La recherche en recherche de déontologie : une illustration à partir de l’autopsie des travaux sur la norme d’internalité et du népotisme académique de leur diffusion
Bernard Gangloff,Laboratoire Parisien de Psychologie Sociale, université Paris Nanterre, il est professeur de psychologie sociale du travail et des organisations. Il est l'auteur de nombreux ouvrages aux éditions l'Harmattan dont : Décrire et évaluer la personnalité, mythes et réalité publié en 2011.
1. L’hypothèse d’une norme d’internalité
La dichotomie interne/externe est connue depuis longtemps. Elle est utilisée dans deux domaines : celui de l'explication des sanctions que l'on reçoit (on parle de Locus Of Control, ou LOC : cf. notamment Lefcourt, 1966 ; Rotter, 1966), et celui de l'explication des comportements que l'on adopte (on parle d'attribution causale : cf. notamment Heider, 1944, 1958 ; Jones & Davis, 1965 ; Kelley, 1967). En matière de LOC, cette dichotomie conduit à considérer qu'une sanction, positive ou négative, peut être expliquée soit de manière interne (le récepteur de la sanction est dit, ou se dit, en être la cause, du fait de sa personnalité ou de son comportement), soit de manière externe (la cause invoquée est alors un élément extérieur au récepteur de la sanction, comme les circonstances, le hasard, la chance ou la malchance, le destin, autrui tout puissant, Dieu, etc.). De manière analogue, en matière d'attribution, un comportement peut être expliqué soit de manière interne (« j'ai voulu adopter tel comportement »), soit de façon externe (« les circonstances m'y ont poussé »).
Initialement, les recherches en ce domaine ont été réalisées dans le cadre de la psychologie différentielle : elles ont conduit à considérer que certains individus étaient, du fait de leur personnalité, internes (avec donc une tendance à employer des explications internes) alors que d’autres seraient davantage externes. Pour autant, il est aussi apparu que les individus se montraient plus fréquemment internes qu’externes. Les travaux effectués sur cette dichotomie ont en effet mis en évidence que lorsque l’on cherche à déterminer les causes d’un comportement, d’une réussite ou d’un échec, on a souvent tendance à les situer chez l’acteur, c’est-à-dire à surestimer l’influence des facteurs internes au détriment des déterminants externes. Ainsi les individus s'estiment généralement (et sont estimés) davantage responsables de ce qui leur arrive (Langer, 1975 ; Lerner, 1965 ; Lerner & Simmons, 1966) et de ce qu'ils font (Jones, 1979 ; Ross, 1977), qu'ils ne le sont en réalité.
Cette surestimation du poids de l'acteur a longtemps été interprétée comme une erreur involontaire due à des défaillances de raisonnement. Ce fut le cas au 19ème siècle lorsque Nietzsche (1968, p. 163) utilisa le terme « d’erreur fondamentale », puis plus récemment de Heider (1944, p. 361) et de Ross (1977, p. 184 et s.) avec l’expression « d’erreur fondamentale d’attribution ». Cette analyse en termes d’erreur, de biais, fut cependant remise en cause dans les années 1980 avec l’introduction du concept de norme d’internalité ; d’abord par Jellisson et Green (1981) pour la causalité des renforcements, puis par Beauvois (1984), à la fois en matière d’explication des renforcements et d’explication des conduites. Cette nouvelle analyse, en termes de norme, signifie que la surestimation du poids de l'acteur serait la conséquence d'une valorisation sociale de l’internalité. Et de nombreuses études, essentiellement françaises, ont depuis été conduites pour tenter d'attester cette valorisation des explications internes ; pour tenter d’attester l’existence d’une norme d'internalité définie comme « la valorisation (sociale) des explications des événements psychologiques (comportements et renforcements) qui accentuent le poids de l'acteur comme facteur causal » (Dubois 1987, p. 175)
La méthode utilisée dans ces études consiste d’abord à créer un questionnaire dans lequel figurent différentes situations où un individu, soit est l'objet de renforcements (si l’on étudie le LOC), soit adopte des comportements particuliers (si l'on travaille sur l'attribution des comportements), chaque situation étant suivie de deux explications possibles, l'une interne, l'autre externe. Par exemple (Dubois & Tarquinio, 1997) : « Selon vous, lorsque vous n’atteignez pas les objectifs de travail que vous vous êtes fixés, c’est parce que 1) parfois vous n’avez pas assez de volonté (cause interne) ou 2) vous ne bénéficiez pas en général de conditions favorables (cause externe) ? ». Puis trois principales procédures sont utilisées. Dans le paradigme dit des juges, on présente à des participants le questionnaire déjà rempli, avec des réponses qui sont censées avoir été cochées par deux personnes différentes, donc sous deux formes différentes : dans un cas ce sont les réponses internes qui sont cochées, dans le second ce sont les réponses externes. Les participants doivent alors indiquer quelle est, de ces deux personnes, celle qui a (par exemple) la plus forte probabilité de réussir socialement (ce choix préférentiel signifiant que les réponses de cette personne sont celles qui correspondent à la norme)[1]. Dans le paradigme dit de l’auto-présentation normative vs contre-normative, les participants sont invités à cocher eux-mêmes, par deux fois, les explications proposées, une première fois en tendant de donner la meilleure image possible d’eux-mêmes (consigne normative) et une seconde en tendant au contraire de donner la plus mauvaise image d’eux-mêmes (consigne contre-normative) ; les éventuelles différences de réponses sont alors considérées comme témoignant de la prise de conscience de l’existence de la norme (et cette prise de conscience est elle-même prise comme élément de validation de cette existence)[2]. Enfin, dans le paradigme de l’identification, les participants doivent également cocher eux-mêmes, par deux fois, les explications proposées, mais une première fois en leur nom propre et la seconde en imaginant comment autrui y répondrait : des réponses plus fréquemment internes dans le premier cas que dans le second sont alors considérées comme participant à la validation de l’existence de la norme. Les études réalisées par l’application de ces paradigmes mirent alors en évidence :
1) que les internes (i.e. les individus formulant des explications internes) bénéficiaient de meilleurs pronostics de réussite professionnelle ou sociale que les externes, et étaient préférentiellement choisis comme candidats à un emploi (Beauvois, Bourjade & Pansu, 1991 ; Beauvois & Le Poultier, 1986, étude 2 ; Pansu, 1994, études 6 et 7) ;
2) que les répondants étaient conscients (ou « clairvoyants », selon l'expression de Py et Somat, 1991) de cette valorisation. Ainsi, en situation d'auto-présentation normative, les sujets se décrivaient majoritairement de manière interne, alors qu'en situation d'auto-présentation contre-normative, les réponses étaient majoritairement externes (Beauvois & Le Poultier, 1986, étude 4 ; Pansu, 1994, étude 2[3]) ;
3) que les cadres étaient plus internes que les exécutants (Andrisani et Nestel, 1976 ; Beauvois & Le Poultier, 1986, étude 1 ; Delende & Endelin, 1983 ; Gliszczynska, 1987; Pansu, 1994, étude 1) et que, plus globalement, l’internalité était l’apanage des groupes sociaux favorisés (Beauvois 1984, p. 104-109 ; Dubois, 1987, p. 180) où, pour parler comme Beauvois et Le Poultier (1986, p. 102), était « la norme des gens de niveau socio-économique supérieur »[4] ;
4) que les institutions de travail social et de formation diffusaient un « enseignement » préconisant l'acquisition et conduisant au développement de mentalités internes (Beauvois & Le Poultier, 1986, étude 3 ; Dubois, 1988 ; Gangloff & Sourisse, 1995).
2. Quelques premiers résultats contradictoires
2.1. Le non systématisme des attributions internes
Commençons par rappeler que les psychologues caractérisent souvent les individus par des traits de personnalité. C'est-à-dire qu'ils observent des comportements puis, de cette observation (directe ou à partir des réponses fournies à des questionnaires), ils en infèrent des traits de personnalité qu'ils attribuent aux individus. Ils en infèrent plus précisément cinq traits de personnalité, puisqu'il est actuellement considéré que la personnalité peut être caractérisée par cinq facteurs (on parle du modèle MCF, ou Modèle des Cinq Facteurs)[5] : extraversion, amabilité, caractère consciencieux, stabilité émotionnelle et ouverture d'esprit. Rappelons également que Kelley (1967) a avancé que le comportement d'un individu peut aussi bien être attribué à la personne qu’aux stimuli ou aux circonstances si tant est que l'on dispose d'informations complémentaires ayant trait à la distinctivité, à la consistance et au consensus quant au comportement observé[6]. Et Mc Arthur (1972) a vérifié expérimentalement cette hypothèse en montrant qu'on obtenait une attribution à la personne en associant distinctivité faible, consensus faible et consistance forte ; qu'on obtenait une attribution au stimulus par l'association de distinctivité forte, consensus fort et consistance forte ; et qu'on aboutissait à une attribution aux circonstances lorsque l'on associait distinctivité forte et consistance faible (le consensus n'intervenant pas pour cette attribution).
Gangloff et Pasquier (2008) ont cherché à savoir si l'observation de comportements référant aux cinq dimensions du MCF conduisait systématiquement à des attributions internes (en termes de traits) ou si cette observation ne conduisait pas aussi parfois à des attributions externes (référant aux stimuli ou aux circonstances), selon que l'on possède, ou non, des informations complémentaires de distinctivité, consistance et consensus. Ils ont pour cela confrontés 152 participants à un questionnaire de 40 items mettant en scène le comportement d'un individu nommé Paul, chaque comportement pouvant être rapporté à l'une des cinq dimensions du MCF. Par exemple, pour la dimension « amabilité », les deux items suivants étaient utilisés : « Avec les membres de sa famille, Paul se montre agréable » (item renvoyant à la dimension « amabilité », formulé de manière positive) et « avec les membres de sa famille, Paul se montre désagréable » (item renvoyant à la dimension « amabilité », formulé de manière négative). Ce questionnaire était constitué de deux parties, avec respectivement 10 et 30 items. Dans la première, chacun des 10 items (soit deux items pour chacune des cinq dimensions du modèle : un item formulé de manière positive et un de manière négative) était présenté sans aucune information complémentaire ; la seconde partie reprenait les 10 items de la première partie en y ajoutant systématiquement des informations montrant le consensus, la distinctivité et la consistance de la conduite, soit, pour chaque conduite, trois modalités d'assemblage de ces informations (donc un total de 30 items dans cette seconde partie), ces modalités devant respectivement (selon Kelley, 1967) conduire à une attribution à la personne, aux circonstances, ou au stimulus. Par exemple, dans la dimension « amabilité » formulée de manière positive (« avec les membres de sa famille, Paul se montre agréable »), pour obtenir une attribution à la personne, ont été associés distinctivité faible, consensus faible et consistance forte. Cela s’est traduit par les trois informations complémentaires suivantes : « Paul se montre agréable avec tout le monde » (distinctivité faible) ; « en général, les gens ne se montrent pas agréables avec les membres de leur famille » (consensus faible) ; « dans le passé, Paul s’est toujours montré agréable avec les membres de sa famille » (consistance forte). A la suite de chacun des 40 items, le sujet devait cocher une proposition parmi trois, correspondant respectivement à une attribution à la personne, au stimulus et aux circonstances.
Les résultats indiquèrent que ce ne fut qu’en présence des informations complémentaires de distinctivité, consensus et consistance, que furent observées des attributions préférentielles à la personne, au stimulus et aux circonstances, et uniquement lorsque les modalités d’association des informations complémentaires justifiaient ces attributions (soit, pour les attributions personnologiques, distinctivité et consensus faibles, consistance forte). A contrario, en l’absence de telles informations (donc dans une situation identique aux situations d’attribution communément observées), les attributions à la personne (c’est-à-dire attributions internes) étaient minoritaires. Plus précisément, toutes dimensions confondues ou en examinant chacune des 5 dimensions une à une, en séparant (ou non) formulations positives et négatives, les attributions au stimulus arrivèrent en tête. Quant aux attributions à la personne, elles ne précédèrent les deux autres types d'attributions que dans 10% des cas.
En d’autres termes, l'accentuation du poids de l'acteur apparaît en fait beaucoup moins fréquente que ce que produit la littérature sur l’internalité.
2.2. Le secteur d’activité et le statut altèrent la générabilité des résultats obtenus
Une première restriction à la générabilité des résultats produits dans les travaux sur la norme d’internalité est reconnue par Beauvois, Bourjade et Pansu (1991) lorsqu’ils écrivent que la norme d’internalité « trouvera dans les organisations libérales un lieu optimal d’exercice» (p. 12) et qu’il importe donc, si l’on souhaite étudier les variations de manifestation de cette norme, de prendre en considération « le système culturel de l’entreprise, et plus précisément le style de management qui s’y trouve déployé » (p13). Cette restriction, ultérieurement réaffirmée Beauvois (1994 p. 67 à 74) comme par Dubois (1994, p. 176 à 191), a été empiriquement vérifiée par Louche (1992, 1995), constatant que le niveau d'internalité des cadres variait selon le type de supervision dont ils faisaient l'objet (supervision hiérarchique directe versus bureaucratie mécaniste ou versus Direction Par Objectifs). Dans une première étude (1992), soumettant deux groupes de cadres au questionnaire d'attribution de Beauvois et de Le Poultier (1986), Louche observe en effet que les cadres sont plus internes lorsqu'ils font l'objet d'une supervision hiérarchique directe que lorsqu’ils sont intégrés dans une « bureaucratie mécaniste » (c'est-à-dire que lorsque ce sont la programmation du travail et le dispositif technique qui limitent leur liberté d'action). Et dupliquant cette étude en 1995, mais avec un nouveau questionnaire d'attribution et deux autres types de gestion d'entreprise, le même auteur obtient des résultats comparables : l'internalité des sujets est plus marquée avec une D.P.O. qu'avec une gestion par supervision hiérarchique directe. De même, Gangloff (1998, étude 1) a contacté 57 salariés, la moitié ayant un statut de cadre, l’autre moitié un statut d’ouvrier, les uns comme les autres provenant pour moitié d’une entreprise publique monopoliste à management bureaucratique et pour l’autre moitié d’une entreprise privée de culture libérale avec grande souplesse de gestion. L'instrument de mesure employé fut un questionnaire de LOC adapté du questionnaire de Rotter (1966). Ici également, les résultats mirent en évidence davantage d’internalité des cadres du privé comparativement à ceux du public.
Une seconde restriction est également avancée par Beauvois & Le Poultier (1986, p. 102) lorsqu’ils écrivent que la norme d’internalité est « la norme des gens de niveau socio-économique supérieur ». Et les résultats de Gangloff (1998, étude 1) permirent aussi de valider cette restriction : seuls les cadres faisaient état d’une variation d’internalité selon le type d’entreprise (avec, dans le secteur privé, un niveau d’internalité supérieur à celui des ouvriers, le niveau d’internalité de ces derniers étant quant à lui invariant).
2.3. Une nouvelle restriction : l’existence d’une norme d’externalité en matière d’explication des comportements distributifs de sanction
Les travaux sur la norme d’internalité postulent que cette dernière serait applicable tant sur le plan des renforcements reçus que sur celui des comportements adoptés. Serait ainsi valorisé l’individu affirmant : « La sanction que je reçois résulte du comportement que j’ai adopté et ce comportement, je l’ai librement adopté ». Mais est-ce suffisant pour parler d’une norme d’internalité applicable tant sur le plan des renforcements reçus que sur celui des comportements ? Si le récepteur d’une sanction fait résulter cette dernière de son comportement (étant alors interne en matière de LOC), cela implique nécessairement que l’agent distributeur de cette sanction doit décliner toute responsabilité personnelle dans la distribution de cette sanction. En d’autres termes, l’internalité du récepteur de la sanction ne peut que conduire à attribuer à une cause externe le comportement du distributeur de la sanction : l’internalité en matière de Locus of Control (c’est-à-dire lorsqu’on se place du point de vue du récepteur d’une sanction) a nécessairement pour corollaire une externalité en matière de Locus of Distribution (c’est-à-dire en se situant du point de vue du distributeur de la sanction). C’est ce que confirment les travaux suivants.
2.3.1. Une étude dans le cadre de la formation
La première étude mettant en évidence une telle valorisation de l’externalité (Gangloff, 2004) a été menée dans le cadre de la formation professionnelle et portait sur l’explication des sanctions distribuées par les enseignants à leurs stagiaires. Le questionnaire utilisé était constitué de 16 items, 8 faisant référence à des sanctions positives, et 8 à des sanctions négatives. Chacune des questions était suivie de 3 possibilités de réponse, non exclusives entre elles : l’une attribuait la responsabilité de la distribution de la sanction aux stagiaires (du fait de leurs conduites ou de leurs caractéristiques personnologiques), la seconde l’expliquait par la personnalité ou l’humeur actuelle de l’enseignant, et la troisième par des causes extérieures à la fois aux stagiaires et à l’enseignant (règles administratives ou contexte conjoncturel). Les enseignants devaient, à chacune des trois propositions, indiquer leur degré d’approbation/désapprobation en attribuant une note variant de 0 (désaccord total) à 10 (accord total). Le tableau 1 fournit quelques exemples d’items.
1- Quand parfois je félicite, c’est parce que… - je suis de bonne humeur - les stagiaires se montrent persévérants - c’est une technique d’encouragement. 2- Quand parfois je sanctionne très négativement les fautes, c’est parce que… - les stagiaires ne sont pas rigoureux - j’ai besoin d’asseoir mon autorité - on m’a demandé d’être plus sévère.
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Tableau 1 : exemples d’items
L’étude était constituée de deux parties, avec successivement l’application du paradigme de l'auto-présentation (première partie), puis le paradigme des juges (deuxième partie). Dans la première partie, des enseignants ont été répartis dans trois groupes pour répondre au questionnaire : 1/3 des enseignants devaient y répondre de la manière la plus honnête possible (consigne neutre), 1/3 en tâchant de se faire bien voir de leurs stagiaires (consigne normative), et 1/3 en tentant de se faire mal voir (consigne contre-normative). Dans la deuxième partie, le même questionnaire a été utilisé, mais avec le paradigme des juges : il été prétendu que ce questionnaire avait déjà été rempli par des enseignants, et il a été demandé à 58 stagiaires de classer ces enseignants par ordre de préférence, selon les réponses censées avoir été fournies par ces enseignants : l’un était rempli de manière auto-attributive, le deuxième mettait systématiquement et exclusivement en avant les conduites et les traits de personnalité des stagiaires, et le troisième faisait systématiquement et exclusivement référence à des causes extérieures. Les stagiaires ont été répartis dans trois groupes, chacun étant confronté à l’un de ces trois questionnaires.
Rappelons tout d’abord que lorsqu'il s'agit d'expliquer un comportement, les données de la littérature font état d'attributions systématiquement internes. Or les données obtenues maintenant sont systématiquement inverses. Première partie de l’étude : aussi bien spontanément (consigne neutre) que pour se faire bien voir (consigne normative), et aussi bien globalement qu’en tenant compte de la valence des sanctions (sanctions positives ou négatives), les enseignants attribuent prioritairement leurs comportements distributifs de sanctions à des causes externes (c'est-à-dire aux stagiaires puis au contexte), et rejettent les facteurs internes en dernière position. Par contre, pour se faire mal voir (consigne contre-normative), ils s’attribuent d’abord la cause des sanctions, puis l’attribuent seulement ensuite aux stagiaires et au contexte. Et les résultats obtenus en deuxième partie montrent que de telles attributions, donc attributions contradictoires du point de vue de la norme d’internalité, sont valorisées par les stagiaires : il y est en effet observé, aussi bien globalement qu’en tenant compte de la valence des sanctions, une nette préférence des stagiaires pour les enseignants qui considèrent les stagiaires responsables de leurs sanctions, les enseignants faisant référence au contexte venant en deuxième position, et les enseignants auto-attributifs en dernier. En d’autres termes, les agents distributeurs de sanctions sont davantage valorisés lorsqu'ils se déclarent irresponsables des sanctions qu'ils distribuent que lorsqu'ils revendiquent la responsabilité de leur comportement distributif. On remarque enfin (par application des consignes normative et contre-normative de la première partie) que cette valorisation différenciée est connue des enseignants.
2.3.2. Une étude en milieu organisationnel
Une seconde étude de même type, mais menée en milieu organisationnel, a été réalisée par Gangloff, Soudan et Vonthron (2011). Le questionnaire utilisé comportait cinq situations dans lesquelles un supérieur hiérarchique récompensait ses salariés et cinq autres dans lesquelles il les sanctionnait négativement. Face à chaque item, trois explications du comportement de ce supérieur étaient proposées : l’une l’attribuant à la conduite des salariés, une deuxième mettant en avant le contexte, une troisième renvoyant aux caractéristiques personnologiques ou intentionnelles du supérieur. Par exemple : « Quand parfois je sanctionne très négativement les fautes de mes subordonnés, c’est parce que mes subordonnés ne sont pas rigoureux » (attribution au récepteur de la sanction), ou « j’ai besoin d’asseoir mon autorité » (attribution au distributeur de la sanction), ou « ma direction m’a demandé d’être plus sévère » (attribution au contexte).
627 salariés (328 responsables hiérarchiques et 299 subordonnés) ont été répartis en deux groupes puis individuellement confrontés à ce questionnaire. Les responsables hiérarchiques furent répartis en trois sous-groupes et soumis au paradigme de l’auto-présentation : 1/3 ont répondu au questionnaire avec une consigne neutre (cocher, parmi les trois causes proposées, et en toute sincérité, celle qui les aurait conduit à adopter le comportement indiqué), 1/3 y ont répondu avec une consigne normative (cocher la cause qui, selon eux, leur permettrait de se faire bien voir de leurs subordonnés), et le dernier tiers fut confronté à la consigne contre-normative (cocher la case qui serait la moins appréciée de leurs subordonnés). Les subordonnés, eux aussi répartis en trois groupes, furent confrontés, selon le paradigme des juges, au même questionnaire mais rempli soit de manière auto-attributive, soit mettant en avant le salarié ou les circonstances. Les subordonnés devaient alors indiquer, en toute sincérité, les réponses qu’ils préféraient sur une échelle de 1 à 3.
En ce qui concerne les attributions faites par les responsables hiérarchiques, il est remarqué, aussi bien avec la consigne neutre qu’avec la consigne normative, que les attributions au récepteur sont systématiquement plus fréquentes que les auto-attributions, a contrario, pour se faire mal voir, les données sont totalement inverses, les auto-attributions venant en premier et les attributions aux récepteurs en dernier. Quant aux réponses des subordonnés, on observe que les supérieurs auto-attributifs sont systématiquement placés en troisième position, que les supérieurs faisant appel aux circonstances sont généralement placés en situation intermédiaire, et que les supérieurs attribuant aux récepteurs sont toujours les plus valorisés.
Ainsi, lorsqu’il s’agit d’expliquer un comportement distributif de sanction, c’est à nouveau le récepteur de cette sanction qui est d’abord considéré comme en étant responsable. En d’autres termes, il existe une valorisation des salariés qui se considèrent source des sanctions qu’ils reçoivent et qui, de ce fait excluent toute implication de leurs supérieurs hiérarchiques dans cette distribution[7]. On retrouve donc ici les mêmes résultats que ceux obtenus sur le plan des sanctions distribués par des formateurs à leurs stagiaires, ce qui conforte l’hypothèse de l’existence d’une norme d’externalité en matière de comportements distributifs de sanctions.
2.3.3. Une seconde étude en milieu organisationnel
Les deux études précédentes confrontaient les stagiaires (ou les subordonnés) au paradigme du juge et les formateurs (ou les responsables hiérarchiques) au paradigme de l’auto-présentation. Une autre étude (Gangloff, Soudan & Rezrazi, 2016) a été réalisée avec une inversion des rôles, plus conforme au design utilisé dans les études sur la norme d’internalité : ce sont les responsables hiérarchiques qui répondirent au paradigme des juges et les subordonnés qui furent confrontés au paradigme de l’auto-présentation. Le questionnaire utilisé fut le même que celui l’étude de Gangloff, Soudan et Vonthron (2011) précédemment présentée.
Cette recherche fut constituée de deux parties. Dans la première, 172 cadres supérieurs ayant sous leurs ordres plusieurs chefs d’équipe ont été confrontés au questionnaire avec pour consigne d’indiquer, pour chaque item, leur préférence parmi les 3 attributions qu’un chef d’équipe pourrait proposer pour expliquer ses conduites distributives (auto-attribution vs mise en avant soit des circonstances soit du récepteur de la sanction). Dans la seconde partie, 82 chefs d’équipe ont répondu au même questionnaire mais selon le paradigme de l’auto-présentation c’est-à-dire en tâchant, soit de se faire bien voir de leur supérieur hiérarchique (pour 38 répondants), soit de s’en faire mal voir (44 répondants).
Il fut alors constaté que les cadres supérieurs valorisent les chefs d’équipe qui se déresponsabilisent des sanctions qu’ils administrent à leurs subordonnés. Il fut plus précisément observé que les chefs d’équipe effectuant des attributions à leurs subordonnés étaient systématiquement davantage valorisés que ceux qui réalisaient des attributions internes. De même, pour se faire bien voir de leur supérieur, les chefs d’équipe mettaient d’abord en avant des facteurs externes. Soit des données identiques à celles obtenues dans les deux études précédemment présentées.
2.3.4. Conclusion sur le LOD
De telles contradictions d’avec les résultats habituels illustrent donc le réductionnisme des recherches réalisées dans le domaine de la norme d’internalité en matière d’attribution : alors qu'elles n'étudient qu'un échantillon restreint de comportements, excluant notamment les comportements distributifs de sanctions, elles tendent à considérer les résultats qu'elles obtiennent comme applicables à l'ensemble des comportements. Soulignant le caractère abusif d'une telle généralisation, ces trois études posent ainsi la question du systématisme de la norme d’internalité en matière d’explication des comportements. Il apparaît en effet, et cela le plus logiquement du monde, que considérer le destinataire d'une sanction comme à la source de cette sanction (résultat habituel obtenu dans les études sur la norme d'internalité) ne peut, corollairement, que conduire à déresponsabiliser le distributeur de ces sanctions. En rejetant cette responsabilité sur les récepteurs des sanctions, l’agent distributif se prémunit contre toute éventuelle mise en cause susceptible de contrer la légitimité de sa pérennité tout comme celle de l’institution dont il porte la parole.
Ajoutons que les résultats de ces études[8] interpellent également le choix des thématiques scientifiques. Lorsque Rotter a formulé le concept de LOC, il s'agissait pour lui de répondre à une question précise : pourquoi certains individus ne parviennent-ils pas à progresser socialement, i.e. à obtenir davantage de réussites en matière d'apprentissage social ? Et Rotter fournissait une explication en termes de Locus of Control : ceux qui n'arrivent pas à progresser sont des individus externes, c'est-à-dire des individus qui considèrent n'avoir aucune influence sur les événements qui leur arrivent. Ce qui signifie que Rotter s'est positionné, aussi bien dans sa question que dans sa réponse, du point de vue du récepteur des sanctions (peut-être influencé en cela par une certaine culture ou idéologie libérale pouvant caractériser son environnement). En parlant de Locus of Distribution, c’est une orientation inverse (peut-être issue du constat que des idéologies alternatives existent) qui est choisie. Cette orientation conduit notamment à se demander pourquoi certains individus, détenteurs d'un statut dominant (i.e. disposant d'un pouvoir de sanction sur autrui), ne favorisent pas davantage la progression sociale d'autrui, voire pourquoi ils entravent cette progression, et surtout comment les justifications qu’ils en avancent leur permettent d’y parvenir. Et il n’est, pour se convaincre de la pertinence de cette question, que de rappeler l'occurrence, de plus en plus fréquente, de certains discours de chefs d'entreprises ou de politiciens dans lesquels des licenciements, des diminutions de salaires ou autres sacrifices demandés à un groupe social se voient justifiés par la globalisation. Plus globalement, nul ne peut contester que les hommes politiques, quand ils sont au pouvoir, se comportent souvent comme les enseignants ou les supérieurs hiérarchiques mis en scène dans les études précédemment présentées : lorsqu’ils annoncent de nouvelles mesures à leurs administrés (mesures fréquemment douloureuses), ils prennent soin d'éviter de s'en dire responsables, préférant se réfugier derrière des causes externes (la concurrence internationale, la mondialisation, des règles juridiques supranationales, etc.). Ils manifestent par là même qu’ils ont eux aussi parfaitement assimilé la « stratégie du lavabo », du « je m’en lave les mains », initialisée il y a 20 siècles par Ponce Pilate.
De nombreuses situations de la vie quotidienne peuvent illustrer cette déresponsabilisation. Tel est (par exemple) le cas des demandeurs d’emploi. Incapables de maîtriser le chômage, les gouvernements successifs ne peuvent que craindre les réactions des exclus… sauf bien évidemment s’ils parviennent à persuader ces derniers que ce sont eux, les exclus, à être seuls responsables de leur exclusion. Comme le remarque Maisondieu (1997), ce n'est pas sans raison si les bardes du néolibéralisme demandent aux chômeurs de « faire des efforts pour montrer leur volonté d'échapper aux griffes de l'exclusion [..], de s'agiter pour montrer qu'ils sont toujours vivants et, surtout, qu'ils gardent intact leur désir de s'inclure » (p. 176). Cette agitation constitue en effet la condition nécessaire pour que le stratagème visant à leur faire endosser la responsabilité de leur exclusion puisse s'imposer à tous comme une évidence, et d'abord à eux-mêmes. Les échecs qu'ils subissent doivent les en convaincre : « Aller d'entretiens sans grand espoir en entrevues sans suite, être mortifié par des échecs répétés[… conduit l'exclu à être] rapidement en condition de se demander qu'est-ce que j'ai ou qu'est-ce que je n'ai pas pour être toujours laissé de côté ? » (p. 63), c'est-à-dire conduit l'exclu à mettre rapidement en avant sa propre responsabilité. Comme l'indique encore Forrester (1996), « les demandeurs d'emploi sont conduits à s'estimer indignes de la société, et surtout responsables de leur propre situation [...]. Ils se jugent avec le regard de ceux qui les jugent, regard qu'ils adoptent, qui les voit coupables, et qui leur fait se demander ensuite quelles incapacités, quelle aptitude au ratage, quelle mauvaise volonté, quelles erreurs ont pu les amener là » (p15). Une telle responsabilisation permet alors d’éviter qu'ils soient tentés de « s'en prendre au système social [... ce qui] pourrait conduire à sa remise en cause, quelque part du côté de la révolution » (Maisondieu, 1997, p. 178).
3. Quelques biais méthodologiques invalidant les études sur la norme d’internalité
3.1. Un premier biais méthodologique : la diversité de registres des items externes au regard des items internes
Il semble que les questionnaires utilisés dans les travaux sur la norme d’internalité nous confrontent à une singulière taquinerie méthodologique : il s’agit de la variété des registres des items externes mis en alternative aux items internes. Comme rappelé plus haut, les explications externes peuvent référer au hasard, aux circonstances, au destin, à l’environnement social, à Dieu, etc. Or si l’on oppose, dans ces questionnaires, 10 explications internes à 10 explications externes faisant appel au registre de la chance et de la malchance, on peut tout à fait obtenir davantage de réponses internes qu’externes et en conclure qu’il est davantage valorisé de faire appel à soi qu’à la chance ou à la malchance. Par contre, en déduire que l’internalité prend systématiquement le pas sur l’externalité, quel que soit le registre externe évoqué, semble erroné. Il conviendrait, pour en être certain, de positionner au préalable, face à des items internes, un nombre égal de facteurs externes de différents types et d’examiner les résultats par type de facteur externe évoqué. Plusieurs études, menées dans le domaine religieux, illustrent cette problématique.
Drewerman (1993) indique que le chrétien devrait se caractériser par un « abandon de tout mouvement de volonté propre », abandon comblé par « l’intériorisation […] d’une direction venant de l’extérieur » (p. 377). En d’autres termes, le chrétien devrait prioritairement réaliser des attributions externes, et l’on peut alors penser, sans grande crainte d’être démenti, que ces attributions externes devraient renvoyer à Dieu. Pour autant, utilisant l’échelle de LOC de Rotter (1966), Russel et Jorgenson (1978) constatent que les croyants (baptistes et luthériens) sont plus internes que les non croyants. Considérant les propos de Drewerman (mais l’on pourrait aussi citer Bottéro, 1998 ; Peyrefitte, 1976), on peut avoir une certaine difficulté à comprendre ces résultats. Une réponse possible a alors trait à la constitution des échelles d’internalité/externalité. Silvestri (1979) remarque par exemple que se sentir dépendant envers Dieu implique une indépendance vis-à-vis des autres causes externes, comme le hasard ou le destin. Mais considérant que les échelles habituelles de LOC ne proposent qu’un nombre très limité de réponses faisant référence à Dieu, le seul moyen de rejeter ces réponses externes de hasard ou de destin consiste à cocher des réponses internes. Les réponses internes des croyants témoigneraient alors, non pas d’une acceptation de ces réponses internes, mais plutôt d’un rejet des réponses externes impliquant le destin ou le hasard (rejet qui, du fait de la constitution des échelles de LOC, ne peut s’exprimer que par un choix porté sur les réponses internes).
Pour tester cette hypothèse Gangloff (2001) a construit des questionnaires de LOC dans lesquels les réponses renvoyant à Dieu avaient un poids équivalent aux internes, c’est-à-dire des questionnaires dans lesquels le rejet des réponses de hasard et de destin pouvait s’exprimer sans qu’il soit pour cela besoin de faire appel à des attributions internes.
Dans une première étude, des hommes de confession musulmane, tous très pratiquants, furent individuellement confrontés à un questionnaire de LOC composé de 24 items consistant chacun en l'énoncé d'un renforcement (12 positifs et 12 négatifs) suivi de deux explications possibles. Pour 12 items les explications étaient internes versus externes Dieu (exemple avec un renforcement positif : « Les récompenses dont nous sommes l'objet dépendent : a) de nos caractéristiques personnelles, b) de la volonté de Dieu ») et pour les 12 autres elles étaient internes versus externes circonstances et hasard (exemple avec un renforcement négatif : « Si certaines personnes échouent dans ce qu’elles entreprennent : a) c’est parce qu’elles ne possèdent pas les caractéristiques leur permettant de réussir, b) c’est parce qu’elles n’ont pas bénéficié de circonstances favorables »). Enfin la moitié des sujets répondit au questionnaire avec une consigne normative (« répondez à chacune des questions en cochant la réponse qui, selon vous, donnerait à un Imam qui pourrait vous lire la meilleure image, la meilleure impression de vous ») ; l’autre moitié fut confrontée à une consigne contre-normative (« répondez à chacune des questions en cochant la réponse qui, selon vous, donnerait à un Imam qui pourrait vous lire la plus mauvaise image, la plus mauvaise impression de vous »).
Il apparaît alors (tableau 2), pour les 12 items opposant des items internes à des items référant à Dieu, qu'en situation de consigne normative les participants fournissent des réponses davantage externes Dieu qu'internes, l'inverse étant observé avec la consigne contre-normative.
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Moyennes réponses internes |
Moyennes réponses Dieu |
Consigne normative |
2,91 |
9,09 |
Consigne contre-normative |
10,36 |
1,64 |
Tableau 2 : répartitions moyennes des réponses des musulmans aux 12 items internes versus externes Dieu.
A l’opposé, pour les 12 autres items (items internes vs externes circonstances ou hasard), on obtient (tableau 3), de façon tout à fait classique, des réponses davantage internes qu'externes avec la consigne normative, et davantage externes qu'internes avec la consigne contre-normative.
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Moyennes réponses internes |
Moyennes réponses circonstances et hasard |
Consigne normative |
7 |
5 |
Consigne contre-normative |
4,73 |
7,27 |
Tableau 3 : répartitions moyennes des musulmans aux 12 items internes versus externes circonstances et hasard.
La seconde étude, similaire mais réalisée sur des catholiques (pratiquants ou seulement baignés de culture catholique), a abouti à des résultats similaires : la répartition internes/externes Dieu conduisit, avec la consigne normative, à davantage de réponses externes que de réponses internes, l'inverse étant observé pour la consigne contre-normative.
De tels résultats signifient qu’il est fort probable que les questionnaires d’internalité classiquement utilisés aboutiraient à des résultats similaires à ceux évoqués ici, c’est-à-dire à une valorisation des explications externes, si ces questionnaires tenaient compte de la non-assimilabilité des différents types de réponses externes et faisaient notamment davantage référence à Dieu.
3.2. Un second biais et le passage de la norme d'internalité à la norme d'allégeance
Le biais que nous venons d’examiner n’est pas le seul dont souffrent les études sur la norme d’internalité. Dubois (1994, p. 55), qui travaille depuis longtemps sur la norme d'internalité, atteste par exemple elle-même le « peu de cas accordé en général par les chercheurs étudiant la norme d’internalité à la validité de leurs instruments ». Si, pour cet auteur, ce « peu de cas [...] est loin de remettre en cause la pertinence des questionnaires d’internalité », pour les spécialistes des questionnaires (les psychométriciens, de Cattell à Binet, Bonnardel, Lahy, Pacaud, Piéron, ...), une telle parodie psychométrique signifie tout simplement qu'on ignore totalement ce que l'on mesure. Est-ce l’internalité… ou l’attrait pour les voyages grégaires dans les univers normatifs (par exemple dans celui de la norme d’internalité) ?
3.2.1. Des différenciations interne/externe et stable/instable
Rappelons pour commencer que l'éventuelle validité de la norme d'internalité repose, comme c'est le cas pour la validité de tout phénomène, sur celle des concepts qui l'articulent. Ainsi, pour pouvoir affirmer qu'existe une valorisation des explications internes au détriment des explications externes (affirmation constitutive de la norme d'internalité), il est évidemment nécessaire que les explications respectivement internes et externes s'appuient sur un critère permettant de différencier de manière valide, c'est-à-dire non ambiguë, ce qui est interne et ce qui relève de l'externalité. Or la dichotomisation interne/externe fait l’objet, depuis plus de 20 ans, d'assez régulières critiques (Deschamps, 1987, p. 90-94 ; Gangloff, 1998, p. 40-42) ; Ross, 1977, p. 176 ; Van Dam, 2006). Ainsi Deschamps écrivait en 1987 (p. 92) : « La dichotomie entre causalité interne et externe n’est pas sans équivoque et commence à être remise en question ». De même, Ross (1977, p.176) prend l'exemple d'un individu qui achète une maison, soit parce que cette maison est isolée, soit parce que l'acheteur aime l'isolement. Ross souligne alors qu'il n'est pas valide d'avancer, comme le font habituellement ceux qui travaillent sur la dichotomie interne/externe, que la cause serait externe pour « la maison est isolée » et interne pour « l'acheteur aime l'isolement ». Si d’ailleurs on demande à des individus de se prononcer sur une catégorisation de causes internes vs externes, les réponses sont quelque peu surprenantes eu égard à ce qu’en disent les énonciateurs de la dichotomie interne/ externe. Gangloff (1998, p. 42) observe ainsi que :
- 100 % pensent qu’il y a des gens qui sont parfois poussés par les circonstances à faire des efforts et 73 % pensent que la personnalité de certaines personnes peut être due au fait qu’elles sont nées dans tel milieu social ou qu’elles ont telle hérédité biologique (les efforts et la personnalité étant ainsi à considérer comme résultant de déterminants externes incontrôlables)
- 87 % pensent que certaines personnes peuvent, au cours de leur vie, faire évoluer leur destin, et 99 % pensent qu’il y a des gens qui, du fait de leurs caractéristiques ou de leur personnalité, augmentent leurs chances de réussir leurs projets (le destin et la chance devenant ainsi des éléments de la catégorie « interne »). Rappelons d’ailleurs avec Fischhoff (1976, p. 434), la distinction opérée par les anglo-saxons entre « chance », qui est une propriété de l’environnement, et « luck » qui réfère à l’individu (et l’on pourrait effectuer une distinction similaire entre « avoir de la chance » et être « chanceux »).
Si cette critique sur la distinction interne/externe n’est pas, pour Beauvois (1987), susceptible d’entacher la norme d’internalité, considérant que la valorisation de l’internalité serait un fait, quand bien même les explications valorisées seraient faussement identifiées comme étant des explications internes, nous pouvons cependant être enclins à penser que si erreur il y a dans la dénomination de ces explications, alors il ne peut qu’y avoir aussi erreur quant à l’identité de la norme qu'elles desservent. Plus globalement, lorsque les théoriciens de la norme d'internalité tentent, parfois, de justifier leur désintérêt vis-à-vis de la validité de structure du concept d'internalité en avançant par exemple qu'ils ne s'occupent pas de repérer les individus selon une différentiation interne/externe (Dubois & Tarquinio, 1997, p.76), leur argumentation laisse quelque peu perplexe. Les études sur la norme d'internalité opérationnalisent en effet leurs variables par le paradigme de l'auto-présentation (où l’on teste une éventuelle différenciation du nombre de réponses internes par rapport au nombre de réponses externes, en fonction d’un apprentissage selon les groupes sociaux, ou selon le caractère normatif vs contre-normatif de la consigne) ou par celui des juges, lui aussi basé sur la détection d'une différenciation interne/externe... En fait, ce que l’on constate, c’est que les adeptes de la norme d’internalité ne peuvent se soustraire à ces critiques qu’en les évacuant purement et simplement (ainsi Dubois, 1994, p. 48 lorsqu’elle écrit : « Les chercheurs travaillant dans ce domaine [i.e. celui de la norme d’internalité] se sont sentis peu concernés par les critiques formulées par les théoriciens de l’attribution à l’endroit de cette opposition entre causalité interne et causalité externe »), ou n’en viennent à bout que grâce à des contorsions langagières les conduisant par exemple à parler de « causes externes internalisées » (Serlin & Beauvois, 1991, p. 463 et 469) ou de « causes internes externalisées » (Dubois, 1994, p. 37).
Signalons par ailleurs que cette critique de la dichotomie interne/externe pourrait être transférée à d’autres différenciations. Tel est le cas de la dichotomie stable /instable proposée par Weiner, Frieze, Kukla, Reed, Rest et Rosenbaum (1971). Ces auteurs ont en effet émis l’hypothèse de causes internes stables (comme la personnalité), de cause internes instables (comme les efforts), de causes externes stables (comme le destin) et de causes externes instables (comme la chance). Or considérer les efforts ou la chance comme des facteurs instables, et la personnalité et le destin comme des déterminants stables, peut sembler davantage relever d’une catégorisation ethnocentrique que d’une représentation socialement partagée : lorsque des individus tout-venant expliquent un événement en termes de personnalité, ils n’entendent pas nécessairement référer à un facteur stable, et codifier ainsi de telles explications semble pour le moins manquer de prudence. Preuve en est qu’interrogeant une cohorte d’étudiants, Gangloff (1998, p. 42) a observé que :
- 96 % pensent qu’il y a des gens qui, toute leur vie, font des efforts pour mener à bien leur projets (résultat qui signifie donc que les efforts ne relèvent pas de l’instabilité) ;
- 49 % pensent qu’il y a des gens qui ont perpétuellement de la chance (pourcentage qui, quoiqu’inférieur au précédent, n’en permet pour autant pas moins de rejeter le postulat d’un lien entre chance et instabilité) ;
- 96 % pensent que la personnalité de certaines personnes peut varier selon les événements auxquels la vie les confronte et 85 % pensent que le destin de certaines personnes peut évoluer au cours de leur vie (la personnalité et le destin étant donc considérés comme des éléments instables).
3.2.2. L’oblitération du « toutes choses égales par ailleurs »
Mais ce n’est pas la seule critique de validité que l’on peut opposer aux travaux sur la norme d’internalité. Il est en effet communément admis que toute tentative de mise en évidence scientifique d'un phénomène nécessite la mise en variation d'un seul facteur à la fois, avec donc neutralisation des facteurs potentiellement covariants. Ce rappel, qui peut sembler trivial, est néanmoins nécessaire. Il apparaît en effet (Dagot, 2002 ; Delmas, 2009 ; Gangloff, 1997b) que les questionnaires utilisés dans les études censées valider la norme d'internalité ne sont pas exclusivement centrés sur l’internalité mais qu’ils font conjointement varier une seconde dimension, dimension ayant trait à la valence des explications que ces questionnaires mettent en scène.
Ainsi Delmas (2009) reprend, dans plusieurs études successives, certains des questionnaires issus de travaux sur la norme d’internalité. Dans l’une de ses études, il demande à 120 étudiants de répondre au questionnaire pour étudiants élaboré par Dubois et Tarquinio (1997), mais en séparant ces étudiants en deux groupes : dans l’un d’eux, 70 étudiants devaient exprimer leur degré d’accord avec chacun des items du questionnaire. Delmas observe alors une plus grande fréquence d’accords pour les items internes que pour les items externes. Dans le second groupe, les 50 autres étudiants devaient indiquer leur appréciation quant à la valence des items contenus dans le questionnaire. Il est alors constaté que les items internes sont systématiquement et significativement considérés comme chargés de plus de positivité que les items externes. Enfin, effectuant une analyse de régression entre les deux séries de résultats, Delmas constate que seule la valence des items permet de prédire le degré d’accord avec les items, l’orientation interne/externe n’intervenant aucunement. Dans une autre étude, Delmas part des 16 items du questionnaire pour élèves du primaire de Dubois (1994) et il en manipule la valence. Il aboutit ainsi à quatre combinaisons : des items internes à valence positive, des items internes à valence négative, des items externes à valence positive et enfin des items externes à valence négative. Il constitue alors deux groupes d’élèves, l’un d’eux répondant au questionnaire avec une consigne normative, le second étant confrontés à la consigne contre-normative. Delmas observe alors que la seule différence de résultats entre les deux consignes provient non de l’orientation interne vs externe, mais de la valence des alternatives de réponses proposées.
Il apparaît plus précisément que le type d’internalité mis en scène dans ces questionnaires est bien particulier puisque renvoyant quasi exclusivement à un registre atrophié, limité à des caractéristiques de bon aloi, comme les efforts ou la conscience professionnelle (par exemple « j'ai progressé parce que j’ai beaucoup travaillé », et « j’ai eu une mauvaise notation parce que je travaille parfois en dilettante »), avec comme alternatives comparatives des explications externes neutres (« j'ai progressé parce que j’ai bénéficié de circonstances favorables », et « j'ai eu une mauvaise notation parce que durant cette période, la conjoncture était très dure »). Les cibles internes décrites dans ces études font ainsi quasi systématiquement appel à des causes auto-centrées (la force de travail, la conscience professionnelle, …), en excluant notamment toute référence aux conduites des cibles vis-à-vis de la hiérarchie des pouvoirs (par exemple « j'ai progressé parce que j’ai toujours respecté les ordres » et « j'ai eu une mauvaise notation parce que quand j’ai quelque chose à dire, je le dis »). Une telle exclusion dépeint ainsi les cibles internes sous les traits de personnages préservant leur environnement hiérarchique de toute remise en question, de toute contestation potentielle, autrement dit sous les traits de personnages allégeants, personnages que toute organisation ne peut que s’empresser de courtiser. Ecoutons d’ailleurs Grignon (1971) parler des exécutants. Il convient, dit Grignon, « de naturaliser dans l'esprit de ces derniers l'ordre hiérarchique [...], de les amener à considérer que cet ordre [...] constitue le seul ordre possible et le seul concevable » (p. 300 ) ; « il faut [...] qu'ils reconnaissent la légitimité d'un ordre social dont ils seraient enclins à reconnaître l'arbitraire par cela même qu'il leur réserve la plus mauvaise part » (p. 52) ; « ce qu'il faut leur apprendre avant tout, c'est que chaque acte, chaque action, chaque être, doit occuper la place qui lui est assignée dans l'ordre physique et dans l'ordre social » (p. 164). Comme le soulignait déjà Platon (1966, p. 230), de tout temps et en tout lieu « aux uns ils convient par nature [...] de gouverner la cité, aux autres [...] d'obéir aux chefs ».
Or effectuant une recension des publications sur la norme d’internalité et des outils qui y étaient utilisés, Dagot (2002) détecte 160 explications causales (92 externes et 68 internes). Puis il les distribue sur 13 questionnaires pour ensuite demander à 449 étudiants de juger de leur caractère plus ou moins allégeant. Dagot observe alors que dans ¾ des cas, « les scores moyens d’allégeance attribués au items internes sont significativement supérieurs aux scores [d’allégeance] des items externes » (p. 69)[9].
Il ressort de ceci que, du fait de leur composition, les questionnaires d’internalité ne pouvaient que refléter une valorisation des explications internes employées, mais sans qu'il soit possible de savoir si cette valorisation provient de l'internalité ou si elle est issue du caractère positif des items véhiculant cette internalité, c’est-à-dire du respect manifesté par les internes vis-à-vis de l'ordre et des hiérarchies. Si la seconde interprétation est vraie, on serait alors en présence, non pas de questionnaires d’internalité mais de questionnaires d’allégeance, mesurant non l'adhésion à la norme d’internalité mais l'adhésion à une norme d’allégeance que l'on peut définir comme traduisant « la valorisation sociale des explications et comportements préservant l'environnement social de toute remise en question [ … c’est-à-dire comme] la valorisation des explications et comportements assurant la pérennité de cet ordre social, notamment la pérennité de la hiérarchie des pouvoirs inhérents à cet ordre social » (Gangloff, 2002). Cette pérennisation, cette absence de mise en cause de l’environnement seraient ainsi assurées par l’allégeance dont l’interne fait état. Gangloff, Abdellaoui & Personnaz (2007) ont d’ailleurs constaté une corrélation positive entre internalité et allégeance sur des salariés français, de même que Mayoral & Gangloff (2013) sur une population de salariés argentins. Au surplus, Beauvois ne dit pas autre chose lorsqu’il écrit (1984, p.133) que « l’internalité a pour corollaire au moins virtuel le non-questionnement de l’environnement [… préservant ainsi] les situations sociales […] de la perception que l’on pourrait avoir de leur arbitraire »[10].
Pour trancher entre ces deux interprétations afin de tenter de savoir ce que mesurent véritablement les questionnaires dits d’internalité, de nouveaux questionnaires ont été établis, questionnaires prenant le contrepied de ceux utilisés dans les travaux sur la norme d’internalité car opposant maintenant, face aux items externes, des items internes à valence a priori négative : des internes dont l’internalité se concrétise par l’adoption de conduites protestataires vis-à-vis de la structure hiérarchique et de ses normes (expliquant par exemple que « si mon patron me donne un bon salaire, c'est parce que je refuse de me faire exploiter »). Ces questionnaires proposent ainsi des comportements ou des sanctions à expliquer soit de manière externe soit de façon interne, mais avec des explications internes qui ne sont plus systématiquement allégeantes, certaines étant maintenant parfois rebelles. L’emploi de ces nouveaux questionnaires conduit alors à des résultats totalement opposés à ceux obtenus dans le cadre de la norme d’internalité.
3.2.3. La dévalorisation des internes
Il a été rappelé en introduction que les travaux classiques sur l’internalité constatent 1) que les internes bénéficiaient de meilleurs pronostics de réussite professionnelle ou sociale que les externes, et étaient préférentiellement choisis comme candidats à un emploi 2) que les internes étaient conscients de cette valorisation en se déclarant internes pour donner une bonne image d’eux-mêmes et externes dans le cas contraire, 3) que les cadres étaient plus internes que les exécutants, et que, plus globalement, l’internalité était l’apanage des groupes sociaux favorisés, 4) que les institutions de travail social et de formation diffusaient un « enseignement » préconisant l'acquisition et conduisant au développement de mentalités internes. Or si l’on construit de nouveaux questionnaires d’internalité/externalité en modifiant la valence des items internes (i.e. en les rendant quelque peu moins allégeants), on obtient des résultats systématiquement contraires (cf. la revue de Gangloff, 2011).
Ces nouveaux questionnaires mettent ainsi en évidence, en matière de réussite professionnelle, que l'externe fait maintenant l’objet d’un pronostic systématiquement meilleur que l'interne -mais interne rebelle, et qu’un classement identique est réalisé par des recruteurs dans le cadre d’un recrutement pour un emploi. Ainsi, demandant à 95 conseillers travaillant dans des centres de bilan de compétences de réaliser un pronostic d’insertion professionnelle à partir des profils de quatre chômeurs différenciés par leur profil plus ou moins interne et plus ou moins allégeant, Dagot (2000) observe que l’interne (mais interne rebelle) est relégué à la dernière place. Et en 2002, sur une population de 35 recruteurs et 36 chefs d’entreprise, le même auteur obtient des résultats identiques concernant des décisions d’embauche. Bucchioni (2001), demandant à 39 cadres d’entreprise de donner un avis sur des chômeurs, avis portant sur l’aptitude de ces chômeurs à occuper un poste d’agent de maîtrise, sur leur probabilité d’être embauchés, sur leur évolution professionnelle obtient des résultats similaires. Et en situation réelle, dans le cadre d'une vaste campagne de recrutement de personnel ouvrier d'une industrie automobile ayant conduit à l'examen de 1018 candidats, Legrain et Dagot (2005), constatent eux aussi une relégation des internes rebelles au profit des allégeants. Soit autant de résultats en totale opposition avec ceux obtenus dans les études sur la norme d'internalité. Il en est de même dans une étude de Gangloff (1995) menée auprès de cadres devant hiérarchiser quatre profils de candidats à un emploi par ordre de valorisation (l'un n'ayant choisi que des réponses externes : un deuxième uniquement des réponses internes ; et les deux autres mixtes, le premier avait répondu de manière interne aux items positifs et de manière externe aux items négatifs, le second ayant opté pour des réponses inverses). Les classements sont on ne peut plus nets : c'est l'externe qui fait l'objet du meilleur pronostic de réussite professionnelle et l'interne rebelle qui est relégué à la dernière place, les répondants mixtes étant placés en position intermédiaire. Similairement, Auzoult (2004) a interrogé 120 commerçants et artisans accueillant régulièrement des apprentis et il les a questionnés sur leurs critères de sélection. Il fut alors observé que la volonté de signer un contrat pour former un apprenti était significativement plus élevée pour un élève allégeant que pour un élève rebelle, et que les chances d’insertion des collégiens comme apprentis étaient plus importantes pour les allégeants que pour les rebelles. Soit des résultats concordant avec ce que notait déjà Grignon en 1971 (p. 164), « le bon apprenti est d’abord celui qui respecte l’ordre et les hiérarchies, qui sait obéir sans regimber, et qui se conduit en toute occasion comme quelqu’un de raisonnable, c’est-à-dire en dernière analyse comme quelqu’un d’inoffensif », ayant acquis « le bon esprit, c’est-à-dire l’esprit de déférence et de soumission ». Demandant à 1367 apprentis de définir ce qui caractérise et spécifie « un bon apprenti », Deschamps et Clémence (1987, p. 170 à 177) constatent également que c’est effectivement « l’état de dépendance », de soumission, qui est d’abord évoqué.
En matière de clairvoyance normative Gangloff (1997a) observe, comme dans les études classiques, une différence significative de réponses selon que la consigne est contre-normative ou normative, mais cette différence va maintenant dans le sens inverse de celle observée dans les études classiques : c’est maintenant en situation contre-normative que les sujets sont internes (mais internes rebelles), et en situation normative qu’ils sont externes.
Sur le plan de la distribution de l'internalité selon le statut et l'insertion sociale, on constate maintenant (Gangloff, 1997a), d’une part que cadres et ouvriers ne se différencient pas, et qu’ils sont, les uns comme les autres, plus externes qu’internes, d’autre part que ce sont les personnes en situation de marginalisation sociale, les moins bien insérées socialement, qui sont les plus internes.
Concernant la diffusion institutionnelle de la norme d’internalité (par les institutions d’enseignement ou de formation notamment), on constate aussi que c’est davantage l’intériorisation de l’allégeance plutôt que l’intériorisation de l’internalité qui est promue, et cela, très précocement, à l’école, dès l’enfance. Lecigne (2008) a ainsi proposé à 110 enseignants de CM2 de donner leur avis sur un élève en difficulté. Quatre dossiers ont été construits, avec une partie commune, très scolaire, établie par l'enseignant ayant, l'année précédente, eu cet élève dans sa classe, puis quatre types d'explications censées avoir été fournies par cet élève et révélant qu'il était : soit interne allégeant, soit interne non allégeant, soit externe allégeant, soit enfin externe non allégeant. Chacun des 110 enseignants, à qui l'on remettait l'un de ces quatre dossiers, devait alors indiquer l’image qu’il avait de l’élève. Il fut alors observé une absence d’effet de la variable internalité, mais que par contre la variable allégeance conduisait à une stigmatisation de l’élève non allégeant (que cet élève soit interne ou externe), cette stigmatisation distillant une identité d’exclu pouvant facilement ultérieurement être intériorisée par l’élève rebelle. Un tel résultat n’est d’ailleurs pas surprenant. L’objectif de notre enseignement, dit par exemple Peyrefitte (1976, p. 714), est d'abord « d'inculquer plus avant les principes de la hiérarchie et de l'autorité ». Notre enseignement n'a pas pour objectif de « former des citoyens et des hommes libres » (Le Goff, 1992, p. 186), mais au contraire d'apprendre à l'enfant « à se tenir passif et à accepter les directives d'un maître » (Landier, 1991, p149). De même, Bourdieu et Passeron (1970, p. 249-250) mettent en exergue « la fonction de légitimation et de conservation de l'ordre établi dont s'acquitte l'Ecole lorsqu'elle persuade de la légitimité de leur exclusion les classes qu'elle exclut, en les empêchant d'apercevoir et de contester les principes au nom desquels elle les exclut […]. Pour que le destin social soit changé [...] en mérite de la personne […] il faut et il suffit que l'Ecole [...] réussisse à convaincre les individus qu'ils ont eux-mêmes choisi ou conquis les destinées que la destinée sociale leur avait par avance assignées ». Et ces auteurs d’expliquer (p. 56) : « Le travail pédagogique a toujours une fonction de maintien de l'ordre, c'est-à-dire de reproduction de la structure des rapports de force entre les groupes ou les classes, en tant qu'il tend, soit par l'inculcation soit par l'exclusion, à imposer aux membres des groupes ou des classes dominés la reconnaissance de la légitimité de la culture dominante et à leur faire intérioriser [...] des disciplines et des censures qui ne servent jamais aussi bien les intérêts [...] des groupes ou des classes dominants que lorsqu'elles prennent la forme de l'auto-discipline et de l'autocensure ». Il s'agit ainsi de « convaincre chaque sujet social de rester à la place qui lui incombe par nature, de s'y tenir et d'y tenir » (Bourdieu & Passeron, 1970, p. 252-253).
3.2.4. Conclusion
Si l'on associe ces facétieux résultats à ceux avancés par les promoteurs de la norme d'internalité, on aboutit donc à de totales incohérences. Or dans les deux cas on compare bien des réponses internes à des réponses externes. La variable interne/externe étant ainsi maintenue constante, les différences quant aux résultats observés ne peuvent donc pas provenir de cette variable, mais seulement de la variation du contenu des items internes, avec des items allégeants (tels ceux produits dans les questionnaires classiques d'internalité) versus des items contestataires de l'environnement hiérarchique (questionnaires d'internalité rebelle) : ainsi, ce ne peut être que l’allégeance/non allégeance à cet environnement qui fait l'objet d’une valorisation/non valorisation, et non l'internalité. C’est du fait de leur allégeance à l’ordre des choses que les internes sont habituellement valorisés : leur classique valorisation tient au fait que, se limitant à un système explicatif fermé à toute interaction stigmatisant l'environnement et puisant ainsi toute explication exclusivement en eux-mêmes, ils prémunissent les situations sociales contre la perception qu'elles ne constituent qu'un possible parmi d'autres. Beauvois (1984) aboutit d’ailleurs à la même conclusion lorsque, dans l’examen des causes de la valorisation de l’internalité, il évoque la préservation de l’environnement social : « A ne voir les causes des conduites que dans les personnes, donc la variabilité qu'à travers les personnes, le psychologue quotidien peut s’interdire toute appréhension de l'environnement des conduites en termes de variables, donc en termes d'états possibles ». (p. 132) ; « il peut en découler une illusion de naturalité de l'environnement social » (p. 134) ; « l'internalité a donc pour corollaire au moins virtuel le non questionnement de l'environnement [préservant ainsi les situations sociales] de la perception que l'on pourrait avoir de leur arbitraire, en tout cas du fait qu'elles ne sont que des états possibles, parmi d'autres possibles non réalisés par l'environnement social » (p. 133). Or l'objectif habituel de toute société, ou groupe dominant, c'est avant tout le maintien du statu quo. D’où le fait que les internes ne soient plus valorisés, malgré leur internalité, lorsqu’ils deviennent rebelles. Le simple fait de s'emparer de prérogatives que se réservent habituellement les individus de statut hiérarchique supérieur les place déjà en position de contestataires de l'ordre social, bousculant la hiérarchie des pouvoirs[11].
L’abandon du concept de norme d’internalité et de toute analyse en termes d’internalité comme critère différenciateur permettent ainsi de transcender la contradiction des résultats obtenus entre l'internalité classique et l'internalité rebelle. Car si l’on accepte de ne plus collaborer au fétichisme suscité par la norme d’internalité et que l’on se situe sur le plan intégrateur de l’allégeance en évoquant une norme d’allégeance, norme basée sur l’un des socles de l’internalité (i.e. sur un critère de préservation, et donc de pérennisation de l'ordre établi), alors le système devient cohérent, avec d’une part les individus allégeants, modelés sous le sceau de l’aliénation librement consentie (c’est-à-dire les internes classiques, allégeants), et à l’autre extrémité les rebelles (c’est-à-dire les internes rebelles).
Conclusion générale
Dans l’une de ses revues de littérature, Dubois indiquait (1991, p. 13 et 14) que les explications internes « sont plus fréquemment sélectionnées dans les groupes sociaux favorisés et sont socialement désirables (c’est-à-dire plus valorisées) que les explications externes [...], désirabilité [...] se traduisant à la fois par la sélection que font les gens des explications internes pour se mettre en valeur et par l’émission de jugements nettement plus favorables à l’égard des individus privilégiant les explications causales internes des événements ». Et cet auteur d’ajouter que de telles données expérimentales, qui se sont multipliées depuis 1984, « permettent de tenir pour acquise l’existence de cette norme ».
Pour autant, les résultats présentés ici (voir aussi Aparicio de Santander, 2005, 2007 ; Dagot, 2004 ; Dagot & Castra, 2002 ; Gilles, Scheidegger & Toma, 2011, sur une population suisse ; Jugel, Lecigne & Saada, 2010) obligent à récuser toute validité, si ce n’est au concept de norme d'internalité, du moins aux travaux menés pour attester cette validité. L’absence de respect du « toutes choses égales par ailleurs » fait en effet s’écrouler, comme le note Delmas (2009, p. 67), « la plus grande partie de l’étayage empirique de la norme d’internalité », remettant ainsi en cause (p. 70) « des conclusions de vingt ans de recherches empiriques utilisant des questionnaires d’internalité ». Nous pourrions d’ailleurs ajouter aux démonstrations présentées ci-dessus que la co-variation des items internes avec une seconde dimension, caractérisée par l’orientation positive de ces items internes, est explicitement attestée par les initiateurs mêmes de la norme d’internalité : Jellison et Green indiquent en effet (1981, p. 647) qu’ils auraient obtenu des taux d'internalité accrus si les items internes qu’ils avaient utilisés avaient été davantage positifs !
Pourquoi alors se cramponner à l’idée d’une norme d’internalité ? Notamment si l’on songe que nombreux sont les travaux rappelés ici qui prennent appui sur quelques–unes des utilités avancées dans le cadre de la norme d’internalité, voire confortent ces utilités ? Tel est par exemple le cas des études sur le LOD : considérer, comme le postule la norme d’internalité, une responsabilité systématique de l’acteur sur ses comportements et le rendre ainsi responsable de ses comportements distributifs de sanctions prive les tenants de la norme d’internalité d’un certain nombre d’arguments à l’appui de l’une (voire de la principale) des raisons d’être de la norme dont ils défendent l’existence : la préservation de l’environnement.
Les chercheurs travaillant sur la norme d’internalité estiment que son utilité principale est de permettre la sanctionnabilité des individus : considérant que l’on ne peut sanctionner quelqu’un que si ce dernier est (par ses traits, ses aptitudes, ses intentions) déclaré responsable de ses conduites, on construirait cette responsabilité en postulant l’évalué à l’origine de ses conduites : « Le rôle de l’environnement dans le déterminisme des conduites [étant ainsi] évacué du procès évaluatif, [celui-ci peut remplir son rôle et] déboucher sur la sanction de l’individu » (Beauvois, 1976, p. 14). Et Beauvois poursuit (1982, p. 527 et 528) : « [Poser que] l’objectif du sujet n’est pas d’expliquer mais de juger de la responsabilité [...] suffit amplement pour agir : recrutement ou licenciement de la personne [...]responsabilisée ». Comme l’indiquent également Beauvois et Le Poultier (1986, p. 102), la norme d’internalité serait fondée sur les « garanties cognitivo-idéologiques qu’elle fournit un aspect essentiel de l’exercice du pouvoir : l’évaluation des personnes et la distribution des renforcements sociaux ». Mais ne s’agit-il pas en fait, comme le montrent les travaux sur le LOD, de permettre aux agents sociaux de réaliser cette évaluation et ces distributions de renforcements sans être contestés, c’est-à-dire sans que soit mise en cause la légitimité de leurs décisions et de leur statut d’agents sociaux distributifs de sanctions ? Si l’on renverse la formulation causale de la norme d’internalité en prenant comme objectif dominant la forclusion du rôle de l’environnement, c’est-à-dire si l’on considère que la déresponsabilisation de l’environnement n’est pas que l’instrument idéologique ayant pour fin de rendre l’individu légitimement responsable et donc sanctionnable (cette déresponsabilisation environnementale étant au surplus non indispensable à cette légitimation[12]) et que la déresponsabilisation de l’environnement constitue l’objectif premier (la responsabilisation de l’individu n’en étant que la conséquence accessoire), alors bien des travaux sur l’internalité s’intégreraient dans ceux que nous avons précédemment exposés[13]. Souvenons-nous d’ailleurs de Platon (1966) qui définissait le mauvais citoyen comme celui qui, « au lieu de s’accuser de ses maux, s’en prenait à la fortune, aux démons, à tout plutôt qu’à lui-même » (p.384). Platon qui, il y a plus de 2000 ans, considérant que la population de la cité idéale devait être maintenue quantitativement constante, envisageait une régulation des mariages et des naissances organisées par des magistrats ; mais afin d'éviter une éventuelle révolte des exclus, Platon précisait (éd. 1966, p. 124) : « Nous organiserons [...] quelque ingénieux tirage au sort afin que les sujets [...] qui se trouvent écartés accusent, à chaque union, la fortune et non les magistrats ».
Entre aussi dans ce cadre la valorisation de l’externalité observée en milieu confessionnel. La valorisation des réponses externes faisant référence à Dieu est en effet elle aussi totalement interprétable en termes d’allégeance, une allégeance sur laquelle le pouvoir temporel s’est souvent appuyé pour conforter sa puissance. Comme le note Alain (1956) : « Toute religion enferme une prodigieuse sagesse pratique : par exemple, contre les mouvements de révolte d'un malheureux [...], le mettre à genoux et la tête dans les mains » (p. 173) ; d’où le fait qu’en conduisant les opprimés « à adorer l'ordre tel qu'il est par supposition d'un esprit créateur de l'ordre [...], le droit divin justifie la force établie » (p. 865). Souvenons-nous alors que le mot « Islam » est un terme arabe signifiant « soumission à Dieu ». Ainsi le premier devoir de tout musulman est-il de s'en remettre aveuglément à la volonté d'Allah. Comme le souligne Raskolnikov, ce terrifiant meurtrier mis en scène par Dostoïevski (éd. 1950, p. 435), ce que dit d'abord le Prophète, c'est « Allah l'ordonne ! [...] . Soumets-toi donc, misérable et tremblante créature, et garde-toi de vouloir. Ce n'est point ton affaire ». Quant au versant biblique, nul ne peut contester que chaque membre de la famille Jésus-Marie-Joseph représente un parfait modèle d'allégeance. Peyrefitte (1976, p. 755) rappelle également que « le péché n'est rien d'autre que la désobéissance aux commandements de l'Eglise et de Dieu. Si voler est un péché, c'est moins parce qu'autrui est lésé que parce que la loi divine l'interdit ».
Du fait de son systématisme, l’erreur d’attribution a été considérée comme non innocente, c’est-à-dire comme ne relevant pas du domaine de l’erreur mais de celui des biais, pour conduire, in fine, à l’hypothèse d’une norme d’internalité. Il nous semble qu’en se targuant du même systématisme, la norme d’internalité doit également être considérée comme non innocente mais plutôt tributaire d’un biais pour, in fine, être abandonnée au profit du concept de norme d’allégeance à un ordre des choses considéré comme naturel. En posant en effet le débat sur le terrain de la responsabilité individuelle devenue objectif ultime en lieu et place de celui de l’occultation du « rôle de l’environnement dans le déterminisme des conduites » (Beauvois, 1976, p. 14), la norme d’internalité conforte la forclusion de l’examen de ce rôle, s’inscrivant ainsi directement dans la pérennisation de l’idéologie libérale contre laquelle elle prétend se dresser. Or mettant en évidence les biais à la base de cette forclusion, les travaux présentés ici nous arrachent à ces confortables quiétudes qui ne trouvent de légitimité que dans le fait d’avoir inscrit un travail dans l’orthodoxie d’un dogme ; et par là même ils nous imposent de renoncer au dogme de la norme d’internalité dans lequel elles plongeaient leurs racines. Car cette orthodoxie ne parvient elle-même à assurer sa légitimité qu'en préservant sa validité de toute mise à l'épreuve.
Hérétiques, les livres impies, anciennement, devenaient la proie des flammes. Mais il ne s’agissait alors que d’établir, à l’aune de la foi, « une » vérité ; vérité légitimée par sa seule utilité de garantir la survie de ses énonciateurs (cf. Deconchy, 1971). Rappelons alors un autre domaine d’orthodoxie : l’orthodoxie scientifique, orientée vers une autre vérité, qui impose aux chercheurs d’examiner, sans censure, l’état des lieux, puis d’en faire état. Or les travaux présentés ici, publiés régulièrement depuis plus de 20 ans, ont été, dans leur quasi-totalité, eux aussi soigneusement occultés[14]. Lorsque tout argument fait défaut, il n’est pas de meilleur moyen de se préserver des thèses concurrentes que de les ignorer ; ou plus exactement de feindre de les ignorer. Car il ne s’agit pas tant d’une ignorance de leur existence : pour bien exclure, il importe de commencer par circonscrire ce qui représente un danger, ce qu’il importe d’exclure. Une telle démarche conduit ainsi un certain microcosme académique à commettre une nouvelle « erreur » fondamentale : s’affranchir de l’orthodoxie scientifique. L’enjeu est alors celui du pneumatisme accordé à la déontologie.
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[1] Soulignons une alternative au paradigme des juges : le paradigme du législateur (Gangloff, 2008), qui consiste à présenter à des évaluateurs un questionnaire d'internalité/externalité non rempli, et ce sont les évaluateurs qui cochent les réponses qu’ils considèrent comme normatives. Tout en étant terminologiquement plus adaptée (c’est le législateur, et non le juge, qui définit la norme), cette alternative fournit les réponses normatives item par item.
[2] Une alternative à ce paradigme, apportant des résultats similaires, est le paradigme du moi idéal (Gangloff, 2012) : au lieu de donner une bonne versus une mauvaise image d’eux-mêmes, les participants répondent de manière honnête vs en indiquant les conduites qu'idéalement ils aimeraient adopter. Et là encore, on mesure les éventuelles différences de réponses.
[3] Pour autant, dans cette étude, ce n’est qu’avec le LOC (et non en matière d’attribution) que sont observées des réponses internes plus fréquentes en consigne normative qu’en consigne contre-normative.
[4] Notons cependant que dans l’étude de Pansu (1994, étude 2), si les cadres se révèlent plus internes que les employés en situation normative, par contre aucune différence n’apparaît entre cadres et employés avec la consigne contre-normative.
[5] cf. par exemple, en témoignage de l'acceptation quasi-consensuelle de ce modèle en 5 facteurs : Caprara et al. (1997, p. 13), Rolland (1994, p65), ou encore (cités par Pervin, 1994, p. 103) Digman (1990, p. 436), Widiger (1993, p. 82), etc.
[6] La distinctivité concerne la variation des réactions de l'acteur à des stimuli équivalents, la consistance renvoie d'une part à la consistance dans le temps et d'autre part à la consistance dans l’espace malgré la variation du contexte dans lequel l'acteur est en contact avec le stimulus, et le consensus réfère à l'identité des conduites réactives de différents acteurs. Pour reprendre l'un des exemples fournis par Mc Arthur, si l'on veut connaître les causes du rire du spectateur face au clown, il convient de se demander a) si le spectateur rit aux pitreries de tout clown ou seulement à celles de l'actuel (distinctivité), b) si son rire est ou non systématique face à ce clown (consistance), et c) si tout spectateur rit en présence de ce clown (consensus).
[7] Et l’on retrouve une exclusion similaire lorsque des supérieurs hiérarchiques distribuent des sanctions injustes (Rezrazi, Mayoral & Gangloff, 2020).
[8] Et des résultats similaires ont été retrouvés dans des études menées en Argentine dans le cadre de formations et en milieu organisationnel (cf. Mayoral, Gangloff & Romero, 2009, 2011).
[9] Et même le fait qu'un supérieur hiérarchique, du fait de sa personnalité ou intentionnellement, c'est-à-dire pour une raison interne, « pique une colère » contre ses subordonnés (ainsi dans Beauvois & Le Poultier, 1986, p. 107), peut encore constituer un comportement positif entrant dans la norme de ce que l'entreprise attend de son encadrement : une conduite comme la colère, considérée négativement dans la sphère quotidienne, peut très bien se révéler positive en milieu professionnel. Comme le rappelle Adorno (1983, p. 170), les acteurs manifestant de telles formes d’irascibilité sont sans doute ceux qui remplissent au plus haut point leur rôle institutionnellement assigné puisque, non seulement allégeants, ils facilitent aussi, et de façon inégalable, tels des fusibles, la confortable occultation de toute responsabilité environnementale.
[10] Ajoutons cependant, eu égard à cette préservation, que les expressions de « norme d'internalité », de « valorisation des explications internes » ne sont nécessairement les mieux adaptées. Les études sur la « norme d'internalité » aboutissent en effet tout autant à l'observation d'une valorisation de l'internalité qu'au constat d'une dévalorisation de l'externalité ; n’évoquer que la première alternative ne semble donc ni justifié ni, sur le plan interprétatif, refléter au mieux la préservation de l’environnement social dont on pense rendre compte : cette préservation serait plus directement, et donc plus justement rapportée, en évoquant la dévalorisation de l’externalité (ou du moins de certaines de ses formes, lorsqu’elles prennent l’environnement social pour cible).
[11] Ainsi que le signale Mugny (1978, p. 127), la minorité innovatrice véhicule en fait une double déviance : non seulement « elle propose une nouvelle norme en contradiction avec la norme majoritaire, mais aussi elle rompt l'usage selon lequel c'est le groupe, la majorité ou l'autorité qui définit les normes ».
[12] Les juristes n’ignorent pas que la déresponsabilissation de l’environnement n’est pas une condition nécessaire à cette légimitation, cette dernière pouvant être admise sans aucun questionnement d’un éventuel rôle environnemental ni même de responsabilité de l’acteur : les sanctions les plus fréquentes prononcées en matière civile le sont sur la base de la solvabilité (par exemple sur le fondement de l’article le plus utilisé du code civil français : l’article 1384), c’est-à-dire en l’absence de toute responsabilité de fait. De même, certains travaux menés dans le cadre de la justice organisationnelle mettent en évidence que des salariés peuvent très bien être financièrement récompensés pour leurs bons résultats sans être aucunement responsables de ces derniers (Ganglof, Mayoral & Vonthron, 2016).
[13] Ils s’intégreraient plus globalement aux travaux qui, conduits sur la norme d’allégeance, montrent une valorisation hiérarchique des conduites allégeantes et une clairvoyance des subordonnés quant à cette valorisation (Mayoral, Gangloff & Rezrazi, 2017) ou qui, dans le cadre de recherches menées en Argentine et en Italie sur la justice organisationnelle, mettent écologiquement en évidence les préjudices dont sont victimes les non allégeants, y compris lorsque leur conduite traduit un refus d’obtempérer à un ordre discriminatoire (Gangloff, Marra & Rezrazi, 2015 ; Gangloff, Mayoral & Personnaz, 2015 ; Gangloff, Mayoral & Rezrazi, 2016).
[14] Mentionnons cependant que l’article de Delmas (publié en 2009 dans le numéro 22-1 de la RIPS) a obtenu une réponse, par la voix de Beauvois et Dubois (2009, dans le numéro suivant de la même revue ; avec donc une surprenante rapidité si l’on songe aux délais habituels entre l’envoi d’un projet d’article, son expertise et sa publication). Et réponse dont le contenu ne fait qu’accréditer l’existence des biais évoqués par Delmas (voir, deux ans plus tard, Delmas, 2011).