N°3 / numéro 3 - Avril 2003

Le terrorisme : un sujet d’étude scientifique ?

Pierre Mannoni

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La revue Science et Vie (Avril 1979, n° 739) posait déjà la question de savoir si l’on pouvait soumettre le Terrorisme à l’analyse scientifique. Une soixantaine de psychologues et de psychiatres, représentant huit pays, réunis à Berlin, étaient d’accord pour l’admettre. Parmi eux se trouvaient des spécialistes comme D. Hubbard, Directeur du Centre d’études des comportements aberrants à Dallas ou B. Jenkins, de la Rand Corporation à Santa Monica. Cependant, c’est surtout sur la personnalité du terroriste que les réflexions des chercheurs ont alors porté, aboutissant à distinguer entre le criminel de droit commun et le terroriste.

Or, cette dimension « clinique » ne saurait épuiser un tel sujet, et il nous est apparu nécessaire de prolonger les investigations en ce qui concerne les modalités d’action psychologiques et psychosociologiques du phénomène Terrorisme, notamment en tant qu’il agit à la manière d’une procédure d’influence, retentissant de façon importante aussi bien sur les capacités cognitives des populations que sur leur vie sociale. La profondeur et la gravité des ébranlements cognitivo-émotionnels déterminés par les attentats nous a paru relever des intérêts de la psychologie sociale, et nous a conduit à soutenir, en 1980, devant l’Université de Nice, une thèse d’Etat sur le sujet : Les pouvoirs psychologiques du terrorisme. C’est le texte de soutenance de cette thèse qui figure ci-après. Cette publication « tardive » vient tout de même à propos pour rappeler que, bien avant les événements du 11 Septembre 2001, le Terrorisme, en particulier dans sa dimension psychologique, appelait l’attention et représentait déjà un sujet d’étude scientifique à part entière. Publication qui doit tout à l’intérêt que le Professeur A.Dorna lui a témoigné : qu’il en soit ici remercié.

Texte de soutenance de thèse pour le Doctorat ès Lettres et Sciences humaines présentée par Pierre MANNONI sur :

Les pouvoirs psychologiques du terrorisme

Comme tout ce qui est violent le terrorisme retentit sur la situation psychologique de ceux qui ont à le subir. Il détermine chez eux un certain état tant affectif qu'intellectuel qui nous a paru devoir retenir l'attention des psychologues. C'est donc cet état de terreur qui envahit l'esprit des victimes soumises aux attentats qui fait l'objet de la présente recherche.

On connaissait déjà les études à caractère historico- politique, philosophique, moral ou juridique portant sur le terrorisme. Ou encore les bilans psychiatriques intéressant la personnalité ou les motivations de ses agents.

Ces travaux présentent l'inconvénient commun d’être fragmentaires et surtout de comporter des tendances normatives très apparentes. Une démarche à caractère plus objectif, dans une perspective psycho-sociologique semblait par conséquent nécessaire afin d'atteindre à une meilleure compréhension, voire à une explication, de ce phénomène, du moins pour ce qui touche à son mode d'action.

Il s'est donc agi, en substance, pour nous d'analyser le retentissement des attentats terroristes, sur le psychisme collectif.

Cette interrogation sur les conséquences psychologiques d'une exposition à la menace terroriste faisait, en effet, défaut, ce qui nous a encouragé à nous orienter dans cette voie. Mais une telle démarche supposait que les effets des attentats présentaient suffisamment de particularités pour être distingués des produits de la violence entendue dans un sens plus général. Et l'examen des faits nous a confirmé que le retentissement sur les esprits provoqué par le terrorisme oblige à dépasser l'interrogation classique de nos jours sur l'impact de la violence. Des produits de cette dernière, à l'état ‘simple’ pourrions-nous dire, on a beaucoup parlé, même si l'on n'a pas encore tout dit. Mais de cette violence extrême et systématique que représente le terrorisme, on constate davantage les effets qu'on ne comprend comment elle agit sur les individus. C'est pourquoi nous nous sommes intéressé, dans ce travail, à la nature de ce pouvoir de pression sur les groupes humains. Considéré sous cet angle, le terrorisme nous est apparu non plus tellement comme un sujet d'actualité que comme un phénomène intéressant au premier chef, ce qu'on a appelé dans un passé assez proche l'inter-psychologie et la psychologie des foules (ou des masses), thèmes qui sont depuis intégrés dans le cadre de la psychologie sociale. Envisagée dans cette perspective, notre recherche se rapproche de celles qui sont actuellement conduites sur l'influence sociale et, plus précisément encore, d'une optique comme celle de S. MOSCOVICI (1979) qui aborde le problème sous l'angle des minorités actives comme facteur de changement dans le grand groupe.

Or, pour répondre à la question de savoir comment joue l'influence sociale exercée par le terrorisme et en quoi celui-ci mobilise une constellation psychologique spécifique, il nous a fallu au préalable préciser ce qu'était ce terrorisme que nous prétendions aborder et quelles étaient ses cibles.

Une enquête rapide nous a montré que parler de ce phénomène en général risquait de n'avoir guère de signification étant donné qu'on en recense pas moins de vingt-trois genres différents en fonction des temps ou des lieux de leur apparition. Partant de là nous avons cru bon de privilégier, dans notre approche et de limiter à elle notre étude, une catégorie particulière de terrorisme que l'on désigne d'ordinaire sous la dénomination de terrorisme ‘d’en-bas’ (ou du contre état): celui-ci est pratiqué le plus souvent par de petits groupes ne disposant que de faibles ressources militaires. Quant aux cibles, nous en reparlerons plus loin, indiquons seulement que le terrorisme en question nous a paru viser les esprits ou, pour mieux dire, la mentalité collective et ses facultés à fantasmer. Ainsi le terrorisme apparaissait bien comme une procédure psychologique agissant essentiellement par des idées sur des idées et il était cohérent de demander à la psychologie d'en rendre compte. Ainsi encore s'est élaboré notre hypothèse de travail selon laquelle le terrorisme nous a semblé pouvoir être défini comme un laboratoire de la peur ou, si l'on préfère, comme une technologie de l'imaginaire. C'est comme tel, d'ailleurs, que nous en avons fait notre sujet d'étude et que nous nous sommes efforcé, de mettre en évidence les mécanismes psychologiques qui définissaient son pouvoir sur ses victimes. Telle a été la principale justification de notre recherche. Mais il nous faut sans doute la compléter par l'aveu d'une motivation plus secondaire et subjective. Si tant est qu'il est vrai, en effet, que l'on met toujours de soi-même dans les objets de sa recherche, comme le suggère A. BESANCON1, il s'est aussi agi pour nous de conjurer des démons personnels puisque nous avons fait l'éprouvante expérience, durant de longues années, des attentats terroristes. Expérience qui présente au moins l'avantage de nous mettre à l'abri de la spéculation en chambre, risque majeur auquel on est exposé lorsque l'on traite un sujet de ce genre.

Les difficultés d'approche n'ont pas manqué pour autant. Nous avons essayé de les contrôler au mieux en appuyant notre démarche à la fois sur la psychologie sociale et la psychologie clinique. La première nous a permis de découper dans le réel le matériel nécessaire à notre étude: nous avons donc, comme c'est admis en psychologie sociale, considéré que les faits historiques tenaient lieu d'expérimentation naturelle. Notre réflexion a porté, en conséquence, sur le tissu événementiel que les terroristes eux-mêmes mettent quotidiennement à notre disposition, à quoi nous avons rajouté les documents éventuels y afférant. Cette procédure, intégrée dans une démarche documentaliste assez large a été complétée par une enquête sous forme de questionnaire et une analyse de contenu des comptes-rendus de presse, eux aussi empruntés à l'actualité. Quant à la psychologie clinique, elle nous a fourni les instruments d'analyse les plus appropriés à éclairer la constellation affectivo-intellectuelle mobilisée par le terrorisme.

Une telle perspective laisse probablement beaucoup à désirer et à plus d'un titre: les voies et instruments de la recherche que nous avons retenus ne sont ni les seuls ni peut-être les meilleurs; la population qui a servi à l'enquête n'a pas eu toute l'étendue qu'on pourrait souhaiter; le questionnaire lui-même comporte sûrement des imperfections, même si le traitement des résultats chiffrés a pu se faire avec une certaine rigueur grâce au concours d'un ordinateur. Il était, en outre, quelque peu aventureux, sans doute, de chercher des signes et des symboles dans les blessures utilisées par les terroristes et a fortiori de les présenter comme une sorte de langage.

Mais le sujet, par sa nature et les difficultés d'approche qu'elle implique, plaide en faveur d'une certaine indulgence. La faiblesse de la population interrogée par voie de questionnaire s'explique, pour sa part, par le fait que cette technique n'était ici ni unique, ni principale, mais seulement un complément de la démarche d'ensemble. Quant à la perfection en matière de questionnaire, elle est à coup sûr très rare. Enfin, nous considérons comme recevable l'idée d'une interprétation des blessures (intentionnelles notamment) en tant que système de signes surtout si l'on se réfère, par exemple, à l'investissement du corps par l'ornementation ou les atteintes rituelles qu'attestent les travaux des anthropologues et des psychanalystes.

Sous réserve, par conséquent, des précautions méthodologiques susdites et des limites que notre sujet nous imposait, nous nous sommes penchés sur le mode d’action de ce laboratoire de la peur qu'est le terrorisme en caressant l'espoir d'éclairer quelque peu la nature de l'état de terreur suscité par ses attentats.

Nous avons ainsi abouti aux résultats suivants :

Une des clefs commandant notre démarche résidait dans la définition des cibles du terrorisme. Nous avons estimé nécessaire et suffisant de distinguer entre deux sortes de victimes: - les victimes directes qui tombent sous les coups des terroristes et sont donc les porteuses de blessures : elles sont une infime minorité. Les victimes indirectes, qui ne subissent d'autre atteinte que psychologique et représentent la grande masse des individus : nous y voyons les ‘vraies’ cibles du terrorisme.

Celui-ci mène le combat pour l'accaparement de leurs esprits (pour les autres, quand elles ne sont pas mortes sous les balles ou dans les explosions, il n'est que trop évident qu'elles sont "terrorisées").

- Se distinguant ainsi des objectifs militaires classiques, dont le but est de détruire le plus grand nombre d'ennemis grâce à la plus grande puissance de feu possible, le terrorisme nous est apparu comme une machine de guerre d'un "nouveau" genre, menant non plus tellement une lutte contre des soldats ou du matériel, mais par-dessus tout un ‘combat selon l'imaginaire’, suivant l'expression de J. SERVIER (1979).

- Ainsi défini, le terrorisme appara1t nettement comme une technologie psychologique dont il faut -c'est du moins la tâche que nous nous sommes fixée appréhender les ressorts.

Le principal est très probablement le chantage à la douleur et à la mort. La procédure n'est ni nouvelle ni originale: en tous temps et en tous lieux on a torturé, tué, violé dans des circonstances diverses où le pénal le disputait au mysticisme ou au fanatisme. Mais il ne s'agissait encore, le plus souvent, que de broyer les corps sous un appareil magistral. Peu à peu, une "pédagogie" insinuante s'est fait jour à travers cette administration de la souffrance: elle devait culminer dans le terrorisme qui, abandonnant la surface tégumentaire, et même cette trompeuse profondeur des chairs ouvertes, lacérées, déchirées, investissait ce tréfonds de l'être, cette part radicale de lui- même au-delà de laquelle il n' y a plus rien: l'âme.

Historiquement, à partir de 1793, mais en réalité bien plus tôt (au moins à partir de l'inquisition2 encore que toujours à travers le même dédale de plaies, se met en place une procédure d'accaparement des esprits.

Nous venons de la définir comme thanatophanie. Et il est de fait que la peur et l'angoisse sont des pré-dispositions affectives fondamentales, présentes chez tous les sujets. Or, il n'y a pas de peur ou d'angoisse qui ne soient, de près ou de loin, peur ou angoisse de la mort. Il suffit donc, pour se donner un pouvoir sur les hommes, d'agir adéquatement sur de telles prédispositions. Le plus sûr moyen, et les terroristes l'ont bien compris, est de leur donner l'impression qu'à tout moment et en tout lieu ils peuvent être surpris par la mort. Et pas n'importe quelle mort, mais de préférence un trépas couronné de supplices dont l'évocation est à elle seule déjà une épreuve difficile à soutenir. C'est alors qu'interviennent les victimes directes, complices involontaires et inattendues des terroristes, pour frapper l'imagination des victimes indirectes. Là encore, la technique est simple: on accable celles-là des coups dont on veut effrayer celles-ci. Comme leur nombre est très limité, il faut compenser le défaut de la quantité par l'intensité des images. C'est pourquoi on assiste, dans les cas les plus éloquents, comme celui du terrorisme algérien que nous avons choisi comme principal exemple, à une multiplication des blessures ante et post-mortem. Multiplicité déjà significative en soi. Mais les choses n'en restent pas là: chaque plaie est elle- même porteuse de sens et il devient possible d'esquisser, à travers leur réseau, toute une symbolique, véritable "écriture de sang" selon l'expression de B. Gros (1976), où surgit le discours terroriste. L'état de terreur se ramène, pour l'essentiel, au déchiffrage par les victimes indirectes de cet éprouvant message.

Celui-ci peut avoir deux aspects complémentaires : selon que l'accaparement des esprits qui en procède directement relève de la dynamique des fantasmes et de l'affectivité ou de l'érosion des facultés d'appréhension intellectuelle du réel.

Dans le premier cas, la pensée est obsédée par de bouleversantes images où la représentation de la mort même le cède à celles des corps morcelés, déchirés, dévastés. Où les femmes et les enfants, protégés d'ordinaire dans toutes les cultures civilisées, sont ici préférentiellement mis en pièces. Les couches les plus profondes du psychisme sont de la sorte ébranlées par des évocations qui empruntent leurs séquences les plus réussies à l'archaïsme le plus radical.

Ce déferlement obsédant de fantasmes n'est pas sans évoquer une activité psychologique quasi-hallucinatoire, et il semble que l'on soit fondé à parler alors de pseudo-délire. Et, en effet, tout porte à croire que l'état de terreur est l'une des formes que peut prendre la pathologie collective. Surtout si on y rajoute les éléments relatifs au retentissement sur l'activité intellectuelle des sujets avec ce qu'elle suppose d'affaiblissement de la démarcation entre le réel et l'imaginaire, d’amoindrissement de l'esprit critique, de déformation du jugement et de perturbation de l'équilibre mental.

Enfin, la dynamique des fantasmes sur laquelle s'appuie le terrorisme possède certaines particularités qui clôturent le système sur lui-même : face à la démesure et à l’ubiquité des blessures consécutives aux manoeuvres terroristes, comme dans tous les cas où il est violemment ébranlé, l'imaginaire cherche une réparation. Mais il s'efforce en vain d’effacer les représentations qui ont été suscitées en lui par les attentats. Ceux-ci résistent à tout effort tenté dans ce sens. Le psychisme reste donc, quoi qu'il fasse, l'otage et le captif de ce qui l'accable: c'est l'une des caractéristiques majeures de l'état de terreur.

Une deuxième caractéristique fondamentale repose sur la surdétermination des images de mort liées au risque terroriste, comme nous l'avons déjà dit. Tomber entre leurs mains équivaut à la promesse d'un abîme de souffrances. Dans un récent ouvrage, L. V. Thomas (1980) nous rappelle que mourir, c'est pourrir. Les terroristes s'appuient sur une autre équation imaginaire suivant laquelle mourir, c'est souffrir et, par renversement, souffrir c'est plus que simplement mourir, c'est mourir d'une mort multipliée, d'une mort qui n'en finit plus.

Un autre caractère lié aux précédents, réside dans l'appréciation erronée du pouvoir réel des terroristes et dans une illusion totalement irrationnelle concernant leur omnipotence. Celle-ci rejoint les vieilles angoisses primitives de l'enfance à l'égard des images parentales, toujours redoutables par un certain côté. La conviction que cette terrible puissance est une réalité, et non le fruit de leur imagination, conduit les sujets exposés à la terreur, à se croire totalement démunis, faibles, à la merci d'un pouvoir discrétionnaire. L'inhibition qui en résulte conduit à un véritable apragmatisme défensif : chacun est enfermé dans une étouffante névrose obsidionale, d'autant plus difficile à supporter qu'elle est individuelle, et que la cohésion du groupe, qui aurait pu jouer un rôle de soutien, est rendue impossible par la désorganisation et 1a déstabilisation introduite par le terrorisme.

En conséquence, nous proposons de reconnaître, devant un tel tableau, un syndrome de détresse affective.

Et comme si les attentats ne suffisaient pas à provoquer et entretenir la détresse en question, les mass media, jouant comme une formidable caisse de résonance, viennent en multiplier les effets.

Fournissant aux terroristes le support psychologique nécessaire à leur propagande, les journalistes se font terroristes sans le savoir - naïveté bien regrettable - et assurent aux agents de la terreur une pérennité et même une existence qu’ils n’auraient pas sans eux. En somme, le terrorisme fait peur par lui-même, mais peut-être plus encore nous fait-on peur du terrorisme. De cette complicité les journalistes doivent prendre conscience pour qu'un terme y soit mis.

Mais, en fin de compte, les terroristes n'ont peut-être pas pris tant de pouvoirs qu'ils le croient ou cherchent à le faire croire. Du moins faut-il dire que celui-ci, s'il existe, n'est pas absolu.

En effet, l'histoire des hommes est là pour nous apprendre que la peur est de tous les temps. Cette omniprésence nous invite à la réflexion: au-delà des contenus particuliers que peuvent revêtir les effrois sporadiques qui se sont emparés des sociétés, on peut voir dans leur retour régulier comme l'expression d'un besoin du corps social. Les terroristes ne seraient, de ce point de vue, que nos modernes porteurs de mort, dont la fonction profonde, inconnue d'eux, serait de faire contre eux l'union "sacrée" du groupe, rôle tenu dans le passé par les déviants de tout acabit: ils seraient les sorciers de notre temps, voués comme tous les négativistes à être finalement "digérés" (terrorisés) par le corps social au bout du compte toujours triomphant. "Cessons de crier à la barbarie en excusant les barbares ", écrivait Max Gallo dans l'Express3 : ambivalence aussi louche que révélatrice.

Que le terrorisme soit éprouvant ne signifie effectivement pas qu'il soit une fatalité. Il est possible de lui résister, comme on a déjà résisté à d'autres fléaux. Il faut que chacun sache qu'il dépend, en fin de compte, essentiellement de lui de se laisser ou non terroriser. Nous avons essayé de montrer dans ce travail que tout le pouvoir du terrorisme est selon l'esprit. Or, l'esprit peut dans des circonstances favorables, parvenir à se dominer lui-même. Et s'il n'a pas toujours les moyens de contrôler les débordements de son imagination, du moins est-il à sa portée de les reconnaître pour tels. S'il y a un pouvoir du terrorisme, et il semble indéniable, du moins est-il possible de lui opposer un vouloir et, par conséquent, de lui résister.

En conclusion, l’influence psychologique et sociale des attentats reviendrait, en somme, sinon à une question de foi, du moins à une question de croyance. Et on pourrait sans doute appliquer aux terroristes ces mots que Voltaire destinait aux prêtres : ‘ils ne sont pas ce qu'un vain peuple pense, notre crédulité fait toute leur science’. Autrement dit cessons de croire à leur pouvoir et celui-ci cessera d'être. Il y a donc un consentement au terrorisme, et celui-ci est sans doute plus coupable que le terrorisme lui-même.

Nous espérons, pour terminer, que ce travail aura modestement contribué à élargir quelque peu nos connaissances dans un domaine où, peut-être plus encore qu'en tout autre, conna1tre c'est être libre.

P.M.

1  Cité par J. DELUMEAU (1978, p. 25).

2  Robespierre (l’a-t-il su ?) aurait eu beaucoup à apprendre de TORQUEMADA.

3  N° 1394, du 27 mars au 2 avril 1978.

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Alexandre Dorna

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