Alain Deneault est professeur de philosophie sur le campus de Shippagan à l’université de Moncton au Canada – Nouveau-Brunswick. Il consacre sa thèse de doctorat à La Définition de l’économie au vu des quatre concepts fondamentaux de la Philosophie de l’argent de Georg Simmel (Université de Paris 8). Il devient un spécialiste des corruptions des grandes entreprises dans le monde, d’où la grande polémique autour de son livre Noir Canada: Pillage, corruption et criminalité en Afrique, Éditions Écosociété, 2008. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont : « Gouvernance ». le management totalitaire, Montréal/Paris, Lux Éditeur, 2013; La Médiocratie, Lux Éditeur, 2015 ; Politiques de l'extrême centre, Lux Éditeur, 2016 et très récemment L’Économie psychique, Lux Éditeur, 2021, dans le cadre d’une série d’opuscules sur la notion d’économie mené avec le Collège international de philosophie de Paris, dont il est un des directeurs de programme.
Lorsqu’il développe son concept d’économie en 1900, Sigmund Freud situe sa pratique au croisement de la biologie et de la psychiatrie[1], là où le terme économie organise déjà les réflexions.
Depuis le xviiie siècle déjà, la notion d’« économie animale » en biologie porte notamment du principe d’animation du corps. Sous cette appellation, l’Anglais William Cullen révèle par exemple l’importance du système nerveux en tant que principe actif, tout en définissant le premier un phénomène appelé la « névrose », soit une altération du système nerveux[2]. Les Français Théophile de Bordeu et Paul-Joseph Barthez fondent pour leur part la théorie du vitalisme. Le « principe vital » qu’ils défendent prête à chaque organe une sorte de pouvoir discrétionnaire, une vie se réalisant dans le tumulte des interactions. « Disons qu'une économie signifie : un ordre entre des instances et des échanges entre parties. Ces échanges, ici, sont assurés par la sensibilité de chacune des parties : selon le modèle des Recherches anatomiques sur les glandes de Bordeu, chaque fibre vivante a sa propre manière d'être sensible à des substances déterminées, et par cette espèce de discrimination crée une circulation des fluides à travers le corps », résume aujourd’hui le philosophe de la biologie, Philippe Huneman[3].
Parallèlement à cet usage du terme économie et à tant d’autres dans des disciplines comme la théologie, l’esthétique ou les sciences de la nature, les sciences de l’intendance achèvent d’accaparer le champ sémantique de l’économie, au point de faire valoir une définition hégémonique de ce terme. On devra désormais entendre par économie ainsi que son vacabulaire afférent – commerce, investissement, dépense… – le fait de production marchande et de consommation en lien avec le travail, les logiques de marché et la thésaurisation.
Pour parler d’économie, Freud s’en réfère donc à ces deux domaines. Il campe implicitement sur deux siècles de recherches effectuées en biologie, de George Cheyne à Richard Avenarius, et truffe ses textes de références métaphoriques à l’économie marchande. Ce faisant, il revendique toutefois l’élaboration d’un lexique conceptuel proprement psychanalytique, au sens où celui-ci trouve seulement son amorce dans une série d’emprunts. « Nous avons souvent entendu formuler l’exigence suivante : une science doit être construite sur des concepts fondamentaux clairs et nettement définis. En réalité, aucune science, même la plus exacte, ne commence par de telles définitions. Le véritable commencement de l’activité scientifique consiste plutôt dans la description de phénomènes qui sont ensuite rassemblés, ordonnés et insérés dans des relations. Dans la description, déjà, on ne peut éviter d’appliquer au matériel certaines idées abstraites que l’on puise ici ou là et certainement pas dans la seule expérience actuelle[4]. »
On reconnaît donc les notions d’économie, de circulation, dépense, investissement… dans les toutes premières études freudiennes, notamment le chapitre vii de L’Interprétation des rêves de 1900[5] ainsi que dans quelques pages du Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient de 1905[6]. C’est plus tard en 1915 que le recueil intitulé Métapsychologie assoira une définitions conceptuelle de l’« économie » en psychanalyse.
Partant de ces usages fort répandus, Freud recourt de surcroît à des métaphores pécuniaires et marchandes pour traiter d’économie psychique. Le chapitre vii de L’interprétation des rêves compare directement la force pulsionnelle (Triebskraft) au capital. « Il est très possible qu’une pensée diurne joue le rôle d’entrepreneur (Unternehmer) de rêve ; mais l’entrepreneur qui, comme on dit, a l’idée et veut la réaliser, ne peut rien faire sans capital ; il lui faut recourir à un capitaliste (Kapitalist) qui subvienne aux frais ; et ce capitaliste qui engage la mise de fonds (Aufwand) psychologique nécessaire pour le lancement du rêve est toujours, absolument, quelle que soit la pensée diurne, un désir venant de l’inconscient[7]. » La chaîne de référents au domaine de l’intendance sera lancée.
La prémisse de l’enjeu économique : l’appareil psychique cherche à maintenir au plus bas son excitation organique. Mais un code moral à respecter, des impossibilités anthropologiques à admettre, des tabous qui se profilent, des interdits qui s’imposent sont à la source de désagréments dont il faut tenir compte pour se structurer[8]. Freud affine alors considérablement le principe d’économie d’énergie. Pour lui, les sensations désagréables ne sont pas seulement des signaux qui parviennent à la conscience pour l’amener à effectuer des opérations mentales fécondes, mais elles deviennent précisément ce que la conscience veut s’épargner. Il en coûte à la conscience de se faire rappeler les principes économiques par la voie de tels désagréments.
D’abord, de manière provisoire et strictement conventionnelle, imaginer l’appareil psychique comme une vaste source dissimulée en soi et produisant du désir à l’aveugle. Les pulsions dont il s’agit représentent un enjeu quantitatif au sens d’une charge, d’une intensité, d’une pression. L’économie psychique porte d’abord sur ces questions quantitatives. Elles restent difficilement évaluables. Pour en traiter, Freud use de sèmes économiques : il fait état de « montants » (Betrag) caractérisant les charges pulsionnelles et déterminant leur destin. Ces montants caractérisent la force des pulsions désirantes telles qu’elles sont élaborées sur un plan inconscient. On reconnaît là les charges du désir dans ce que le système a de « dynamique ». Le principe reste simple : une pulsion chargée d’un grand montant d’affect aura la puissance nécessaire de se manifester, d’insister. Les pulsions sont donc à concevoir comme des poussées (Dränge) quantifiables. Le processus d’investissement concerne des rapports au corps lui-même. Les dérives pathologiques s’avèrent lorsque l’énergie pulsionnelle s’impose à l’organisme avec trop d’ampleur. Ou trop peu, d’où l’angoisse, par exemple. Un maintien trop bas lui est préjudiciable, car le maintien en vie de l’organisme dépend tout de même de ces formes d’investissement[9].
Ensuite, les pulsions exercent une pression continue sur la conscience. Leur irruption au seuil de celle-ci a cours dans un processus de négociation, car nos univers anthropologiques et moraux n’admettent pas toute pulsion et récusent souvent leur satisfaction. Il faut alors au sujet apprendre à réprimer ces pulsions, à les « refouler ». Plus l’une d’elles se présente à l’instance consciente de la psyché comme étant chargée, plus elle posera de résistance à la psyché qui doit la contenir. Les pulsions maintiennent alors les sujets sous tension. Ainsi, elles compliquent le travail du refoulement ; une pulsion indésirable en est une qui se laisse difficilement éliminer, elle insiste, persévère, revient, éreinte. Le refoulement ne consiste pas en une mise à l’écart unilatérale et définitive d’assauts pulsionnels qui ne peuvent trouver satisfaction, mais un pôle permanent de résistance, de contre-investissements et de réinvestissements. Il faut du coup trouver à financer ce travail de résistance.
Enfin, les pulsions évoluent sous la forme d’une représentation, et ne sont donc pas à concevoir strictement comme des forces ou des énergies. Elles sont pétries d’images, de signes, de sèmes, de symboles. Elles émergent comme des « représentations » : une personne aimée, un titre de gloire, un symbole marchand, une friandise… Si les pulsions sont générées à même le système inconscient, lorsque la conscience les intercepte toutefois au moment d’un rêve, d’un lapsus ou d’un acte manqué, elles ne se laissent pas percevoir en elles-mêmes, mais saillissent plutôt sous une forme qui les représentent. Un mot qui surgit à l’esprit, une image qui obsède, un geste qui se déclenche, un symbole qui opère son ascendant sur soi, représentent la face visible de la pulsion.
Donc, la pulsion dotée d’un quantum de puissance, puis chargée d’images et de sèmes agit en continu, se signale de façon formelle, et ce, en vue de se dépenser pour maintenir bas le degré d’excitation de l’appareil psychique.
Intervient alors la question de l’« investissement ». C’est le processus auquel une pulsion est destinée. Une charge pulsionnelle élevée se montre apte à investir des formes et des représentations symboliques, des faits de langage, les corps ainsi que les objets extérieurs. Il faut se trouver vivifié par des charges pulsionnelles profondes pour commettre des gestes aussi radicaux que manger, copuler, s’approprier un objet, engager sa personne dans un acte langagier ou symbolique. Investir un objet, c’est se l’approprier de manière matérielle ou symbolique, c’est cerner quelqu’un ou quelque chose de manière proprement psychique, en résonnance avec la conquête ou la possession.
Investir implique donc une certaine violence, et sa dimension économique n’est pas étrangère à ses dimensions militaires. En allemand, Besetzung signifie investir selon l’acception militaire d’un siège. Dans leur Vocabulaire de psychanalyse, Jean Laplanche et Jean-Baptiste Pontalis observent que « les termes allemands et français ne se recouvrent donc pas exactement et le terme français paraît plus poussé spontanément à comparer “l’économie” envisagée par Freud à celle dont traite la science économique[10] ». Ultérieurement, Jean Laplanche, en compagnie cette fois de Denise Berger, justifiera à nouveau le maintien d’« investissement » pour traduire Besetzung : « le texte incite, en divers passages, à poursuivre la métaphore économique[11] ».
L’« investissement » rappelle aussi que ce qu’on investit, ce qu’on cerne et ce qu’on vise nous échappe aussi toujours par quelque façon. Un bien investi en ce sens ne sera jamais sien tout à fait et ne saurait jamais se réduire au statut de possession. Il affiche toujours ce caractère étranger à soi. D’où que principes de désir et de réalité se recoupent : on désire des objets séparés de soi et étrangers à soi, qui, participant du réel, tendent à nous échapper toujours. L’objet n’est pas en soi le but de l’investissement, mais le moyen contingent par lequel on arrive à ses fins, économiques : maintenir au plus bas le degré d’excitation de l’appareil psychique. Dans son économie, le processus psychique consiste donc moins à atteindre tel ou tel objet qu’à se décharger, par lui, de l’irritation et du poids que représente une pulsion contenue, refoulée, non investie. Quel qu’il soit, l’objet « peut être remplacé à volonté tout au long des destins que connaît la pulsion », ou il peut servir « simultanément à la satisfaction de plusieurs pulsions[12] ». L’objet investi n’est pas la cause de l’économie, mais son moyen.
L’économie psychique consiste donc en ceci : les pulsions représentent un principe vital pour un sujet. Elles l’animent. Elles surgissent chargées de toute une imagerie signifiante avec un quantum d’énergie. Elles demandent à se dépenser dans le réel, en investissant des objets (approcher quelqu’un, posséder quelque chose) ou des formes symboliques (dire quelque chose, évoquer une référence culturelle). Au vu de la morale en vigueur ou de contraintes anthropologiques, il se peut que cette dépense se révèle impossible. Alors, au terme d’une négociation que l’appareil psychique mène avec lui-même, la pulsion est contenue, tenue en respect, et ce, jusqu’à ce que l’appareil psychique trouve une astuce pour rendre possible une dépense partielle de la charge pulsionnelle.
Subissant la pression du refoulement, pression qui veille à ce que les désirs inavouables n’effleurent pas la conscience, les pulsions interdites d’accès, dont on sait qu’elles ne restent pas pour autant inertes ou statiques, évoluent, changent, prolifèrent et se déguisent comme comédiens en coulisses. Pour revenir à la charge en espérant déjouer la vigilance de la conscience. L’activité psychique a cours dans ce climat de négociation.
S’ouvre alors une aire de négociation entre les instances du sujet psychique : le Système inconscient qui produit les pulsions et le Système conscient qui compose avec le réel. L’enjeu reste de maintenir relativement bas le degré d’investissement pulsionnel du métabolisme. Une question s’impose alors : sous quelle forme, selon quel compromis, de quelle manière transfigurée la représentation pulsionnelle peut-elle apparaître à la conscience pour se conformer aux règles du monde ?
La dynamique à l’œuvre rend très difficile le suivi du mouvement de la pulsion. Sans cesse en formation, c’est par ruse que les pulsions chargées d’affect font pression sur la conscience. Refoulées, elles sont appelées à revenir déguisées ou suppléées. Elles se travestissent ou forment des alliances avec d’autres représentations qui ont, elles, leurs entrées. « Quand ces rejetons se sont suffisamment éloignés du représentant refoulé, soit parce qu’ils se sont laissés déformer (Annahme von Entstellungen), soit parce que se sont intercalés plusieurs intermédiaires (die Anzahl der eingeschobenen Mittelglieder), alors, sans plus d’obstacles, ils peuvent librement accéder au conscient[13]. » Dans la stricte théorie, la représentation (Vorstellung) subit un arrêt sur image. Mais les pulsions n’existent pas comme telles. Elles sont l’effet de permanentes « défigurations » (Entstellungen). Cela tient d’un processus dit secondaire, qui consiste à lier les pulsions afin de leur donner une consistance « étrangère » apte à en dissimuler la charge pulsionnelle les rendant « extraordinaires et dangereuses[14] ». La « défiguration » signifie tant la transformation que l’éloignement, lesquels forment un même processus. Freud parlera aussi de la « constitution d’ersatz ».
Pour donner de la consistance au vortex dans lequel la modernité s’emballe, les institutions sociales entretiennent une morale circulant sous la forme de multiples devises induisant à grande échelle des comportements types. Freud développe en ce sens, dès 1912, dans un court article, la notion de « monnaie névrotique[15] » – die neurotische Währung[16], plus exactement la « devise névrotique » au sens d’une neurotic currency[17], comme l’écrivent les anglophones. Cette dernière porte sur la structure de référence permettant l’expression pulsionnelle et aiguillant les formes désirantes dans le domaine de l’admissible. Elle encode de manière toute sociale et extérieure les formes de dépenses psychiques reconnues dans une civilisation. Devise comporte en français une polysémie heureuse ; le vocable ne renvoie pas seulement au fait d’une monnaie instituée ayant cours légal dans un espace donné, mais aussi à ces petites phrases de la langue courante qui font autorité dans une culture, qu’on se sert les uns les autres pour se situer mutuellement, s’assigner des places et des comportements, se conformer à l’ordre des principes, se rappeler les bonnes dispositions sociales. En allemand, Währung provient du haut allemand werunge, « garantie ». Il fonde les rapports culturels dans une codification reconnue, qui fait autorité.
Un exemple : qui se réjouit en secret du départ de l’autre moitié, mais se sent obligé de porter le deuil, ne pourra pas longtemps taire sa satisfaction, son soulagement, voire sa joie. Il en coûte trop de la tenir en respect. Il faudra donc trouver une façon de la manifester sur un mode différent ou différé. Ces « défigurations » pulsionnelles protègent la psyché. Tout se joue à ces détails. Ces altérations font l’enjeu de la négociation qui se perpétue au sein de l’appareil psychique. Elles s’opèrent à travers d’imperceptibles modifications. « On ne saurait méconnaître, la plupart du temps, qu’il existe une tendance à rétablir intacte la représentation refoulée[18]. » La veuve ou le veuf transposera donc la haine que l’autre inspirait sur un tiers, ou la retournera contre soi, ou dénoncera au grand jour toutes les railleries dont cet autre faisait l’objet, ne serait-ce que pour se permettre de les citer…
Une fois exposée la nature résolument affirmative de la pulsion, son processus d’élaboration au plan inconscient, son caractère impérieux au sein de l’appareil psychique, la métapsychologie de Freud présente une nouvelle instance : le préconscient. C’est en lui que se produit la négociation entre ce système inconscient qui est source insistante de désirs et le système conscient qui mesure la portée de la satisfaction de ces désirs eu égard à un ensemble de contraintes anthropologiques, sociales ou vitales.
Le champ psychique de négociation qui s’ouvre suppose un rapport complexe entre les systèmes conscients et inconscients. La conscience subit en permanence les assauts des pulsions générées inconsciemment, aux fins de les dépenser pour maintenir bas le taux d’excitation. Mais il lui faut effectuer ces dépenses dans un cadre moral qui convienne, notamment en défigurant « un peu plus ou un peu moins[19] » les représentations, afin de les rendre convenables. Pour faire face à la musique, la conscience se pourvoit alors de cette contre-instance, le préconscient, qui détourne d’elle les investissements pulsionnels inadmissibles du processus inconscient. Il incombe donc au préconscient de « contre-investir » les représentations inadmissibles.
Le rapport entre investissement et contre-investissement implique alors deux ordres contradictoires de « dépense » psychique : la dépense de la pulsion dans un processus d’investissement des objets du monde versus la contre-dépense préconsciente pour éventuellement contenir cette pulsion. Les puissances d’investissement et de contre-investissement se disputent donc les traits qu’adopteront les formes de représentation psychiquement investies d’un espace social donné en partage. L’opposition a cours déjà dans les représentations et les avènements gestuels publiquement en vigueur. Freud reconnaît qu’« en restant toujours dans les limites de la vie normale, on voit les deux systèmes Pcs et Ics [Préconscient et Inconscient] lutter constamment pour s’assurer le primat dans le domaine de l’affectivité, certaines sphères d’influence se délimiter les unes par rapport aux autres et des conjonctions de forces en action se produire[20]. »
Le préconscient s’impose comme le douanier entre les instances inconscientes et conscientes, c’est le filtre de l’appareil psychique. Un système préconscient distrait, poreux, permissif laisse libre cours à bien des pulsions qui provoqueront des remous pour le sujet ; c’est la personne qui se voit commettre des impairs malgré elle, des boulettes qu’on sait mal rattraper, car la pulsion a su passer entre les mailles du filet préconscient. Il se peut sinon que le préconscient cède de manière ponctuelle, à la manière d’une digue, et que tel jour, les pulsions fassent irruption et laissent le corps et l’esprit investir un objet d’amour dans une perspective radicale de changement.
Tout l’enjeu économique se résume à la façon dont l’appareil psychique trouvera les forces pour contre-investir les assauts pulsionnels. « Le refoulement exige une dépense persistante de force[21] », écrit Freud. Il en coûte quelque chose de refouler ainsi, en permanence. Et c’est à l’aune du coût psychique du refoulement que sera jaugée la valeur d’une dépense pulsionnelle. La valeur s’en voit modulée en permanence, selon le rapport de l’investissement au refoulement.
L’appareil psychique vise à faciliter la satisfaction pulsionnelle de la manière la plus fluide, en s’interposant le moins possible. Autrement dit, il cherche à contrer le moins possible la dépense pulsionnelle, à intervenir le moins possible afin de transfigurer les pulsions, pour qu’elle puisse partiellement s’investir dans des objets substitutifs.
C’est là qu’il faut en arriver : « Le refoulement suppose donc une dépense constante de force ; le supprimer, cela signifie, du point de vue économique, une épargne (ihre Aufhebung bedeutet ökonomisch eine Ersparung).[22] » La « dépense » sera satisfaisante lorsqu’elle fera baisser le taux d’excitation de l’organisme tout en permettant la levée du travail de vigile de l’instance de surveillance. On pourrait même conjecturer une relation partielle de cause à effet ; la dépense est satisfaisante parce qu’elle permet à la psyché de céder sur le désir et de relâcher son dispositif.
Le système préconscient (Pcs), appelé à jouer les médiateurs entre les systèmes conscient et inconscient, est l’instance la plus discrète de la théorie psychanalytique, mais aussi la plus féconde intellectuellement. Elle permet de comprendre la valeur en jeu dans les faits de dépense. Elle permet aussi de repenser les rapports économiques des instances psychiques en fonction de leur nature dynamique.
Donc, ce qu’on appelle « dépense » pulsionnelle tient en fait du contraire d’une dépense. Elle dénote l’économie d’une dépense. La « dépense » pulsionnelle semble satisfaisante en raison d’un moindre effort de censure. Il en « coûte » en permanence à cet appareil de censure de contenir les assauts pulsionnels. Ses ressources sont limitées. Il doit les économiser (ersparen). C’est à s’autoriser de ne plus devoir contenir la pulsion que le taux d’excitation de l’organisme diminue. On parlera de « dépense » pulsionnelle par métonymie : la possibilité d’investissement des pulsions se faisant rare, puisqu’elle se bute continuellement aux barrages du préconscient, c’est pour elle une chance de s’élancer dans le monde sans rencontrer de résistance. Dépenser, c’est donc lever la résistance et ménager les efforts que supposait leur censure.
L’économie psychique ne saurait se penser sans considérer les rapports qu’instaurent entre elles les différentes instances du sujet. Collaborent les systèmes Inconscient, Préconscient et Conscient. Depuis l’inconscient s’élaborent les pulsions à même l’univers symbolique et sémantique de la culture, selon un principe vitaliste. Le système Conscient, lui, prend acte des considérations anthropologiques, sociales et morales, tandis que l’instance intermédiaire, le système Préconscient, travaille à filtrer les pulsions qui demandent à se dépenser coûte que coûte. Le Préconscient s’impose comme une autorité douanière entre le Conscient et l’Inconscient.
On a donc l’impression, de prime abord, que les instances conscientes et préconscientes travaillaient de pair à tenir tête aux assauts pulsionnels provenant de l’inconscient, lorsque celles-ci se révèlent inadmissibles. Comme son nom le laisse entendre, le préconscient se positionne dans cette topique au seuil de la conscience. Un échange permanent a certes lieu entre les systèmes conscient et préconscient. Il garde la frontière à partir de laquelle se voient triées les pensées qui passeront et celles qui seront recalées (versagt[23]).
Les écrits métapsychologiques de Freud établissent également une étonnante suture entre les instances préconscientes et inconscientes. Par ce rapport s’explique l’énergie que l’appareil psychique trouve pour effectuer le travail de refoulement. Puisqu’il en coûte de refouler – c’est même ce coût que l’appareil psychique essaie par tous les moyens de s’épargner –, force est de trouver à soutenir cet effort lorsqu’il doit avoir lieu. Or, aux yeux du psychanalyste, l’énergie qui permet de soutenir la négociation entre le préconscient et l’inconscient provient des pulsions refoulées elles-mêmes ! « Une très grande partie de ce préconscient tire son origine de l’inconscient[24]. » Les pulsions refoulées se trouvent en fait transfigurées dans des formes qui structurent l’effort de répression, comme si elles se retournaient contre elles-mêmes.
La thèse de Freud : le préconscient use des forces d’investissement inconscientes pour arriver aux fins du refoulement. Les formes de dépenses pulsionnelles qu’il négocie contribueront précisément à refouler une part des assauts pulsionnels qui paraissent inadmissibles. C’est tout l’enjeu économique, disposer les pulsions inconscientes au service du préconscient. Métisser le conscient et l’inconscient.
On comprend par ce recours aux forces des pulsions inconscientes par le préconscient ce que signifie la « valeur » du refoulement. Elle se mesure à sa capacité à traduire au moindre coût les poussées d’excitation psychique dans des formes entendues, en engageant les motions interdites de l’âme dans l’effort même qu’il en faut pour les contenir. Celles-ci participent du travail précis d’altération, d’inflexion et de traduction. Un sujet sera apte ainsi à négocier la transformation en ersatz (Ersatzvorstellungen ou Entstellungen) les forces psychiques brutes qui l’animent[25].
Refouler en ce sens signifie donc amender et altérer les formes sous lesquelles les pulsions s’élaborent pour créer précisément le dispositif qui permettra de leur tenir tête. Selon l’évolution des mœurs, refouler, c’est devenir policier de son métier alors qu’on tend férocement à commettre tous les larcins qui semblent possibles. Les pulsions d’origine se trouvent détournées de leurs objets premiers pour nourrir une représentation déformée servant précisément à les réprimer.
Le préconscient parvient à sa tâche en prélevant à son compte les montants d’affect des représentations censurées. Le refoulé finance le refoulement. « Dans le refoulement proprement dit (refoulement après-coup), il s’y ajoute le retrait de l’investissement pcs [préconscient]. Il est tout à fait possible que ce soit précisément l’investissement retiré à la représentation qui soit utilisé pour le contre-investissement[26]. » On observe donc une transformation à même la matière des formes préconscientes. Le refoulement s’effectue dans le processus permanent de défigurations des formes dans lesquelles se présentent les pulsions à la conscience, soit les Entstellungen, et leurs représentations de substitutions, les Ersatzvorstellungen.
Freud compare alors le préconscient à l’antichambre d’une maison, à partir de laquelle l’hôte est libre d’introduire ou non ses invités dans le salon. Mais cette illustration coïncide mal avec la teneur des thèses métapsychologiques. S’en tenant à cet exemple, on dira que l’invité intervient dans le salon comme une charge d’affect qui s’impose d’elle-même. On sera libre de seulement retoucher et d’altérer la représentation de l’invité, pour le rendre plus ou moins convenable selon les cas. On pourra le citer comme un respectable avocat plutôt que comme un escroc de la finance, il pourra enfiler une cravate comme s’il s’affublait d’un faux nez. Ce que Freud donnait encore à penser en 1919, dans les premières pages d’Au-delà du principe de plaisir, en comparant l’évolution des motions pulsionnelles à l’esthétique du comédien[27]. Mais la référence dramatique a cessé de concerner un théâtre de l’âme pour renvoyer directement à l’organisation formelle de la civilisation. Les représentations indésirables ne sont pas radiées dans l’arrière-cour spirituelle de l’inconscient, on n’en fait pas ainsi l’économie (nicht erspart), mais elles sont nécessairement restituées sur un mode agréable, au prix de déplacements hautement prisés qui nous permettent de les supporter.
La représentation topique d’un appareil psychique doté de profondeurs et d’antichambres ainsi que d’instances a peu de valeur théorique et explicative, et renvoie médicalement à peu de réalités biologiques. Au-delà des exposés, force est de reconnaître que les processus psychiques dont il est question ici ne se produisent pas seulement dans l’intimité d’un système nerveux et d’une âme, mais bien plutôt à l’échelle sociale et culturelle elle-même. C’est dans l’œuvre sociale et historique elle-même qu’ont cours tous ces phénomènes.
Cette double collaboration du préconscient – d’abord avec le système Conscient pour tenir tête aux assauts pulsionnels inadmissibles, puis avec celui de l’Inconscient pour mobiliser les ressources requises afin d’effectuer le travail de censure – rend intenable l’idée d’un lieu propre du préconscient. En sort entamée la topologie naïve voulant que le préconscient se pose effectivement comme un no man’s land entre les deux régimes principaux de l’intimité, inconscient et conscient. La localisation de l’appareil psychique en termes topiques (conscient, préconscient, inconscient) en sort éprouvée. Leur localisation est virtuelle et ne correspond à rien de psychique ni de physique. « Aucune représentation physiologique, aucun processus chimique ne peut nous fournir une idée de leur nature[28] » ; « Pour le moment, notre topique psychique n’a rien à voir avec l’anatomie ; elle se réfère à des régions de l’appareil psychique, où qu’elles se situent dans le corps, et non à des localités anatomiques[29] », prévient Freud. Tous ces lieux de la psyché sont essentiellement diffus.
« Il y a là une lacune manifeste[30]. » L’économie freudienne se développe en raison de ce hiatus entre le dispositif terminologique emprunté à la physiologie comme à la biologie, et le fait psychologique « lui-même ».
En réalité, la négociation en cours entre les instances préconsciente et inconsciente se trame déjà à même la gestion économique des signes et formes du monde. La surface des phénomènes conscients porte déjà en elle les profondeurs inconscientes qui forcent leur permanente transformation. La négociation a lieu là, immanente. L’économie psychique est saisie d’emblée, nulle part ailleurs, dans le tissu et dans la matière économique au sens culturel : économie de formes (esthétique), économie de signes (philosophie), économie des croyances (théologie), économie de biens (intendance). La négociation de l’économie psychique au sens défini dans la Métapsychologie de 1915 implique cette intrication. Il n’y a pas de sites proprement psychologiques. Leurs modalités sont économiques au sens large.
L’activité préconsciente s’observe déjà à même le monde. Dans un corps-à-corps de la psyché avec l’ordre social, son langage, ses us, ses institutions, ses pratiques, son étiquette, le préconscient désigne ces multiples points de passage de l’expression, où les pulsions se dépensent, partiellement, dans un travail de médiation, d’investissement, de composition et de retenue. Le préconscient est à la lisière du rapport au monde lui-même. Donner une tape dans le dos d’un ami, céder à une déclaration amoureuse, pleurer devant un film et crier sa colère dans la rue sont autant de façon pour le système préconscient d’articuler un rapport du sujet au monde. L’activité préconsciente ne se produit donc pas dans on ne sait quel for intérieur, dans un débat intime de la psyché avec elle-même, mais à même le monde, dans le déluge de pulsions qui le composent, dont il résulte.
Sans qu’on en identifie en propre « le » lieu, seule l’activité du préconscient semble pouvoir se reconnaître différemment çà et là. Parce que le préconscient se veut la seule instance qui recoupe les opérations des deux autres. Il désigne le siège de toute négociation en concevant que ce lieu se démultiplie. Le préconscient est à aborder dans des temps occurrents et sous des formes réifiées. Il se déclare à même les éléments culturels de l’environnement (Umgebung). Le chapitre IV de L’Inconscient présente de pair la notion de contre-investissement et la dimension « économique » de l’appareil psychique (Freud souligne). Cette arène de négociation (Ringen) se trame à partir des formes immanentes. Si les représentations substitutives (Ersatzvorstellungen) et défigurées (entstellt) assurent le travail de contre-investissement sous l’égide du préconscient, il faudra évoquer des préconscients, une multiplicité d’îlots de négociation.
Lorsque Freud rappelle le principe d’« épargne » (Ersparung) dans sa Métapsychologie en 1915, à savoir que l’appareil psychique vise au refoulement au moindre coût possible, c’est pour nous référer aussitôt à son traité sur l’humour écrit dix ans auparavant[31]. Or, celui-ci, Le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, n’en finit pas de fonder son raisonnement sur des bons mots où sont centrales les questions d’argent et de propriété. L’« épargne » s’y présente déjà comme le relâchement que s’autorise le préconscient lorsqu’il baisse la garde à son grand soulagement et laisse libre accès à une expression pulsionnelle. L’humour y apparaît aux yeux du psychanalyste comme un moyen pour permettre à l’instance préconsciente de faire une pause, d’interrompre un temps son travail de vigile.
Les traits d’humour permettent l’expression d’affects qui, normalement, sans un recours spirituel, resteraient sous l’effet de la censure – et lever de ce fait l’effort du constant refoulement qu’il en coûte. « Dans ces conditions, ce n’est pas se livrer trop à la spéculation que d’affirmer que la production tout autant que le maintien d’une inhibition psychique exigent une “dépense psychique” (psychischer Aufwand). Si maintenant il s’avère que dans les deux cas d’utilisation du mot d’esprit tendancieux on obtient du plaisir, on sera alors tout près d’admettre qu’un tel gain de plaisir correspond à l’économie réalisée sur la dépense psychique[32]. »
La monnaie se révèle un agent social de prédilection pour effectuer cette levée du travail psychique. Propre à tout porter, virtuose de la métamorphose, souple et polyglotte, capable de discrétion quant au tracé de sa provenance autant qu’aux causes de son prestige, elle sait taire aussi ce à quoi on le destine. L’argent est une forme privilégiée du préconscient.
Prenons en exemple la toute première tournure humoristique que Freud énonce dans Le Mot d’esprit, à propos d’un placeur d’une maison de jeu, selon qui le grand baron Rothschild l’aurait « traité tout à fait comme son égal, d’une manière tout à fait famillionnaire[33] ». On se souvient cette scène croquée par Heinrich Heine : le placeur, qui a fait l’objet de la condescendance du riche baron, écorche le célèbre personnage par le détour de sa formule. Ainsi se vérifie la thèse principale de Freud sur ces traits d’humour tendancieux, à savoir qu’ils permettent de donner libre cours à des affects qui n’ont habituellement pas droit de cité. L’expression vile a lieu au moyen de tournures linguistiques fines qui, elles, en revanche, sont socialement très prisées. Le trait d’esprit faisant illusion, il vient faire oublier le caractère bas de l’incartade. L’intéressé, subalterne des gens de la bonne société, doit, lui, contrairement au millionnaire, soigner sa façon de répliquer à l’indélicatesse pour demeurer digne.
En effet, le personnage dominé par la gent aristocrate doit, lui, user d’un trait d’humour pour répliquer à l’offense condescendante qui lui a été discrètement faite, tandis que le baron a pu, pour sa part, faire l’économie d’un tel trait d’esprit au moment de diminuer son serviteur, sans pour autant se déshonorer lui-même au passage. Le placeur se sent contraint d’un effort intellectuel pour désavouer le mépris dont il avait été l’objet, alors qu’il n’en a pas coûté autant à celui qui s’était permis de le mépriser d’abord. Cela s’explique par le trait d’esprit lui-même, que Freud traduit en clair : « La condescendance d’un homme riche a toujours quelque chose de fâcheux pour celui qui en fait l’expérience[34] ».
Ce n’est pas seulement le mépris d’un homme pour un autre homme qui pose ici problème, mais le mépris d’un homme riche pour son semblable qui ne l’est pas. Et au-delà de la seule question du mépris, c’est ce rapport d’inégalité que le dominé dénonce par ce mot d’esprit, un rapport d’inégalité qui explique par lui-même que le baron puisse, lui, d’emblée, mépriser autrui sans se déshonorer, charmant et discret, alors que le placeur, lui, doit, pour éviter le déshonneur, y ajouter l’effort d’un trait d’humour. Ce rapport d’inégalité pose problème car le signe culturel de l’argent ainsi que l’ostentation de la richesse épargnent à celui qui peut s’en réclamer l’effort du mot d’esprit. L’argent, tel un mot d’esprit, couvre d’emblée, psychiquement, sous ses dehors respectables et autorisés, un très grand nombre d’attitudes, d’impulsions et de revendications qui, à nu, seraient irrecevables, déplacées et peut-être même effroyables. Un sentiment d’impunité prévaut.
Dans ces circonstances, nous pourrions dire du trait d’humour du placeur qu’il représente l’argent du pauvre. Faire preuve d’esprit reste son seul recours en vue de préserver une dignité que l’argent, avec sa ribambelle d’accessoires, garantit d’office au baron.
Plus tard, Heine associera les manières de la richesse à la bêtise, par cet autre jeu de mots, « Millionarr » – la Narr signifie en allemand l’imbécile –, et par cette suture serrée entre la richesse et la bêtise, il insistera encore davantage sur ce que la richesse n’a pas à penser, n’a pas, elle, à faire preuve d’esprit, pour revendiquer sa dignité. Elle est autorisée et majestueuse nonobstant la sottise.
L’économie psychique se fait soudainement ambiguë. L’effort de conceptualisation dont elle résulte – « parmi les plus hypothétiques de la doctrine freudienne », prévient le dictionnaire Chemama[35] – nous pourvoyait d’une théorie sur le fonctionnement de la vie psychique. Chez Freud lui-même, elle se fait progressivement, et imperceptiblement, un strict synonyme de l’économie marchande. Parler de l’un revient à parler de l’autre.
Les textes anthropologiques de l’auteur, parus à la fin des années 1920, invalident alors l’idée d’une intimité libidinale où se jouerait le drame privé de chacun. Ils présentent la structure sociale et productive elle-même comme une série d’éléments comptant dans le fonctionnement de la psyché. En cela, le doublé L’Avenir d’une Illusion et Malaise dans la culture ne fait état d’aucune intériorité. La psyché ne se structure pas à l’image des normes sociales, mais la structure sociale se construit comme un vaste appareil psychique. L’appareil psychique d’investissement, de travestissement et de refoulement n’est pas caché, il se déploie à ciel ouvert. La structure sociale constitue l’appareil psychique qu’on n’aura plus à chercher autre part dans les virtualités de l’âme.
Ces ouvrages anthropologiques concluent trois décennies de réflexions métapsychologiques. Ils présentent la « Kultur » comme une structure économique, tant du point de vue matériel que métapsychologique. L’économie s’y fait psychique comme politique. La culture relève de cet ensemble de connaissances et d’aptitudes que les communautés humaines se sont donné pour tirer de la nature les éléments nécessaires à leur subsistance ainsi que pour se protéger de ce qui les menace proprement en leur sein. Elle instaure de ce fait les réglementations qui légitiment ou non les transformations pulsionnelles.
Une nouvelle économie psychique
Le fonctionnement de l’économie psychique s’est fait l’égal de l’organisation morale et politique. Par conséquent, l’évolution des systèmes politiques et économiques entame considérablement l’appareil psychique tel que Freud l’imaginait fonctionner. Aujourd’hui s’est effondré le cadre référentiel par lequel celui-ci jadis s’organisait. Les structures sociales que le système préconscient investissait à partir des assauts pulsionnels, précisément dans le but de les contenir et les juguler eux-mêmes, en viennent désormais à manquer. Non seulement le sujet n’est plus assisté par eux socialement, mais il doit déployer un effort considérable pour s’en donner de fortune afin de se faire tenir par quelque prothèse.
L’ordre social interfère intimement dans les modalités de la vie psychique, en ce qui regarde son mode d’organisation, les modes d’altérations des formes désirantes qu’elle s’autorise pour les dépenser, les formes par lesquelles elle peut encoder la part admissible de sa charge pulsionnelle. Cet ordre public se déploie et évolue sur un certain régime psychique général. Longtemps, ce fut la névrose qui compta comme modalité majeure d’organisation. Le psychanalyste Dany-Robert Dufour lui donna le nom de Cité classique. La névrose traduit une opération par laquelle l’esprit – l’esprit d’un temps participant de toute une culture publique – confère une autorité réelle et de la consistance à une forme symbolique… qu’il contribue pourtant lui-même à faire exister. Dans cette économie de la foi[36], le sujet évoluant dans le doute existentiel de sa condition, le sentiment vif de son incomplétude, la conscience cruelle de sa faille ne fait pas qu’affabuler des subjectivités symboliques suffisamment grandes et fortes d’elles-mêmes pour l’aider, lui, à tenir droit, à gagner en consistance, à maîtriser de la force… il brise le cycle qu’il l’amènerait à assumer la création de ses créatures : ce n’est pas lui qui est créateur du Dieu, mais Dieu qui en a fait sa créature ; ce n’est pas lui qui a conçu la République mais elle qui, comme citoyen, l’a enfanté ; ce n’est pas lui qui investit son professeur de sa pleine autorité, mais lui qui l’élève au stade de son savoir… Car il est « très fatigant de créer des êtres de surnature[37] ». Pour briser ainsi la chaîne strictement circulaire faisant reposer sur lui la responsabilité des grands sujets, pour qu’il cesse de pédaler comme un hamster dans la « structure circulaire de la subjectivation[38] », écrit autrement Dany-Robert Dufour, il cristallise sa foi en cette figure; et le mythe originaire effectif en lequel il croit lui fait camper le rôle de grand Créateur accompli, fort de lui-même et source de sens. Dans son économie même, cette dépense psychique au profit d’une forme autorisée concourra à structurer l’administration des flux pulsionnels de sa personne, malgré de récurrentes insatisfactions. « Une cité classique est composée de névrosés qui croient qu’il existe un Maître à qui ils doivent obéir et de qui ils sont persuadés qu’ils tiennent leur existence[39]. » Pour m’organiser psychiquement, je crée une instance extérieure qui passera pour ma cause, ce pour quoi j’agis autant que ce qui me fait agir.
La voûte de la chapelle Sixtine donne à voir une scène classique dans laquelle Dieu confère à l’humanité sa vie et, pour la contempler, il nous faut littéralement lever le regard, se lever, s’élever. Cette œuvre performative appelle le corps à se grandir pour recevoir, en se dressant, la grâce divine.
Ce type d’institution constitue l’« humus » de l’humanité. À l’image de cette strate supérieure de terre générée par un sol des suites de la décomposition de végétaux, d’une part, mais dont, d’autre part, elle se nourrit elle-même pour se maintenir, Jacques Lacan, et Jean-Pierre Lebrun à sa suite, observent que les sujets socialisés font émerger d’eux-mêmes, à travers le temps, des structures dont ils dépendent pour tenir et se tenir, faire en sorte qu’on puisse « se soutenir dans le vide[40] ». Les succédanés laïques de ces formes à l’origine religieuse procèdent de la même façon. Le personnage de Léviathan tel qu’illustré au xviie siècle par une figure elle-même composée par les citoyens de l’État, en rend justement compte. Les modalités d’organisation de ces devises névrotiques relèvent de fondements anthropologiques.
Il est aujourd’hui notoire que le marketing et les relations publiques, anciennement appelées crûment « la propagande » furent la création du neveu de Freud, Edward Bernays[41]. Dès le deuxième tiers du xxe siècle, Bernays use de sa compréhension intuitive des découvertes de son oncle pour développer un art de la manipulation à grande échelle qui servira les grandes entreprises telles que les tabatières qui souhaitent amener une clientèle féminine à fumer, de même que les autorités publiques qui veulent convaincre les citoyens d’honnir un nouveau président social-démocrate élu au Guatemala.
Les ressorts de l’inconscient et les connaissances que manie Bernays à propos de l’économie psychique amènent le propagandiste scientifique à concevoir des univers mentaux dans lesquels de vastes publics cibles standardisent leurs désirs et leurs pensées. Des techniques publicitaires soignées ainsi que la mobilisation de « faiseurs d’opinion » sont hautement considérées[42]. L’économie devient très vite chez Bernays une affaire strictement marchande et comptable. Il a à vendre son propre savoir-faire à des gens qui comptent. « Cela revient très cher de promouvoir une idée ou un produit auprès de cinquante millions de personnes. Les moyens à engager pour persuader les leaders qui, dans chaque domaine, orientent les goûts et les actions du grand public sont également très onéreux. D’où la tendance croissante à centraliser les opérations de propagande en les confiant à des spécialistes[43]. » Ce qui concourt à standardiser toujours davantage les modalités sociales d’expression.
L’économie psychique étudiée par Freud se fusionne alors avec des composantes majeures des organisations capitalistes, le marketing destiné à manipuler les consommateurs et le management appelé à dresser le personnel. C’est sans détour, sur son frontispice, que le manuel pédagogique Organizational Behavior annoncera enseigner à « gérer les gens et les organisations » (Managing People and Organizations[44]). La notion de « valeur » y est centrale. Il s’agit pour une grande entreprise de suivre l’évolution de la pensée des publics de façon à élaborer des signes capables de les alimenter psychiquement. Le chapitre deux du volume débute par une énorme canette de Coca-Cola, verte. On comprend que la marque a dû suivre le cours du temps et pratiquer à son tour le verdissement (green-washing). Le défi est lancé auprès des étudiants : imaginez que vous devez conseiller l’entreprise qui compte des employés partout dans le monde pour générer des valeurs suffisamment partagées afin qu’elles stimulent encore plus le personnel, afin d’améliorer le rendement du groupe[45]. Pour ce faire, il faut distinguer deux régimes de diversités (diversity), les superficielles (surface-level diversity) qui sautent aux yeux et caractérisent le moi, et les profondes (deep-level diversity) qui portent sur les motivations des sujets. Cette distinction opère comme les systèmes psychiques en métapsychologie : « La particularité profonde [deep-level diversity] renvoie aux différences individuelles qui ne peuvent pas être observées directement, telles que les buts, les valeurs, les personnalités, les types de prises de décision, les connaissances, les compétences, les habiletés et les attitudes. Il nous faut plus de temps pour connaître ces caractéristiques “invisibles” qu’ont les autres, mais le faire peut avoir des effets plus grands sur le groupe et la performance organisationnelle que celle de caractéristiques superficielles[46]. » Gérer consiste donc à agir, au-delà de considérations strictement sociologiques (sexe, appartenance culturelle, couleur de peau, génération…), à même les processus d’élaboration psychique des convictions, valeurs, désirs et croyances, à participer à cette élaboration de concert avec le sujet qu’on entend dominer. C’est ainsi que la « délocalisation » (offshoring) de la production dans des zones franches ne consiste pas seulement à profiter d’une main-d’œuvre à rabais (inexpensive labor) comme en Asie ou en Amérique centrale, mais à acquérir par une présence accrue dans ces cultures lointaines une compréhension psychosociologique des croyances en vigueur dans ces différentes traditions pour mieux développer de nouveaux marchés[47].
L’économie psychique se traduit dans les sciences de l’intendance par un « contrat psychologique » non verbal entre les parties salariale et patronale. Tandis qu’un employé escompte un certain nombre d’avantages liés à sa soumission à l’activité d’une entreprise (salaires, statut social, reconnaissance…), celle-ci développe des attentes par rapport à lui: labeur, loyauté, persévérance, ponctualité, engagement… Si le rapport semble franc et équitable dans un manuel d’école de commerce, il est loin de se manifester ainsi dans la réalité, puisque les entreprises combinées ont le pouvoir d’engager des armées de psychologues et d’idéologues qui s’assurent de façonner à leur convenance le corpus de valeurs morales destinées à sembler raisonnables aux yeux de la classe des salariés, incapable, elle, de se financer une telle expertise opérationnelle. En langue managériale, cela porte le nom de diversity metrics (Science de la mesure des particularités). S’il s’agit en apparence de s’y adapter, c’est toujours, à travers des mesures incitatives, des discours et des protocoles d’accompagnement, d’infléchir ces systèmes de croyance à l’échelle mondiale.
Par cette dérive, l’économie psychique s’est trouvée intégrée et instrumentalisée par les sciences de l’intendance, plutôt que d’apparaître à la conscience sociale comme un phénomène propre à la vie de l’âme en tant qu’il peut communément être réfléchi.
Dans un tel ordre économique – insensé parce que strictement productiviste et consumériste –, il devient impératif de nourrir de plénitude l’existence à la manière d’un cycliste pédalant pour ne point tomber. Le sujet finance par la jouissance le fonctionnement de son appareil psychique. C’est par cette force qu’il arrive à tenir, coûte que coûte. D’où sa brutalité, son rapport utilitariste aux gens, son absence de fidélité, sa versatilité morale. Il se nourrit d’un rapport avec plus grand que lui à travers les autres qu’il ne voit plus, sinon que comme des moyens. L’Autre est ici son Autre tout comme la loi ne saurait être que sa Loi. Il est seul à faire monde. L’ordre culturel lui-même n’étant plus dominé par le refoulement ni la névrose, ainsi que ce fut le cas au temps de Freud, mais par l’impératif de jouissance et de perversion, les référents culturels (types sociaux, artistes et sportifs en vue, gens d’affaires…) qui, jadis, participaient intrinsèquement à l’activité du préconscient pour contribuer à transformer les élaborations culturelles en modalités de dépenses acceptables socialement, s’érigent aujourd’hui comme des héros qui exhibent leur jouissance dépourvue d’entraves. Hormis la liquidation des instances religieuses, les formes laïques de pouvoir et la perte de toute grammaire utopique pour espérer ordonner d’une façon ou d’une autre le réel social ont provoqué une perte générale des repères pour apprendre à organiser collectivement l’élaboration pulsionnelle. Même sur un plan inconscient. Le psychanalyste Charles Melman, au titre d’une « nouvelles économie psychique », traitera alors d’une « liquidation collective du transfert[48] », soit une absence d’aptitude sociale à reconnaître quelque structure un brin mystérieuse comme un repère autorisé assistant le travail de refoulement et d’élaboration psychiques. En bonne intelligence avec lui, Jean-Pierre Lebrun considérera qu’une économie psychique dépourvue d’une telle figure tutélaire de type symbolico-paternelle délégitime ceux qui ont à charge de faire grandir les enfants. « Ceci laisse le sujet d’aujourd’hui comme totalement abandonné à lui-même, avec la possibilité de – voire une invitation à – ne pas avoir à grandir[49]. »
L’absence d’interdit, de cadre, de repères, de normes fiables… donne à la jouissance immédiate l’office de la consistance. C’est donc par elle qu’on tient, par le bas, par l’immédiat, par l’occurrente et contingente mais infidèle tension sociale.
La situation se révèle globalement anxiogène. Les sujets ont perdu leur place, leur « maison », dit Melman, un terme dans lequel on entend résonner le puissant sème grec oikos et sa profonde économie[50]. Ce sujet peut se travestir en ce qu’il voudra : rien des formes qu’il investit n’organise le flot de ses expressions, et sa subjectivité par le fait même, mais les accueille dans une caisse de résonnance assourdissante où l’engloutit la promesse de liberté. Sur un plan professionnel, on devient en présence de « sujets flexibles, et parfaitement capables de se modifier, de se déplacer, de changer, d’entreprendre des carrières ou des expériences diverses[51] », sur le plan civique il sera possible de se faire source de soi du point de vue de son sexe et de sa race, en s’affabulant complètement, à la manière de ce jeune garçon de quinze ans qui annonce publiquement connaître ses premières menstruations. L’abondance de proposition ne permet plus au sujet de de supporter le moindre interdit. En n’acceptant guère qu’on lui refuse quoi que ce soit le voilà en situation d’être incapable, lui, de dire également non à quelque situation imaginable – il abolit ainsi « la place d’où pouvait surgir la contradiction, le fait de pouvoir dire non », déclare Charles Melman[52]. « La carence des identifications symboliques ne laisse pour recours au sujet qu’une lutte incessante pour conserver et renouveler des insignes dont la dévaluation et le renouvellement sont aussi rapides que les évolutions de la mode[53]. » Se situer (par rapport à quoi ?), dire oui, dire non (structuré comment?) deviennent monstrueusement exigeants. Ne reste plus que le salut de la jouissance, et ce, à tous les instants, une jouissance à tout prix, qui devient harassante psychologiquement, accablante, abrutissante. La liberté dont on cherche à jouir nous tue[54].
Ce dérèglement économique explique aujourd’hui un ressac désorganisé pour la réhabilitation d’une certaine morale. Témoins les mouvements de dénonciations et de revendications à l’air libre, salutaires lorsque l’on considère isolément un grand nombre de récits, préoccupants lorsqu’on suit le mouvement général qui se dessine sur un plan collectif. Une morale, qui souvent, ne dit pas son nom, en s’appuyant sur des principes en gestation que mobilisent des moralistes juges et parties.
Soumis à la déréliction généralisée, le sujet contemporain est appelé à mobiliser ses propres forces pour restaurer seul un tuteur symbolique. Cet impératif de l’autonomie représente une exigence économique considérable : il ne compte plus sur une structure sociale et culturelle pour le soulever et le soutenir dans son travail d’organisation psychique, il doit en réalité le réhabiliter lui-même en investissant des formes susceptibles de le structurer avec autrui, dans les ruines de la symbolique sociale [55].
[1] Jean Laplanche, Le Fourvoiement biologique de la sexualité chez Freud, Le Plessis-Robinson, Synthélabo, coll. « Les Empêcheurs de tourner en rond », 1993 et Mathieu Arminjon, Les Intentions du corps. Psychanalyse, biologie et sciences de l’esprit, Montréal, Liber, coll. « Voix psychanalytiques, 201psychanalytiques, 2010, p. 182-208.
[2] Philippe Huneman, « Entre folie et passion. Médecine de l’économie animale et aliénisme dans la seconde moitié du xviiie siècle », dans Lucie Desjardins et Daniel Dumouchel (dir.), Penser les passions à l’âge classique, Paris, Hermann, 2012.
[3] Philippe Huneman, « Les Théories de l’économie animale et l’émergence de la psychiatrie de l’Encyclopédie à l’aliénisme », Psychiatrie, Sciences humaines, Neurosciences, vol. II, n° 2, mars-avril 2004, p 50.
[4] Freud, « Pulsions et destins des pulsions », dans Métapsychologie, op. cit., p. 11.
[5] Sigmund Freud, L’Interprétation des rêves, Paris, Presses universitaires de France, 1973 [1900] ; dans le texte, Die Traumdeutung, dans la Studienausgabe, Francfort, Fischer Verlag, tome ii, 2000.
[6] Sigmund Freud, Le Mort d’esprit et sa relation à l’inconscient, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1988 [1905].
[7] Freud, L’Interprétation des rêves, op. cit., p. 477 ; dans le texte, op. cit., p. 534.
[8] Gabrielle Rubin, Éloge de l’interdit. Interdit créateur et interdit castrateur, Paris, Eyrolles, 2011.
[9] Michèle Porte, La Dynamique quantitative en psychanalyse, Presses universitaires de France, 1994.
[10] Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige», 2002 [1967], p. 212.
[11] Freud, « Pour introduire le narcissisme », in La Vie sexuelle, Freud, Presses universitaires de France, coll. « Bibliothèque de psychanalyse », 1972 [1914], p. 83.
[12] Freud, « Pulsions et destins des pulsions », op. cit., p. 19 ; dans le texte : « Triebe und Triebschicksale », op. cit., p. 87.
[13] Freud, « Le Refoulement », op. cit., p. 50 ; dans le texte : « Die Verdrängung », op. cit., p. 110.
[14] Freud, « Le Refoulement », op. cit., p. 50 ; dans le texte : « Die Verdrängung », op. cit., p. 110.
[15] Sigmund Freud, « Formulation sur les deux principes de l'advenir psychique », dans Œuvres complètes, Paris, Presses Universitaires de France, vol. xi, 2009 [1911], p. 20.
[16] Sigmund Freud, « Formulierung über die zwei Prinzipien des psychischen Geschehens », dans Studienausgabe. Psychologie des Unbewußten, tome iii, Studienausgabe, op. cit. [1911], p. 23-24.
[17] Sigmund Freud, « Formulation Of The Two Principles Of Mental Functioning », dans The Standard Edition of the Complete Psychological Work of Sigmund Freud, Londres, The Hogarth Press et l’Institute of Psycho-analysis, vol. xii, 1958 [1911], p. 225.
[18] Freud, « Le Refoulement », op. cit., p. 62 ; dans le texte : « Die Verdrängung », op. cit., p. 117.
[19] Freud, « Le Refoulement », op. cit., p. 51 ; dans le texte : « Die Verdrängung », op. cit., p. 111.
[20] Freud, « L’Inconscient », op. cit., p. 85 ; dans le texte : « Das Unbewußte », op. cit., p. 138.
[21] Freud, « Le Refoulement », op. cit., p. 52 et 53 ; dans le texte : « Die Verdrängung », op. cit., p.112.
[22] Freud, « Le Refoulement », op. cit., p. 53 ; « Die Verdrängung », dans le texte, op. cit., p.112.
[23] Freud, « Le Refoulement », op. cit., p. 48 ; dans le texte : « Die Verdrängung », op. cit., p. 109.
[24] Freud, « L’Inconscient », op. cit., p. 103 ; dans le texte : « Das Unbewußte », op. cit., p. 150.
[25] Freud, « L’Inconscient », op. cit., p. 87 ; dans le texte : « Das Unbewußte », op. cit., p. 138.
[26] Freud, « L’Inconscient », op. cit., p. 88 ; dans le texte : « Das Unbewußte », op. cit., p. 140.
[27] Sigmund Freud, Au-delà du principe de plaisir, dans Œuvres complètes, Paris, Presses universitaires de France, vol. xv, 2002 [1920], chapitre 2, page xx ; dans le texte : Jenseits des Lustprinzips, dans Studienausgabe. Psychologie des Unbewußten, op. cit., p. 227.
[28] Freud, « L’inconscient », op. cit., p. 69 ; dans le texte : « Das Unbewußte », op. cit., p. 127.
[29] Freud, « L’Inconscient », op. cit., p. 79 ; dans le texte : « Das Unbewußte », op. cit., p. 133.
[30] Freud, « L’Inconscient », op. cit., p. 79 ; dans le texte : « Das Unbewußte », op. cit., p. 133.
[31] Freud, Le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, op. cit., p. 225 ; dans le texte : Der Witz und seine Beziehung zum Unbewußten, dans Studienausgabe. Psychologische Schriften, tome iv, op. cit., p. 112.
[32] Freud, Le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, op. cit., p. 225 ; dans le texte, Der Witz und seine Beziehung zum Unbewußten, op. cit., p. 112.
[33] Freud, Le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, op. cit., p. 56 ; dans le texte : Der Witz und seine Beziehung zum Unbewußten, op. cit., p. 20 .
[34] Freud, Le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, op. cit., p. 58, Freud souscrit ici à une appréciation de T. Lipps ; dans le texte, Der Witz und seine Beziehung zum Unbewußten, op. cit., p. 21.
[35] Roland Chemama (dir.), Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, Larousse, 1995, p. 96.
[36] Cf. : livraison n° 2 de ce feuilleton : Alain Deneault, L’Économie de la foi, Montréal, Lux Éditeur, 2019.
[37] Dany-Robert Dufour, La Cité perverse. Libéralisme et pornographie, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais » [Paris, Denoël], 2009, p. 338.
[38] Dufour, La Cité perverse, op. cit., p. 340.
[39] Dufour, La Cité perverse, op. cit., p. 333.
[40] Jean-Pierre Lebrun, La Perversion ordinaire. Vivre ensemble sans autrui, Paris, Denoël, 2007, et le rigoureux compte-rendu de Bernard de Backer, « Jean-Pierre Lebrun et les défis subjectifs de l’autonomie », Etopia, Namur (Belgique), 2009.
[41] Edward Bernays, Propaganda. Comment manipuler l’opinion en démocratie, Paris / Montréal, La Découverte / Lux Éditeur, 2007 / 2008 [1928].
[42] Pour une mise à jour du phénomène : Marie Bénilde, On achève bien les cerveaux. La publicité et les médias, Paris, Raison d’agir, 2008.
[43] Bernays, Propaganda, op. cit., p. 28.
[44] Ricky W, Griffin, Jean M. Phillips & Stanley M. Gully, Organizational Behavior. Managing People and Organizations, douzième édition, Cengage Learning, 2017.
[45] Griffin, Phillips & Gully, Organizational Behavior, op. cit., p. 43.
[46] Griffin, Phillips & Gully, Organizational Behavior, op. cit., p. 45.
[47] Griffin, Phillips & Gully, Organizational Behavior, op. cit., p. 55.
[48] Melman, L’Homme sans gravité, op. cit., p. 20.
[49] Jean-Pierre Lebrun, « Nouvelle économie, nouveau sujet ? », La Perversion ordinaire, op. cit., p. 285.
[50] Cf. : la livraison n° 3 de ce feuilleton théorique, Deneault, L’Économie esthétique, op. cit., p. 30 et suiv.
[51] Melman, L’Homme sans gravité, op. cit., p. 47.
[52] Melman, L’Homme sans gravité, op. cit., p. 47.
[53] Melman, L’Homme sans gravité, op. cit., p. 50.
[54] Alain Deneault, Politiques de l’extrême centre, Montréal, Lux Éditeur, 2016
[55] Lebrun, La Perversion ordinaire. Vivre ensemble sans autrui, op. cit.