Débats, alliances, trahisons... la vie politique est le lieu d'empoignades et de mises en question permanentes depuis l'avènement des démocraties. Seul un présupposé fondateur semble devoir résister à des siècles de tractations politiciennes ou idéologiques : la gauche, c'est la gauche et la droite, c'est la droite. Cette bipolarité paraît relever de l'évidence mais qui sait, en réalité, comment elle est née ?
Sylvain Bosselet interroge tout à la fois l'histoire, la philosophie et la psychologie pour répondre à des questions qu'on pourrait croire simples : quel est le sens profond de la distinction entre la gauche et la droite ? Quelles sont leurs valeurs respectives ? Pourquoi voter à gauche ou à droite ? Et surtout qu'est-ce qui rend nos réactions si épidermiques en matière de politique, au point de pouvoir transformer nos repas de famille en de véritables champs de bataille ?
Dans ce texte, Sylvain Bosselet, se propose d’interroger la chose politique en nous offrant une relecture de la pensée philosophique et psychologique, de Platon à Freud, souhaitant ainsi recréer le lien (souvent rompu) entre philosophie, psychanalyse et politique.
Son projet est notamment d’interroger la raison d‘être des deux blocs (droite et gauche) qui structurent la vie politique européenne depuis de nombreuses années, mais aussi de comprendre – « les mécanismes inconscients qui correspondent à ces deux positions politiques » .
S. Bosselet rappelle que ces questions de droite et de gauche n’existaient pas chez les Anciens. Ce clivage trouve son origine avec l’avènement de la Modernité. Pour notre auteur, en effet, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, à la faveur des Révolutions anglaises, la droite ta trouvé ses fondements, avec un siècle d’avance sur la gauche dont les conceptions se développeront à l’approche de la Révolution française.
Dans un chapitre qu’il intitule « le Grand Fossé » - allusion aux aventures d’Astérix, il estime que la différence qui, en Occident, séparerait droite et gauche, se situerait dans une interprétation différente de l’état de nature. En effet, pour lui, la gauche interpréterait celui-ci comme un bonheur originel fait de liberté absolue et d’égalité alors que la droite le percevrait comme : « Malheur initial, guerre permanente et aliénante, égalité ressentie comme injuste et impossibilité de jouir des biens. «
En conséquence, la gauche verrait ainsi, selon lui, la propriété et les richesses comme mauvaises alors que la droite les apprécierait. En revanche, la première citée trouverait naturelle la fraternité et la solidarité là où la droite, plus méfiante envers ses semblables, chercherait plutôt à encadrer le lien social dans une hiérarchie. La vision de la justice de ces deux pôles différeraient également, la gauche voyant celle-ci comme préventive et la droite considérant que la justice devrait s’évaluer à l’aune du mérite et du travail.
L’auteur poursuit son travail de recherche sur le clivage droite/gauche en l’analysant ensuite sous le regard de la psychanalyse freudienne. La gauche serait ainsi du côté de la mère, dans « un amour du moi par le Surmoi » alors que la droite se situerait plus en proximité avec celui-ci qui, toujours méfiant, récompenserait néanmoins celui qui apporterait le plus de substances à la communauté.
Sylvain Bosselet tente ensuite une approche critique du clivage politique contemporain afin de le dépasser.
Pour lui, la gauche se tromperait ainsi en ne retenant que le côté amoureux de la nature humaine, mais la droite également en ne voyant en elle que son côté agressif L’homme serait double, selon lui, tantôt l’un et tantôt l’autre. En conséquence, pour sortir d’un homme soit loup soit Dieu, il conviendrait de le voir tel qu’il serait et ainsi de penser une politique qui tiendrait compte de cette dualité.
Pour y parvenir, un jugement avisé, une connaissance de l’humain serait chose désormais indispensable pour le politique. De ce fait, seule la science pourrait permettre de résoudre les difficultés et autoriser un juste gouvernement des hommes.
Critiquant la professionnalisation du politique et l’emprise de la bureaucratie technocratique sur celle-ci, il s’affirme ainsi, en conclusion, défenseur affirmé de la théorie du chercheur roi en lieu et place d’un bureaucrate roi, afin de mettre en adéquation théorie et pratique, connaissance et action. Le texte se termine donc par une heureuse re-visitation du Mythe de la République de Platon. Le philosophe-roi de Socrate - épris de vérité, ayant surmonté les épreuves en restant droit – est ainsi remplacé par un chercheur travaillant en équipe et soucieux de transversalité.
Sylvain Bosselet rappelle les liens trop oubliés qui unissent politique, droit, philosophie et psychanalyse et met ainsi fort justement en évidence le fait qu’il existe une culture de droite et une culture de gauche, l’une et l’autre ne se faisant pas la même idée du mot « responsable ».