les médias en clamant qu’elle avait accusé Bénesteau d’antisémitisme, que celui-ci lui avait intenté un procès en diffamation et qu’il ne l’avait pas gagné (sous entendu : il l’avait perdu, il n’y avait pas eu de diffamation de sa part à elle, il était donc bel et bien antisémite). Le lecteur appréciera l’élégance du procédé.
Ce verdict a suscité la réaction « Internet » de Loïc Talmon qui dénonce la « « grande » presse française » pour avoir « sournoisement mêlé les deux affaires (Bénesteau et Club de l’horloge) pour la bonne cause… freudienne ». Il dénonce également cette « tradition » qui remonte au père de la psychanalyse et qui consiste en l’utilisation abusive de l’argument de l’antisémitisme par les psychanalystes « lorsqu’ils sont acculés par les faits ». Dans cet article Loïc Talmon nous fait part de son total désaccord avec la décision du tribunal car pour lui : « […] accuser quelqu’un d’antisémitisme sans l’ombre d’une preuve plus convaincante qu’un préfacier revêtu de la ‘mauvaise’ couleur politique ou que des montages de textes éhontés, relève bel et bien de la diffamation pure et simple ». Pour appuyer son point de vue, il nous rappelle l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la diffamation par voie de presse.
Ces faits ont également été rapportés par Marie-Jeanne Marti (2006) dans un ouvrage qui dénonce certains abus de la « nébuleuse « Psy » française».
Une fois de plus, la psychanalyse obtient gain de cause grâce au pouvoir de persuasion d’Elisabeth Roudinesco qui continue à séduire les médias et qui est parvenue à séduire la justice française…
Elisabeth Roudinesco et Le Livre noir de la psychanalyse.
Le livre noir de la psychanalyse
Le livre noir de la psychanalyse est un ouvrage qui a été co-écrit par près de quarante auteurs (historiens, philosophes, psychiatres…) spécialistes du freudisme et de la psychanalyse. On y découvre les thèses des érudits anglo-saxons de Freud, jusque là pratiquement inconnues du grand publique, mais également des témoignages de personnes ayant vécu la psychanalyse douloureusement. Le bilan de la psychanalyse que ce livre dresse est accablant. On y trouve les principales approches critiques de la psychanalyse : épistémologique, historiographique et thérapeutique. Il est à noter que certains articles réalisent une interaction entre les trois approches en montrant comment des preuves historiques établies à partir de documents d’archives permettent d’avoir une vue très précise sur les « méthodes de découverte et d’investigation de Freud » et d’en déduire que les conséquences thérapeutiques de ses théories sont bien différentes des prétendus succès éclatants qu’il n’a cessé de vanter tout au long de sa carrière.
A la lecture de ce livre, on se rend compte qu’on est en présence de récits rigoureux solidement étayés par des démonstrations et des preuves vérifiables.
Compte tenu du caractère synthétique des thèses développées dans le livre noir et du langage simple et clair employé par ses auteurs, on peut considérer qu’il constitue une excellente invitation à se documenter plus en profondeur en découvrant les ouvrages de référence écrits des auteurs.
Le livre noir de la psychanalyse avec les Mensonges freudiens de Jacques Bénesteau, offrent désormais au grand public français ce qu’il n’est plus permis d’ignorer sur Freud et sa théorie.
Contrairement à l’ouvrage de Jacques Bénesteau, Le livre noir de la psychanalyse n’est pas passé inaperçu dans les médias français, mais, tout comme Mensonges Freudiens, il a suscité moult réactions de la part des psychanalystes. Comme toujours, Madame Elisabeth Roudinesco n’a pas manqué d’occuper le devant de la scène, marquant ses interventions avec la méthode désormais reconnaissable par tous et qui constitue sa marque déposée.
Les références à Elisabeth ROUDINESCO et les interventions de celle-ci dans les médias à propos du Livre noir de la psychanalyse
Avant même la parution du livre noir (et oui, c’est possible !), Elisabeth Roudinesco publie une longue note de lecture pour information à propos du livre, datée du 29 août 2005, qu’elle rend disponible sur Internet.
Dans la première partie de ce texte, l’historienne de la psychanalyse décrit le contenu de l’ouvrage comme étant une violente insulte envers tous les représentants du mouvement psychanalytique. Tout est bon pour discréditer le contenu de l’ouvrage : « Les chiffres sont faux, les affirmations inexactes, les interprétations parfois délirantes. Les références bibliographiques sont tronquées et l’index est un tissu d’erreurs ».
Roudinesco reconnaît, dans ce texte, que la psychanalyse traverse une crise dont les causes sont multiples et reproche aux auteurs du Livre noir de ne pas les avoir évoquées et d’avoir « abandonné tout esprit critique pour se livrer à des dénonciations extravagantes ». Elle explique également que Freud et la psychanalyse ne doivent pas payer pour des abus commis par des « charlatans » en évoquant les familles d’enfants autistes.
Elle nous dévoile ensuite la tonalité générale de l’ouvrage qu’elle compare à « celle d’un réquisitoire qui vise à réduire l’individu à la somme de ses comportements et à dénoncer toute tentative d’explorer l’inconscient ».
Ce livre, poursuit-elle, « est écrit dans une langue dénonciatrice, et truffée d’une terminologie évoquant les procès en sorcelleries : mystification, imposture, possession, préméditation, assassinats, meurtres, complots, etc.»
Puis, Elisabeth Roudinesco nous révèle que, dans deux des chapitres du Livre noir, les textes qui y sont rassemblés ne sont ni plus ni moins que des résumés de livres déjà publiés, et renvoie le lecteur à son Dictionnaire de la psychanalyse pour vérifier tout cela.
A la fin de la première partie de ce texte, Elisabeth Roudinesco évoque la une du Nouvel Observateur du 1er septembre 2005 qui, il faut le souligner, a été le premier à ouvrir la polémique en présentant honnêtement et courageusement le Livre noir, grâce à un dossier d’Ursula Gauthier accusée d’être « favorable de longue date aux TCC » par Roudinesco.
La deuxième partie du texte de l’historienne est consacrée au statut juridique de l’ouvrage. Elle y précise que le Livre noir est une « opération éditoriale », un « montage ou collage éditorial de différents articles » dont le but est de « nuire à une discipline et à ses représentants ». Elle dénonce également le fait que certains articles du livre n’ont rien à voir avec « l’expression de la volonté destructrice affirmée par l’éditrice et par ses trois collaborateurs ». Il faut savoir ce que l’on veut !
Dans la troisième partie de son travail, Roudinesco explique que « de nombreux passages de ce livre sont […] diffamatoires » sans préciser lesquels, et qu’ils « pourraient faire l’objet d’une expertise par des avocats ». Elle termine ce paragraphe sans pouvoir s’empêcher de nous dévoiler sa peur quant à « l’impact » que pourrait avoir le Livre noir sur l’opinion publique.
La quatrième partie du texte concerne la maison d’édition : Les Arènes, spécialisée, d’après Roudinesco, « dans la dénonciation des dossiers noirs de tout ».
Enfin, Roudinesco termine par un commentaire dans lequel elle dénonce le retranchement des psychanalystes « de la vie publique et de tout engagement politique », ce « retrait » qu’elle qualifie de néfaste (elle doit probablement compenser ce vide vu le nombre incalculable de ses interventions médiatiques). Elle lance clairement un appel de détresse à la « communauté psychanalytique » en la mettant en garde à propos de l’impact du Livre noir sur l’opinion publique et sur les patients en souffrance et en lui demandant de cesser de jouer à l’autruche quant aux « débats de sociétés » qui touchent leur discipline. Madame Roudinesco se sentirait-elle en position de faiblesse ?
Du côté de la presse, L’Express présente le Livre noir comme « une attaque au vitriol de l’œuvre de Freud et de ses héritiers, accusés de charlatanisme et d’abus de pouvoir » dans un contexte de crise mêlant deux affaires : le rapport de l’Inserm et l’amendement Accoyer qui « ont déclenché des prises de bec mémorables entre comportementalistes et analystes ».
Puis, le quotidien offre à Elisabeth Roudinesco sa propre tribune afin de mener sa « contre-attaque », seule, sans aucune partie adverse pour s’opposer à ses arguments. En effet, l’auteur de cet article : Gilbert Charles, n’a pas jugé nécessaire d’inviter un seul des auteurs du Livre noir pour le défendre ou même en justifier le contenu. C’est alors que la psychanalyste se voit accorder une interview sur mesure qui lui permet d’introduire un à un l’ensemble des arguments qu’elle avance dans le document Internet que nous avons vu précédemment. Mais, cette fois, elle est sure de toucher un plus large publique : effet mouche garanti ! C’est à se demander si le journaliste n’a pas ajusté ses questions en fonction du discours préalablement préparé…
Cependant, la plaisanterie a assez duré et les réactions ne se sont pas faites attendre. Une semaine après la publication de cet article, le professeur Jacques Van Rillaer, un des principaux auteurs du Livre noir, s’adonne à une petite « analyse des affirmations d’Elisabeth Roudinesco » qui s’y trouvent. Il passe ainsi en revue une vingtaine de ses énoncés traitant divers aspects du contenu et de la forme de l’ouvrage et « qui témoignent d’une étonnante mauvaise foi ». Encore une fois, les rectifications apportées par le professeur concernent, la plupart du temps, des propos détournés et déformés par Mme Roudinesco. Il ne manque pas d’appuyer ses affirmations à l’aide de références bibliographiques précises, chose qu’Elisabeth Roudinesco omet souvent de faire… Il souligne également les énormes lacunes de la psychanalyste concernant la psychologie scientifique ce qui est quelque peu fâcheux pour quelqu’un qui prétend critiquer les TCC.
Une autre réaction, suite à l’interview de l’historienne de la psychanalyse parue dans l’Express du 5 septembre 2005, est celle de Laurent Beccaria, directeur des éditions Les Arènes qui adresse un droit de réponse à Elisabeth Roudinesco. En effet, d’après lui, la psychanalyste met gravement en cause la réputation des éditions qu’il dirige en supposant que certains articles du Livre noir auraient été inclus ‘à l’insu du plein gré’ de leurs auteurs, ce qui est totalement faux ! Pour prouver qu’il n’a pas « violé le droit moral des propos des auteurs », il met à disposition l’ensemble des documents qui montrent que tous les auteurs du Livre noir ont écrit leurs textes en connaissant parfaitement « l’intention critique de l’ouvrage ».
Enfin, c’est au tour des principaux auteurs du Livre Noir de la Psychanalyse de répondre collectivement à Roudinesco. Ce sont toujours les mêmes faits qui lui sont reprochés : ils dénoncent les contrevérités et les accusations de la psychanalyste qui n’apportent aucune preuve de ce qu’elle avance. D’ailleurs, plusieurs points rejoignent ceux évoqués dans l’analyse du Professeur Van Rillaer.
En référence à l’article d’Ursula Gauthier : « Faut-il en finir avec la psychanalyse ? » paru dans le numéro du 1er septembre 2005, le Nouvel Observateur explique sa démarche qui n’a visiblement pas été appréciée par les psychanalystes. Laurent Joffrin précise dans cet article qu’il n’a jamais été question, pour le journal, de déclarer la guerre aux psychanalystes qu’il reconnaît comme étant de leurs amis. Tout simplement, le Livre Noir leur semblait soulever « des questions qui ne pouvaient rester sans réponse » et, c’est pourquoi, « pour équilibrer » leur dossier, ils avaient d’abord fait appel à « l’historienne de la psychanalyse la plus connue en France, Elisabeth Roudinesco ». C’est alors que l’on apprend que cette dernière « a d’abord refusé de débattre avec un quelconque auteur du « Livre noir » » à la grande surprises des journalistes du Nouvel Observateur. Puis, elle leur a proposés de « passer sous silence l’ouvrage » et de « remplacer les extraits prévus par un long entretien avec elle » justifiant sa démarche que le livre est « politiquement louche, à la limite de l’antisémitisme » (encore le fameux argument de l’antisémitisme !). Laurent Joffrin termine son courageux article en disant que le débat reste ouvert et qu’il « continuera à donner la parole à tous les protagonistes, sans se laisser intimider par un terrorisme intellectuel […] qui ne sert pas les défenseurs de la cause freudienne ».
La réaction d’Elisabeth Roudinesco face à cet article ne s’est pas faite attendre. Elle écrit un droit de réponse dans lequel elle tient à apporter quelques « précisions et mises au point ». Elle justifie ainsi son refus de participer au numéro du Nouvel Observateur consacré au Livre Noir en expliquant qu’il lui était impossible de participer à la « promotion d’un livre qui travaille, à l’évidence, à la démolition de la psychanalyse ». Concernant l’histoire du remplacement des extraits de l’ouvrage par un entretien avec elle, Roudinesco se défend en disant qu’elle aurait accepté une tribune à condition que la une du journal ne contribue pas également à « l’entreprise de démolition » de la discipline. Dans un troisième point, elle dit ne jamais avoir parlé d’antisémitisme à l’égard de cet ouvrage où elle n’en a décelé aucune trace. D’après elle, le journaliste a dû confondre avec les Mensonges Freudiens de Bénesteau (qu’il est bête, alors, ce journaliste !). Enfin, elle termine ce droit de réponse par une note de « fayotage », en sous-entendant qu’elle n’a aucune raison de faire partie du « petit groupe » qui aurait « mis en doute les capacités intellectuelles de la direction du Nouvel Observateur » étant donné que le journal l’a toujours très bien accueillie (il ne faudrait pas que Madame Roudinesco qui a déjà Le Monde à ses pieds, perde ses entrées au Nouvel Obs…).
Le 17 septembre 2005, le journal Libération publie deux articles sur la parution du Livre Noir de la Psychanalyse. Le premier donne la parole aux psychanalystes en rassemblant des répliques trouvées ça et là sans oublier de citer Elisabeth Roudinesco qui déclare que l’ « on ne discute pas avec des gens qui veulent vous tuer. On parle d’eux sans eux. Pas de débats ». Cette réplique semble prendre des airs de justification à son refus au Nouvel Observateur précédemment évoqué. Puis le journaliste fait un rapide rappel des faits concernant les violents affrontements, qui durent depuis trois ans, entre psychanalystes et cognitivo-comportementalistes, auxquels vient s’ajouter la publication du Livre Noir…qui obtient un franc succès !
Le deuxième article est une interview qui donne enfin la parole à l’un des principaux auteurs du Livre Noir : Jean Cottraux12, psychiatre des hôpitaux et chargé de cours à l’université de Lyon 1, et qui est présenté comme « un des plus ardents défenseurs des TCC ». Il explique que, selon lui, le but était de « lancer un débat sur la validité de la psychanalyse ». Le problème central, explique Jean Cottraux, c’est l’ambiguïté de la psychanalyse elle-même : guérit-elle ou ne guérit-elle pas ? Ce « double jeu » et « cette violence intellectuelle » deviennent insupportables aux yeux du psychiatre. Il termine cette interview en réfutant l’historienne de la psychanalyse qui déclarait qu’il n’y avait que 500 praticiens « técécistes » or, Cottraux en compte un peu plus du double et affirme que les TCC « vont bien » et qu’elles ont du succès non seulement auprès des professionnels mais aussi auprès des patients.
Le document suivant provient de la plume d’Elisabeth Roudinesco qui règle ses comptes avec le professeur Jacques Van Rillaer qui lui aurait attribué des propos et des jugements, dans le Livre noir, qui ne sont pas les siens (ne serait-ce pas plutôt sa méthode à elle ?). Cette fois, l’historienne de la psychanalyse n’oublie pas de préciser les pages où se sont glissées les fausses déclarations. En fait, la psychanalyste ne recense que deux exemples et conclut que Jacques Van Rillaer « utilise des citations pour leur faire dire ce qu’elle ne disent pas ».
Dans son numéro 269 d’octobre 2005, le magazine Science et pseudo-sciences publie un article qui résume les mésaventures du Nouvel Observateur avec l’historienne de la psychanalyse à propos du Livre Noir. Pour cela, il cite l’article de Laurent Joffrin déjà évoqué et termine par une conclusion plutôt incisive que voici : « Elisabeth Roudinesco aurait dû demander directement à Philippe Douste-Blazy, le ministre de la Santé qui a retiré le rapport dérangeant de l’Inserm, l’interdiction pure et simple du Nouvel Obs, et de tous les journaux (peu nombreux) qui rendent compte de façon honnête et sans passion de la sortie du Livre noir ».
Le 12 octobre 2005, Elisabeth Roudinesco passe chez Jean Lebrun, seule (une fois de plus) sur France Culture dans l’émission Travaux publics. Elle y est invitée pour répondre de manière argumentée aux attaques du Livre Noir. Une seule question lui est posée à ce propos et dans laquelle Jean Lebrun lui demande de présenter certains aspects de la polémique autour de l’ouvrage de Catherine Meyer. Elle répond en disant que les courants comportementalistes ont toujours existé et les définit comme « des méthodes, au pire de dressage, au mieux de rééducation ». Elle explique ensuite qu’ « il faut penser l’histoire de la psychanalyse avec ses périodes sombres, ses excès, ses questions d’héritage ». Or, c’est ni plus ni moins ce que le lecteur retrouve dans le Livre Noir, mais Elisabeth Roudinesco ne le voit pas de cet œil. Elle déclare également que les auteurs du Livre Noir disent que « tout ça n’a pas existé » ce qui est complètement faux ! Il n’a jamais été question de nier l’existence de la psychanalyse qui est, comme le dit Jean Cottraux dans Libération : « une des plus grandes idéologies du XXe siècle ». En revanche, il est évident que l’ouvrage démontre brillamment que, sur certains points, le père de la psychanalyse a effectivement menti.
Elisabeth Roudinesco ne mâche pas ses mots et n’hésite pas à parler d’une « théorie du complot » qui fait que « on ne peut pas parler avec des gens qui veulent assassiner et qui veulent prendre des places alors qu’ils ont des places ». Encore une fois, on peut entrevoir un semblant de justification concernant son refus de participer au débat proposé par le Nouvel Observateur. On se demande même si Elisabeth Roudinesco n’est pas en train de remercier furtivement le journaliste de France Culture pour l’avoir invitée SEULE !
L’interview s’achève par un petit « coup de pub » pour le livre à venir d’Elisabeth Roudinesco qui s’intitule : Pourquoi tant de haine ? Anatomie du Livre Noir de la Psychanalyse,dont nous parlerons dans le point 5.3.
Une autre interview a été accordée à la psychanalyste par la Radio Suisse Romande de Genève dans l’émission Les temps qui courent à l’occasion de la sortie d’un autre livre de l’historienne13. Au cours de l’entretien, la journaliste amène son invitée à donner son sentiment vis-à-vis du Livre Noir et vis-à-vis de l’attitude des psychanalystes qui devraient peut être entreprendre une tâche d’autocritique de leur discipline. L’historienne répond que les psychanalystes se livrent bel et bien à la critique de la psychanalyse et de Freud, contrairement aux auteurs du Livre Noir qui, selon elle, montrent une véritable « volonté guerrière d’éradication de la discipline ». Elle ajoute, une fois de plus, que le débat est impossible avec des « extrémistes de cet ordre là ».
La réplique littéraire d’Elisabeth Roudinesco
Pourquoi tant de haine ? Anatomie du Livre Noir de la Psychanalyse
Pourquoi tant de haine ? paru aux éditions Navarin deux mois après la publication du Livre Noir, et qui a pour ambition de faire « comprendre pourquoi l’œuvre freudienne continue de susciter une telle haine » sonne faux.
Premièrement, il sonne faux de par sa taille. Le titre annonce tout de même l’anatomie d’un livre qui compte pas moins de 800 pages. Or la démonstration ne dure que le temps du premier chapitre d’un minuscule livre qui en contient quatre et qui s’étendent sur 91 pages.
Deuxième et dernier point (la taille du commentaire reflète la taille de l’ouvrage), ce livre sonne faux de par son contenu. En effet, à plusieurs reprises, la psychanalyste a déclaré que certains textes du Livre Noir ne sont ni plus ni moins des résumés d’ouvrages ou des reprises d’articles déjà publiés. Or, pour cette œuvre anatomique,Roudinesco a explicitement repris ses propres interventions médiatiques pour trois des quatre chapitres dont sa note de lecture diffusée sur plusieurs sites « le 28 août 2005 » (sauf qu’elle est datée du 29 août) et son entretien avec Gilbert Charles de L’Express. Pour le dernier chapitre intitulé Autres voix, elle n’a fait que donner la parole à d’autres psychanalystes en reprenant simplement, pour la plupart, leurs interventions dans la presse française. Quel intérêt de lire cet ouvrage ? Autant lire la presse !
Les retombées de son livre dans la presse française
On note que la presse française n’a pas fait beaucoup écho du livre de l’historienne de la psychanalyse. Seuls le journal Libération et Le Magazine littéraire font état de cette publication.
Libération ne lui consacre qu’un bref article dans lequel le journaliste décrit le contenu de l’ouvrage qui permettra aux lecteurs de « décoder » (c’est le mot !) « la longue histoire des résistances à la psychanalyse ».
Quant au Magazine littéraire, qui est ouvertement favorable à la psychanalyse, le livre de Roudinesco y est qualifié de « brillant » et « incisif », répondant parfaitement aux attaques du Livre Noir contre Freud.
La publication du Livre Noir est une très bonne chose étant donné que cet ouvrage s’adresse au grand public et non pas uniquement aux professionnels de la santé mentale. Ainsi, une quantité non négligeable d’informations a été mise à la disposition des français qui peuvent désormais se faire leur propre opinion à propos de la théorie de l’inconscient. Malheureusement, en France, les « détracteurs » de Freud gênent et lorsqu’il s’agit de rétablir ou d’établir une vérité, les médias ne jouent pas le jeu (c’est le moins que l’on puisse dire).
C’est alors que nous avons pu constater que les interventions d’Elisabeth Roudinesco ne se faisaient jamais en présence de personnes qui pourraient la contredire. Par conséquent, elle peut avancer toutes sortes de choses qui sont souvent inacceptables mais qui sont prises pour argent comptant par un publique vulnérable et crédule. C’est là qu’est le danger puisque c’est de cette manière que des fausses vérités sont intégrées dans le sens commun.
Les psychanalystes, cautionnés par les médias, bloquent les débats et parviennent ainsi à conserver une place influente dans le domaine de la santé mentale !
Conclusion.
Pour conclure ce travail, permettez-nous de laisser la parole à Patrice Van den Reysen qui semble avoir suivi de très près cette « guerre des psys » et dont il fait une analyse brillante dans un article Internet intitulé : La « guerre des psys », Elisabeth Roudinesco et les médias français » quirésume tout à fait le point de vue que nous avons adopté tout au long de ce travail :
« […] Cette dame [Elisabeth Roudinesco] n’a qu’à claquer des doigts, et la télévision, les journaux, les radios les plus en vue lui déroulent le tapis rouge.
A bien y réfléchir, on se demande s’il est bon pour la démocratie, ou, en tout cas, pour l’idée que nous nous en faisons, qu’un tel pouvoir sur l’information et sur la vérité, soit détenu par une seule personne, qui ne fait partie, de surcroît d’aucun organisme d’Etat. […]
La question que je soulève, encore une fois, on l’aura compris, c’est : pourquoi accorder autant de pouvoir d’expression et donc de décision à une seule personne civile, telle que Madame Roudinesco ? En étendant un peu ma question à la cause de la psychanalyse, on peut se demander, pourquoi, des journaux comme l’Express, et, l’Humanité, ne laissent s’exprimer dans leurs tribunes prétendument « libres », qu’une partie des opposants dans la guerre des psys, c'est-à-dire les psychanalystes ? […]
Ces gens [les journalistes] ne sont pas démocrates. Et il n’y a pas de tribunes, qui seraient « libres » et démocratiques sans refléter toutes les opinions en présence sur un problème. Car, comme l’explique Popper, un système dictatorial et totalitaire ne peut tolérer les opposants à la doctrine imposée à tous. Il y a eu des goulags pour les opposants aux marxisme vulgaire, il y a eu des millions de morts. Et l’erreur fondamental de Karl Marx, est d’avoir cru que l’instauration d’une dictature du prolétariat entraînerait la fin de tout conflit social politique, car cette façon de voir les choses implique aussi la fin de la démocratie qui suppose nécessairement l’existence des conflits politiques et rejette un système à parti unique.
On nous rétorquera que les partisans des TCC veulent imposer, eux aussi, leur pensé unique en évinçant la psychanalyse de la place prépondérante qu’elle occupe dans la Société française. Cette vision des choses me semble erronée, car les critiques parfaitement fondées de la psychanalyse et qui auraient du signer son arrêt de mort, existent depuis bien plus longtemps que les TCC n’aient atteint le niveau de développement et de médiatisation qu’on leur connaît aujourd’hui. […]
La situation de Madame Roudinesco dans ce conflit, les possibilités d’expression et de décision dont elle dispose, sont, à mon sens, irrecevables dans une démocratie. Il suffit de constater qu’aucun autre corps de métier dans l’Hexagone, n’a de représentant qui puisse profiter d’une aussi large présence dans les médias pour, justement, se rendre compte qu’il y a quelque chose d’anormal ; c'est-à-dire que les psychanalystes jouissent d’une situation nettement privilégiée et disproportionnée par rapport aux autres corps de métier, ou même aux autres professionnels de la santé mentale ! Cette situation si particulière étant, bien entendu, la preuve que le freudisme et la psychanalyse ont acquis le statut de pensée unique au détriment des autres. Et Madame Roudinesco entend tout faire pour maintenir cet intolérable statu quo.
Je pense que la prise de conscience de cette situation aurait pu être faite, depuis longtemps, par la plupart des médias, qui ont, à tout crin, accueilli Madame Roudinesco et les psychanalystes, pour parler de tout et n’importe quoi au sujet des problèmes de notre société. C'est-à-dire pour leur permettre de conditionner et de dresser la société à leur mode de pensée (le symbolisme, l’analogie, l’évidence, l’induction…), leurs concepts creux, et leur mirobolantes interprétations sur tous nos maux. C’est le cas de le dire, en France il y a deux langues « nationales » : le français, et le freudien ! (le lacanien, trop abscons, est devenu une langue morte après avoir été une langue de bois).
Il ne s’agit pas, en dernier ressort, de faire taire les psychanalystes par un moyen autoritaire, ou les censurer, comme ils ont fait censurer le rapport de l’INSERM sur les psychothérapies. Il s’agit de faire accepter et de faire comprendre que la recherche de la Vérité exige logiquement le rationalisme critique, c'est-à-dire, d’abord le pluralisme des idées, ensuite l’organisation, la création de tribunes permettant aux différents théoriciens et praticiens en opposition de confronter leurs arguments sur la place publique, afin que les usagers soient informés sur toutes les positions en présence et non pas sur une seule ligne de pensée. […]
Soyons responsables et courageux : mettons fin à la méthode de la pensée unique et à ses corollaires. Osons le rationalisme critique, et parions sur le fait que, loin d’avoir fait taire les freudiens par un moyen autoritaire et anti-démocratique, ces derniers se trouveront contraints au silence devant la publicité, rendue accessible à tous, de leurs mensonges, de leur esprit sectaire et fanatique, et l’imposture de leur discipline.
Notre seul espoir, est de parier sur l’indépendance d’esprit, le jugement critique, et le courage intellectuel du public, non encore informé sur les vérités que l’on étouffe ou que l’on détourne sur la psychanalyse dans ce pays. Ce n’est qu’au prix de ces coûteuses qualités, que la Vérité reprendra ses droits ».
Disponible sur le site Internet : http://vdrp.chez-alice.fr/index.html
1 La présentation de l’historique s’appuie du rapport de stage de Nordé, 2005
2 Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders
3 Inserm, expertise collective (2004). Psychothérapies : trois approches évaluées. Les éditions de l’Inserm, Paris.
4 Visiblement Mme Roudinesco semble ignorée que Jean-Michel Thurin, psychiatre, psychanalyste, était un des huit experts qui a rédigé le fameux rapport. Ou alors, le met-elle dans le même « panier » que ces scientistes de técécistes du fait qu’il soit psychiatre ?
5 La présentation du rapport de l’Inserm s’appuie sur le rapport de stage de Courtillier, 2005
6 Association créée en 1998, faite par et pour des personnes ayant souffert et souffrant de troubles anxieux et phobiques.
7 Syndicat National des Praticiens en Psychotherapie.
8 Professeur de philosophie à la Sorbonne
9 Professeur Emérite Université de Liège, Belgique
10 Cette lettre a été reproduite dans le Journal de Nervure
11 Thierry Meyssan, auteur de L’effroyable imposture (Carnot, 2002)
12 Jean Cottreaux est également un des auteurs du rapport de l’Inserm sur l’évaluation des thérapies (2004)
13 Philosophes dans la tourmente. Fayard (2005)
Bénesteau, J. (2002). Mensonges freudiens. Liège : Pierre Mardaga.
Clément, C. (2006). Histoire de la psychanalyse à travers le monde. Le magazine littéraire, 449, 28-59.
Courtillier, M. (2005). La lutte de la Science contre les vérités révélées : le rapport de l’Inserm Psychothérapie. Trois approches évaluées, histoire d’un débat couru d’avance. Rapport de stage de Master 1 non publié. Université de Picardie Jules Verne.
Marti, M-J. (2006). Les marchands d’illusions : Dérives, abus, incompétences de la nébuleuse « Psy » française. Liège : Pierre Mardaga.
Meyer, C. (2005). Le Livre Noir de la Psychanalyse : vivre, penser et aller mieux sans Freud. Paris : les arènes.
Nordé, G. (2005). L’amendement Accoyer. Rapport de stage de Master 1 non publié. Université de Picardie Jules Vernes.
Roudinesco, E. (2004). Le patient, le thérapeute et l’Etat. Paris : Fayard.
Roudinesco, E. (2005). Pourquoi tant de haine ? Anatomie du Livre Noir de la Psychanalyse. Paris : Navarin.
Van den Reysen, Patrice. (2005). La « guerre des psys », Elisabeth Roudinesco et les médias français.