L’économie politique et la psychologie ont été réunies pour la première fois dès 1881 par le sociologue Gabriel Tarde dans son ouvrage (publié en 1973) avec un chapitre intitulé La psychologie en économie politique. Depuis lors, économistes et psychologues ont progressivement et régulièrement constaté la nécessité de l’interdisciplinarité. Cette interdisciplinarité se poursuit ici même en unissant psychologie, économie et politique. En effet, le politique et l’économique nous semblent clairement imbriqués l’un dans l’autre, et travailler sur l’un de ces deux pôles ne peut exclure le deuxième.
Nous avons choisi de montrer à l’aide d’exemples de problématiques et de travaux empiriques comment la psychologie, l’économie et la politique sont pleinement entremêlées. Acheter, choisir, prendre des décisions d’épargne ou d’investissement, gérer et prévoir, font partie des multiples conduites économiques que nous sommes amenés à pratiquer, et ces conduites se font dans un contexte socio-politique particulier qui a un effet sur les pratiques sociales. Par exemple, décider ou non d’investir dans l’immobilier se fera en tenant compte de l’évolution possible du marché, non seulement avec la politique du gouvernement en place, mais aussi en fonction de la situation politique et économique d’une manière plus globale. Ainsi, pour nous, comme pour Moscovici, l’étude des représentations sociales, des opinions, des attitudes, des valeurs et des conduites d’un groupe donné doit se faire en tenant compte du contexte socio-culturel, politique et économique de ce groupe.
Les rencontres de l’homo œconomicus, de l’homo politicus et de l’homo psychologicus sont néanmoins assez rares. Quelques auteurs (Simiand, 1932, Reynaud, 1946, 1968,ou plus récemment Faber et al., 2002) ont déjà montré leur caractère indissociable dans des champs de recherche traditionnels sur les négociations salariales ou nouveaux comme celui du développement durable. Nous tenterons d’approfondir ces liens dans la suite de ce chapitre.
Pour cela, nous proposons d’évoquer trois problématiques psychologiques autour de la motivation, du stress et de la socialisation et enfin des représentations sociales sur différents objets économiques et politiques : l'Etat-Providence, les retraites, la précarité, la compétition et la monnaie.
Nous commencerons par quelques réflexions sur l’influence de l’Etat-Providence sur les motivations individuelles vis-à-vis de diverses conduites économiques : prise de risque, épargne, solidarité, avant de les appliquer à la problématique du financement des retraites et de l’image des retraités dans notre société. La deuxième partie du chapitre sera focalisée sur la place des valeurs et des convictions politiques pour faire face au stress généré par les situations économiques difficiles, la pauvreté, la précarité et la compétition. Nous verrons comment ces modes de faire face influencent et sont influencés par la socialisation économique et politique. Dans une dernière partie, à partir d’une introduction théorique sur les représentations sociales, les attitudes et leurs effets sur les conduites, une série d’exemples d’études sera présentée : il s’agit de travaux, y compris internationaux, sur les attitudes et représentations de l’euro en rapport avec la nation. Ces exemples permettront de faire le lien entre représentations sociales, attitudes et leurs effets sur les conduites.
1. Effet du politique sur les opinions et les motivations économiques
Dans un premier temps, nous allons analyser les conséquences de l’Etat-Providence sur la psychologie des individus à partir des critiques qui en sont faites par les politiques. Nous verrons ensuite comment le débat actuel sur les retraites illustre notre analyse.
1.1. L’État-Providence
« L’État-Providence » est une conception du XXe siècle qui est venue remplacer celle « d’État-Gendarme ». Auparavant, l’État n’assurait que ses fonctions régaliennes et, parmi celles-ci, sa seule fonction économique était de « battre » la monnaie. L’économie était considérée comme totalement autorégulée (Merrien, 1997). Peu à peu, les états sont intervenus pour assurer la sécurité des travailleurs. Ainsi la loi française de 1898 sur les accidents du travail considère que l’accident fait partie du métier et donc que l’indemnisation doit être automatique sans recherche de responsabilité (Batifoulier et Touzé, 2000).
En 1936, Keynes affirme la nécessaire intervention de l’État dans le système économique. Il s’agit de concilier l’économie de marché (par opposition au socialisme) et la justice sociale, ce qui entraîne une planification et des actions économiques de la part de l’État. Après la seconde guerre mondiale, cette conception de l’État s’est généralisée dans tous les pays économiquement développés.
Les systèmes d’intervention de l’Etat sont très variables d’un pays à l’autre, mais dans toutes les démocraties, les partis politiques se doivent d’intégrer une politique sociale et économique dans leurs programmes : programmes sociaux, mais aussi relance de l’investissement, de la consommation, gestion de l’énergie et des matières premières. Nous n’aborderons dans ce chapitre que les aspects de l’État-Providence qui ont un impact direct sur les conduites des individus.
L’État se substitue aux groupes primaires : familles, associations, églises, corporations. Il garantit les droits sociaux aux citoyens et assure les fonctions de la solidarité sociale. Dans certains cas, la substitution est visible. Par exemple, sous l’ancien régime, les corporations régulaient les problèmes de chômage. Aujourd’hui, les caisses d’assurance-chômage sont gérées par des représentants des salariés (syndicats). La notion de droit permet de protéger en évitant le clientélisme social. Mais ce mode de gestion de la solidarité anéantit la motivation et l’implication personnelle vis-à-vis de la détresse des collègues ou des concitoyens.
La « couverture sociale » a pour fonction d’apporter aux individus la sécurité contre les aléas économiques. Elle concerne de plus en plus de risques : pauvreté (revenu minimum), chômage, vieillesse (retraite), maladie, handicaps physiques et mentaux, accidents du travail, veuvage et abandon de l’enfance. Ces « droits sociaux » ont été progressivement étendus à toutes les catégories de la population.
Les moyens de l’État-Providence sont :
La redistribution par l’impôt.
L’action sociale : création d’équipements collectifs et de prestations de services sociaux (ex. crèches) et de santé (ex. hôpitaux) de qualité à un coût inférieur à celui du marché.
La législation du travail : interventions réglementaires garantissant une certaine « sécurité économique » (ex. autorisation de licenciement).
Les critiques à l’égard de l’État-Providence sont nombreuses. D’après Furnham (2001), cette critique de l’Etat-Providence émane surtout d’hommes âgés de plus de 40 ans, d’un niveau d’instruction élevé. On lui reproche son coût : aujourd’hui, en France, le budget de la sécurité sociale est supérieur à celui de l’État. Les évolutions démographiques, allongement de la durée de vie, et donc augmentation de l’argent consacré aux retraites et aux dépenses de santé des personnes âgées, impliquent une augmentation de ces coûts. Son efficacité est de plus mise en doute. Avec la globalisation des marchés, les interventions publiques de l’État semblent dérisoires. Ainsi, la famille redevient le premier réseau de solidarité face au chômage des plus jeunes. L’État-Providence s’opposerait aux principes démocratiques en gênant les initiatives des particuliers. On lui reproche d’être à l’origine de la désaffection des sociétés de secours mutuel (mouvement mutualiste) et d’aller à l’encontre du développement syndical qui l’ont pourtant soutenu, en créant des obligations (prélèvements obligatoires), ce qui s’oppose à la liberté individuelle et à la prise de risque.
Enfin la protection sociale serait « l’école du vice » : économie souterraine, désincitation au travail, pression et donc fraude fiscale, diminution du sens des responsabilités (grossesses à but économique) et de l’effort, gaspillages dus à l’ignorance des coûts réels (Kemp, 2003). Alors la logique collective cède la place à une logique individualiste. Le modèle assurantiel est celui de la contribution de l’individu à sa propre sécurité. Il implique un calcul des risques et des prestations sous conditions (ex. PARE, prestation chômage sous condition d’une recherche active d’emploi, ou déremboursement des frais de maladie liés à certaines conduites à risques comme le tabagisme).
Dans ce système, les impôts perdent leur rôle redistributeur. Les plus aisés consacrent une partie de leurs revenus à leurs assurances et l’État ne traite que les problèmes des plus démunis. Il subventionne directement les individus (« vouchers », chèque éducation, bons de réduction pour l’école, le logement) et les initiatives individuelles, aides aux associations chargées de la politique sociale catégorielle (ex. lutte contre la toxicomanie ou le SIDA).
Toutefois les peuples restent très attachés à l’État-Providence. Ainsi dans les pays scandinaves, les électeurs n’ont jamais remis en cause ce système et les programmes libéraux classiques ont obtenu un score maximum de 20 % dans les années 1970 (Paldam, 2004). En effet, le haut niveau de protection sociale n’empêche pas un comportement très favorable aux investissements privés.
L’Etat-Providence, doctrine économique, pose le problème de la cohésion sociale et des relations de l’individu avec la société. Les détracteurs de cette politique dénoncent la disparition des liens sociaux primaires, cependant ils prônent un système individualiste dans lequel le collectif ne joue aucun rôle. Enfin ils accusent l’Etat-Providence de diminuer la motivation au travail et la prise de risque, alors que le soutien à cette politique et celui aux investissements privés ne semblent pas incompatibles.
1.2. La retraite : interrogation politique à un problème économique et psychologique
Pourquoi la question de la retraite est-elle devenue une question préoccupante de nos jours ? Une des raisons principales de ce problème croissant est liée à la démographie de notre pays. La génération du baby boom, née après la seconde guerre mondiale (1946 et suivantes), arrivera à l’âge de la retraite d’ici quelques années. Comme la natalité diminue, le déséquilibre dans la pyramide des âges va en s'amplifiant et ce d’autant plus que l’espérance de vie s’accroît chaque année grâce aux progrès de la médecine et à l’amélioration des conditions de vie. La question de la retraite est, en France, tout particulièrement importante car les dépenses liées à la ‘vieillesse’ représentent 13 % du PIB du pays ; c’est la première dépense sociale devant la santé et le chômage. La population âgée augmente : les plus de 60 ans forment déjà 21 % de la population totale (Dupuis et El Moudden, 2002). Aujourd’hui un retraité peut espérer vivre plus de 20 ans après son arrêt d’activité, contre 10 à 15 ans auparavant ce qui augmente mécaniquement le nombre d’inactifs pour chaque actif. À l’opposé d’un rééquilibrage du nombre d’actifs par rapport au nombre d’inactifs par l’allongement des années consacrées au travail, il y a en France un double mouvement de réduction de cette période : « le seuil d’accès à la retraite s’est abaissé alors que l’espérance de vie s’élevait. Aussi la vie professionnelle se raccourcit aux deux extrémités : les jeunes font des études plus longues et ont du mal à trouver un emploi, et l’activité après 55 ans est réduite » (Guillemard et al., 1995). Nous devons donc faire face à une contradiction caractéristique de notre époque : non seulement la population vieillit, mais elle prend sa retraite tôt pour laisser la place à une nouvelle génération, qui certes devrait trouver plus facilement du travail mais en retour ne pourra bientôt plus supporter financièrement la population partie à la retraite. Cette difficulté motive les politiques à rechercher de solutions et à introduire de réformes sociales et économiques : « Cet avenir des retraités est une source d’inquiétude pour les actifs d’aujourd’hui mais aussi pour les responsables politiques. Faut-il augmenter les taux de cotisation, ou allonger la durée de cotisation, ou baisser le niveau de pension ? » (Dupuis et El Moudden, 2002, p. 5).
La polémique et l’inquiétude qui tournent autour du concept de retraite concernent tous les Français. Les principes de sécurité, d’équité et de solidarité, dictés par la nécessité démographique et les besoins de financement des retraites à l’horizon 2020, induisent nécessairement des modifications. Le débat entre les financements par répartition ou par capitalisation, ravive la querelle entre les tenants de l’Etat-Providence et ceux de la responsabilité individuelle de l’économie libérale ; l’attachement des salariés au premier modèle est grand, aussi les décisions s’orientent vers des modèles mixtes.
Comment la retraite est-elle perçue par les futurs retraités ?
Autrefois, selon Guillemard (1972), « une société avait une échelle d’âge, et le troisième âge était le moment d’épanouissement de l’homme et de son pouvoir. Aujourd’hui vieillir, c’est déchoir ». Ainsi, la vieillesse n’a plus aujourd’hui sa fonction positive d’hier. Avec le renouvellement rapide des connaissances, les personnes âgées ont du mal à garder un rôle actif dans la société. Les rôles liés à leur expérience et à leur sagesse (conseils) ou à leur patience et leur disponibilité (garde des petits-enfants) qui leur étaient attribués autrefois tendent à disparaître. Les retraités sont alors non seulement mis en dehors de la vie active mais aussi mis à l’écart.
Selon une étude menée sur la retraite au début des années 1990 (Guillemard et al., 1995), un tiers des personnes interrogées la souhaitaient vraiment ; pour le deuxième tiers, la retraite était perçue comme désirable à condition d’avoir suffisamment d’argent et une bonne santé. Enfin le dernier tiers était résigné et prêt à obéir aux normes sociales qui dictent l’arrêt d’activité après un certain âge, avec l’idée de laisser la place aux plus jeunes ; pour ces derniers, la retraite était essentiellement une contrainte institutionnalisée.
Pour tous aujourd’hui, la notion de retraite est presque infailliblement associée à la vieillesse. Pourtant Guillemard et al. (1995) rappellent que les deux notions ne dépendent pas l’une de l’autre : « la retraite n’est pas un ‘marqueur’ universel du vieillissement, fixant une coupure entre temps de l’activité et celui de l’inactivité. » Les auteurs affirment que c’est une construction sociale, qui ne met pas la retraite en valeur, puisqu’elle n’est considérée qu’en opposition à la « vie active ». C’est en étant actif que l’on est inséré et inclus dans la société, alors que la retraite est, par contraste, perçue négativement comme un état passif. Néanmoins ce découpage persiste : « Dans la théorie microéconomique traditionnelle, le cycle de vie est divisé en trois phases : la jeunesse (ou le temps de la formation), l’âge adulte (l’activité) et la ‘vieillesse’ (la retraite) » (Barnay, 2004, p. 1). Cependant Barnay affirme que ce découpage est en rupture avec la réalité car la vie est marquée d’incertitudes et de situations individuelles : le départ à la retraite peut dépendre du lieu de travail, du type de travail, ainsi que du lieu où l’on vit (le stress des grandes villes peut influencer un départ précoce à la retraite). La notion de santé intervient aussi dans le processus de départ à la retraite. « Deux tiers des retraités disent n’avoir pas choisi la date de cessation définitive du travail. Ou bien ils ont cessé à 65 ans parce que ‘c’était l’âge’ et que leur employeur leur demandait de partir, ou bien ils ont dû s’arrêter avant pour chômage ou raisons de santé. » (Guillemard et al., 1995, p. 182). On aboutit à un paradoxe : la retraite est souhaitée, réclamée, mais peu valorisée. Peut-être le désir d’avancement de l’âge de la retraite correspond-il à l’idée d’une retraite sans vieillesse pour pouvoir « profiter » de sa retraite. « Avant de repousser l’âge normal de la retraite défini comme l’âge donnant droit à une pleine pension, on devra d’abord revaloriser les travailleurs âgés. On devra adapter le travail à une main d’œuvre vieillissante » (Guillemard et al., 1995, p. 244). Il faudrait donc créer des conditions de travail encourageant les travailleurs les plus âgés à rester en poste, mais aussi faire en sorte que les employeurs acceptent de les garder plus longtemps. Un problème demeure néanmoins car il est encore très difficile, voire impossible, de trouver du travail après un certain âge.
Pour que les jeunes ne perçoivent pas la retraite négativement, en opposition avec le monde du travail, le système doit changer : « Actuellement, le système français de retraite n’offre guère la possibilité de cumuler retraite et activité. La cessation d’activité a un caractère brutal qu’il serait possible d’atténuer en offrant des possibilités de passage plus progressif de l’activité à la retraite » (Dupuis et El Moudden, 2002, p. 142). Certains pensent qu’avec la loi Fillon, le retraité, qui devait rompre tout lien avec son ex-employeur au moment de la liquidation de sa pension s’il était salarié, pourra désormais à nouveau travailler pour son ancien employeur. Ce changement est fondamental, puisqu’il incite à ne plus considérer les retraités comme des improductifs, mais plutôt à les réintégrer dans le monde actif, ce qui pourrait non seulement re-équilibrer la proportion actifs/retraités, mais aussi redonner une dimension plus positive à la retraite et aux retraités. Il faudra attendre que ce processus devienne une habitude et rentre dans les mœurs, alors seulement rester en activité au-delà de 60 ans ou 65 ans deviendra naturel.
Au cours du dernier trimestre de l’année 2003, fut menée une étude exploratoire auprès de 250 personnes ; la moitié de l’échantillon était composée de jeunes adultes (16-20 ans) et l’autre moitié d’adultes actifs de plus de 40 ans. Cette étude, menée peu après le vote de la réforme de 2003, dans un climat de forte mobilisation sociale, cherchait à cerner la vision de la retraite dans ce contexte politique (Roland-Lévy, non publié). Selon les résultats obtenus, la retraite est essentiellement associée par les plus jeunes à l’idée de repos pour les vieux qui se retrouvent seuls. Pour les autres, c’est un repos mérité qui s’accompagne d’une mise à l’écart. Néanmoins, plus les personnes actives sont proches de la retraite plus elles ont une vision positive de la retraite ; elles la considèrent comme un repos bien mérité qui leur donnera plus de liberté et du temps pour faire tout ce qu’ils n’ont jamais le temps de faire pendant leur vie active. Il ressort ainsi que les jeunes décrivent une personne retraitée comme étant certes disponible (21 %), mais aussi isolée (20 %) et usée (17 %), alors que les actifs tout en évoquant aussi cette notion de disponibilité (26 %), la complètent par l’avantage de la liberté accrue (18 %) et le dynamisme (12 %). À la question concernant le moment du départ à la retraite, les jeunes ont majoritairement tendance à dire qu’ils prendront leur retraite le plus tard possible alors que les personnes actives de plus de 40 ans disent, à l’opposé, qu’elles feront valoir leurs droits à la retraite le plus vite possible.
La Loi du 21 Août 2003 a pris en compte la diversité des points de vue en introduisant une certaine souplesse et en valorisant la retraite par la possibilité de continuer à travailler au-delà de l’âge limite. Pour que la retraite ne soit plus vécue comme une « cessation d’activité » mais seulement comme une cessation d’activité « salariée », des passages progressifs commencent à exister sous forme de stages offerts par des entreprises qui proposent des avis d’experts sur divers thèmes liés à la retraite, de façon à ce que les personnes se préparant à prendre leur retraite soient mieux informées et ainsi potentiellement rassurées. Mais il semble que ce ne soit pas seulement cette tranche d’âge qui ait besoin d’être rassurée car l’image de la retraite est liée à l’horizon temporel et aux relations entre générations.
La problématique de la retraite ne comporte pas que des aspects économiques et politiques. Elle mérite une approche scientifique plus importante de la part des psychologues et des psychosociologues. Elle est en lien avec l’horizon temporel, l’usure physique et mentale, mais aussi avec la place des personnes âgées dans la société et la cohésion sociale.
2. La précarité et la compétition : stress et socialisation
Dans cette deuxième partie, nous nous penchons sur le rôle des valeurs et des convictions politiques dans les situations incertaines ou difficiles générant un processus de stress en relation avec la socialisation économique et politique. Nous mettrons l’accent tout d’abord sur l’impact de la précarité sur la santé, pour déboucher ensuite sur un exemple d’étude sur la perception de la compétition économique, comparant l’effet de deux contextes sociaux-politiques et économiques contrastés : la France et la Hongrie.
2.1. La précarité
L’étude du vécu de la précarité permet à la fois d’appréhender l’impact des conditions économiques sur les valeurs et les convictions politiques et l’influence de celles-ci sur la perception de la société.
La précarité peut être définie comme l’absence des éléments de sécurité qui permettent habituellement aux individus d’assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux. Cette précarité a souvent une origine sociale (perte, absence ou insécurité d’emploi) et économique (pauvreté, faibles revenus). Les sources d’incertitude économiques sont multiples : emploi, revenu, avenir des enfants, santé, maternité, retraite, emprunt, expulsion, permis de séjour, etc. On peut à la lumière des modèles théoriques du stress (Lazarus et Folkman, 1984 ; Lassarre, 2002) considérer la situation de précarité comme stressante car porteuse d’enjeux sociaux et vitaux et menaçant l’intégrité de la personne. La précarité se présente sous la forme d’une accumulation de manques ou de handicaps : déscolarisation ou échec scolaire, absence de qualification professionnelle, absence de liens familiaux, risques sanitaires (pas de pathologie précise, mais un mode de vie et de consommation fragilisant : tabac, alcool, drogue, mauvaise alimentation).
La précarité est souvent associée à un processus de désocialisation. L’absence d’emploi ou un emploi trop incertain, génère une intermittence de revenus. Elle ne permet pas de construire des projets à long terme et donc de se positionner dans la société. La précarité contribue à l’exclusion sociale. L’individu ne participe plus à la vie de la cité, il perd sa citoyenneté et n’est plus qu’un « ayant droit ». Le concept d’exclusion sociale répond à des schèmes cognitifs culturels, des valeurs et des émotions partagées. Aux USA les exclus sont des coupables (comportements déviants, marginaux, illicites). En France ce sont des victimes. À partir d’une vision unitaire de la nation, la norme y est celle de l’intégration, de l’insertion et d’une solidarité nécessairement nationale.
Les causes de la précarité et ses remèdes économiques renvoient à des conceptions politiques. La recherche de la productivité et la compétitivité qu’elle engendre est génératrice d’exclusion. Le courant social-démocrate affirme que la croissance et l’emploi doivent bénéficier à tous et prône une politique volontariste en matière d’emploi, logement, santé, culture et éducation. Cette politique est critiquée par les libéraux car elle s’appuie sur des actions stigmatisantes (RMI, Zones franches, ZEP) qui handicapent l’individu au lieu de l’aider. La pauvreté est considérée dans le système libéral comme un phénomène individuel (marginal) résultant d’une inadaptation sociale (au progrès). On parle aujourd’hui de « nouvelle pauvreté » à propos de populations non-marginales victimes de la conjoncture économique. Ce sont les « normaux inutiles » pour lesquels sont construits les plans de formation vers des emplois. Les services « d’urgence sociale » sont chargés des premiers secours pour éviter les ruptures familiales, préserver l’accès à la fourniture d’eau et d’énergie.
Ces grandes conceptions sociales et économiques donnent lieu à trois types d’explications naïves de la pauvreté dans le public. Il existe une théorie individualiste : la pauvreté est due aux comportements des pauvres ; une théorie structurale : la pauvreté est la résultante de forces économiques et sociales, et une théorie fataliste : la pauvreté est due à la fatalité, à la malchance. La première conception repose sur la norme d’internalité ou la croyance en un monde juste : les gens récoltent ce qu’ils ont semé. Elle prend naissance dès l’adolescence (Brusdal, 1990 ; Giron, 2001).
Pour Merton, ces explications reposent sur l’idéologie de la société dans laquelle on vit. Aux USA, cette idéologie est désignée sous le nom d’éthique protestante du travail : « Protestant Work Ethic ». Merton en décrit les trois principes fondamentaux. Tout ce qui pourrait constituer une critique de la structure sociale doit être dévié en auto-critique : « chacun doit s’efforcer d’atteindre les mêmes buts, puisque ceux-ci sont accessibles à tous puisque nous sommes dans une démocratie ». On préserve la structure de pouvoir en demandant à chacun de s’identifier non pas à ses égaux mais à ses supérieurs : « ce qui semble aujourd’hui un échec n’est qu’une étape vers le succès final ». Enfin le système exerce des pressions pour la conformité aux normes et idéaux culturels : « le véritable échec réside dans la réduction ou la suppression de l’ambition » (Merton, 1949).
Furnham (1982) a effectué une recherche sur le lien entre l’explication de la pauvreté et les opinions politiques au sein d’un échantillon des classes moyenne et supérieure britanniques. Les électeurs conservateurs donnent des explications individualistes. Leur principale explication de la pauvreté est que les pauvres « ne savent pas gérer convenablement l’argent ». À l’opposé, les électeurs travaillistes donnent des explications structurales : « ils ont des salaires très bas ». Lunt (1989) obtient des réponses semblables en étudiant les causes du chômage. Les électeurs conservateurs attribuent des causes internes (manque d’effort, faibles capacités intellectuelles) au chômage et les électeurs travaillistes, des causes externes (automatisation de la production, politique de récession du gouvernement).
Dans une recherche récente, Tap et Vasconcellos (2004) ont analysé les effets de la précarité socio-économique sur de nombreux facteurs psychologiques : les représentations subjectives de l’intégration sociale, le niveau d’estime de soi, l’évaluation subjective de la santé, l’intensité du stress, les stratégies adoptées face au stress et l’appréciation des valeurs.
Pour Lorca et al. (2004) les personnes en situation précaire souffrent à la fois d’une carence de socialisation et d’une carence de personnalisation. La socialisation est la tension intégratrice par l’intériorisation de valeurs, normes et schémas d’action et par l’accès à de multiples systèmes d’interaction. La personnalisation est la tension réalisatrice de la personne, par l’autonomie, le contrôle et le pouvoir.
Les personnes en situation précaire perçoivent leur propre situation à l’aune de leurs croyances politiques, philosophiques, et religieuses. Ce vécu instable affaiblit considérablement les valeurs. Le travail, l’effort, la prise de risque ne sont plus des valeurs, c’est l’emploi et surtout sa stabilité, donc la sécurité qui le deviennent. À l’opposé dans la sphère familiale, les valeurs de la consommation (immédiateté) supplantent celles de confort (installation dans la durée). Mais Tap et Vasconcelos, en comparant des cultures différentes, montrent que si les valeurs politiques sont affaiblies par la précarité en France, les convictions religieuses sont renforcées par la même situation au Portugal. En France, l’importance des convictions politiques croît avec l’intégration à la société (mesurée par des facteurs objectifs et subjectifs). Les personnes en situation précaires qui conservent des convictions politiques adoptent davantage une stratégie de contrôle comme mode de faire-face, alors que la grande majorité adoptent des stratégies de retrait ou de recherche de soutien social.
Les personnes en situation précaire semblent adopter deux postures face à la vie politique. On constate d’une part un fort désengagement citoyen (abstention, non-inscription sur les listes électorales) qu'on peut interpréter comme une conduite d’impuissance acquise, prévisible feed-back de leur stress. Celles qui votent font le plus souvent des choix extrémistes à partir de « boucs-émissaires » qui leur sont désignés tant à droite (les immigrés) qu’à gauche (les patrons). Cette conduite correspond au modèle de la théorie frustration-agression.
La précarité est une situation stressante. Elle est nocive pour ceux qui la vivent, menaçante pour ceux qui la côtoient. Pour faire face, les individus élaborent des stratégies et des conduites cognitives (attributions causales) ou émotionnelles (recherche de soutien social) qui dépendent largement de leur socialisation politique et économique.
2.2. La compétition économique
La compétition, et en particulier la compétition économique, est aussi une situation stressante par l’effort et les incertitudes qu’elle génère (comme la compétition sportive). Pour mieux cerner les effets de la socialisation économique et politique, nous proposerons à titre d’exemple la comparaison de deux contextes sociaux, politiques et économiques contrastés, la Hongrie et la France.
La compétition, dans son acception courante, peut être définie comme la recherche simultanée par deux ou plusieurs personnes d’un même avantage ou d’un même résultat. La psychologie sociale a montré en se servant de manipulations expérimentales comment la compétition pouvait engendrer le conflit (Abric, 1987). Un exemple de l’étude expérimentale des relations de compétition et des conséquences que de telles relations peuvent avoir sur les contenus de représentation intergroupes, est constitué par la recherche de Sherif et Sherif (1969), réalisée en 1961. Cette étude s’insère dans la plus vaste théorie des conflits réels. Les auteurs avaient, dans un camp de vacances pour adolescents, créé de manière aléatoire des groupes (c’est-à-dire sans se baser sur les affinités réelles). Ils ont observé que les phénomènes relatifs au sentiment d’appartenance groupale et de différenciation vis-à-vis de l’exo groupe devenaient vraiment saillants lorsque le dispositif expérimental, via des buts incompatibles entre les deux groupes, avait mis en place une situation clairement compétitive (un groupe ne peut réaliser son but que si l’autre groupe est mis en échec). On assiste alors à l’émergence de phénomènes de discrimination vis-à-vis des membres de l’exo groupe, et en parallèle se créent, envers ce dernier, des représentations négatives, favorisées par l’apparition du biais de favoritisme pro-endo groupe. Une fois que cette situation compétitive et conflictuelle a été instaurée, les chercheurs se sont rendus compte qu’il était très difficile de faire disparaître cette hostilité, exprimée ouvertement d’un groupe à l’autre. Plusieurs tentatives de réconciliation entre les deux groupes (discours moralisateurs, partage d’activités agréables impliquant les deux groupes) ont en effet échoué : l’hostilité perdurait même dans ces conditions.
On peut donc en déduire qu’une situation de compétition, même mise en place expérimentalement, et donc ne se basant pas sur des conflits qui pourraient s’insérer dans l’histoire du groupe, agit très fortement sur les représentations de l’exo groupe. Cet effet perdure malgré le dépassement de la situation compétitive. Seule la création de buts supra-ordonnés (situations dans lesquelles la coopération des deux groupes est nécessaire à la réussite) permet de modifier des relations intergroupe basées sur l’hostilité. D’autres chercheurs, comme Blake et Mouton (1961), ont confirmé la validité des résultats obtenus par Sherif et Sherif sur des populations variées (par exemple des adultes), ou dans le contexte de groupes insérés dans un tissu social bien défini et contrasté (par exemple des patrons et des ouvriers).
Ces travaux, qui ont clairement montré l’importance de la situation et de la perception que les sujets en ont, notamment lorsque celle-ci est compétitive, dans les variations des représentations d’autrui et de soi-même, ont donné naissance à une étude non expérimentale. Ainsi, une enquête fut menée auprès de près de quelques centaines de jeunes scolarisés, de 16 à 18 ans, en France et en Hongrie, deux pays clairement identifiables par leurs contextes socio-politiques et économiques contrastés. En effet, les jeunes Français sont nés et ont été élevés dans un système capitaliste, alors que les jeunes Hongrois interrogés à cette date sont les derniers enfants du socialisme, qui a banni la compétition, et les premiers adultes de l’économie de marché, elle-même fondée sur la compétition économique. Il s’avère que, même si certains éléments sont communs et partagés par les jeunes de cette génération, quel que soit leur pays d’origine, le contexte, tant social, qu’économique et politique, a une réelle influence sur certains aspects de leur perception de la compétition (Roland-Lévy et Fülöp, 2004). Pour tous, Hongrois et Français, la compétition est associée à l’idée de victoire, et dans une moindre mesure à celle de défaite ; ceci est complété pour la majorité des jeunes Hongrois par la notion de rivalité. Seuls les jeunes Français associent spontanément le terme de compétition à l’économie - ce qui reste très exceptionnel pour l’autre groupe -. Dans l’ensemble, les jeunes des deux pays ont tendance à partager une représentation relativement positive de la compétition en général, surtout s’ils sont directement concernés, en tant que sportifs par exemple : ils décrivent alors la compétition comme motivante. Néanmoins les jeunes Français ont globalement une opinion plus neutre que les jeunes Hongrois. Ces derniers perçoivent la compétition comme très importante, intéressante, utile et bonne, alors que les jeunes Français la perçoivent davantage comme pas importante et inutile. Ce résultat tend à confirmer la poursuite du changement de mentalité en Hongrie, allant d’une vision très négative de la compétition en général il y a quelques années encore, à une vision plus positive aujourd’hui (Fülöp, 2002).
Globalement, la perception des jeunes de ces deux pays est, d’une certaine façon, marquée par leur vécu dans des contextes radicalement différents. Tout d’abord, ils s’opposent sur l’idée que l’effort est plus important que la réussite (proposition choisie par 67 % des jeunes Français) alors qu’à l’inverse, 61 % des jeunes Hongrois estiment que c’est le résultat qui compte avant tout. Ensuite, contrairement à leur vision de la compétition en général, les jeunes Hongrois ont une vision franchement plus négative de la compétition économique que les jeunes Français ; ces derniers semblent reconnaître les biens fondés de ce type de compétition pour améliorer l’économie du pays. Prolongeant cette idée, on constate qu’une grande partie des jeunes Français estime que la compétition (ou plutôt la concurrence) procure des avantages aux consommateurs. De leur côté, les jeunes Hongrois insistent sur le fait qu’il faut vaincre sans détruire l’adversaire et ils regrettent que la compétition récompense les plus forts au détriment des plus faibles ; on constate qu’ils sont néanmoins 36 % à estimer que la compétition parvient tout de même à stimuler l’économie. Enfin, qu’ils soient Français ou Hongrois, les jeunes partagent l’idée que le monde des entreprises est immoral.
La compétition économique est donc une situation stressante vécue comme un défi (challenge pour Lazarus et Folkman, 1984) en particulier par les jeunes. Mais là encore, nous voyons que le contexte économique et culturel de socialisation influence fortement la perception de cette situation. D'autres travaux (Lassarre et Roland-Lévy, 1989 ; Roland-Lévy, 2002 et Roland-Lévy et Ross, 2003) ont montré les mécanismes à l’origine de cette socialisation.
3. Représentations sociales, attitudes et conduites : l’exemple de l’euro
Dans la dernière partie de ce chapitre, à partir d’une introduction théorique sur les représentations sociales, une série d’exemples d’études mettant en rapport les représentations sociales, les attitudes et leurs effets sur les conduites, sera présentée : il s’agit de travaux, y compris internationaux, sur les attitudes et représentations de l’euro en rapport avec la nation. Ces exemples permettront de faire le lien entre représentations sociales, attitudes et leurs effets sur les conduites.
3.1. La théorie des représentations sociales
Moscovici (1961) a développé le concept théorique de représentations sociales, abordé précédemment en termes de représentations collectives par Durkheim (1898). En tant que savoir social, les représentations sociales servent de base à la perception et à l’interprétation de la réalité, tout en constituant un guide pour l’action. En reprenant la définition donnée par Jodelet, la notion de représentation sociale peut être décrite comme étant « une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 1984, p. 36). Ainsi, il n’existerait pas a priori de réalité objective ; toute réalité serait symbolisée par l’individu ou le groupe dans son système cognitif, intégrée dans son système de valeur et dépendante de son histoire et du contexte social et idéologique qui l’environne (Abric, 1994). C’est sur cette élaboration de connaissance et sur cette réalité que portent nos travaux empiriques.
Rappelons les deux processus qui caractérisent la genèse des représentations sociales : l’objectivation et l’ancrage. Dans le cas d’un objet complexe ou abstrait, l’objectivation sert à sélectionner et à décontextualiser les éléments constituant l’objet ; le noyau figuratif peut alors se former de façon à produire un ensemble imagé et cohérent qui schématise l’objet de façon concrète et sélective. La phase dite de naturalisation complète l’objectivation en simplifiant les éléments du noyau figuratif de la représentation et achève, provisoirement au moins, la construction d’une pensée à partir d’une connaissance. De son côté, l’ancrage facilite l’intégration d’une connaissance nouvelle dans une pensée déjà constituée ; l’ancrage permet d’enraciner la représentation sociale dans un système de pensées pré-existant, en incorporant « de l’étrange dans un réseau de catégories plus familières » (Doise, 1985).
Pour comprendre le fonctionnement d’une représentation sociale, il faut non seulement déterminer son contenu mais aussi repérer sa structure. Les éléments constitutifs d’une représentation sont hiérarchisés, affectés d’une pondération, et ils entretiennent entre eux des relations qui en déterminent la signification. Ainsi, la place qu’ils occupent dans le système représentationnel et leur organisation fournissent la portée de la représentation. Cette organisation interne a fait l’objet d’une hypothèse dite du noyau central (Abric, 1994). Toute représentation est organisée autour d’un noyau central qui assure deux fonctions essentielles et complémentaires : la fonction génératrice qui crée ou transforme la signification des autres éléments constitutifs de la représentation et la fonction organisatrice qui détermine la nature des liens qui unissent les éléments de la représentation.
La théorie du noyau central définit les représentations sociales comme des structures socio-cognitives régulées par deux entités distinctes ayant un rôle complémentaire : le système central et le système périphérique. Le noyau central est dans la représentation l’élément unificateur et stabilisateur de la représentation. Toute modification du noyau central entraîne une transformation de la représentation, c’est donc le repérage du noyau central qui permet l’étude comparative des représentations sociales. Ainsi, pour que deux représentations soient différentes, elles doivent être organisées autour de deux noyaux centraux différents ; c’est donc bien à la fois le contenu et l’organisation des éléments qui sont importants pour déterminer une représentation. Autour du noyau central s’organisent les éléments périphériques qui constituent la partie la plus concrète de la représentation. Les éléments périphériques servent d’intermédiaires entre le noyau central et la situation concrète en répondant à trois fonctions essentielles. Ils ont une fonction de concrétisation, qui résulte de l’ancrage de la représentation dans la réalité et le vécu des sujets. Ils ont aussi une fonction de régulation permettant l’adaptation de la représentation aux évolutions du contexte ; en ce sens, ils constituent l’aspect individualisant, mouvant et évolutif de la représentation. Enfin, les éléments périphériques fonctionnent comme un système de protection et de défense du noyau central.
L’étude des représentations sociales d’un groupe donné comparées à celles d’un autre groupe social peuvent permettre d’enrichir les travaux auprès de personnes issues de différents contextes (cf. l’étude présentée sur la compétition économique).
3.2. L’euro au cœur d’une problématique psychologique, économique et politique.
À la fin du printemps 1997, une enquête a été menée simultanément dans les 15 pays de l’Union Européenne. Elle avait pour but de trouver les principaux facteurs psychologiques déterminant les attitudes à l’égard de l’union monétaire européenne qui ne s’appelait pas encore l’euro (Müller-Peters et al., 2001). Les variables retenues pour l’étude étaient : les connaissances concernant la future monnaie, la satisfaction à l’égard des conditions de vie, l’identité nationale (Dehm et Müller-Peters, 2001), la peur de perte de contrôle et le sentiment de justice et d’équité. On se demandait à quoi attribuer les différences entre les attitudes individuelles à l’intérieur d’un même pays et s’il existait des types transnationaux de supporters et d’opposants à l’euro avec les mêmes caractéristiques psychologiques.
Les données ont été recueillies à l’aide du même questionnaire dans les 15 pays. Dans chaque pays, un échantillon représentatif de 500 à 1000 personnes a été interrogé. On note un certain nombre de caractéristiques communes à l’ensemble des Européens.
Les attentes en matière de conséquences économiques de l’introduction étaient variables mais plutôt pessimistes. Les conséquences économiques personnelles étaient perçues comme plus négatives que les conséquences économiques générales pour le pays. Le sentiment de n’avoir pas été consulté sur l’introduction de l’euro conduisait au rejet. Le sentiment était répandu qu’il y aurait des gagnants et des perdants. La peur d’être du côté des perdants entraînait aussi un rejet. Les citoyens avaient le sentiment d’être mal informés. De fait, leur niveau de connaissance était faible (sauf en ce qui concerne le groupe central : Belgique, France, Luxembourg) ; un sentiment d’impuissance se créait faisant obstacle à l’acceptation de l’euro. Même le sentiment d’être bien informé n’était pas fondé sur des connaissances exactes (illusion d’information), mais il était corrélé à une attitude positive. Un paradoxe satisfaction – insatisfaction apparaissait. Dans chaque pays c’étaient les personnes les plus satisfaites de leur vie (niveau psychologique) qui étaient le plus en faveur de l'euro, mais c’étaient les pays dans lesquels le niveau de satisfaction était le plus bas (niveau sociologique) qui acceptaient le mieux la nouvelle monnaie.
On a rencontré deux dimensions de l’identité nationale : le nationalisme qui dévaluait les étrangers et militait contre la nouvelle monnaie (en France, les électeurs du Front National étaient dans ce groupe) et le patriotisme (fierté nationale) non discriminatoire qui ne s’opposait pas au passage à l’euro (électeurs de la droite et de la gauche traditionnelles). Quand la fierté nationale reposait avant tout sur la réussite culturelle, elle était compatible avec l’acceptation de l’euro (cas de la France ou de l’Italie). Mais quand une nation se sentait surtout fière de sa prospérité économique alors l’euro était ressenti comme une menace (cas de l’Allemagne ou de la Suède). Ces règles étaient générales à tous les pays, sauf au Royaume-Uni et en Irlande.
Bien que le concept n’ait pas été utilisé dans cette recherche, on peut parler de représentation sociale de la nouvelle monnaie. Cette représentation est sociale parce que l’appartenance sociale et culturelle des individus y joue un grand rôle. Elle comporte des aspects cognitifs (informations) et des aspects émotionnels (attitudes). Mais elle a aussi un contenu sémantique particulier. Ainsi la même année, en France, Battaglia et Lassarre (1997) ont montré que l’appellation même de la monnaie variait selon les attitudes et que sa symbolique pouvait aussi varier avec ce même critère. Les supporters appellent la nouvelle monnaie « monnaie européenne ». Cette dénomination est associée aux valeurs de partage, de démocratie. Les opposants la nomment « monnaie unique » et l’associent à l’autoritarisme « de Bruxelles » et à des valeurs purement économiques. Dans la même étude, on constatait, à niveau économique et culturel égal, une attitude plus favorable chez les personnes plus âgées que chez les jeunes. Cela correspondait à une symbolique différente. Pour les plus anciens, l’euro était un objet politique : il garantissait la paix et la construction européenne, alors que pour les plus jeunes, c’était un objet économique, qui n’apportait pas de solution aux problèmes de chômage.
Plus récemment, une étude a été menée en France, un an avant le passage à l’euro, auprès de trois groupes de personnes ayant une expérience et des pratiques différentes en rapport avec la monnaie : il s’agit de banquiers, de petits commerçants et d’adolescents. Cette étude a permis de dégager des différences en termes d’attitudes et de représentations liées au changement de monnaie entre ces trois sous groupes (Nivoix et Roland-Lévy, 2002).Les banquiers avaient ainsi une bonne connaissance des différentes monnaies et semblaient avoir de façon réelle déjà intégré l’euro dans leur pratique professionnelle quotidienne ; ils ont fait preuve de bonnes compétences au niveau des conversions monétaires et possédaient une représentation riche et fonctionnelle de l’euro, représentation qui s’accompagnait de l’attitude la plus positive des trois groupes à l’égard de la nouvelle monnaie.
De leur côté, les commerçants avaient une représentation très concrète de l’euro, mais nettement plus chargée d’éléments négatifs que celle des deux autres échantillons et ce, alors que leur score moyen aux échelles d’attitudes était plutôt favorable à l’euro, avec néanmoins de grandes différences individuelles. La pratique du double affichage ne semble pas leur avoir facilité les procédures de conversion. Certains commerçants étaient même totalement incapables d’estimer le moindre prix en euros.
Enfin, les jeunes de l’échantillon, bien qu’ayant une connaissance médiocre des modalités du passage à l’euro, produisaient des estimations en euros proches de la réalité. Leur représentation de l’euro était diversifiée avec une certaine conscience des difficultés que le changement de monnaie allait impliquer, pour eux et en particulier pour les personnes âgées. Ainsi, les adolescents interrogés ont produit un pourcentage élevé d’associations négatives, tout en évoquant davantage de dimensions positives, comme la nouveauté et la facilité, que les deux autres groupes. Ceci est confirmé par leurs choix sur les échelles d’attitudes, avec des positions tranchées selon les items proposés.
Début 2002, une réplique de cette étude (auprès d’un échantillon représentatif de 500 personnes) a montré qu’avec l’arrivée de l’euro, l’opinion d'ensemble des adultes sur l’euro se révélait plutôt favorable tout en masquant une assez forte hétérogénéité (Roland-Lévy, 2004 a). Celle-ci comporte une double dimension, à la fois géographique et générationnelle : les Parisiens affichaient une attitude moyenne très favorable avec un faible écart-type alors que les provinciaux de plus de 50 ans présentaient une attitude moyenne nettement plus neutre et plus panachée. Ces variations s’appuient sur plusieurs éléments. Tout d’abord, la double conviction, quel que soit l’âge du répondant, que l’euro favorise les échanges professionnels, et que la nouvelle monnaie constitue un progrès économique. Autre facteur de soutien, le sentiment d’être prêt pour l’arrivée de l’euro, associé à l’idée que cela facilitera à terme la vie quotidienne de tous semble vrai pour les adultes de moins de 50 ans, mais plus atténué pour ceux qui ont encore en mémoire les difficultés liées au passage de l’ancien au nouveau franc. Deux éléments ensuite ont contribué à générer une opinion assez favorable chez les adultes de moins de 50 ans, mais défavorable chez les plus de 50 ans. Contrairement aux seconds, les premiers estimaient que l’Europe est mieux armée pour affronter la compétition mondiale avec l’euro, et qu’il contribue à accroître la concurrence entre les pays européens. Ceci est cohérent avec les résultats de l'enquête SOFRES du 27-29 novembre 2001, dans laquelle 61 % des personnes pensaient que l'euro rendrait l’Europe plusforte.
Notons aussi quelques freins jouant sur l’attitude des adultes. Ils étaient plutôt enclins à penser que l’introduction de l’euro accroîtrait leurs dépenses et ferait monter l’inflation. Les statistiques économiques montrent a posteriori que les prix en janvier 2002 ont enregistré une hausse de 0,5 % par rapport à janvier 2001, suivi d’une légère hausse de l’inflation sur une plus longue période (+2,2 % en 12 mois). La sensibilité des consommateurs à cette variation a sans doute été accrue par la hausse plus forte des prix de l’alimentation (+1,7 % en janvier mais +6 % sur 12 mois) et du tabac (+8,3 % et +9,5 %). Par contre l’énergie a globalement enregistré une baisse des prix de 2,8 % sur 12 mois. Cependant, malgré le mouvement de hausse commun à la plupart des pays de la zone euro, l’effet réel de l’adaptation des grilles de prix à la nouvelle monnaie n’a été d'après l'INSEE que de 0,1 point (Les Echos, 27/02/2002).
Revenons à l’identité nationale versus identité européenne, à propos de laquelle une étude intéressante menée auprès de plus de 200 adolescents (de 11 à 18 ans) un an avant le passage à l’euro et au moment de son introduction (Roland-Lévy, 2004 b) a montré un changement radical du sentiment d’appartenance. Rappelons qu’en 1999, les résultats de l’European Values Survey indiquaient qu’en France 4 % seulement des personnes interrogées choisissaient l’Europe et/ou le monde, comme représentant leur choix personnel en termes d’appartenance. Les réponses obtenues en 2001, un an avant l’arrivée de l’euro ont confirmé cette proportion, avec 85 % des adolescents interrogées qui étaient d’accord pour dire que bien que la France fasse partie de l’Europe, ils se sentaient avant tout Français et non Européens. En analysant les réponses obtenues à la même question, début 2002, le sentiment d’appartenance territorial s’est totalement inversé ; ainsi 77.28 % des réponses vont dans le sens d’une appartenance à l’Europe ; la majorité des adolescents précisant alors nous sommes tous Européens puisque nous utilisons la même monnaie. Ainsi, l’introduction d’une monnaie européenne à fait totalement basculer le sentiment d’appartenance nationale en un sentiment d’appartenance supra-nationale.
En 2004, Lassarre, comparant l’adaptation à la nouvelle monnaie dans trois générations d’enseignants, ne trouve plus autant de différences entre générations. Après deux ans de pratique, l’euro est un objet économique (m = 6,38 sur une échelle en 7 points), et politique (m = 5,68) pour tous. Ce n’est ni un objet culturel (m = 3,48), ni un objet social (m = 2,86).
L’étude des représentations sociales d’objets économiques, comme dans notre exemple sur la monnaie, permet de mieux cerner des notions de psychologie politique comme l’identité et les valeurs nationales et supra-nationales ainsi que différentes formes de patriotisme et de nationalisme.
4. Conclusion
Bien que les travaux qui s’intéressent à l’être humain sous ses aspects à la fois œconomicus, politicus et psychologicus soient rares, nous avons choisi de montrer à l’aide de quelques exemples comment la psychologie, l’économie et la politique sont en fait bien souvent indissociables. Pour cela, nous avons abordé plusieurs problématiques psychologiques autour de la motivation, du stress, de la socialisation et des représentations sociales sur différents objets économiques et politiques : l’Etat-Providence, les retraites, la précarité, la compétition et la monnaie. Ces problématiques enrichissent considérablement le champ de la psychologie sociale.
Nous avons ainsi montré l’influence de l’Etat-Providence sur les motivations individuelles vis-à-vis de diverses conduites économiques. En effet, il semble que, pour certaines personnes, l’Etat-Providence diminue la motivation au travail, la prise de risque et la solidarité au niveau interpersonnel. Cette réflexion fait surgir une nouvelle problématique de cohésion sociale et des relations de l’individu avec la société. Comment articuler les liens sociaux primaires, la valorisation des initiatives individuelles et appartenance à une structure sociale plus globale ?
Nous avons souligné que la retraite comporte, au-delà des aspects économiques et politiques liés au financement des retraites, une dimension tout aussi importante qui touche au vécu et à l’image des retraités dans notre société. Pour nous, cette problématique mérite une approche scientifique plus consistante de la part des psychologues et des psychosociologues, en introduisant de nouveaux travaux, internationaux en particulier, sur l’horizon temporel, l’usure physique et mentale, ainsi que sur la place et le rôle des personnes âgées dans la société.
À partir des travaux sur la pauvreté et la compétition, nous avons vu plus précisément les interactions entre la socialisation économique et politique et le faire-face à ces situations stressantes.
Les individus blessés ou menacé par ces situations élaborent des stratégies et des conduites cognitives (attributions causales) ou émotionnelles (recherche de soutien social) qui dépendent largement de leur socialisation politique et économique. Mais en retour leur vécu influence leurs convictions et conduites politiques.
Pour mieux cerner les effets de la socialisation économique et politique, nous avons apporté quelques éléments de comparaison de deux contextes culturels, politiques et économiques contrastés, la Hongrie et la France. Les comparaisons internationales permettent de montrer les effets du contexte historique, politique et économique sur les processus psychologiques en des termes plus précis que de simples variations culturelles.
Nous avons montré que la compétition est une situation stressante, vécue comme un défi par les uns, comme démotivante par les autres. En effet, nous avons vu que le contexte de socialisation influence fortement la perception de la compétition qui est perçue de façon inverse par les deux groupes de jeunes Hongrois et de jeunes Français. L’exemple de l’euro a mis en avant l’influence de la nation d’origine sur la perception de la monnaie à travers les représentations sociales, les attitudes et le sentiment d’appartenance. On a ainsi pu mettre à jour diverses dimensions qualitatives de l’identité nationale : le rejet (nationalisme) ou l’acceptation de l’étranger (patriotisme), la fierté nationale (culture ou niveau économique). Nous avons aussi montré que pour les jeunes Français,l’introduction de la monnaie européenne a permis, en un an, de faire basculer le sentiment d’appartenance nationale en un sentiment d’appartenance supra-nationale.
À travers ces exemples, on voit qu’il est nécessaire de mettre en relation les concepts de l’économie politique avec des théories psychologiques. Pour cela des approches interdisciplinaires seraient réellement utiles. Ainsi retraite, précarité ou monnaie suscitent des élaborations cognitives et des réactions émotionnelles impossibles à étudier sans le recours à des modèles théoriques comme ceux des représentations sociales ou du stress. C’est à cette condition que les travaux de recherche pourraient déboucher sur des conseils judicieux en matière de réforme et d’accompagnement psychologique facilitant l’adaptation aux changements individuels ou collectifs qui sont l’objet même de la psychologie économique.
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