N°5 / numéro 5 - Juillet 2004

La représentation identitaire de la femme en France

Marie-José Arnal, François Juge

Résumé

Mots-clés

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Plan de l'article

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1) Introduction

Cette étude se base sur les résultats d’une précédente recherche sur les « identités féminines et masculines ». Cette étude avait été effectuée sur deux groupes d’étudiants, l’un composé de 74 femmes et l’autre de 42 hommes. Ces deux groupes étaient issus de la même promotion de Psychologie de l’université de Caen en 1987.

La méthode d’enquête utilisa un questionnaire à échelles comportant 14 représentations (réelles et idéales, groupales et inter groupales) sur 7 thèmes (argent, famille, loisirs, mode, politique, religion et travail).

Chaque thème avait été envisagé dans les dimensions suivantes :

  • Autonomie

  • Type de relation et sociabilité

  • Valeur accordée

Il ressortait de cette étude que :

  • La femme est enfermée dans un stéréotype de dépendance négative. Elle aspire à plus d’autonomie et d’ouverture sociale.

  • Elle a le sentiment d’une identité problématique, sa situation reflète le conflit interne de la femme moderne, partagée entre le poids négatif de la tradition et l’aspiration à une vie sociale plus active : davantage d’autonomie et d’ouverture vers la société.

  • La représentation qu’elle a de son groupe est négative. Elle subit une situation de domination de la part des hommes.

  • Elle manifeste son irritation vis-à-vis d’une telle situation qu’elle ressent, si on la compare à celle des hommes, comme beaucoup plus éloignée de l’idéalité.

  • Les hommes établissent sur les femmes les mêmes représentations que celles-ci.

  • Tous deux, hommes et femmes, aspirent à un même idéal très éloigné d’un modèle féminin en répondant davantage à l’image d’un stéréotype masculin.

Quinze ans plus tard, nous sommes en 2003 et l’accélération des processus de « féminisation » des institutions de pouvoir en France et en Europe nous conduit à nous interroger sur la permanence des résultats précédents : le décalage entre la réalité vécue et celle qui est souhaitée s’est-il estompé à la suite, notamment, d’une promotion très importante de l’égalité des sexes dans la vie politique (i.e. : Loi sur la parité, fin 1999) ? En un mot, sommes-nous plus proches de l’égalité des femmes et des hommes dans la société ?

Pour répondre à cette question, il nous a paru intéressant d’étudier à nouveau la représentation identitaire des femmes en France au niveau de 4 thèmes :

La Famille

L’éducation des enfants

La Politique

Le Travail

Ces quatre thèmes ont été retenus dans la mesure où l’égalité des femmes et des hommes dans ces différents domaines de la vie familiale, professionnelle, sociale et politique s’est très lentement mise en place au cours des deux derniers siècles mais s’est considérablement accélérée à la fin du XXe siècle, grâce, entre autres, à la mise en application de réformes législatives.

2) Méthodologie

Dans notre enquête, chaque sujet est amené à évaluer les quatre thèmes dans quatre représentations suivantes :

Représentation

Consigne

A I

Actuelle individuelle

Actuellement vous pensez être plutôt

A G

Actuelle groupale

Actuellement vous pensez que les femmes françaises sont plutôt

F

Future (groupale)

Dans les 20 prochaines années, à votre avis,

les femmes françaises seront plutôt

D

Désirable (groupale)

Vous aimeriez que les femmes françaises soient

Pour chacun des quatre thèmes, différents aspects sont envisagés :

Famille

Partage des tâches familiales par les deux conjoints

Importance du mariage / union libre

Nombre d’enfants

(non) Egalité des hommes et des femmes dans la gestion des biens de la famille et des enfants suivant la situation familiale

   

Education

Principes d’éducation égalitaires / différents entre l’homme et la femme

(non) Renforcement de l’éducation sexuelle au collège et au lycée

Plus ou moins grande orientation des filles dans les filières scientifiques et technologiques

   

Travail

(non) Egalité dans l’accès au congé d’éducation parentale

Temps passé au travail (temps plein / temps partiel)

Accès plus ou moins important des femmes à des postes de direction ou à des carrières scientifiques

   

Politique

(non) Parité au sein des instances locales (Conseils municipaux)

(non) Parité au sein des instances nationales (Parlement)

(dé) Favorable à l’élection d’une femme à la Présidence de la République

Les quatre thèmes et les items correspondants sont appréhendés de façon répétitive pour chacune des représentations au moyen d’une échelle bipolaire de 10 cm. Chaque extrémité de cette échelle correspond à des positions que l’on qualifiera :

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Questionnement

Les conclusions dégagées par l’étude précédente nous ont amenés à nous interroger sur les points suivants :

  • La représentation de la femme française a-t-elle évolué depuis 15 ans ?

  • Les femmes manifestent-elles toujours une réelle insatisfaction vis-à-vis de leur situation ?

  • Dans quelle mesure hommes et femmes partagent-ils la même représentation identitaire de la femme française ?

  • Hommes et femmes aspirent-ils à une même représentation idéale de la femme ? Cet idéal est-il toujours très éloigné de la réalité ?

  • Enfin, hommes et femmes aspirent-ils à une plus grande autonomie ?

Problématique et hypothèses

La problématique de cette recherche découle de celles de l’étude de référence : quelle est à l’heure actuelle la représentation identitaire de la femme en France et y a-t-il une évolution de cette représentation, tant vue par les femmes que par les hommes ?

Au sein de cette problématique, des hypothèses plus précises se dégagent. Certaines sont issues de l’étude de référence :

  • La représentation que les femmes se font actuellement d’elles-mêmes est proche de celle attribuée au groupe de la femme actuelle.

  • Représentation idéale de la femme par les femmes et représentation idéale de la femme par les hommes restent très proches.

  • La variable âge joue un rôle important, signe d’un effet de génération.

Population

Cette étude a été réalisée sur une population d’hommes et de femmes représentatives de la population du Calvados suivant trois variables : sexe (2 modalités), âge (4 modalités) et C.S.P. (8 modalités). Nous avons utilisé la méthode des quotas pour constituer notre échantillon.

L’échantillon comporte 242 sujets : 119 hommes et 123 femmes, selon la distribution suivante conformément à la répartition de la population parente.

CSP/Age

18-24

25-39

40-59

60 et +

CSP/Sexe

H

F

H

F

H

F

H

F

total

Sans activité

24

24

2

6

2

6

1

6

71

Agriculteur exploitant

   

1

 

1

1

   

3

Artisan, commerçant

   

2

1

4

1

   

8

Cadre, profession libérale

   

3

2

5

2

   

12

Profession intermédiaire

1

1

6

5

7

6

   

26

Employé

1

3

4

12

3

13

 

1

37

Ouvrier

3

1

13

3

12

4

   

36

Retraité

       

2

1

22

24

49

total

29

29

31

29

36

34

23

31

242

3) Etude des représentations

Chaque représentation puis chaque thème est croisé avec les variables principales (âge et sexe) et les variables secondaires (C.S.P., situation professionnelle et milieu de résidence). Soit chaque représentation est étudiée séparément au travers d’anovas ou de manovas, soit deux représentations ou plus sont étudiées simultanément avec des plans à mesures répétées.

Représentation actuelle individuelle des femmes des hommes

Les femmes et les hommes ayant participé à cette étude ont une représentation sensiblement identique d’eux-mêmes. Celle-ci tend vers l’autonomie et pourrait être qualifiée de « moderne ». Cette tendance moderne est d’autant plus marquée que les sujets sont jeunes, même sans générer pour autant un écart significatif.

Nous remarquons, grâce aux affinages par thèmes, qu’elle est particulièrement prononcée au niveau de la politique et de l’éducation.

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Hommes et femmes sont majoritairement favorables à une éducation fondée sur des principes égalitaires entre garçons et filles, à une plus grande orientation des filles vers les filières scientifiques et technologiques, à une part plus importante consacrée à l’éducation à la sexualité au collège et au lycée ainsi qu’à la parité dans le domaine de la politique. Ceci s’explique par une forte homogénéité des items de la politique et de l’éducation.

Sur les treize items du questionnaire, seulement trois sortent de la tendance générale : un dans le thème du travail et deux dans celui de la famille. La majorité des sujets sont  en effet  favorables au travail à temps partiel, au fait d’avoir au moins trois enfants et d’être mariés.

Il en découle que, quel que soit le sexe, nous observons une hiérarchie dans la perception des thèmes, du plus conservateur au plus moderne : celui de la famille, du travail, l’éducation et de la politique (différence significative ci-dessous).

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Cette convergence des représentations féminines et masculines traduit sans doute une évolution dans les comportements et la reconnaissance d’une possible égalité entre hommes et femmes dans les différentes sphères de la vie familiale, professionnelle et politique. On pourrait donc avancer l’hypothèse que la femme commence à s’identifier au modèle unisexe idéalisé il y a 15 ans.

Représentation groupale de la femme

En dépit d’une différence significative entre les représentations des deux sexes, nous observons tout de même un certain consensus entre hommes et femmes dans la représentation du groupe féminin. Cette dernière tend en effet vers l’autonomie, principalement chez les hommes et cette vision est d’autant plus accentuée qu’ils sont jeunes (origine statistique de la différence de représentation selon la variable sexe entre les femmes et les hommes se situe au niveau des 18-39 ans). Notons que l’on retrouve en moyenne deux axes toujours relativement traditionnels : le mariage et le travail à temps partiel.

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Certaines précisions peuvent cependant être apportées. Si les hommes ont globalement, quel que soit leur âge, une représentation de la femme plus moderne, ceci ne se vérifie pourtant que sur trois thèmes : l’éducation, le travail et la politique. L’effet du sexe sur la représentation provient statistiquement des thèmes de la politique et de l’éducation. Il en va de même, dans une moindre mesure, en ce qui concerne le thème du travail (écart non significatif).

Le thème de la famille est donc ici marginalisé et mérite que l’on s’y arrête un instant.

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Le thème de la famille est le seul où la tendance générale à la convergence est inversée dans certaines modalités.

Prenons l’exemple le plus flagrant : concernant l’item n°5 (favorable à l’union libre / favorable au mariage), la majorité des sujets estime en moyenne que les femmes sont plutôt favorables au mariage (vision traditionnelle) alors que les femmes de 18-14 ans et de 40-59 ans vont dans le sens d’une légère préférence des femmes pour l’union libre (moyenne de 4,68).

Représentations individuelle / groupale de la femme

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On constate sur la population féminine de l’étude un effet principal significatif de la représentation allant dans le sens d’une représentation moyenne de soi plus moderne que celle du groupe. Les deux représentations sont tout de même relativement proches sur l’échelle de valeur et sont toujours dans un versant moderne.

Seul un item est réfractaire à cette tendance : la représentation de soi de l’item 12 (nombre d’enfants) ; celle-ci est plus traditionnelle que la représentation du groupe (famille nombreuse, au moins trois enfants) et ce, quelle que soit la tranche d’âge considérée.

Les résultats obtenus pourraient indiquer un certain  refus de s’identifier à une image de plus grande dépendance, sans doute un désir d’auto-valorisation, et confirment ainsi le mécanisme identitaire de besoin de recherche d’une singularité et d’une valorisation de soi décrit par Codol (1979).

Représentations actuelle / future / désirable de la femme

Au niveau des représentations

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Hommes et femmes, quel que soit leur âge, considèrent que, dans tous les domaines, la femme évoluera dans les vingt prochaines années vers une plus grande autonomie (seule variation significative sur les représentations prises deux à deux entre les représentations actuelles et futures).

Cette représentation future est d’ailleurs quasi identique entre les hommes et les femmes de chaque tranche d’âge, indiquant ainsi une homogénéité dans la perception de l’évolution de la femme.

Ceci pourrait nous renvoyer à la recherche effectuée en 1988 dans laquelle nous avions constaté que les hommes aspiraient à un idéal féminin proche de l’idéal masculin, c’est-à-dire répondant à des caractéristiques d’ouverture et de modernité

Les résultats moyens sont cependant plus controversés concernant la représentation désirable. En effet, non seulement la représentation désirable est plus traditionnelle que la représentation future selon les deux sexes mais, de plus, en ce qui concerne les hommes, elle est plus traditionnelle que leur représentation actuelle de la femme.

Ces différents écarts ne sont cependant pas significatifs et ne signifient donc pas qu’il s’agisse d’une représentation désirable trop éloignée des représentations actuelles ou futures

On peut d’ores et déjà avancer que la femme est actuellement perçue comme insatisfaite de sa position et que les évolutions à venir ne sont souhaitées ni par les hommes (ce à quoi l’on pouvait éventuellement s’attendre), ni, ce qui peut sembler beaucoup plus surprenant, par les femmes elles-mêmes.

Ceci pourrait laisser présager d’une certaine difficulté d’évolution des mentalités et des représentations si cette évolution se poursuivait (possible ancrage de la culture, réticence aux changements…).

Un affinage plus précis par tranches d’âge fait ressortir différents résultats :

  • Les représentations des hommes et des femmes de 40-59 ans sont conformes à la moyenne globale, avec une représentation désirable de la femme se situant à mi-chemin entre leur représentation actuelle, plus traditionnelle, et leur représentation future, plus moderne.

  • La représentation moyenne future des 25-39 ans (tous sexes confondus) est très proche de leur représentation désirable. Cette dernière représentation est d’ailleurs la plus moderne de toutes les tranches d’âge. Les 25-39 ans considèrent que la femme sera, dans vingt ans, assez proche de leur représentation désirable de la femme. Cette tranche d’âge se positionne comme la moins réfractaire aux évolutions de la femme.

  • La représentation actuelle moyenne des 60 ans et plus est très proche de leur représentation désirable ; ils considèrent donc que la femme actuelle est presque conforme à ce qu’elle devrait être. Précisons cependant que les femmes estiment qu’elles devraient tendre vers plus d’autonomie alors que les hommes soutiennent la position opposée.

  • Les femmes de 18 à 39 ans sont les seules à avoir des écarts significatifs entre leur représentation actuelle et désirable. Ce sont celles qui sont le plus insatisfaites de leur situation actuelle.

  • Les femmes de 25-39 ans sont les seules à avoir une représentation désirable de la femme qui soit plus moderne que leur représentation future. Elles considèrent donc qu’après les évolutions, dans les vingt prochaines années, la femme devra encore plus évoluer vers l’autonomie. Pour elles, les évolutions ultérieures sont souhaitables.

  • Les femmes de 40-59 ans ont les représentations actuelles mais surtout futures les plus modernes des femmes. Elles ont aussi le plus fort écart entre les représentations actuelles et futures.

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En s’attardant plus avant sur la modernité des représentations des femmes de 40-59 ans, on constate qu’elle n’est pas imputable à une modernité particulière dans un thème ou dans un item précis.

Ces femmes ont en effet la représentation la plus moderne au niveau de la famille, de l’éducation et de la politique, ainsi que du travail pour les 25-39 ans.

De plus, elles ont la représentation la plus moderne sur 8 items sur 13 ; 2 sur 4 pour la famille, 2 sur 3 pour l’éducation, 2 sur 3 pour le travail et 2 sur 4 pour la politique.

Il n’y a qu’une représentation qui fasse réellement exception, celle du travail à temps partiel

Ce résultat peut s’expliquer soit par le fait que ces femmes nées entre 1944 et 1963, en pleine phase d’Après-guerre, ont directement vécu les évolutions majeures menant à une plus grande reconnaissance des femmes. Ayant vécu ces avancées, tant au niveau de la famille, de la politique, du travail que de l’éducation tout au long de leur vie, il semble compréhensible qu’elles considèrent qu’une telle évolution puisse se poursuivre au même rythme à l’avenir.

Au niveau des thèmes

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Au-delà de l’observation globale sur les représentations actuelles, futures et désirables, on constate divers affinages au niveau des thèmes de l’étude.

Nous avons constaté que la représentation masculine désirable moyenne de la femme était plus traditionnelle que la représentation actuelle moyenne.

Cela est exact seulement pour les thèmes de la famille et de la politique. Ceux de l’éducation et du travail restent dans le cadre général.

Ensuite, on constate, pour les deux sexes, dans le thème de la famille, une représentation désirable plus traditionnelle que dans les deux autres représentations

Cet écart est cependant seulement significatif pour les hommes, en ce qui concerne la représentation actuelle, mais surtout en ce qui concerne à la représentation future. On pourrait envisager que la famille corresponde à une partie du noyau central de la représentation de la femme qui soit alors un des aspects les plus résistant aux changements.

On observe aussi pour les deux sexes l’inversion d’ordre des thèmes entre les représentations actuelle et future par rapport à la représentation désirable : du plus dépendant au plus autonome, travail, famille, éducation, politique, devenant famille, travail, éducation, politique.

Il faut remarquer, au niveau des représentations féminines, la grande proximité des thèmes du travail et de l’éducation entre le futur et le désirable qui laisse présager que pour ces deux thèmes, ce que les femmes deviendront dans vingt ans correspondra à ce qu’elles souhaitent aujourd’hui être.

Au niveau des items

Travail

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Les items du travail enregistrent une interaction significative essentiellement due à un item.

En effet, l’ensemble de la population estime que la femme est, sera et devrait être favorable au travail à temps partiel (vision traditionnelle) et à l’orientation de plus de filles vers des postes de direction où  des carrières scientifiques.

La forte évolution concerne l’accès au congé d’éducation.

Les hommes comme les femmes considèrent qu’il devrait être accessible à l’un des deux parents salarié, sans distinction de sexe.

Politique

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L’effet d’interactionau niveau du thème politique est particulièrement important sur l’ensemble des items.

La représentation des hommes correspond au schéma que l’on aurait pu attendre: du plus au moins moderne, en allant des instances politiques locales, nationales jusqu’à la présidence de la république et ce, quelle que soit la représentation considérée.

Sur ces trois items, la représentation désirable est plus traditionnelle que la représentation actuelle, et la représentation future laisse entrevoir une légère évolution vers l’autonomie.

Les représentations des femmes semblent de prime abord plus difficile à expliquer. En effet, les femmes semblent être plus favorables à la parité dans les instances nationales (députés…) que dans les instances locales (conseillers municipaux), pour les trois représentations. Cela peut s’expliquer par certaines réponses de sujets lors de la passation du questionnaire, estimant que s’investir dans ce type d’activité prendrait trop de temps aux femmes (nombre de réunions, heures des réunions).

Concernant l’accession d’une femme à la présidence de la République, elles n’y sont que faiblement favorables actuellement, mais considèrent favorablement cette éventualité à l’avenir.

Education

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L’effet d’interaction est ici présent au niveau des écarts entre les représentations futures et désirables. Deux items sont caractéristiques de cette interaction : celui de l’orientation des filles et  celui des principes d’éducation.

Ce dernier se caractérise chez les hommes par une représentation désirable bien plus traditionnelle que leur représentation actuelle, alors que chez les femmes, ces deux représentations sont quasiment au même niveau. Les femmes pensent que, dans vingt ans, comme elles le devraient, les femmes seront favorables à une éducation fondée sur des principes égalitaires entre l’homme et la femme.

Selon les hommes, à l’inverse, cette égalité devrait être bien moindre qu’elle ne le sera dans l’avenir. Cet item concernant l’orientation prouve une inversion des tendances entre hommes et femmes : les hommes ont une représentation désirable plus traditionnelle que leur représentation future, contrairement aux femmes.

En ce qui concerne l’orientation, les femmes désireraient que plus de filles soient orientées dans les filières scientifiques et technologiques. En matière d’éducation sexuelle, hommes et femmes s’accordent à dire qu’il y aura et qu’il doit y avoir un renforcement de l’éducation de la sexualité au collège et au lycée.

Famille

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Nous observions précédemment que le thème de la famille était le seul où les femmes avaient une représentation désirable plus traditionnelle que la représentation future.

Ce résultat est dû aux items du type de situation de famille et du nombre d’enfants. Ce sont les deux seuls items pour lesquels un tel phénomène se produise.

Ceci concerne le fait que les femmes aimeraient que les femmes soient favorables au mariage et à une famille nombreuse (au moins trois enfants) alors qu’elles seront favorables à l’union libre et à un nombre limité d’enfants (deux ou moins) à l’avenir.

Le dernier résultat marquant sur ce thème concerne le partage des tâches familiales. Les représentations actuelles et futures des hommes et des femmes sont très proches. Cependant, les femmes désireraient significativement plus que les hommes que les tâches familiales soient partagées par les deux conjoints.

4) Conclusion

Aujourd’hui, l’ensemble du corps social partage la représentation d’une femme vue comme « l’égale de l’homme ». Parallèlement, les femmes, comme l’étude précédente parue en 1988 l’avait déjà souligné, développent une représentation de soi plus autonome que celle qu’elles accordent par ailleurs à l’ensemble du groupe féminin, ce qui manifeste, à notre sens, un profond désir d’autonomie et de valorisation.

Cependant, il nous semble important de remarquer que, si les hommes et les femmes semblent attendre de nouvelles évolutions vers une plus grande autonomie dans les prochaines années, ils apparaissent inquiets de ses possibles conséquences ; l’inquiétude étant la plus marquée concernant le thème de la famille. Sur ce thème, les hommes et, dans une moindre mesure, les femmes, souhaitent conserver un modèle plus « traditionnel ». Il s’agit sans doute là de l’un des défis posé par l’émancipation de la femme.

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