N°20 / Les nouvelles idéologies Janvier 2012

Le Renouveau charismatique dans l’Église Catholique

Miklos Vetö

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Prélude

Né dans une famille juive non-religieuse, j’ai été baptisé : on voulait me sauver des persécutions qui se profilaient à l’horizon. J’ai grandi, athée, plutôt agnostique en Hongrie communiste. Or un vendredi fin février 1954, l’élève de terminale que j’étais a eu expérience religieuse décisive. Elle m’a envoyé à la messe du dimanche et depuis 57 ans maintenant, j’y vais. En fait, j’y vais si possible chaque jour car à la suite de l’expérience fondatrice, j’ai intériorisé la foi que je ne cessais désormais de pratiquer. Je crois depuis ce lointain événement à la vérité de la doctrine catholique, à la splendeur de l’enseignement moral de l’Église, à la richesse de la vie spirituelle et sacramentelle à laquelle elle invite ses fidèles.

Participant à la Révolution Hongroise de 1956, j’ai dû fuir mon pays. Je m’étais retrouvé à Paris où j’ai poursuivi mes études à la Sorbonne et fréquenté le centre des étudiants catholiques, avec comme aumônier, un jeune prêtre, le Père Jean-Marie Lustiger. Après la Sorbonne, ce fut Oxford et puis les États-Unis où ma femme et moi, nous avons enseigné à l’Université Yale. C’étaient les années mémorables du Concile Vatican II. J’ai été inspiré, enthousiasmé par l’esprit et l’action du Concile, mais les années immédiates de l’après-concile allaient être difficiles et douloureuses. La ferveur et la joie qui nous animaient cédaient la place chez un grand nombre à la désillusion, au doute, à une contestation plus en plus aigre et âpre des pratiques et des doctrines chrétiennes frappaient jeunes et moins jeunes et on avait l’impression que les attentes et les aspirations religieuses de nombreux catholiques glissaient en direction des objectifs sociaux, psychologiques, politiques. En commençant par la désillusion avec les structures et le fonctionnement de l’Église, une certaine désaffection s’était installée envers le religieux, le spirituel. La présence d’étudiants et de professeurs à la messe de la chapelle universitaire Saint Thomas More était en chute libre et quand on rentrait en 1970 à Yale au terme d’une année sabbatique passée à Paris, on se demandait si on allait trouver encore des gens qui priaient priant et recevaient les sacrements…

Or des amis m’avaient commencé à parler du Pentecôtisme Catholique, des réunions informelles où les gens priaient. On m’a présenté une étudiante de première année et cette jeune fille de 17 ans m’a conduit à un groupe de prière de ces pentecôtistes. Je les ai trouvés plutôt étranges, assez bruyants, un peu trop sentimentaux, mais ils priaient et ils pratiquaient leur foi catholique avec ferveur et joie. Par la suite, j’allais participer deux, trois voire quatre fois par semaine au groupe de prière « pentecôtiste ». Au milieu d’un monde qui craquait pour ainsi dire de tout côté, en face des gens qui s’agrippaient à des survivances stériles du passé et d’autres qui étaient en train de perdre leurs références et de troquer le religieux pour le social ou le psychologique, le Pentecôtisme Catholique, désormais connu sous le nom de Renouveau Charismatique, nous offrait la continuité avec la doctrine et les structures chrétiennes, tout en les revigorant comme de l’intérieur. Cette expérience américaine a été un merveilleux « investissement » : une fois que nous avons quitter l’Amérique pour revenir en France – avec un interlude de quatre ans en Afrique – nous allions reprendre contact avec les charismatiques. On allait fonder un groupe de prière et depuis trente ans maintenant, on vit notre foi, enrichie par la spiritualité charismatique, fréquentant des rassemblements, participant à des exercices spirituels de Saint Ignace dans l’esprit du Renouveau.

L’historique du mouvement charismatique et ses structures

J’ai fait moi-même la connaissance des charismatiques catholiques en 1970, pratiquement au début de ce qui allait devenir une affaire de quelque 120 millions personnes sur cinq continents. En 1967, en même temps qu’une réunion de prière en Colombie, deux séries de rencontres respectivement à l’Université Duquesne à Pittsburgh et à l’Université Notre Dame à South Bend dans l’Indiana ont déclenché ce qu’on appelait ces années-là le Pentecôtisme Catholique. Effectivement, quelques-uns des professeurs et des étudiants qui constituaient ces premiers groupes de prière avaient déjà eu l’expérience des réunions de prière pentecôtiste et étaient certainement inspirés par ce qu’ils avaient vu et vécu au milieu de ces Protestants fervents1.

La naissance du Pentecôtisme, la fondation de ses églises se situe au début des années 1900, or il s’agit d’un mouvement qui plonge ses racines lointaines dans le Piétisme du XVIIe et du XVIIIe siècle. Les piétistes étaient des protestants européens et américains qui insistaient sur une expérience intense et personnelle de la foi et une lecture assidue de la Bible. Ils n’ont pas abandonné l’enseignement doctrinal de leurs confessions respectives mais mettaient l’emphase sur la rencontre du croyant avec le Christ, sur la purification du cœur aboutissant à un renouvellement de la vie, de l’agir moral. Ils ne rompaient pas avec la pratique religieuse de leurs églises, mais se réunissaient surtout dans des groupes, des assemblées de prière spontanée de louange et de demande. Dans les pays européens, avec leurs églises nationales, des églises d’état, le mouvement piétiste n’aboutissait pas à la fondation de structures ecclésiales autonomes. Quant aux États unis, pays sans église établie, pays d’Éveils, de rencontres religieuses immenses et fréquentes, la ferveur piétiste a conduit au surgissement de nouvelles églises dans le Nord et le Sud, au milieu des Blancs aussi bien que des Noirs.

Contrairement à l’Europe, en Amérique, le xxe siècle a vu la confirmation, en fait, l’intensification de la ferveur chrétienne des masses. C’est un siècle d’évangéliques et parmi les évangéliques, les Pentecôtistes jouent un grand rôle et occupent une place très importante. La chrétienté américaine est aussi très désireuse d’annoncer le Christ aux peuples qu’ils ne le connaissent pas encore et envoie ses missionnaires aux quatre coins du globe. À côté des églises-mères américaines, naissent ainsi des églises pentecôtistes en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie. Ces structures ecclésiales présentent un ensemble plutôt hétérogène, en doctrine comme en organisation, elles n’ont finalement en commun que la confession d’une grande fidélité à la Bible et une insistance, une emphase sur le caractère personnel, spontané de la foi. À cette période d’églises fondées à l’Occident, mais conduisant à la naissance d’autres églises pentecôtistes dans le Tiers-Monde suit celle que nous vivons maintenant, ce qu’une certaine historiographie appelle post-pentecôtiste ou post-charismatique. Il s’agit d’une floraison d’églises indigènes, surtout en Afrique, mais aussi en Asie et en Amérique Latine. Certaines sont apparues dès la fin du XIXe siècle et surtout pendant la première moitié du xxe, mais ce mouvement a pris une nouvelle ampleur pendant ces dernières décennies où le pentecôtisme classique coexiste désormais avec l’avènement du mouvement charismatique2.

Quand le pentecôtisme – plus ancien ou contemporain - apparaît sous forme d’églises autonomes, le Renouveau Charismatique qu’il influence ou plutôt qu’il inspire, subsiste au sein des grandes églises historiques. Le mouvement charismatique entend renouveler l’Église à laquelle ses fidèles appartiennent, mais n’est guère désireux de faire scission, de fonder de nouvelles structures ecclésiales. Et ceci est particulièrement vrai pour le Renouveau Charismatique Catholique, viscéralement fidèle à l’Église. Le plus souvent avec l’encouragement de la hiérarchie, des groupes de prière naissent dans le sillage de Notre Dame et de Duquesne, ils couvrent quasiment le territoire des États-Unis pour se répandre très rapidement au Canada, en Europe et en Amérique Latine, puis en Afrique et en en Asie. La croissance est surtout phénoménale dans les années soixante-dix et quatre-vingt à l’Occident, elle continue sans fléchir dans les pays du Tiers-Monde. Selon des estimations des historiens, en 1970 quelques deux millions de catholiques se disaient « charismatiques » et en une trentaine d’années leur nombre allait atteindre les 120 millions3. Cette immense masse de croyants est concentrée surtout en Afrique et en Amérique Latine, de même qu’aux États-Unis. Quant aux pays de la vieille chrétienté européenne vivant une hémorragie inédite de croyants, les chiffres sont bien plus modestes, tout en restant signifiants. Or, au-delà des chiffres, ce qui importe, ce qui est particulièrement intéressant, c’est le rôle que les Charismatiques jouent au sein de l’Église.

Pour comprendre ce que le Renouveau charismatique représente pour l’Église, il faudrait évidemment passer en revue les modalités de son « fonctionnement ». Les charismatiques catholiques continuent à fréquenter – et fréquenter bien plus assidûment que la grande majorité des autres baptisés – la messe et recevoir les sacrements. Pour l’essentiel, ce sont des membres actifs des communautés paroissiales, ils œuvrent au sein des diocèses ou des ordres religieux. Toutefois, si la condition du charismatique implique la participation à la vie des paroisses, elle se manifeste d’une manière par excellence, d’une manière distinctive et spécifique dans les groupes de prière et des communautés. L’immense majorité des charismatiques fait partie des groupes de prière qui se rassemblent le plus souvent chaque semaine. Ils peuvent ne compter que quatre ou cinq personnes, mais il existe aussi des groupes de cinquante ou cent membres. Ce sont des structures géographiques rassemblant des personnes en provenance d’une ou de plusieurs paroisses. Le groupe est dirigé par un berger et un noyau qui l’entoure, presque toujours des laïcs, élus par les membres. Sans doute, le groupe peut avoir des prêtres et des religieuses et sa réunion peut être précédée ou suivie par une Eucharistie. Toutefois, prêtres et religieuses ne font pas partie des groupes à titre différent que les membres « laïcs » et la réunion de prière ne saurait remplacer la Messe de l’Église.

Le groupe de prière se réunit presque toujours le soir, pendant un jour de la semaine, jamais le dimanche, et il rassemble des personnes de toute condition et de tout âge. Hommes et femmes y participent, mais comme dans la quasi-totalité des rencontres et des célébrations chrétiennes, les femmes sont bien plus nombreuses que les hommes… Le déroulement de la réunion diffère selon le groupe individuel, mais les moments essentiels, centraux sont les mêmes. Elle peut commencer par la prière de louange initiée par quelqu’un du noyau et reprise par des membres individuels. Une ou plusieurs lectures bibliques ponctuent la réunion qui aboutit fréquemment à une prière d’intercession, souvent à une imposition des mains sur ceux ou celles qui en expriment le désir, et de temps en temps à une demande de guérison. Nonobstant ces éléments fondateurs communs qui constituent comme le canevas des réunions, la caractéristique essentielle de la prière charismatique est sa spontanéité. On intervient quand on le désire, on se sert des paroles de la vie quotidienne, on a recours à des passages scripturaires selon son inspiration et son discernement. En sus la louange de Dieu et la lecture ou la récitation des textes bibliques, l’assemblée de prière charismatique donne une large place aux dons de l’Esprit Saint qui constituent – comme pour les pentecôtistes les charismatiques aussi - les signes distinctifs de leur pratique religieuse. Le Renouveau Charismatique trace son origine à l’événement suprême de la Pentecôte où l’Esprit Saint s’est sur les apôtres4. Ce débordement traduit une purification radicale, une espèce de seconde naissance qu’accompagnent les dons divers, dont le plus marquant, est le don des langues. Inspirés par l’exemple des Apôtres, de nombreux participants de l’assemblée charismatique s’expriment dans des paroles qui ne font partie d’aucune langue connue, qui ne veulent pas traduire des pensées inexprimables mais ne sont pas pour autant dépourvues de signification. Le don des langues, la glossolalie n’est pas une fin en soi, son telos est l’édification de la communauté. On ne parle pas pour soi-même et dans le vide, mais un ou plusieurs autres membres du groupe doivent interpréter ce qu’ils viennent d’entendre, communiquer au groupe le sens profond de ce qui a été proféré par le frère ou sœur parlant « en langues ».

La glossolalie paraît un phénomène étrange, quasiment paranormal, mais elle illustre à sa manière l’essentiel du message chrétien. C’est quelque chose qui m’advient d’Ailleurs, qui me dépasse et qui m’est donné en vue et pour les autres. Or, l’abandon à l’Autre, à savoir à Dieu qui agit par le Saint-Esprit et qui m’inspire d’agir et d’œuvrer pour autrui n’est illustré que ponctuellement et d’une manière pour ainsi dire fragmentaire par le groupe de prière, il se réalisera plus pleinement dans les communautés. À l’instar des ordres religieux et souvent inspiré par leur spiritualité spécifique, ces « communautés nouvelles » marquent le Renouveau Charismatique. D’abord aux États unis et puis surtout en France5 mais aussi dans d’autres pays, des communautés s’instituent. Elles sont composées d’hommes et de femmes célibataires, mais reçoivent également comme membres des familles. Les communautaires peuvent vivre ensemble dans des Maisons, mais souvent ils restent « chez eux », tout en participant pleinement à la vie commune. Ces communautés, surtout celles fondées en France, essaiment dans nombreux autres pays. Elles sont, selon des formules diverses, intégrées dans des structures ecclésiales. Elles vivent d’une manière quotidienne, ce que les groupes pratiquent dans des réunions hebdomadaires. Elles servent souvent comme centre d’accueil spirituel pour des non-membres. Animant fréquemment la vie paroissiale, elles peuvent aussi s’investir plus particulièrement dans des mouvements de jeunes ou dans la pastorale pour des couples mariés.

Sens et signification du mouvement charismatique

Le renouveau Charismatique est à sa manière un phénomène du piétisme et comme le Piétisme classique, il constitue une réponse à l’évolution historique de la Chrétienté. Or cet enracinement dans certains facteurs et composants particuliers de l’histoire ne se comprend qu’à partir d’une réflexion sur son sens plus profond, sa correspondance à des moments pour ainsi dire phénoménologiques de la réalité humaine. Des investigations d’ordre psychologique ou sociologique peuvent, certes, contribuer à l’analyse du mouvement charismatique, sans pour autant prétendre à pouvoir l’« expliquer ». Et ceci pour la simple raison qu’on ne saurait expliquer une chose par une autre et toute tentative de rendre compte en psychologie ou en sociologie de la Religion revient précisément à un essai d’explication d’une chose par une autre. La Religion possède évidemment des prémisses et des retombées, des aspects et des composants historiques, sociaux, psychologiques ou philosophiques, elle n’en constitue pas moins une dimension autonome, sui generis de l’homme. Elle ne saurait guère être dissociée, détachée des facteurs moraux, elle ne s’épuise pas pour autant dans l’intention ou l’action morale. Elle ambitionne, certes, de fournir des exposés d’ordre métaphysique, voire cosmologique, mais - pour parler en phénoménologue – son « objet intentionnel » n’est pas l’Être ou l’Univers. Depuis Schleiermacher, fondateur d’une philosophie de la religion autonome, on conçoit avec clarté que les questions sur la Religion ne se rapportent pas à la sphère du bien ou à celle du vrai, mais qu’elles relèvent du registre du sacré ou du numineux (R. Otto). Le sacré est une catégorie autonome, il dénote un univers, certes, en continuité avec ceux de l’ontologie, de la morale, même de l’esthétique, mais qui ne s’y réduit pas. Le sentiment, le besoin, le savoir religieux se rapportent au sacré, au divin dont la figure par excellence est Dieu, mais il se réfère également à une panoplie de structures moins universelles et qui constituent comme en filigrane l’univers de ce que M. Eleade appelle des hiérophanies6.

Le Renouveau charismatique ne dispose pas d’un système d’hiérophanies propres, il puise de l’immense réservoir des hiérophanies chrétiennes. Il en affectionne certaines, en général les plus importantes, les plus centrales, et il les « regonfle » pour ainsi dire de force, de vigueur. Les charismatiques récitent avec ferveur les Psaumes, pratiquent une lecture assidue, méditative de l’Évangile, ils sont particulièrement attachés à certaines dévotions comme l’Adoration du Saint Sacrement et la prière mariale, et surtout, ils manifestent ces formes traditionnelles de la piété chrétienne avec une vigueur, une ferveur, une affection intenses. On peut, certes, s’adonner avec profit à une étude de psychologie sociale de l’intensité, du caractère affectif des expressions de la religiosité charismatique, mais la clef de leur compréhension réside dans la réalisation qu’on a affaire ici à de puissantes réaffirmations de la dimension humaine spécifique de la religion, de sa radicale irréductibilité à tout autre composant et élément de nos structures phénoménologiques. Le mouvement charismatique apparaît comme une réponse à l’affaiblissement d’intensité de la vie religieuse, et surtout aux tentatives multiformes de faire glisser les priorités de l’existence chrétienne en direction des préoccupations morales et sociales, métaphysiques ou esthétiques. Le charismatique éprouve avec douleur la subordination brutale ou subtile de la religion à d’autres réalités et à d’autres systèmes de valeur et il entend pratiquer un retour vers « l’essentiel ». Le Renouveau constitue un rappel puissant de la dimension originelle et originaire du sacré, mais le sacré qui l’inspire et qu’il désire retrouver, apparaît selon sa figuration chrétienne, à savoir comme une véritable rencontre personnelle.

Pour l’évangélique protestant l’expérience religieuse fondatrice est constituée par la reconnaissance de Jésus-Christ comme son Sauveur personnel quand les Charismatiques professent surtout la motion originaire et continue du chrétien par le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit est la troisième personne de la Trinité divine et les charismatiques se considèrent comme se trouvant sous son regard et ils essayent de discerner et d’accueillir son inspiration. Contrairement à des manières plus traditionnelles, plus extérieures ou encore plus intellectuelles de vivre en chrétien, le charismatique semble parcourir une trajectoire ponctuée d’« expériences spirituelles ». Or si le tableau de bord d’un cheminement de charismatique note effectivement des « expériences », la finalité de sa quête n’est pas de préparer et d’accueillir des expériences spirituelles, mais d’essayer de se mettre à la disposition du Seigneur, d’approfondir sa relation avec Lui. L’appel de la Religion est toujours le témoin de l’exigence inscrite dans le cœur et l’esprit de se tourner vers l’extérieur, vers une réalité plus haute que soi-même. Et c’est cet appel qui motive et structure les moments et les éléments spécifiques de « la spiritualité » charismatique7.

L’intense ferveur de la prière charismatique se conçoit à partir du caractère personnel de la rencontre qui la suscite et anime. Cette Personne qui en est le vis-à-vis, le corrélat nous est très proche, très présent, or précisément, cette proximité, cette présence est celle d’un Autre qui demeure incommensurablement puissant, différent de nous transcendant. L’intensité de l’expérience exprime une présence immédiate, mais une présence qui est accordée gratuitement. Sans doute, certaines « techniques » permettent de se mettre en un état de réception plus appropriée, toutefois selon sa vérité profonde, l’expérience charismatique est vécue par une âme désarmée, rien n’est plus loin d’elle qu’une quelconque mainmise sur son vis-à-vis divin. La prière charismatique exprime cette absence de mainmise selon divers registres. Le charismatique sait demander des dons et des grâces mais il sait aussi qu’avant toutes choses, il doit louer. Le groupe de prière s’ouvre par la louange : on loue le Seigneur non pas pour quelque chose qu’il nous a donné mais pour lui-même. Évidemment, on doit célébrer le Seigneur pour et à travers ses dons. Or la louange primordiale se rapporte à Dieu grand, beau et glorieux, et Dieu est beau, grand et glorieux non pas pour ce qu’il fait mais pour ce qu’Il est, pour ce qu’Il est en Lui-même. La louange par excellence est alors essentiellement gratuite.

La gratuité de la louange inspire ou explique directement ou indirectement d’autres manifestations de la spiritualité charismatique. D’une manière paradoxale les expressions apparemment les plus ‘intéressées’ de la piété charismatique entrent dans la logique de la gratuité qui correspond à l’intuition fondatrice de l’altérité du Dieu, du Dieu tout-puissant qui ne saurait être objet d’aucune mainmise de la part du croyant. Les critiques du Renouveau jugent sévèrement ses débordements sonores ou gestuels, et surtout, sont rebutés par le rôle et la place que les demandes de guérison occupent dans des rassemblements. Or ces critiques visent toujours des phénomènes finalement corporels. Le christianisme est la religion de l’Incarnation, néanmoins la méfiance traditionnelle des théologiens et moralistes chrétiens envers le corps, la chair refait surface dans le procès qu’on intente aux phénomènes d’ordre physique. Toutefois, en réalité, le Renouveau entend réhabiliter le corps d’une manière très subtile. La dialectique de cette réhabilitation s’articule sur deux plans. Le oui adressé aux expressions corporelles, à l’exubérance de la parole et du geste signifie assumer l’appartenance irréductible du corps à l’unité de l’être humain que le Christ est venu sauver, mais aussi à consentir à cette corporéité débordante en tant qu’elle représente ce qui en nous n’est pas soumis au contrôle de la conscience rationnelle. Les phénomènes somatiques qui accompagnent et traduisent la prière charismatique attestent la présence en nous d’une sphère que nous ne dominons pas, mais qui fait néanmoins partie d’une manière indélébile de notre être. Si la joie profonde de l’homme religieux se manifeste dans et par les exercices d’ordre corporel, c’est qu’il y a quelque chose qui importe pour nous, en fait, qui est de nous, mais sur lequel nous ne pouvons avoir aucune mainmise…

Chrétiens et non-chrétiens se méfient de ces phénomènes émotionnels, désordonnés, dépourvus de sobriété, les regardent avec désarroi. Or plus que les excès d’exubérance advenus lors des réunions charismatiques, les demandes de guérison jettent le trouble dans l’esprit des spectateurs et les transforment fréquemment en critiques irrités et méprisants. Demander la guérison – dit-on – est indigne du croyant, la vie spirituelle se joue sur un tout autre plan que celui des infections, des blessures, des traumatismes. Toutefois, cette conception traduit un malentendu radical concernant les réalités de la vie chrétienne, et surtout la vertueuse dénonciation de l’intéressement primaire des charismatiques vise directement l’intuition fondatrice du Renouveau qui est d’ailleurs celle de la foi chrétienne. À savoir que le Dieu de l’Écriture est un Dieu tout-puissant et dont précisément l’altérité, la transcendance radicale permet d’exaucer la prière de sa créature. La prière de guérison n’a rien d’une formule magique. Bien au contraire, elle atteste – et aussi elle approfondit – la conscience profonde de l’impuissance du sujet humain, l’absence de tout rêve et de tout désir de mainmise sur l’Autre. La philosophie analytique de nos jours parle des propositions performatives qui ne se contentent pas de formuler un contenu, une relation mais qui en les énonçant, les réalisent, les font advenir. La prière de demande du charismatique est un tel énoncé performatif : en proférant des paroles sur la toute-puissance de Dieu, elle approfondit la foi dans cette toute-puissance, son indépendance radicale par rapport à toute mainmise humaine…

La demande de guérison physique ou psychique est censée exprimer la reconnaissance de la toute-puissance c’est-à-dire de la transcendance divine, elle atteste avec éclat l’intuition essentielle de l’altérité de cette Personne qu’on implore. Or il se trouve une autre altérité, plus profonde, une altérité à rebours, celle du mal qui ne contredit pas seulement l’harmonie, la santé, le bon fonctionnement de la créature mais s’oppose à l’ordre, au bien qui président et ordonnent ce monde. Le chrétien charismatique a une conscience aiguë du mal moral. Il sait que l’homme en lui-même ne parvient pas à le combattre, qu’il lui faut recourir à la grâce de Celui qui est « venu pour enlever le péché du monde »8. Or le chrétien sait aussi que le mal moral, le péché ne se limite pas à la sphère d’ici-bas. Les charismatiques prennent très au sérieux la boutade de Tertullien : la suprême astuce du diable c’est de faire croire aux gens qu’il n’existe pas…. Ils savent que le mal dans le monde prend « normalement » des formes physiques ou psychiques, mais ils sont également conscients de l’existence et du rayonnement d’un mal qui se situe au-delà du Kosmos et qui se fait manifester avec éclat dans le monde trouble et horrible de la possession.

Moments et manifestations spécifiques du Renouveau catholique.

Le mouvement charismatique joue un rôle très particulier dans l’aire catholique. Il présentifie quasiment au degré maximum la nature profonde du Renouveau qui ne veut pas briser les structures ecclésiales mais plutôt les dynamiser, leur insuffler une vitalité accrue. Contrairement au mouvement pentecôtiste, classique ou contemporain, le Renouveau Charismatique n’entend pas ajouter de l’inédit, du complémentaire aux structures et aux doctrines traditionnelles des grandes églises historiques, il œuvre plutôt à leur revitalisation, à l’actualisation de leurs potentialités, à la vivification de ce qui paraît démodé, affaibli, voire stérile en elles. Dès le XVIIIe siècle, le Great Awakening américain avec son théologien le grand Jonathan Edwards9, a proclamé et pratiqué la fidélité à l’enseignement ecclésial. Au xxe et au xxi siècles, les charismatiques anglicans et surtout catholiques affirment et méditent les richesses fécondes du dogme. Ce n’est donc pas un hasard de l’histoire que par la voix de ses plus hautes responsables, l’Église Catholique, une église particulièrement attentive à la clarté doctrinale et à l’obéissance à l’hiérarchie, a accueilli d’une manière si positive ce mouvement à réputation de « spontané » et apparemment peu soucieux de distinctions théologiques. Le Renouveau a surgi à un moment crucial de l’histoire du catholicisme. Comme il a été dit plus haut, il apparaît en même temps que se répandent la désaffection et la désillusion et que s’esquisse l’exode des laïcs et des clercs. En fait, les charismatiques ne sont pas très bien accueillis par ceux qui s’affichent le plus fortement leur appartenance à la mouvance du « Concile ». On essaye de réformer, de prendre ses distances avec des structures vermoulues, on préconise « l’ouverture au monde » et voilà qu’une masse de personnes pas particulièrement éduquées, motivées très médiocrement par des préoccupations politiques et sociales et surtout d’une religiosité étrange, pour le dire en un mot, réactionnaire, apparaît sur la scène… Les charismatiques renouent avec des dévotions tombées en désuétude dans le sillage de l’après-concile et ils accueillent avec déférence et affection les discours et les directives des évêques et surtout du premier parmi eux, le Pape. Cependant, au beau milieu de ces critiques et de ces répugnances que d’ailleurs les charismatiques eux-mêmes ignorent le plus souvent et surtout ne comprennent guère, les participants des groupes de prière se voient comme incarnant la véritable réponse à l’appel ardent de Jean xxiii pour porter le message de Vatican II et réaliser son enseignement !

Le Renouveau - on le rappelle – a débuté dans l’univers catholique en 1967, et à peine huit ans plus tard, lors de son premier grand rassemblement international à Rome, il a été salué par Paul VI lui-même comme « une chance pour l’Église ». Il ne manquait pas de détracteurs pour faire remarquer qu’une barque qui prend aussi fortement de l’eau que celle de Pierre ne peut qu’approuver les efforts de ceux qui se précipitent à en colmater les brèches, qu’une hiérarchie et un magistère attaqués d’une manière quasiment inédite, est comme condamnée à accueillir avec soulagement les secours inattendus émanant de ces masses de croyants pieux. Sans doute, la bonne vieille méfiance ecclésiale n’a jamais été désarmée et les textes du Saint-Siège comme les directives des évêques ne cesseront de rappeler « la vigilance » nécessaire en face des « imprudences » et des « excès » qu’on considère inévitables. Or pour l’essentiel, nonobstant les réserves et les critiques, le Renouveau continue à faire son chemin dans l’Église Romaine. Il joue quasiment un rôle de levain dans des corps ecclésiaux des pays de vieille chrétienté et il occupe un terrain de plus en plus étendu dans des catholicismes des pays en développement.

L’analyse de la spécificité du renouveau catholique doit partir du rappel de sa vérité de mouvement religieux. De mouvement religieux mais déterminé et articulé par la logique, les thèmes et les thèses de la chrétienté catholique. Les charismatiques renouent avec les manifestations de la piété traditionnelle, avec des dévotions et ils y ajoutent aussi les leurs mais ce n’est jamais en compétition avec la Messe, l’Eucharistie qui est la clef de voûte de la pratique catholique. Le Renouveau qui doit beaucoup à l’expérience protestante, notamment celle des évangéliques, a toujours été très ouvert devant les fidèles des autres confessions chrétiennes. Il pratique à sa manière un œcuménisme chaleureux et constant, mais tout cela contre l’arrière-fond d’une conscience intense de l’appartenance à l’Église Catholique. Les charismatiques écoutent avec sympathie et respect le témoignage et l’enseignement de leurs frères protestants, mais ils manifestent une fidélité fervente et sans faille à l’hiérarchie catholique et une profonde piété envers la personne et les paroles du successeur de Pierre. Cette attitude de fidélité et d’obéissance respectueuses qui est vécue par un mouvement où les laïcs ont un rôle inédit au moins dans l’aire catholique, découle d’ailleurs des prémisses eidétiques, phénoménologiques de la religion. La religion représente une sphère sui generis de la réalité humaine qui ne doit pas être remplacée ou infiltrée par des éléments en provenance d’une autre sphère, mais elle non plus ne doit pas empiéter sur les mondes qui ne sont pas les siens. Les charismatiques, le plus souvent des fidèles dépourvus de culture philosophique ou théologique, discernent avec sûreté et doigté l’indépendance radicale du Religieux et la possibilité de son harmonieuse insertion dans les autres sphères de l’humain. Dans la chrétienté catholique post-conciliaire le partage des rôles entre laïcs et clercs, baptisés et prêtres fait souvent problème : on dénonce la mainmise excessive du clergé sur le fonctionnement de l’Eglise, on essaye de mieux partager les compétences ecclésiales entre prêtres et laïcs, avec comme corollaire le plus fréquent des tentatives d’attribuer aux baptisés des rôles naguère réservés au ministres ordonnés, les prêtres. Ce genre de discussion ou de polémique est absent dans le Renouveau Charismatique. Des laïcs, très souvent des femmes sont bergers de groupe de prière dont des prêtres sont de simples membres, ils peuvent aussi être accompagnateurs spirituels des prêtres, mais ils ne prétendent jamais exercer des fonctions que la doctrine ecclésiale réserve aux ministres ordonnés. Le Renouveau n’enlève rien aux prêtres pour le donner aux laïcs, il donne plutôt aux prêtres aussi bien qu’aux laïcs. Comme le disait Pierre de Bérulle, dans l’arithmétique la plus profonde, celle de Dieu, « les choses célestes… se partagent sans division, sans diminution… par communication » 10.

Cette complémentarité harmonieuse et enrichissante propre à la spiritualité charismatique trouve son illustration par excellence par le baptême dans l’Esprit, administré au terme d’un parcours de réunions, de séminaires. Ce baptême scelle une voie accomplie et ouvre et introduit un nouveau cheminement. Il invoque la présence, la grâce du Saint-Esprit pour marquer un moment crucial et préparer une vie chrétienne fervente. Le baptême dans l’Esprit est pratiqué aussi par des charismatiques d’autres confessions, mais il a une spécificité essentielle dans la mouvance catholique. S’il indique et accomplit quelque chose d’essentiel, il n’est pas pour autant un sacrement, c’est-à-dire un don irrévocable conféré par l’Église. Le baptême dans l’Esprit ne remplace pas le Baptême ecclésial, mais il en revitalise l’influence. Il n’introduit pas son récipient dans la vie chrétienne mais il le rend conscient de la présence du Saint-Esprit en lui. Quand Jean xxiii a convoqué le Concile, il parlait d’un aggiornamento : non pas de la construction de quelque chose de radicalement neuf ni d’une espèce de simple dépoussiérage des structures historiques existantes. Le Concile devait accomplir une mise à jour des réalités enfouies, conduire à un éveil des inspirations endormies, à l’intensification des aspirations affaiblies. Toute proportion gardée, le Renouveau Charismatique Catholique se comprend comme un instrument privilégié de mettre en œuvre ce « programme ». Y parvient-il ?

La réponse – si on peut répondre à une telle question - serait un oui avec des réserves. Le Renouveau a permis à l’Église de présenter à ses fidèles une alternative à d’autres tentatives d’aggiornamento, à des tentatives qui s’avéraient fréquemment comme des velléités de quasi-ruptures, mais il représente également une alternative à des fascinations traditionalistes ou intégristes. Ce rôle incombe au Renouveau surtout dans des pays de vieille chrétienté, notamment en Europe Occidentale et Centrale où, dès son apparition, il aura assumé des positions qui allaient devenir caractéristiques ou au moins plus générales : fidélité à l’Église hiérarchique, attirance pour les dévotions, les pèlerinages, l’approfondissement de la vie spirituelle, priorité donnée à la prière et à la lecture de la Bible. Or ce qui il y a une trentaine d’années était largement une spécificité charismatique, devient de plus en plus propre aux générations de jeunes chrétiens d’aujourd'hui. Est-ce que cela signifie que transmettant aux jeunes catholiques son option de la primauté du spirituel, le Renouveau Charismatique a fini par se rendre quasiment superflu ? Dire oui serait tentant mais doit être pris cum grano salis. Si le mouvement charismatique a contribué au renouvellement du paysage ecclésial, s’il est parvenu à opérer une synthèse entre la spiritualité et les pratiques traditionnelles avec les exigences propres aux jeunes Catholiques, son succès a des limites. Des limites quantitatives, celles qui déterminent la vie des églises de l’Occident, sauf celles des États-Unis et de la Pologne. À savoir une baisse constante de la pratique, un éloignement plus en plus fort de la société du Christianisme et de tout ce qu’il représente, une baisse vertigineuse des vocations de prêtres et de religieux. Le Renouveau a marqué un moment la vie d’une partie importante des fidèles, mais il n’a pas pu enrayer l’hémorragie des croyants, l’étiolement de la pratique.

Il en va autrement dans les pays en développement où le mouvement charismatique joue un rôle majeur dans la vie catholique. Dans des sociétés enracinées par le passé tribal, fortement travaillées par la survivance des religions « primitives », le Renouveau permet une « inculturation » plus facile. Il présente la primauté du religieux au sein des communautés chrétiennes qu’une pastorale récente et trop marquée par des exigences et des mentalités occidentales, a choquées, voire gardées éloignées des structures ecclésiales traditionnelles. Le Renouveau Charismatique avec ses liturgies flamboyantes et chaleureuses, sa spiritualité fervente et émotionnelle trouve un terrain fécond dans ces catholicismes naissants. Il permet au Catholicisme de « se défendre », au moins partiellement, contre l’attirance des sectes et des églises « indigènes », il lui rend possible de transmettre sa foi et sa pratique dans la fidélité, mais aussi selon l’appel hic et nunc des communautés croyantes. Comme le disait Paul VI, le renouveau charismatique représente « une chance pour l’Église ». Une chance c’est-à-dire un avènement à d’immenses potentialités, mais que personne ne saurait maîtriser complètement et d’une manière égale, ni articuler et appliquer  selon des finalités préconçues.

1  K et D.. Ranaghan, Le Retour de l’Esprit. Le mouvement pentecôtiste catholoique, Paris, 1972.

2  Pour ces classifications et cette histoire Tne New International Dictionary of Pentecostal and Charismatic Mouvements, S. Burgess (ed.), Grand Rapids, Michigan, 2003, p. xvii-xxiii.

3 Tne New International Dictionary of Pentecostal and Charismatic Mouvements, S. Burgess (ed.), Grand Rapids, Michigan, 2003, p. 465.

4  Actes des Apôtres 2, 4-6.

5  M. Hébrard, Les nouveaux disciples, Pars, 1979, F. Lenoir, Les Cmmunautés Nouvelles : Interviews des Fondateurs, Paris, 1989.

6  Cf. M. Veto, Philosophie et Religion, Paris, 2006, p. 89 sq et 253-260.

7  S. Clarke, Charismatic spirituality, Cincinnati, 2004, p. 47 sq.

8  Jean 1, 29.

9  Cf. M. Vetö, La Pensée de Jonathan Edwards, 2.éd. Paris, 2008.

10  Bérulle, Discours de l’état et des grandeurs de Jésus. Œuvres Complètes 7, Paris, 1996, p. 456.

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