Le livre de J.L. Melenchon est pamphlétaire. Mais dans la bonne tradition politique, car sa critique de la société française épouse un engagement républicain radical. Ses adversaires n’hésitent pas à le juger « populiste » et inconvenant. Or, l’ouvrage, fait de verbe et de passion, n’est pas démuni d’argumentation sérieuse, et fait une analyse révélatrice d’un état d’urgence sociétale.
C’est une interpellation, nullement une provocation. Inutile d’y chercher un programme, c’est juste un constat et une imprécation pour juger une société politique devenue évanescente et moralement maladive. Avec des mots sévères pour identifier les causes des maux et apostropher les responsables.
Et ce n’est pas un hasard si son pamphlet fait mouche : best-seller depuis quelque temps, J.L Melenchon s’élève avec énergie contre le monde clos et narcissique de la politique.
Certes, comme tout pamphlet, le discours est d’un puissance inégale, dont la première partie marque le désir d’une refondation de la république. C’est peut-être là que son discours s’inscrit dans une filiation par delà la gauche traditionnelle et à la recherche d’un républicanisme perdu..
Qui peut sincèrement lui reprocher sa dénonciation d’une démocratie représentative étranglée par les manipulations de la caste oligarchique, soumise à l’économie capitaliste qui s’enrichit de crise en crise sur le dos des masses salariées au nom de la « liberté »… d’exploitation.
L’idée maitresse est annoncée sans détours : pour entamer une refondation de la République il faut une Constituante afin que le peuple puisse se réapproprier la démocratie politique. Beau clin d’œil à celle de 1789, car l’esprit y est, car les constituants élus ne pourront pas être réélus à l’Assemblée suivante. Voilà le quid du changement : changer le style n’est pas seulement tourner la page. Il faut changer de politique, c'est-à-dire de régime. Une révolution donc ? Oui, mais citoyenne ; insiste l’auteur.
Ainsi, l’idée d’une nouvelle constituante n’est pas simplement un clin d’œil à la mémoire collective, mais une solution au blocage sociétal. Si le premier moyen est de rendre possible l’émancipation politique à tous, la seconde n’est autre que la refondation de l’école et tous les autres moyens d’instruction et d’enseignement pour préparer le citoyen à la vie commune. Et surtout énoncer, répandre, communiquer que ce qui est bon, bien et vrai doit l’être pour tous sans aucune exception. Bref, apprendre donc à faire sauter les verrous des préjugés et des intérêts privés. Connaitre et discerner. Éduquer pour comprendre par empathie et par raisonnement, car le cœur ne doit pas s’éloigner de la tête sous peine de sombrer encore une fois dans les marécages du rationalisme et du scientisme des élites technocratiques. Voilà un humanisme pour la politique.
La refondation passe aussi par un mot d’ordre politique : l’économie n’est pas une machine infernale sans pilote. L’économie n’est pas une science mais une technique au service des intérêts de groupes dominants. L’économie n’est pas une morale simplement utilitaire.
L’analyse de la question passe par la dénonciation de l’appropriation de la richesse cumulée par quelques-uns en détriment des besoins de la majorité, qui reste indécente.
La crise à montré l’incommensurable férocité et la terrible voracité de ceux qui profitent du système de répartition inégale des richesses. La règle est simple : plus les riches sont riches, plus les pauvres sont pauvres.
Remettre les compteurs à zéro : c’est une refondation radicale dont nous avons besoin donc.
Melenchon martèle avec conviction : le citoyen, voire le républicain, doit « être capable d’énoncer non seulement ce qui est bon pour soi, mais ce qui est bon pour tous ».
C’est là que la critique de la manipulation des masses par les médias s’impose comme la première source de l’autonomie mentale des citoyens dont la conscience est celle d’un esprit de révolte.
Qu’ils s’en aillent tous! Oui, la demande nous semble juste. Mais il faut que tous les actuels « dignitaires » le fassent ! Or, c’est là que le souhaitable se fâche avec le faisable. L’expérience historique montre que lorsque la situation est extrême, les « responsables » d’hier changent leur chemise et se transforment en zélateurs des nouveaux régimes. Le monde politique actuel n’est pas peuplé de vertueux : les coquins et les malins pullulent. Qui pourra faire le tri ?
Les incorruptibles sont peu nombreux. Pire, ils risquent de devenir fous ou victimes. Voilà le dilemme : le livre de Mélenchon ré-ouvre le vieux débat des révolutions, des conformismes, des automatismes et des aliénations.