Introduction
De 1960 à 1990, le Mali a été marqué par des régimes dictatoriaux avec un monopartisme fort et influent laissant des ressentiments dans les couches les plus vulnérables. Face aux différentes rebellions internes, les autorités adoptent, presque instinctivement, une posture répressive déclarant répondre à la violence par plus de violence. Très vite cependant, la seule politique du bâton trouve ses limites et le besoin d'utiliser la carotte devient inévitable. Plus la guerre civile s'enracine et devient couteuse, plus les gouvernements maliens ont tendance à modérer leurs positions et à vouloir négocier avec leurs citoyens rebelles. La stratégie est classique : D’une amnistie plus ou moins sélective, on aboutit à un pardon général et à différents divers projetsd'intégration.
C’est dans un contexte géopolitique enclin à la démocratie et au multipartisme que tout est partit. En effet, avec le discours de la Baule en 1991, le Mali, à l’instar d’autres pays de la région, soumis pendant longtemps aux partis uniques et aux régimes dictatoriaux, s’est engagé sur la voie de la démocratie. Ainsi, après le coup d’Etat de 1991 qui a ouvert l’ère du renouveau démocratique, le Mali s’est lancé dans le multipartisme intégral avec à la clé plusieurs élections présidentielles, législatives et communales. Aussi, depuis les années 90, l’ère du renouveau démocratique en Afrique sub-saharienne, des progrès importants ont-ils été enregistrés dans ce pays, notamment en matière de liberté d’expression et d’association, ainsi que dans le domaine de la structuration de la société civile de sorte que ce pays était cité comme un des modèles de la démocratie en Afrique. Tout portait donc à croire que le Mali avait trouvé sa voie, celle des libertés, de la paix sociale, de la croissance, du développement et de la stabilité. Ceci est une illusion car très tôt, des voix se sont élevées soit pour critiquer la gestion du pouvoir, soit pour revendiquer la séparation du Nord Mali occupé majoritairement par les touaregs et les peulhs.
La situation au Mali, devenue entre temps, le théâtre d’un conflit armé sanglant, associant terrorisme, attentats et guérilla urbaine, dont les conséquences économiques, politiques, sociales et humanitaires incalculables requéraient une attention particulière de la part des maliens eux-mêmes, mais aussi de la communauté internationale, mérite à nouveau d’être analysée de l’intérieur. L’objectif du présent travail article, est de reconsidérer la situation malienne à partir d’une reconstruction génétique intégrant la dimension cognitive des acteurs impliqués dans le conflit, en particulier les populations touarègues habitant le Nord Mali. Il existe certes une littérature abondante sur ce conflit. D’importantes études portant sur les données événementielles du conflit, Taje Mehdi(2012), Alain Antil (2012,2013 ), Lounnas Djallil (2012 ), Antonin Tisseron (2011), Mouhammad Mouhammad (2013 ), Albert Bourgi ( 2012), ou historiques Hélène Claudot-Hawad (2001,2006), André Bourgeot (2013), William Assanvo ( 2012), Edmond Bernus (1978 ; 1981 ; 1986 ), Bas Lococq (2002 ; 2012), ont été conduites par des auteurs avertis. Ces auteurs ont tenté d’expliquer chacun à leur manière, les causes et les stratégies des différents acteurs impliqués dans le conflit, sans toutefois mettre expressément en évidence la dimension cognitive ou les dimensions « psycho-affectives » qui guident leurs actions. Or, comme le dit Philippe Braud (1996), pour mieux comprendre les situations conflictuelles, il est important d'étudier d’abord la part des logiques émotionnelles, lesquelles sont à même de nous révéler les projets de société que chaque acteur en conflit se dessine.
La démarche
Notre démarche s’inscrit dans la durée et tente de montrer que le conflit malien, avant d’être un problème de frontières territoriales et d’autodétermination, est d’abord un problème identitaire et de cohabitation de logiques contradictoires. D’un côté, la logique d’une société traditionnelle caractérisée par des particularités où les loyautés s’expriment au-delà des frontières et dans le temps, et où les peuples s’identifient à travers les sentiments ethniques, éthiques ou claniques,et de l’autre côté, la logique de l’Etat moderne caractérisée par l’unicité et l’universalité. Notre hypothèse est que la situation au Mali, vient en grande partie de la confrontation de ces deux logiques, de la génétique des peuples qui habitent le nord Mali, et de leurs modes traditionnels d’organisation sociopolitique, de sorte que cette guerre se présente avant t comme une thérapie de groupe relevant d’une action collective qui ne peut trouver sa solution à terme dans la récente élection présidentielle. En fin de compte, les conséquences externes du conflit, qui ont pour nom terrorisme, attentats, guérilla, et autres formes de violence organisée tendant à transposer la violence et la terreur en d’autres lieux, ne peuvent s’analyser qu’en termes de causalités adéquates inductrice d’une psychose et de traumatisme généralisés.
Les données ethnographiques d’une génétique humaine de belligérance
Bien qu’ayant été déclenché le 17 janvier 2012, le conflit malien a des racines lointaines, complexes et aussi entremêlées qu’on ne pourrait l’imaginer. Ce conflit s’inscrit dans une suite d’insurrections bien connues, généralement baptisées « rebellions touarègues », dont parle Bas Lococq (2002, 2010). Ces rebellions ont opposé certaines parties du peuple touareg aux gouvernements successifs du Mali et duNiger. Depuis 1916, ceux-ci ont vivement marqué l’histoire du Mali et dans une certaine mesure, celle du Niger. Naffet Keita (2013), a pu observer que la répétition sans cesse des rebellionsdans les régions Saharo-sahéliennes, a fini par forger des imaginaires sociaux chargés politiquement de fortes émotions et généré des matriclans avec parfois des exogamies claniques, qui servent de mode de légitimation aux tribus rivales en place, dans leur stratégie de conquête et de revendication du pouvoir. On rappellera que les communautés maliennes du Nord, sont essentiellement composées de communautés nomades, établis essentiellement dans les régions de Kidal,Ménaka, Bourème, Gao et Tombouctou. Les arabes composés de maures et de kounta, sont installés pour la plupart, à Bourème, dans la région de Tombouctou et à Kidal dans la vallée de Telemsi. Les pasteurs nomades peuhls eux, vivent essentiellement de la transhumance et se trouvent éparpillés entre les trois régions. On rencontre également dans le Nord Mali, les Sonrhaïs, une forte communauté sédentaire, notamment dans les régions de Tombouctou et Gao. A part les Songhaïs qui font partie des communautés négro-africaines, les maures, les kounta et les peuhls nomades, ont à peu près les mêmes traits raciaux : peau claire ou métissée et les mêmes traits physiques : élancés, visage ovale, généralement effilés.
Les communautés arabes maliennes, bien qu’ayant les mêmes caractéristiques raciales et des traits physiques semblables, sont subdivisés en une mosaïque de tribus parfois antagonistes : les Kounta, les Barabich, les Gouanin, les Shamba et les Rguiba, se réclament de la tribu de Qabila, un ancêtre commun, qui serait à l’origine de leur organisation sociopolitique. Cette organisation, fortement hiérarchisée, est marquée, notamment chez les maures, par un système de classification qui comprend les Hassan (guerriers), les zawaya (religieux) et les znaga (tributaires). Leur mode de vie est essentiellement fondé sur l'islam. Dans cette communauté, les Kounta auxquels on prête une descendance au prophète Mahomet, restent incontestablement les détenteurs de la chefferietraditionnelle d'essence religieuse. Tout comme chez les communautés arabes du Mali, l'organisation sociale des pasteurs nomades peuhls est très hiérarchisée et très complexe. Au sommet de la hiérarchie, on trouve la classe des nobles Duroob (les transhumants) et des Jaawambe (les conseillers et auxiliaires). Viennent ensuite les classes intermédiaires composées des artisans : les Yneebè (artisans castés), les wayilbe Baylo (les forgerons), les Lawbe et les Labbo (les boisseliers), les Sakkebe ou Sakke (les cordonniers), les Mabube ou les Mabo (les griots), les Wambabe et les Banbado (les laudateurs et musiciens, gardiens des traditions). Au bas de la pyramide, se trouve la classe des serviles (les Maccube, Maccudo ou Kordo).Chez les pasteurs nomades peuhls, le chef est élu avec la participation active de tous les chefs de tribus.
La communauté sédentaire du Nord Mali
Majoritaires dans les régions de Gao et de Tombouctou, les Sonrhaïs ou Songhaïs, constituent la communauté sédentaire du Nord Mali. De race noire pour la plupart, ils sont essentiellement agriculteurs et éleveurs. Ils se disent premiers occupants de la terre (Gandakoï) et donc des lieux, avec droit de préemption sur toutes les questions foncières et domaniales. Les Sonrhaïs tout comme les Arabes et les nomades peuhls, sont fortement hiérarchisés. La communauté songhaïs est divisée en trois grands groupes : les Sorko (pêcheurs-maitres des eaux), les Do ou Gabibi (agriculteurs et éleveurs, maitres de terre), et les Gow (chasseurs). Les Sorko, les Do ou Gabibi et les Gow, entretiennent en général des rapports conflictuels entre eux. Chez les Songhaïs, la classe des nobles est constituée des zarma (la noblesse) et des marabouts (détenteurs du pouvoir religieux). Viennent ensuite les hommes de castes, notamment les sorko fono et sorko faran (pêcheurs) et au bas de l'échelle les tyindikata, gabibi, arbi et zanji (les serfs ou esclaves pratiquant l'agriculture). Dans cette communauté, les symboles du pouvoir sont le sceau, le coran, le turban, la calotte verte, les étendards et le tambour sacré. Le détenteur du pouvoir politique ici prend le titre d'Askia. Son pouvoir est d'essence séculière, (Durand : 2009)
Les « hommes bleus »
Les Touaregs, appelés encore les « hommes bleus » en raison de la couleur de leur vêtement, ont pour la plupart la peau blanche et claire, tout comme chez les Arabes et les Maures. Même s'ils partagent une langue commune, les Touareg ne forment pas un bloc monolithique. Ils se répartissent en divers groupes ou clans, en fonction du territoire qu'ils occupent. On trouve : les Kel Ahaggar, les Kel Ajjer, les Kel Aïr, les Kel Adrar ou lfora, les Lullemeden, les Tenguérédiff. L’'organisation sociale des touaregs bien que restée tribale et fragmentaire, est fortement hiérarchisée. Dans cette organisation pyramidale, la stratification sociale est verticale et comprend : la classe des nobles (les Imajaggan), les tribus guerrières (les lfogas et les Kel Haggar), des tributs commerçants, et des religieux, ( les Ineslemen), les marabouts et élites intellectuelles. Viennent ensuite les tribus vassales, (les Imrad), notamment les artisans forgerons (les Inaden), les anciens captifs touareg (les Irawellan), les esclaves libérés (les Iklan), et les anciens captifs noirs esclaves. La société touareg est organisée autour d'un tambour de guerre (ettabel), symbole du pouvoir. Le détenteur du pouvoir prend le titre d'Amanukal. Ce titre revient de droit, au chef de guerre choisi au cours d'une assemblée à laquelle prennent part les grandes familles représentants les principales tribus placées sous son autorité (Tawshit). L'Amanukal, est le chef suprême de la confédération des tribus touareg au sein de ses limites politiques (Tisaradh). L'Amanukal est la chefferie traditionnelle dont le mode de succession est matrilinéaire.Pratiquant un islam assez libéral, le pouvoir chez les touaregs est fondé sur le prestige social et le charisme car, la société touarègue fait une large place aux vertus guerrières. En dépit de leur grande diversité, les organisations sociales des communautés du Nord Mali, présentent de fortes similitudes : système de castes, forte hiérarchisation, autorité de la chefferie reposant sur l'islam. Mais ces similitudes, au lieu de favoriser leur cohésion sociale et politique, sont au contraireà l’origine de nombreuses tensions et conflits internes et des rivalités interminables.
Avant la colonisation, les violences sociales intercommunautaires au Nord Mali, étaient essentiellement constituées de razzias que les touaregs exerçaient sur les populations des autres communautés et sur les caravanes commerciales. Les affrontements entre les populations nomades (arabes/touareg, touareg/peuhls) d'un coté, et les populations sédentaires (Sonrhaïs) de l’autre, étaient fréquents. De même, les relations historiques entre les populations blanches, touaregs et arabes et les populations noires sédentaires, ont été des plus tendues en raison des complexes de supériorité et/ou d’infériorité vécue par les uns et les autres. Dans cette dialectique, les populations blanches se considèrent généralement comme supérieures aux populations noires. Cette situation avait conduit les Songhais, s'estimant propriétaires des terres (Gandakoi) et des lieux, à prendre les armes à mainte reprise contre' les touaregs et les arabes. Aussi, les puissantes tribus (Ifoghas), ont-ils continué après la colonisation, à livrer des guerres intercommunautaires contre les autres tribus touaregs, notamment les Oulimidaines, les Kel Air, les Kel Ahagar, et contre les arabes Kountas et les Regueibats. Pour les tribus Ifoghas, les conflits avaient pour enjeu, le contrôle du commerce transsaharien. Entre les arabes Reguibat et les arabes Kountas, les rivalités sont tout aussi fréquentes et pernicieuses (1). Les tensions entre les touaregs et les peuhls nomades relatives aux espaces de pâturage et aux vols de bétail ont conduit à plusieurs assassinats. Les éleveurs peuhls, accusant les touaregs de se livrer au vol et au pillage de leur bétail. Les commerçants arabes et les éleveurs peuhls accusant les touaregs de se comporter en maîtres exclusifs des lieux. Mais malgré ce tableau lugubre jonché de tensions et de conflits internes, on assiste parfois et ce, au gré des intérêts, à des alliances intercommunautaires. Ainsi, les arabes Kountas et les touaregs Ifoghas de Kidal, qui pratiquent une endogamie clanique entre eux, sont des alliés traditionnels. Ils se réclament descendants du prophète Mahomet.
Double contingence et style psychologique des communautés touaregs et assimilés
La situation de velléités et de querelles internes entre les différentes communautés du Nord Mali, suggère que la réponse à la crise malienne actuelle, doit être multiforme et associer des volets autant, politiques, économiques que psychologiques. Des auteurs comme Hélène Claudot-Hawad (2001 ; 2006), Bas Lococq (2002 ; 2012), Edmond Bernus (1978 ; 1981 ; 1986), Paolo, F. De Farias-Moreas, ( 2003 ; 2006 ), ont analysé la tectonique du peuplement ancien du Nord Mali et proposé des interprétations sur le comportement conflictuel et belliqueux des belligérants Touareg. C’est Paolo, F. De Farias-Moreas (2006), qui a pu analyser l’organisation sociale et politique des Touareg au moyen de sa théorie de la contradiction, pour mettre en évidence les données psychologiques pertinentes qui caractérisent la personnalité Touarègue. Selon De Farias-Moreas (2006), l’Islam qui caractérise l’Afrique de l’Ouest sahélienne, a induit chez ces peuples, des processus de modification cognitive ayant conduit progressivement, à modifier leur représentation du temps et de l’espace. Léon Festinger, (1957), a étudié particulièrement un tel phénomène dans le cadre de ses travaux consacrés aux sectes et a pu montrer que lorsque les individus sont en présence de cognitions incompatibles et contradictoires, ceux-ci éprouvent un état de tension désagréable. A partir de ce moment soutient Festinger, lesdits individus mettront en œuvre des stratégies inconscientes, c’est-à-dire des modes de réduction de la dissonance cognitive, visant à restaurer un équilibre cognitif. D’après Festinger (1957), les stratégies pour réduire la dissonance cognitive consistent à modifier ses croyances, ses attitudes et sa connaissance vis-à-vis de l’environnement, pour les mettre en phase avec la réalité vécue. Des auteurs comme Gregory Bateson (1956 ), Paul Watzlawick (1974), John Weakland (1956),William Fry (1956) et Jay Haley, (1956), sont allés plus loin, en intégrant l’interprétation des contraires, c’est-à-dire de la dissonance cognitive, dans le cadre global de la théorie psychanalytique, connue sous le nom de « double contrainte ». Cette catégorie analytique formulée au sein de l’Ecole de Palo Alto, éclaire davantage la situation des communautés touaregs du Mali. Aux yeux de Bateson ((2013), la double contrainte désigne l'ensemble de deux injonctions qui s'opposent mutuellement, auxquelles s’ajoute une troisième contrainte, qui empêche l'individu, de sortir d’une situation donnée. Il s’agit d’une catégorie logique, qui exprime l'impossibilité que peut engendrer une situation où le paradoxe est imposé et maintenu. La double contrainte exprime en quelque sorte, le fait d'être acculé à une situation impossible, où sortir de cette situation est également impossible. Il est donc clair que les conclusions de Bateson s’imposent à la situation des Touaregs.
En effet, les différents changements vécus par ceux-ci au fil du temps, ont justement introduit dans leur modes de penser et d’agir, des problèmes de dissonances cognitives dans l’interprétation de leur passé, de leur présent et de leur avenir, parce-que justement confrontés à la fois, à des héritages différents, incompatibles et parfois contradictoires, lesquels se sont exacerbés avec la création de l’Etat moderne du Mali. Dans cet espace politique, les autorités maliennes leur intiment des ordres explicites ou implicites, pour lesquels ils ne peuvent satisfaire l’un sans transgresser l'autre, de sorte qu’ils reçoivent à la fois des obligations conjointes de faire et ne pas faire une même chose. Pour apaiser la tension, et les velléités touarègues, la France avait manifesté officiellement sa volonté de créer l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS) dès 1956, en détachant des espaces territoriaux de l’Algérie, du Soudan français, du Niger et du Tchad, correspondant à ceux occupés par les Touaregs. L’idée était de faire croire aux ethnies « blanches » du nord, qu’elles ne subiraient pas le « commandement des ethnies noires » du sud. Mais l’OCRS, officiellement créée par la loi française n° 57-7-27 du 10 janvier 1957, échoua et les ethnies du Nord, y compris les Touaregs, durent retourner à la case départ dans un climat anxiogène et traumatique. Oui C’est ainsi que le Mali accède à l’indépendance avec sur son sol, des populations touarègues frustrées, qui ne tarderont pas à s’organiser pour réclamer leur autonomie. Jean-François Bayart (1989), Bertrand Badie (2011), et bien d’autres auteurs ont bien souligné le processus d’hybridation des Etats africains. Selon Bayart (1989), dans le contexte africain, la question de l’Etat se pose en termes de représentation particulière de l’Etat-Nation transféré, à partir du contexte occidental, comme étant une construction universaliste fondée sur le rationnel et le formel/légal, censée dépasser les particularismes communautaires (Bayart, 1989). Badie (1997) lui, insiste sur l’échec du transfert d’un modèle occidental dont les fondements et les instruments d’application seraient de véritables construits sociaux, ayant impliqué les acteurs locaux occidentaux dans la production d’un droit moderne.C’est cette situation que Camille Lefebvre (2011) qualifie del’artificialité des frontières africaines. Pour Lefebvre, l’artificialité de ces frontières alimente une polémique qui concourt à revoir la redéfinition théorique des Etas africains essentiellement composés de plusieurs catégories endogènes.
L’analyse de l’enchevêtrements
C’est avec Niklàs Luhmann (1982,1994 ;1995), que l’analyse de l’enchevêtrements et de l’hybridation entre la société traditionnelle du nord Mali, fondée sur une organisation de type segmentaire à lignages, caractérisée par une stratification faite de classes, de tribus, de clans, de strates et l’Etat moderne malien, basé sur une différentiation fonctionnelle, a connu toute sa dimension cognitive et nous révèle toute sa portée émotionnelle. Dans son assise théorique, Luhmann (1995), distingue d’abord les segments sociaux, des strates et postule que les segments sociaux sont autosuffisants les unspar rapport aux autres, contrairement aux strates sociales qui, elles, sont dépendantes les unes des autres. Dans cet ordre hiérarchisé, chaque strate sociale est dominée par la strate supérieure. Par ailleurs soutient Luhmann (1995), les systèmes sociaux, ainsi que les sous-systèmes sociaux quiles composent, notamment les familles, les clans, les tribus et les villages, interagissent entre eux, pour assumer les fonctions sociétales qui leur sont dévolues par eux-mêmes. Pour Luhmann, les inégalités apparaissent au sein de la société traditionnelle, généralement lorsque les segments sociétaux se stratifient et que certaines classes prennent le pas sur d’autres, les dominent et stabilisent cette domination pour un temps plus ou moins long. Ainsi, la stratification sociale devient le mode de différenciation propre à la société traditionnelle. Dans ce processus, les strates sont hiérarchisées sur la base des ressources dont elles disposent et la fonction politique est assurée par la strate supérieure, à l’instar de ce qui se passe dans la société traditionnelle du Nord Mali. Or, la modernité qui est la dernière forme de différenciation, contient elle aussi, des systèmes sociaux qui s'organisent encore sous la forme de segments ou de strates sociales. Selon Luhmann (1995), les effets de la cohabitation entre les systèmes segmentaires à lignage et les systèmes modernes, se manifestent souvent par la survivance des modes de vie tribaux, qui se heurtent aux exigences de la modernité et donc de la démocratie comme mode de gouvernance de l’Etat moderne. C’est précisément cette cohabitation entre la tradition et la modernité caractérisée par un système d’inclusion/exclusion, qui génère des tensions et des conflits. C’est pourquoi aux yeux de Luhmann(1994), les frontières territoriales peuvent être établies de façon précise et permettre de bien distinguer quel pays est d'un coté de la frontière et quel pays est de l'autre côté, mais en réalité, une telle façon de voir les choses, n'estque l'aspect géographique du problème territorial. En effet, soutient Luhmann, ce quipeut être très clair ou non géographiquement, ne l’est pas forcément pour le social, le politique ou le psychologique. Laprécision géographique d'une frontière n'établit donc pas la signification, sociale, politique ou scientifique de l’Etat moderne (Luhmann : 1995). En fin de compte, les frontières étatiques jouent un rôle paradoxal. D’une part, elles servent à différencier les systèmes de leur environnement, et elles sont d’autre part, un moyen d'établir des relations avec les autres systèmes présents dans cet environnement. C’est ainsi que les frontières territoriales ont permis la montée des Etatsmodernes d’un coté, et que ces derniers à leur tour, ont permis l’érection des frontières territoriales.
La « double contingence »
La conséquence d’une telle situation est que les frontières territoriales nous mettent en quelque sorte en présence d’une « double contingence ». L’Etat moderne présuppose l'inclusion de toute la population dans son territoire. Mais dans les faits, seuls les individus qui répondent aux critères sémantiques de l’organisation et du fonctionnement de l’Etat moderne, y ont accès et se font reconnaître par lui. Le paradoxe est qu’un Etat, en tant que système, ne pourra jamais être suffisamment complexe, pour prendre en compte toute les dimensions de chaque individu, de chaque famille, voire de chaque groupe social et se trouve de ce fait, dans l’obligation de fonctionner par exclusion d’autres individus appartenant à son territoire. Or, l'exclusion d'un élément du système d’organisation et de fonctionnement de l’Etat moderne, provoque souvent d’autres exclusions. C’est pourquoi la capacité d’un système politique à absorber les conflits et à décider des politiques, augmente en fonction du degré de complexification de la société. Les observations faites par Hélène Claudot-Hawad, (2006), sur le nord Mali, corroborent pleinement celles de Luhmann. Elles s’appliquent particulièrement au conflit malien et nous placent au cœur de notre problématique. Des auteurs comme, Lilian Mathieu (2002 ), Emmanuel Yenshu Vubo (2003 ; 2006 ), Jules Duchastel (2006 ), Michel Dobry (1986), Philippe Braud (1996), Corey Robin (2008 ), Harald Welzer (2007 ) ou encore Jean-François Bayart (1996) et Achille Mbembe (2000, 2004 ; 2005), ont particulièrement souligné l’importance de la dimension cognitive dans les crises sociales ou politiques et dans les conflits armés. Lilian Mathieu ( 2002), dont les travaux sont consacrés au rôle des mouvements sociaux et de protestation dans la préparation et le déclenchement des crises politiques, nous fait une analyse explicite de la dimension cognitive de ces mouvements. Il montre que les dispositions à l’engagement protestataire, sont en général la résultante d’un long processus de maturation, issu d’instances et de lieux de socialisation, notamment la famille, l’école, les loisirs, ou venant de parcours de vie plus ou moins traumatisante. Selon Mathieu, dans ce processus, l’ensemble des « blessures » ou stigmates, ou ce qu’il appelle « compétences cognitives », permet aux acteurs d’anticiper sur les données de l’action collective. Ainsi, la propension à la contestation viendrait d’abord du fait de s’indigner sur sa propre situation ou de critiquer l’ordre social, avant qu’elle ne puisse s’ériger en action collective, aux fins de remédier aux injustices perçues comme telles. Cette tendance des acteurs, souligne Mathieu, s’accompagne en général d’une sorte « d’opposition agonistique », qui peut être verbale, physique ou symbolique. Cette opposition permet aux individus engagés dans l’action de protestation ou de revendication, d’apprécier et d’entrevoir clairement les rétributions positives ou négatives dont ils pourraient bénéficier à terme dans leur tentative de prise de pouvoir.
L’analyse de l’État Africain
Pour Yenshu Vubo, (2003 ; 2006), dont les travaux partent de l’analyse de l’Etat Africain, le développement d’une conscience historique et l’identité sociale et culturelle qui s’en suit, tendent à varier selon que l’on se situe au niveau des communautés de base, ou au niveau de l’État-Nation. Selon Yenshu Vubo, cette situation qui est très caractéristique de la politique identitaire de l’Etat colonial en Afrique, continue de générer des effets contre-intuitifs sur l’Etat post-colonial et devient de ce fait source de contradiction et de conflit. En effet, souligne Yenshu Vubo, les traditions historiques au niveau local constituent inévitablement la trame de l’unité culturelle, psychosociale et politique des groupes, tandis que les traditions du niveau national sont à la base des relations intercommunautaires. Or ces processus, ajoute Yenshu Vubo, sont souvent la principale source des tensions entre groupes ethniques, tendant à remettre parfois en cause l’unicité de l’espace politique incarné par l’Etat moderne. Dans ce contexte, soutient l’auteur, le domaine public ne passe plus pour être la propriété d’une Nation indivisible composée de citoyens, mais plutôt un espace à partager entre groupes ethniques et entre citoyens et l’Etat. C’est partant d’un tel constat que Duchastel ( 2006) a pu soutenir pour sa part, qu’il existe une certaine incompatibilité entre l’émancipation nationale et la multiplicité des identités ethniques. C’est ce qui justifierait selon Duchastel, qu’une bonne partie du discours africain sur l’Etat post-colonial se focalise sur la critique des frontières artificielles, sur l’iniquité de la répartition du pouvoir entre ethnies, sur le jeu des puissances dans l’accroissement des tensions interethniques, sur les pratiques clientélistes liées au fait communautaire, le tout présentant les identités ethniques comme de véritables obstacles à la réalisation d’une communauté de citoyens qui les engloberait. Les analyses de Philippe Braud, fortement orientés sur la psychologie politique et les dimensions symboliques de la vie politique, et plus particulièrement sur les dimensions psychoaffectives de la vie politique, sont incontestablement celles qui traduisent le mieux la dimension cognitives des conflits et des crises politiques dans le contexte africain et que nous retrouvons dans le cadre malien. Pour Michel Braud (1986), qui s’appuie sur les travaux de Murray Edelman (1991) Clifford Geertz (1973) ou encore sur ceux de Gale Miller (2003), Peter Ibarra (2003), John Kitsuse (2003), il existe un lien irréfragable entre la violence symbolique et la violence physique dans les processus politiques. Braud soutient que les dimensions émotionnelles de la vie politique, jouent un rôle de premier plan, aussi bien dans le style psychologique des acteurs, que dans celui de la construction d'une image publique. Mais l'étude du style psychologique des acteurs ajoute Braud, ne prend toute sa signification qu'une fois insérée dans les systèmes d'attentes et de projections socialement établis. C'est pourquoi selon Braud, dans les situations conflictuelles, il est important d'étudier d’abord la part des logiques émotionnelles, seules capables de nous révéler l'existence réelles de gratifications en termes de coûts-bénéfices, en contrepartie du degré de peur investie, du désir d'illusions, de l'estime de soi ou encore du besoin de reconnaissance, c’est-à dire de ce que Braud appelle « psychologie des situations » L’auteur va plus loin et montre à partir du concept « d'estime de soi », développé par Erving Goffmann (1975) dans son ethnométhodologie, comment « les relations entre les individus et la société, sont placés sous le signe d'une tension significative entre processus d'assignation identitaire et processus d'individuation » (Braud :180). Ce faisant, l’auteur nous offre une analyse cohérente du phénomène des crises politiques, perçu non plus seulement comme un champ de fonctionnement des institutions politiques et d’affrontement des idées et des intérêts, mais aussi comme un lieu de circulation des désirs, des angoisses, et plus généralement des flux émotionnels façonnés par les acteurs et des institutions politiques concernée. Corey Robin (2008), et Harald Welzer (2007), ont tenté, à la suite de Baud, d’aller plus loin, en plaçant au cœur de leurs analyses des crises politiques, les phénomènes de peur, de violence , de terreur et de cruauté, à l’image des terrorismes et des attentats meurtriers qui font légion ces derniers temps. Pour Robin (2006), le régime de l’inquiétude et de la crainte serait consubstantiel du fonctionnement des sociétés démocratiques. L’auteur explique qu’en période de troubles, de tensions, de crises politiques ou de conflit armés, la peur ne se situerait pas seulement du côté des plus « faibles », mais qu’elle gagnerait aussi les plus « forts », qui craignent que la révolte ou le conflit les dépossède de leurs pouvoirs et de leurs privilèges. C’est dans cette perspective que, s’appuyant sur les travaux de psychologie sociale appliquée de Salomon Asch (1956 ) et de Stanley Milgram (1994), Welzer rapporte de nombreux témoignages de bourreaux et de tortionnaires réputés, à la « conscience tranquille », depuis la période nazie, jusqu’aux conflits plus récents au Viêtnam, au Rwanda, en ex-Yougoslavie et ailleurs. En effet, Asch et Milgram , ont pu montrer en Laboratoire, que certains individus s’adonnaient aux actes de cruauté et de violence par soumission à l’autorité et aux mécanismes abolissant leur sentiment de responsabilité personnelle. Pour ce faire, il suffit de redéfinir institutionnellement l’identité du groupe à préserver, et celle du groupe à exclure, voire bannir, et ce, dans les limites d’un découpage territorial A Priori rationnel, logique, accepté collectivement comme une réalité. On rappellera ici les nombreux génocides perpétrés ces dernières années dans maintes Etats dans certains Etats d’Afrique et en Europe. Comme le souligne Duchastel (2006), les travaux de Robin et Welzer tentent de montrer « comment se conserve et se transmet une haine héréditaire et comment survivent des loyautés indéfectibles, au-delà des frontières, au-delà des siècles et comment des peuples continuent de s’identifier à travers les sentiments primitifs de leurs origines » (Duchastel : 2006 ). On le voit bien, les conclusions de Yenshu Vubo, de Braud, de Duchastel, de Dobry, de Robin et de Welzer, recoupent largement celles de Luhmann. Claudot-Hawad, (2006), qui a fait une analyse génétique approfondie du peuplement ancien du nord Mali, nous donne une lecture socio- anthropologique saisissant des reliquats identitaires à partir de l’exemple des peuples touaregs. Selon Claudot-Hawad, ces peuples sans Etat, dont l’organisation sociale est restée segmentaire et matrilinéaire et où dominent les matriclans, sont contraints de vivre à la périphérie des Etats Nations du Mali et des Etats environnants. Depuis les indépendances, la marginalisation et la quasi exclusion des Touaregs généralement perçus comme des « apatrides », n’ont fait l’objet d’aucune préoccupation sérieuse de la part des régimes successifs maliens. Ceux-ci se trouvent de ce fait écartelés et disséminés entre plusieurs Etats voisins du Mali, où ils mènent la plupart du temps une vie erratique. Bas Lococq (2010), qui a fait une étude détaillée des mouvements de rebellions touaregs, nous explique que c’est cette exclusion qui justifierait les trois grandes insurrections des nationalistes Touaregs de 1963 à 1964 ; 1990 à 1996, et de 2006 à 2009, contre l’Autorité malienne. Edmond Bernus (1978) lui, a pu montrer, à travers une description du peuplement touareg, comment des populations au départ pastorales, ont pu s’approprier un milieu aride ou semi-aride pour déployer une immense activité politique. Bernus explique la forte capacité d’adaptation des Touareg, par le caractère très hiérarchisée de leur organisation sociale, la nature tribale de leur pouvoir politique et leur style psychologique. C’est ainsi qu’à travers ces conflits parfois sanglants et parfois extérieurs au territoire malien, les touaregs ont exprimé leur volonté et leur détermination à affirmer leur identité. Dans cette dynamique d’« affirmation de soi », et d’une logique existentialiste au cœur s de l'espace sahélien, les loyautés de la société traditionnelle, avec leurs modes de gouvernance tribaux, domestiques et claniques, sont restées encore plus vivaces, voire plus sectaires, donc plus exclues du système l’étatique malien, et riment de ce fait avec la criminalité, le terrorisme, les attentats, les prises d’otage et autres formes de violences et pratiques illégales.
Le fond de crise identitaire et l’actuelle crise malienne
C’est sur ce fond de crise identitaire, que ce sont dessinés les faits et causes immédiats de l’actuelle crise malienne. La pauvreté, le chômage, les inégalités socio- économiques et l’incapacité du régime malien à se maintenir dans le Nord et à investir systématiquement dans les infrastructures de la région, ont achevé l’exclusion des populations touarègues et tonifié leur crise identitaire favorisant de ce fait la montée des mouvements islamiques violents et non violents. Pour François Geze et Salima Mellah, (2007), c’est une telle situation qui aurait engendré un environnement propice à l'expansion du militantisme islamique et à l'escalade de la violence dans la région. En effet, des groupes militants ont eu plus de facilité à recruter des jeunes chômeurs qui ne peuvent imaginer un avenir pour eux-mêmes. Samuel P. Huntington (1999 :1,17), a fait des observations semblables sur le phénomène de militantisme islamique aux mains des jeunes, assorti de violence dans d’autres contextes et montré l’important rôle joué par la jeunesse dans le déclenchement et la conduite des conflits armés. Pour Huntington, le nombre de plus en plus croissant de jeunes qui, dans certains pays musulmans en crise, grossissent les rangs des militants et des combattants de fronts spécialisés dans l’épandage de la violence et de la peur, viendraient des couches les plus défavorisées en proie au chômage. C’est dans ce contexte que les indépendantistes touaregs restés tout de même laïcs, se sont ajoutés des groupes salafistes et djihadistes, dont le plus virulent est Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Ce groupe né des cendres du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC), un mouvement initialement algérien, créé pendant la guerre civile, aux cotés du Groupe Islamique Armé (GIA) dispose d’armes et de matériels de guerre impressionnants, issus des arsenaux libyens après la chute du régime de Kadhafi en 2011. Pour Mehdi (2012), qui a particulièrement étudié ce mouvement, AQMI est une organisation qui incarne l’essence même du terrorisme dans ses développements actuels et futurs. Sa visée principale serait d’étendre la problématique islamiste dans une géopolitique globale axée sur l’antagonisme Islam-Occident et s’imposer comme la première force d’opposition armée au Maghreb2. Michel Galy et Bertrand Badie (2013) soulignent pour leur part qu’Al Qaida au Maghreb Islamique s’est particulièrement illustré par l’intensité de la violence propagée dès ses débuts, au point de faire oublier d’autres groupes islamistes algériens comme le Groupe Islamique Armé (GIA), le Front Islamique du Salut (FIS) et le Mouvement Islamique Armé (MIA).
D’autres Mouvements non moins importants, entreront en scène aux cotés de l’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Il s’agit du Mujao et de Boko Haram, groupes terroristes qui sèment l’effroi dans le Nord du Mali. Tout comme l’Al-Qaïda au Maghreb islamique, ces groupes ont une philosophie basée sur la Charia et disposent d’importantes ressources financières et matérielles provenant des rançons liées aux prises d’otages, le trafic de drogue et des armes en provenance de la Lybie. Ces groupes d’insurgés lourdement armés, se sont aussi engagés dans une lutte sans merci contre l’armée régulière (3), de sorte que la zone sahélienne est devenue une véritable bombe à retardement, menaçant la sécurité de toute la sous région Ouest-Africaine. Mahammad Mouhamad (2013), qui a consacré l’essentiel de ses recherches sur les mouvements islamistes au Magrheb, affirme que Boko Haram un mouvement islamique armé fondé en 1995 dans le nord-est du Nigeria, qui se revendique du salafisme, a pour objectif de renverser le pouvoir en place, d’établir un État islamique et de faire appliquer rigoureusement la charia. C’est avec ce mouvement que les méthodes terroristes prendront un nouveau visage dans les attentats spectaculaires isolés et les prises d’otages en Afrique et en Occident.William Assanvo (2012) a pu expliquer que les liens de collaboration, les alliances et dynamiques qui s’établissent et se renforcent progressivement entre les différents groupes islamistes et salafistes, portent les germes d’une menace particulièrement dangereuse et difficile à combattre. Dans leur mode opératoire, ces mouvements, jouant sur la « psychologie des situations » et les émotions politiques, ont pu tisser des liens familiaux solides avec les tribus locales, pour développer des activités économiques et des trafics illicites en tous genres pour se maintenir et consolider leur base arrière. Les pionniers de la « transitologie »4, à commencer par Charles Issawi (1996), Seymour M. Lipset (1959 ; 1960) et Manfred Halpern (1963), avaient émis très tôt l’hypothèse de la pauvreté et de la précarité comme facteurs déclencheurs de crises et de conflits. Pour ces auteurs, dans les Etats en transition démocratique, des conditions économiques et sociales minimales sont requises pour assurer la stabilité et le fonctionnement d'une démocratie. Ils établissent une corrélation statistique entre le libéralisme économique, le développement et la démocratie. Mais leurs hypothèses jugées trop molles par d’autres « transitologues » comme Philippe Schmitter (1986), Guillermo O’Donnell, (1986) Terry Lynn Kalt (1996), ou encore Lawrence Whitehead (1986), ont été reformulées pour tenir compte de la complexité des données économiques et sociale. Ces derniers se proposent de distinguer les conditions de la « transition démocratique » de celles de la « consolidation démocratique ». Pour ce faire, ils mettent au centre de leurs analyses, la notion d’« incertitude », et postulent Ultima Ratio, que dans le processus de transition, chaque étape apparaît plutôt comme le résultat imprévisible d’une série de stratégies croisées et contradictoires des acteurs, en vue de la mise en place d’un système politique stable et pluraliste. Ces stratégies, ou pour reprendre une expression de Braud, ces « logiques émotionnelles » ou « psychologie des situations » (Braud : 1986), se retrouvent également au cœur du conflit malien. En effet, les maliens du nord, devaient faire face à de nombreux problèmes économiques et sociaux tels que les licenciements, le chômage, la corruption et surtout aux traumatismes subis par les soldats maliens mal entraînés, humiliés, ligotés, égorgés ou éventrés en guise de représailles par les rebelles touaregs5.
L’échec des négociations, la mobilisation des acteurs sous régionaux, régionaux et internationaux et la crainte d’une résistance touarègue
Dans la recherche de solution de règlement du conflit malien, certains analystes, ont estimé, que la communauté internationale devait privilégier le dialogue. Pour d'autres, il reviendrait à la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), de mener une médiation, prenant en compte les équilibres sociaux pour ne pas creuser davantage les divergences de la société malienne. Dans ce processus, l'objectif premier a d'abord été de crédibiliser les institutions politiques pour une transition pouvant restaurer l'État et ses forces de sécurité rudement éprouvées par le coup d'Etat et l'occupation du Nord. Ainsi, plusieurs tentatives de règlement ont été mises en œuvre. C’est ainsi que la Communauté des Etas de l’Afrique de L’Ouest (CEDEAO) a délégué le président Burkinabé, comme médiateur dans la crise malienne. Cependant, les réunions de concertation tenues à Ouagadougou et à Abidjan, en passant par Abuja n’ont pu émousser l’ardeur des insurgés. Quant à l’Union Africaine (UA), elle a tenu un sommet spécial à Addis Abéba, pour tenter de ramener les différents protagonistes sur la table de négociation, mais cette tentative s’est soldée aussi par un échec. Enfin, au sommet des Nations-Unies, les décideurs africains ont tenté une dernière fois le règlement pacifique de la crise malienne sans succès. La paix par les institutions a donc retrouvé ici ses limites. C’est dans ce climat d’échec total, que les insurgés ont développé leur stratégie à travers une guerre qui, sans l’intervention des forces extérieures, aurait tourné définitivement la page d’un Mali laïc, démocratique.Albert Bourgi (2012) a toutefois relevé les incohérences et les contradictions politiques et institutionnelles des différentes tentatives de règlement pacifique du conflit. Au terme de son analyse, Bourgi a pu conclure que le processus de négociation ne pouvait prospérer en raison des improvisations et des ingérences qui le caractérisent. C’est dans la même perspective queTisseron (2011) explique comment l’enchevêtrent des enjeux de pouvoir, de contrôle et d’influence au nom de la sécurité au nord Mali, ne pouvait faire prospérer les négociations en raison des intérêts divergents. En effet, la volonté commune des acteurs de lutter efficacement contre le terrorisme et la criminalité dans cette région, n’était soutenue ni par un consensus, ni par une stratégie partagée de tous. La guerre civile en Libye, qui semblait opérer une véritable dynamique de rapprochement entre les différents acteurs dans la région, en raison des inquiétudes suscitées face au transfert massif des armes par les Touaregs nigériens et maliens, est restée fortement tributaire de la capacité des États à agir, de leurs relations avec les populations et de leurs intérêts à tous les niveaux du processus.Les logiques géopolitiques en présence mobilisent donc à la fois des mouvements de protestation et de rebellions, des acteurs étatiques et non-étatiques internes ou externes à la région. Selon Tisseron (2011), c’est ce qui explique que les difficultés à mettre en œuvre une réelle coopération régionale efficace, témoignent des enjeux implicites du pouvoir. Ces enjeux s’insèrent à la fois dans des stratégies, des logiques et des dynamiques locales, régionales et internationales. Les dirigeants ouest-africains estiment que des mesures sécuritaires urgentes concertées au niveau continental doivent être prises pour que le Nord-Mali ne devienne pas l’épicentre irréversible de la guerre, du terrorisme et de la psychose. Toutefois, le cadre de transition mis en place par la CEDEAO à la suite d'âpres négociations avec la junte militaire, n'a pas permis de trouver un consensus surun ordre politique global faisant l'unanimité. Face à cette situation, il fallait d’autres forces et des contres mesures pour arrêter l’expansion des rebelles touaregs.
C’est ainsi que les puissances internationales, ayant à leur tête la France qui, depuis le début de la crise, interviennent pour la première fois au Mali le 11 janvier 2013, ont pu agir à travers l’opération « Serval » placée sous le mandat de l’ONU6. L’intérêt affiché de la France, est de préserver les acquis démocratiques d’un pays amis en difficulté, de sauvegarder son empire francophone donc ses anciennes colonies et de surcroit lutter contre le terrorisme international en soutenant fermement l’organisation d’une élection présidentielle. Mais si l’intervention de la France a pu épargner momentanément l’Etat malien d’un péril annoncé et favoriser l’élection démocratique d’un nouveau président en août 20013, une radicalisation des positions rebelles hors du territoire malien avec le temps, n’est pas à exclure. En effet, cette intervention s’est quelque peu éloignée non seulement de la recherche d’une solution négociée souhaitée par les dirigeants africains et les responsables de la communauté internationale, mais elle a rendu aussi improbables les négociations engagées pour la libération des otages européens retenus dans le Sahel. Alors que la crise politique est loin d’être arrivée à son terme au Mali malgré l’élection régulière et démocratique d’un nouveau président, et parce que les conséquences de l’opération « Serval » sont imprévisibles avec le temps au plan régional et international, les logiques émotionnelles et identitaires deviendront de plus en plus complexes7. En effet, l’expérience semble montrer ces dernières années que partout où l’intervention armée est passée pour imposer la paix, des phénomènes de résistance génétique et de regains identitaires des populations refont surface avec de nouvelles formes de revendication, de protestation et surtout de résistance. Le véritable problème dans ce type d’intervention armée, est qu’elle peut conduire à une « divergence systémique » entre les modes de gouvernance traditionnelle et moderne. Cette situation met donc les acteurs de la paix, en présence de ce que Festinger (1957) et Luhmann (1995)8 appellent dissonance cognitive. En effet, le phénomène de résistance génétique des populations lié à leur style psychologique, semble se constater partout où l’intervention armée est passée pour chasser un « dictateur » du pouvoir ou pour étouffer une rébellion armée comme dans le cas du Mali. Aussi en Afghanistan, en Irak, en Libye, et dans une certaine mesure en l’Egypte et en Tunisie, où les principes cardinaux de la démocratie sont supposés avoir été restaurés au moyen du suffrage universel, suite à des interventions armées plus ou moins directes, la communauté internationale peine encore à imposer une paix durable. On rappellera que Robin (2006) et Welzer (2007), ont pu expliquer que l’inquiétude, la crainte, la peur, la terreur, la violence sont les composantes du fonctionnement des sociétés démocratiques. En périodes de crises politiques ou de conflit armé, ces données sont partagées par tous les acteurs qui craignent de se faire déposséder de leurs prérogatives, de leurs pouvoirs et de leurs privilèges. Au-delà des données objectives du conflit malien, se cachent donc des enjeux politiques et socio-économiques insoupçonnés. En effet, chaque acteur intervient en termes de coût-bénéfice faisant intervenir des logiques émotionnelles qui sont monnayés par les acteurs, en fonction du degré de peur investie, du projet de société envisagé ou du besoin de reconnaissance de chaque acteur.
Conclusions
Le Sahel englobe l'Algérie, le Burkina-Faso, la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Tchad et le Soudan. On l’a bien vu, le contexte stratégique dans cette région est marqué par l'enchevêtrement des phénomènes criminels et par le défi de la sécurité transfrontalière. La typologie des menaces dans la bande sahélo saharienne révèle à quel point les facteurs d'insécurité au nord Mali se nourrissent les uns des autres, des imaginaires sociaux venant des interactions entre les sociétés traditionnelles et le projet de société de l’Etat malien. Un regard rétrospectif sur les données socio-anthropologiques qui ont marqué l’Ethnohistoire de ce pays, montre que ce conflit vient non pas de la simple volonté de créer un Etat Touareg, mais plutôt de la situation paradoxale vécue par les populations Touarègues dont-ils peinent à sortir. Depuis les années 60, ces populations sont confrontées à un véritable problème identitaire, du fait des traumatismes émotionnels et psychologiques qu’ils subissent. Cette situation aggravée ces dernières années par la mauvaise gouvernance politique et la gestion inéquitable des ressources, a fini par imposer dans cette partie de l’Afrique, un climat anxiogène générateur de violence et d’insécurité et de psychose. Le terrorisme et les attentats perpétrés dépassent aujourd’hui les frontières du Mali et touchent déjà certains pays en occident. La recrudescence de ces phénomènes et la montée de l'extrémisme violent organisés par des groupes islamistes,djihadistes ou salafistes, trouvent leur justification non pas seulement dans la discordance entre les frontières territoriales et les frontières sociales, mais aussi dans le style psychologique des populations en conflit. La situation post-conflit semble donc impliquer que la restauration du régime et la reconstruction de l’Etat malien, puissent être envisagées non seulement en termes d’action concertée et coordonnée entre les institutions régionales africaines et celles de la communauté internationale, mais surtout tenir compte d’une lecture plus attentive des « émotions politiques » de toutes les populations maliennes et de celles qui sont victimes du terrorisme de sensation comme la récente attaque du centre commerciale à Nairobi au Kenya.
1 . Kidal en janvier 2010 les arabes trafiquants de drogue de Tilemsi avaient enlevé le chef des arabes kountas, Baba Ould Sidi El Moctar à Anefis , pour se venger de la saisine de leur cargaison de drogue par les Ifoghas et les Kountas. Baba Ould Sidi El Moctar l sera relâché quelques jours après suite à l'intervention du président malien Amadou Toumani Touré.
2 . Elle serait la quatrième branche armée d’Al-Qaïda, après celles établies en Afghanistan, en Irak et en Arabie Saoudite.
3 . Les rebelles se sont appropriés un territoire grand comme la France où se développent de façon délibérée une économie criminelle et des pratiques de Kidnapping des touristes Européens.
4 . La Science de la « Transitologie » est un sous domaine des Sciences politiques apparu avec la vague des études sur les processus de transition démocratique dans certains pays en Amérique Latine et en Asie.
6 . L’intervention a été autorisée par la résolution 2085 du 20 décembre 2012 du Conseil de sécurité de l’ONU.
7 . En réalité, l’élection présidentielle du mois d’août 2013, qui a porté Ibrahim Bakary Keita à la tête du pays ne met pas forcément fin au problème touareg qui reste un problème plus profond.
8 . Léon Festinger, (1957), a étudié particulièrement le phénomène de la double contrainte dans le cadre de ses travaux consacrés aux sectes et a pu montrer que lorsque les individus se retrouvent face à des de cognitions incompatibles et contradictoires, ceux-ci éprouvent un état de tension désagréable. A partir de ce moment, lesdits individus mettront en œuvre des stratégies inconscientes, c’est-à-dire des modes de réduction de la dissonance cognitive, visant à restaurer un équilibre cognitif.
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