Nous reproduisons intégralement une pré-enquête d’opinion, faite auprès des certains amis et collègues latino américains et publiée avec leur autorisation, au sujet de leur perception de la psychologie politique en Amérique Latine. Bien entendu, nous n’avons pas la prétention d’évaluer scientifiquement l’état de la discipline dans ces pays ni de mesurer en profondeur ses enjeux. Il s’agit tout simplement de prendre quelques clichés « instantanés » de la représentation que les latino-américains se font de la discipline et de ses enjeux. C’est une manière (in)directe de jeter un coup d’œil à leur perception du moment et l’expansion de la discipline, et aussi comment ces acteurs se situent et réagissent aux questions que nous avons posées.
Les questions étaient les suivantes :
1.- Qu’entendez-vous par psychologie politique ?
2.- Quels objectifs considérez-vous comme propres à cette discipline ?
3.- Quels sont les problèmes les plus importants soulevés par les psychologues politiques ?
4.- Quelle méthodologie serait la plus adéquate pour la réalisation de la psychologie politique ?
5.- Quels auteurs ont d’après vous une meilleure compréhension de cette partie de la connaissance ?
6.- Le psychologue doit-il participer à la vie politique pour comprendre l’essentiel de la problématique étudiée par la psychologie politique ?
7.- Quelle est la présence de la psychologie politique en Amérique Latine ?
Nous avons convenu de livrer ci-joint les contenus des réponses sans faire une évaluation méthodologique ad hoc. Il s’agit de reproduire les données brutes dont l’authenticité et la singularité ne peuvent pas se réduire à une analyse quantitative ni même à une interprétation qualitative approfondie par une analyse de contenu rigoureuse, d’autant que certains de ces textes nous ont été fournies dans un délai trop court pour en faire un traitement méthodologique. Nous préservons ainsi leur spontanéité.
Toutefois, il nous semble utile de repérer grosso modo certains indices et de faire quelques commentaires de synthèse à l’attention de nos lecteurs francophones ; en effet, nous avons fait le choix de publier ces textes en espagnol sans traduction, afin d’éviter la tentation de la traitrise langagière.
Dans cette tâche de débroussage et mise en perspective nous avons eu le conseil de notre ami et collègue, le Pr. Benjamin Matalon.
Un aperçu sommaire des réponses
La première question qui porte sur l’appréciation de la psychologie politique est une série de plusieurs aperçus parfois contradictoires ; néanmoins une vision générale se dégage autour de l’idée qu’il s’agit d’un domaine d’étude de la gestion de la vie en société. Certains font une estimation épistémologique de la discipline, notamment sa dimension méthodologique plurielle. Pour d’autres, c’est un regard interdisciplinaire afin d’expliquer les formes inconscientes et subjectives des comportements politiques.
La seconde question rapporte que les objectifs de la psychologie politique sont nombreux et fonction des situations et des problèmes particuliers, notamment : abus de pouvoir, processus électoral, mouvements sociaux… Parmi les objectifs évoqués se trouve la recherche des modèles pour comprendre l’action politique dans un fonctionnement d’équilibre sociétal. Ce serait in fine la réponse à la présence des stratégies singulières et collectives d’émancipation sociale et la construction d’outils pour viser d’autres mondes possibles. Et, enfin, en moindre mesure, le but d’une formation des professionnels compétents afin orienter les décisions politiques.
La troisième question aborde divers problèmes auxquels la psychologie politique est confrontée. Les plus fréquemment cités sont : les droits de l’homme, les conflits et les diverses formes de violence politique, les cadres culturels, les phénomènes de corruption publique, l’utilisation des medias et les techniques de propagande dans les discours politiques, les défaillances de la démocratie et les effets de la désidéologisation de la participation citoyenne. Une idée assez significative est exprimée par un enquêté évoque un phénomène plus général : il n’y aurait pas des problèmes spécifiques à la psychologie politique, mais à l’ensemble de disciplines de sciences humanises et sociales.
La quatrième question sur les méthodes en psychologie politique montre deux tendances fortes : d’abord, celle très minoritaire qui postule une méthodologie empirique, puis celle largement majoritaire qui revendique une posture assez pragmatique sans imposer une approche méthodologique unique (ni quantitative ni qualitative) et en fonction de la problématique et la situation de la recherche.
La cinquième question concerne l’influence des quelques auteurs dans la gestation et développement de la psychologie politique en A. Latine. Il faut reconnaitre que nous sommes devant un vaste archipel des noms et de références. Pour établir un repérage, nous allons mentionner ceux qui sont cités au moins cinq fois.. Chez les européens les plus mentionnés : Lebon, Adorno, Moscovici, Dorna. Et, enfin, chez les latino-américains : Martin Baro, Montero, Mota et Rodriguez. Parmi les auteurs nord-américains, paradoxalement les moins cités en général, se trouvent les noms de Lasswell et de Kelman.
Bien entendu, il faut rappeler que le caractère peu représentatif et partiel de la population enquêtée rend ces donnés non généralisables et encore moins nous permet une hiérarchisation des opinions.
La sixième question est probablement celle qui évoque les réponses le plus consensuelles. Ainsi une très grande majorité des opinions la participation militante du psychologue politique ne semble pas pertinente pour travailler dans ce domaine.
La dernière septième question, ne dégage pas un profil précis de la psychologie politique en Amérique Latine : si certains parlent d’un mouvement en pleine expansion avec la création des plusieurs institutions nationales et latino-américaines, d’autres se montrent bien plus réservés et ne considèrent pas un véritable développement « professionnel ». En revanche : la sensibilisation aux questions politiques gagne en extension et alimente un débat soutenu in crescendo.
En somme : les conclusions ne son pas nettes ni généralisables. Pourtant, nous devons convenir que le contexte historique et géographique révèle une forte influence autant dans l’appréhension des questions que de la production réponses.
Toutefois, l’ensemble de réponses montrent une forte pluralité épistémologique et l’absence d’un projet programmatique commun. C’est une question à la fois heureuse et troublante. Doit-on conclure que la psychologie politique vue de l’Amérique Latine refuse de postuler une attitude scientifique neutre, mais la volonté d’en faire un levier idéologique de libération et d’expression politique contre le statut quo ? Certaines opinions le laissent entendre, mais sans faire l’unanimité.
Il nous reste à remercier sincèrement la collaboration enthousiaste des collègues et amis qui ont bine voulu répondre aux questions : Rubén Ardila (Colombia), Edgar Galindo (Medique), Silvina Brussino (Argentina), Silvina Brussino (Argentina), María Teresa Almarza (Chile), Daniel Eskibel (Uruguay), Maritza Monteo (Venezuela), Elio Rodolfo Parisí (Argentina), Virginia García Beaudoux (Argentina), Ignacio Morales Hernández (México), Armando Campos S. (Chile-Costa Rica), Guilherme Borges (Brasil), Abraham Quiroz (Mexico), Graciela Mota (México), Luis Oblitas (México-Perú), Yorelis Acosta (Venezuela), Adrian Manzi (argentina).
Une perspective à venir
Si ces premiers témoignages semblent peu concluants pour nous faire une opinion sur la discipline en A. Latine. Pourtant, nul peut douter de leur importance Au point que prochainement nous allons lancer dans le contexte européen et francophone une pré-enquête semblable, afin de comparer nos réalités et les caractéristiques des opinions d’un côte et de l’autre de l’Atlantique. Et si l’idée est accueillie favorablement par des collègues de l’Amérique du Nord et de l’Afrique nous obtiendrons ainsi une vision plus claire de l’ensemble et du décollage de la discipline.