N°24 / numéro 24 - Janvier 2014

Le Chili affronte enfin son histoire récente : La guerre des mémoires

Jacques Le Bourgeois

Résumé

L’auteur, historien, vivant au Chili, depuis 8 années, est un témoin privilégié de la politique locale. Ce pays qui a connu durant 17 années une dictature particulièrement brutale a bien du mal à affronter son histoire récente. Deux récits, deux mémoires s’opposent. Mais les événements récents, marqués par la concomitance du contexte électoral et la commémoration du quarantième anniversaire du coup d’état, révèlent une attitude nouvelle de la population. Elle semble décidée à écrire sa version. Le problème est qu’en terme d’histoire contemporaine, ce n’est pas d’histoire qu’il s’agit, mais de mémoire. Celle-ci s’impose au présent et le contexte électoral, sur un fond de contestation généralisée, rend le problème plus aigu.

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Il y a quelque temps déjà j’avais commencé à rédiger un article que j’avais intitulé « Une page d’histoire qui n’en finit pas de se tourner ». J’y relatais mes observations sur un phénomène caractéristique du Chili : la société ne se retrouve pas dans son histoire. Cela se traduit par un affrontement systématique et récurrent de deux mémoires antagonistes entre ceux qui continuent de soutenir le régime de la dictature de Pinochet et ceux qui en furent les victimes. La dictature militaire au Chili s’est terminée en 1989. Un régime démocratique lui a succédé. Mais 24 ans plus tard, en dépit de nombreux écrits sur cette période sombre de l’histoire chilienne, on a bien du mal à tourner la page. Deux histoires cohabitent1. Deux mémoires, du moins si j’en synthétise les contours principaux, s’opposent, tout autant radicales l’une que l’autre. Deux décades plus tard, on ne parvient pas à affirmer avec certitude que les faits rapportés sont bien les vrais. 1200 personnes disparues n’ont toujours pu être identifiées, car leurs restes n’ont pas été retrouvés. Des centaines de cadavres restent enfermés dans des placards. L’histoire hoquette, mais ne se dévoile pas. Pierre Nora nous avait pourtant indiqué que l’histoire est une reconstruction difficile du passé, car toujours incomplète. Cependant dans le cas du Chili, le phénomène est plus complexe, car il altère le climat politique et social du présent. Le drame psychologique vécu par les familles des prisonniers disparus est une plaie mal cicatrisée, pour certains encore ouverte sinon rouverte. Nous sommes en présence d’un processus compliqué où le regard de l’historien ne suffit plus pour voir clair. La justice est devenue un acteur, sinon incontournable pour étudier le passé, du moins indispensable pour panser les plaies.

Mais à l’approche de la commémoration du quarantième anniversaire du coup d’Etat, la situation s’est inversée. Pas à pas, en l’espace d’un mois, on a vu les pans de l’histoire se déchirer. Les événements se sont succédés, dans une accélération finale stupéfiante pour déboucher sur un véritable retournement de situation. La société semble enfin décidée à affronter son passé et à jeter sur cette période sombre un regard critique, à la recherche de la vérité et de la justice. Le monde politique, jusque là réticent à s’impliquer dans ce processus, s’est retrouvé emporté par ce torrent et, a dû se prononcer. Processus d’autant plus difficile que l’on est entré dans la campagne électorale et que ce retour sur le passé perturbe sérieusement l’unité idéologique des partis de droite au pouvoir, tout en affectant aussi ceux de la Concertation qui avaient dû se résoudre, durant plus de 20 ans, à mettre en œuvre une politique de transition fondée sur des compromis, occultant du même coup, sinon banalisant peu à peu la cohabitation délicate des victimes et de leurs tortionnaires. Ce processus a été initié par les revendications sociales qui se répètent et s’affirment depuis maintenant plus de deux ans, remettant en cause toute l’architecture politique, institutionnelle, économique et culturelle léguée par la dictature. Les médias ont amplifié ce mouvement contestataire en particulier à l’approche des commémorations du quarantième anniversaire.

Aujourd’hui la société semble avoir surmonté sa peur. Si la fracture sociale persiste, la partition en deux est passée nettement à l’avantage des victimes. Au point qu’un récent sondage révèle que 75 % des Chiliens reconnaissent les méfaits du régime militaire, alors qu’il y a dix ans, ils n’étaient que 50 %. Ce retournement de situation m’a donc amené à revoir mes premiers écrits pour affirmer qu’aujourd’hui, le Chili a changé. Ceci est d’autant plus important que dans un mois, auront lieu les élections présidentielles et parlementaires. On peut s’attendre à des bouleversements.

Un passé indigeste, mais étouffé

L’arrivée de la Concertation au pouvoir en 1990 a sans conteste permis le retour à la démocratie, mais elle n’a pu résoudre les conflits de mémoire qui s’affrontaient au sein de la société. Pire encore, la politique de compromis qu’elle a conduit n’a fait qu’aviver ceux-ci. Un certain nombre de mesures ont pourtant été prises au profit des victimes. Une politique d’exonération des personnels victimes de l’exclusion dictatoriale a bien été engagée. Les commissions Valech et Rettig2 ont permis de faire la lumière sur une grande partie des exactions de la dictature, notamment sur les violations des droits de l’homme. Des procès ont été intentés contre les militaires impliqués dans ces affaires et les principaux ont été condamnés. Mais le chef de la Junte, le général Pinochet, y a échappé. Il est mort sans avoir été inculpé3. Quant aux civils qui ont appuyé la dictature, ont participé à sa politique et en ont profité, ils n’ont jamais été menacés. Certains continuent d’exercer des charges politiques et institutionnelles4. On a même tenté de considérer la dictature comme un facteur favorable au développement du Chili5, occultant du même coup ses excès que certains cherchaient à minimiser sous le prétexte que c’était le prix à payer pour y parvenir. Or il reste encore près de 1200 personnes disparues dont les familles cherchent inlassablement les traces. La redistribution économique qu’a favorisée la dictature s’est soldée par un enrichissement criant des familles qui l’avaient appuyée, lesquelles détiennent aujourd’hui 80 % des richesses économiques du pays. Le système économique et financier, emporté par sa logique néolibérale, a favorisé un processus terriblement inégalitaire et multiplié des abus devenus insupportables.  Il s’ensuivit une atmosphère délétère, celle du non-dit, celle du compromis nécessaire pour permettre au pays de se reconstruire après 17 années dramatiques. Malheureusement, à chaque fois qu’un événement rappelait le passé, la plaie se rouvrait et la partition de la société se dessinait nettement et de manière de plus en plus tragique. Cela s’est remarqué lors des funérailles de Pinochet. Le pays s’est littéralement partagé en deux camps, les « pour » et les « contre »6. Le « jour du jeune combattant », appelé ainsi officieusement pour rappeler la mort de deux jeunes gens7 assassinés par les forces de police, est systématiquement l’occasion de perturbations, de saccages et de barricades. On le voit bien, le mythe s’est imposé dans les mémoires.

Pourtant les processus judiciaires n’ont jamais cessé. Des tentatives d’éclaircissement ont même été récemment entreprises pour connaître les causes réelles des morts des personnages les plus emblématiques comme Salvador Allende, Toha, son ministre de l’intérieur, le poète Pablo Neruda, l’ancien président DC, Frei Montalva. Même si les doutes persistaient sur chacun des quatre, une histoire s’était écrite ; une mémoire s’était bâtie : Allende s’était suicidé, tout comme Toha. Quant à Frei et Neruda, ils étaient morts de maladie. Les deux camps s’en accommodaient. Les familles en avaient fait leur deuil. Tout semblait rentrer dans l’ordre. Un ordre qui convenait à tout le monde ou presque. Mais les questionnements ont été tels qu’il apparaissait nécessaire de vérifier si ces histoires construites étaient bien le reflet de la réalité. L’enjeu est de taille. Car si les analyses en cours démontrent le contraire de ce que tout le monde ou presque pensait, les conséquences ne seront pas négligeables. Psychologiques, car les familles vont devoir réviser leur mémoire dans la douleur. Politiques, car si les suicides et les morts naturelles se révèlent être des assassinats, les crimes commis auront une toute autre portée. Sociales, car le clivage actuel de la société chilienne s’appuyant davantage sur des mythes que sur des réalités, va exiger des actes courageux et sincères pour être surmonté. Le principe du compromis que les politiques, les juges et tous les dirigeants ont entretenu pour tenter de ressouder une nation n’aura plus de justification. Mais la justice aura-t-elle les moyens techniques et l’audace suffisante pour réviser ces drames ? Nous en doutons. Dans l’hypothèse négative, on reviendra â la situation actuelle, sans doute une consolation, mais certainement pas une réponse suffisante. Les mythes vont perdurer et entretenir les mémoires dans la souffrance. Finalement les dernières enquêtes ont permis de vérifier que Allende s’est bien suicidé. Mais rien n’est sûr concernant les trois autres. Or les trois personnages sont importants : 1 président, un ministre d’Etat et un poète prix nobel. Ce sont des symboles et leurs assassinats ne se justifient absolument pas.

S’il est avéré que leurs morts ont été provoquées, (deux auraient été empoisonnés), leur concomitance et leur portée sont les indices d’un complot dont les instigateurs et les auteurs ne peuvent pas être autres que les plus hautes autorités de l’Etat au moment des faits. Bien sûr cela n’apportera rien de nouveau quant à la fibre meurtrière et la violence de ce régime. Mais l’impact des ces crimes vraisemblables annihile à terme toute tentative de justification, encore moins tout argument de disculpation. Les crimes seront alors des faits. Magnicides. Crimes politiques. Crimes de droit commun. Atteintes avérées au droit de penser autrement8. La justice devra se prononcer et l’histoire ne pourra que suivre ses décisions. Il sera alors difficile non seulement d’être négationniste, mais aussi de se poser en révisionniste.

Ce qui est symptomatique est la concomitance non des actes, mais de la révision des faits. Les réouvertures d’enquêtes interviennent sous un gouvernement de droite. Non pas conséquence de sa décision, mais le fait de circonstances. Ce n’est pas ce gouvernement qui entame de sa propre initiative la révision d’une histoire dont certains de ses membres et la majorité de ses appuis ont été des acteurs. Il est au contraire pris dans la tourmente du processus qui a tardé à se manifester et auquel il ne peut s’opposer sous peine de passer pour un partisan officiel d’un passé criminel. Il ne peut que prendre le train en marche et laisser faire les procédures, quitte à devoir renier ultérieurement certains de ses appuis devenus peu recommandables. Une pierre de plus dans les souliers du président au pouvoir.

Du point de vue de l’historien, le sujet interpelle. Comme j’ai constaté que du point de vue géologique, le Chili est un livre ouvert, il l’est aussi sur le plan de l’Histoire. Il démontre aussi qu’en matière de l’approche des faits, rien n’est jamais sûr, jamais fini. Mais cela va plus loin encore. L’histoire, pour être crédible, doit s’appuyer sur la Justice, même si celle-ci va devoir s’appuyer en partie sur les historiens pour se prononcer. C’est toute la problématique de l’histoire contemporaine où le mythe n’est plus admis, mais est omniprésent9. On y retrouve aussi la confrontation histoire - mémoire.10 L’une et l’autre s’opposent et en même temps se nécessitent pour survivre et s’imposer. Et dans le cas du Chili, c’est un drame qui se vit quotidiennement. Le passé ne passe pas, il devient de jour en jour plus indigeste.

Le quarantième rugissant

En septembre 2013, s’est commémoré le quarantième anniversaire du coup d’Etat. Jusque là les commémorations s’étaient faites discrètes. Celle-ci va brutalement permettre l’irruption du passé dans le présent, mais surtout va nous révéler un fait nouveau, une volonté populaire d’affronter son histoire. Jusqu’à maintenant on ressentait comme un frein, une sorte de pudeur, sinon un blocage à l’égard de ce qui s’était passé dans les années 70-80. Depuis la fin août, le Chili semble décidé à regarder son histoire en face. Le souvenir du coup d’Etat du 11 septembre 1973 a brusquement refait surface, avant de monopoliser la presque totalité des médias. Aux heures habituelles des séries ou des jeux et des realitys, on a soudain vu surgir sur le petit écran des images jusque là interdites, des personnages se dévoiler en confiant des anecdotes vécues. Sous les coups de boutoir de la société abusée qui a enfin pris conscience d’elle-même et de son histoire, le regard porté sur le passé prend brutalement une autre tournure. Il se fait critique et décapant. Le Chilien que j’ai connu passif, il y a à peine huit années, semble animé d’un dynamisme dont on ne mesure pas encore l’amplitude. L’ambiance est devenue effervescente et la classe politique n’a pas échappé à la tourmente. Et la plus mal à l’aise est sans conteste la Droite, y compris le gouvernement. Il convient de souligner que la campagne électorale pour les présidentielles et les parlementaires est engagée.

Au début, tout paraissait calme, un peu comme si l’on voulait continuer de vivre dans l’ambiance habituelle. Plusieurs activités avaient été préparées, par l’Institut National des Droits de l’Homme principalement, sous forme de dialogues, de documentaires et d’expositions. Puis une succession d’événements va bouleverser cette quiétude apparente.

Le premier intervient à la fin août et concerne le chef du Service électoral, le général Cheyre, ex-commandant de l’armée de terre. Une association de familles de prisonniers disparus rencontre un homme d’une quarantaine d’années qui n’est autre que le fils d’un couple d’activistes de gauche, torturés, puis éliminés par la Junte au Pouvoir. Or il apparaît dans son récit que le lieutenant Cheyre de l’époque fut celui qui va confier cet enfant devenu orphelin à une organisation religieuse sous prétexte que ses parents ont disparu et l’ont abandonné. Cheyre avait antérieurement été entendu comme témoin sur cette affaire, et aucune charge n’avait été retenue contre lui. Cette fois, une confrontation avec la victime a lieu au cours d’une émission télévisée. Et la position du général devient brutalement intenable. Le lendemain, il démissionne de son poste et un large débat s’engage à la fois sur le rôle du général et sur les méfaits de la dictature.

Simultanément une chaîne de télévision pourtant privée, CHV, émet un documentaire intitulé « Images interdites11 ». Il s’agit d’une émission en quatre épisodes au cours desquels seront diffusées des séquences inédites datant de la dictature. Les scènes sont crues. Elles relatent des événements marquants soulignant les exactions des services de renseignement et celles de la police. Ce sont des prises de vue d’époque, souvent oubliées, quand elles n’ont pas été cachées. L’impact est énorme. Tout le Chili se sent brutalement interpellé par son histoire. Une seconde émission suivra, tout autant marquante. Elle relatera l’épisode de la caravane de la mort12 : L’équipée d’un général et de ses acolytes, officiellement mandatés par Pinochet, dans le nord du pays pour procéder à des exécutions systématiques dans les semaines qui ont suivi le coup d’état. L’audience est telle que les séries habituelles à cet horaire comme les shows, les realitys ou les téléséries voient leur rating tomber au plus bas. Le public leur a préféré ces documentaires historiques. L’engrenage est en marche.

Dans la dernière semaine d’août, Hernan Larrain, sénateur de l’UDI, parti qui a appuyé la dictature et soutient l’actuel gouvernement, lors de la présentation d’un dernier ouvrage fait sa propre autocritique. Il demande pardon pour ne pas avoir eu conscience des pratiques de la dictature et de ne pas avoir fait ce qu’il aurait dû faire. Sa décision est courageuse. Il est évident qu’il ne s’est pas attiré que des amis au sein de son camp. C’est le seul qui a osé le faire. Elle est fort louable, car c’est une démarche personnelle qui ose remettre en cause une partie de sa propre histoire. Il a reçu des éloges transversaux. Mais peu de ses collègues l’ont suivi. Pour atténuer le coup, on appelle à une sorte de partage des responsabilités entre droite et gauche. Cet argumentaire d’autant plus suspect qu’il met sur un pied d’égalité des erreurs politiques et des crimes contre l’Humanité sera rapidement l’objet de critiques vives à gauche. Si bien que les quelques personnes de bonne volonté qui avaient osé s’engager sur les traces de Larrain vont se limiter à des analyses timorées. La notion même de pardon ainsi banalisée perdait de sa portée.

Mais on peut s’interroger sur le moment et sur ses intentions cachées. Il est clair que politiquement parlant, la droite aujourd’hui est très mal à l’aise. Elle affronte, divisée, un contexte de réprobation généralisée. Elle est au plus bas dans les sondages et ses candidats ont peu de chance de récolter des succès. Sur le plan de l’éthique, elle est également fortement ébranlée. Si les militaires, du moins la partie la plus voyante, paient leurs crimes, aucun civil n’a été accusé. Or beaucoup d’entre eux ont appuyé le régime militaire, ont participé à sa politique et contrairement à ce qu’ils disent, étaient parfaitement au courant des exactions. Or ces mêmes personnages participent aujourd’hui au pouvoir, s’ils ne détiennent pas les ficelles financières dont la plupart ont été obtenues durant la dictature. La seule issue qu’ils préconisent est la projection dans le futur. Mais celle-ci s’appuie soit sur l’oubli du passé, idée assez souvent entendue dans ce milieu, mais qui ne s’enracine pas dans les mentalités à la recherche de la justice, soit sur le pardon. C’est dans cette démarche que j’aurais tendance à inscrire celle du sénateur. Elle est donc brouillée, car fortement instrumentalisée.

Mais le monde politique est maintenant montré du doigt. Il est dans l’arène. L’épisode du pardon va porter le débat en son sein. La droite est questionnée. Elle tente de sortir de l’impasse en faisant un parallèle entre la débilité du régime d’Allende qui aurait été, selon elle, la raison majeure du coup d’Etat militaire et les excès du régime dictatorial qui en a résulté. Le débat se fait grinçant, mais tourne rapidement court, car les accusations se retournent contre la droite.

Le dimanche 1er septembre dans une interview donnée à la Tercera, second quotidien à tirage national, le président Piñera accuse des « complicités passives » au sein de la classe politique et met en cause le rôle de la Justice et de la Presse. Cette intervention courageuse va provoquer un tollé à droite, son secteur. On lui reproche « des propos injustes » (L’UDI13) et « une accusation irresponsable » (la RN14, son parti), alors que, à gauche, on exige des explications complémentaires, sinon des noms. Les regards se tournent alors vers ces fameux complices, les civils. Au cours de la semaine qui suit, la Presse, puis la Justice vont tenter de faire amende honorable en évoquant les erreurs passées et invoquer le pardon. Mais les discours se font décousus et contradictoires, révélant les difficultés rencontrées, principalement à droite. Celle-ci se désunit de plus en plus. Le Président tente de se situer au dessus de la mêlée, mais les deux partis formant son soutien se déchirent et vont jusqu’à formuler des critiques sévères à son encontre.

Le gouvernement tente de s’en sortir en organisant au dernier moment une cérémonie commémorative à la Moneda, prônant l’unité du pays. Mais c’est un échec. Les invités les plus en vue se trouvent des raisons pour ne pas y assister. Sur 200 invités, il n’y en aura qu’une petite centaine. Aucun de gauche. La Concertation avait de longue date organisé sa propre commémoration. En fait d’unité, c’est la fracture qui s’impose. Bien sûr on récuse les atteintes aux droits de l’Homme, et on appelle à la réconciliation. Mais on revient aussi sur l’idée que le coup d’Etat s’explique par des erreurs politiques dont chaque camp porte la responsabilité. On met en avant les inconséquences de la gauche au pouvoir ayant conduit inexorablement à la catastrophe. Ceci tout d’abord est inexact du seul point de vue historique, puisqu’on omet la pression exercée par les Etats-Unis qui ont tout fait pour rendre la situation politique chilienne intenable et faire tomber Allende15. Ensuite, ce type de discours est une manière frauduleuse de faire porter à la gauche une part de responsabilité dans les atrocités de la dictature. En clair, si vous n’aviez pas eu cette politique, on aurait évité ce drame. C’est une façon d’amoindrir la responsabilité de la droite et de banaliser les atteintes aux droits de l’Homme. Or, ici il n’y a pas partage de responsabilité. L’armée et la droite chiliennes sont les véritables et uniques responsables. Alors transpire un message subliminal qui pourrait avoir un effet non négligeable dans le contexte des élections qui auront lieu en novembre prochain. Tout simplement de faire croire que le programme de madame Bachelet, candidate de gauche et largement favorite, va conduire à une situation similaire à celle que le Chili a connu en 1973.

Mais le jour même de la commémoration, une interview de Manuel Contreras, ex-chef de la DINA16, par CNN Chile, va porter un ultime coup, sans doute le plus rude. Contreras, condamné à vie, reçoit les deux journalistes, Daniel Matamala et Monica Rincon dans son bungalow. Ses propos vont susciter un rejet généralisé. Non seulement, il s’estime injustement condamné, mais il affirme être innocent de tout ce qu’on l’accuse. Il nie les tortures, les prisonniers disparus et, cerise sur le gâteau, il se fait servir un verre d’eau par le gendarme qui tient lieu de geôlier, démontrant par là qu’il jouit de tous les privilèges dus à son rang. Son attitude provocante va immédiatement susciter de vives critiques sur les conditions privilégiées réservées aux militaires de haut rang condamnés pour crime contre l’humanité. Un nouveau débat surgit. On crie à l’injustice. On exige la fermeture de ce centre de détention de luxe et le transfert des prisonniers dans une prison commune.

La décision revient au Président. Il est alors à l’étranger. A son retour, il annonce officiellement la fermeture du centre pénitentiaire de La Cordillera et le transfert des détenus qui y demeurent. Ce dernier tarde, la presse et des manifestants de plus en plus nombreux font le siège du centre. Un jour passe, un second s’amorce, quand une nouvelle fait rapidement la une : l’un des dix prisonniers, le général Aldinier Mena, ex chef du CNI, qui avait succédé à la DINA, s’est suicidé à son domicile. Dans une lettre, il accuse le président de la république d’avoir manqué à sa parole et de les avoir trahis. Le transfert aura pourtant lieu le soir suivant.

La semaine qui suivait devait être celle de l’Unité. Le 18 septembre est la fête nationale. Elle s’inscrit dans une période de 5 jours de vacances et de bombance. Ce fut le cas et tout le monde pensait que le cours des choses allait reprendre à l’issue comme si de rien n’était. Il n’en fut rien. Car on s’apprêtait à commémorer l’anniversaire du « No », la réponse populaire au plébiscite que Pinochet avait organisé en octobre 1988. Là encore le passé faisait à nouveau irruption dans le présent. Et à la différence des années précédentes, l’ambiance redevenait électrisée. La droite se trouvait à nouveau dans la ligne de mire des critiques. Piñera, une fois de plus, se démarque de son secteur en rappelant son choix de l’époque. Il avait voté « No ». Hinzpeter, son bras droit, actuel ministre de la défense, en rajoute. Il précise que bien souvent, à droite, on rencontre des « problèmes d’éthique ». Tout cela nuit considérablement à la campagne de la candidate de la Droite, Evelyn Matthei. Elle ne décolle pas dans les sondages. A l’heure où j’écris ces lignes, elle est créditée d’à peine 13 % des voix, talonnée par un jeune concurrent, Franco Parisi, tous les deux loin derrière Madame Bachelet, créditée par ce même sondage entre 37 et 44 % des voix selon la participation17. La Droite continue de se déchirer et craint une catastrophe politique lors des prochaines élections du 17 novembre.

Pourquoi maintenant ?

C’est la question qui revient régulièrement dans les discussions. Personnellement j’avancerai quatre raisons. La première est générationnelle. Le changement d’attitude à l’égard du passé est le fait des jeunes. Ce sont eux, à travers le mouvement étudiant, qui ont imposé leur façon de regarder le passé et d’affronter le futur. Leur attitude est critique, dénuée de peur. Ils pensent à leur avenir, mais veulent le construire à leur manière. Ils regardent le passé avec l’insolence de la jeunesse. Ils veulent en savoir plus, ils réclament la justice, mais surtout, ils ne veulent plus de non-dits. Ils sont davantage entreprenants que leurs parents, car ils n’ont pas cette peur qui collait au ventre de leurs géniteurs. Ils sont aussi mieux informés grâce à INTERNET et aux réseaux sociaux.18

La seconde est liée aux médias. Alors que tous sont aux mains du privé, normalement plus enclins à voter à droite, les medias se sont impliqués dans cette redécouverte du passé d’une manière inhabituelle. Ils ont amplifié, principalement par les images et les témoignages, les horreurs du passé. L’impact a été national et phénoménal. Je pense que ce revirement des medias s’explique par les règles de transparence, officielles et circonstancielles, qui s’imposent peu à peu. Il existe une sorte de concurrence entre les medias classiques et ceux qui apparaissent sur le réseau INTERNET, plus propice à l’exposé d’histoires officiellement tues19. Comme de plus en plus de monde a accès à ces formes d’information, les medias classiques ne peuvent faire autrement que faire aussi bien que les autres. Ils sont donc obligés pour leur simple crédibilité, voire leur survie, de livrer au public des informations attractives. Où trouver l’attractif, le spectaculaire ? Dans l’histoire cachée, dans les mémoires. Celles-ci sont toujours vivantes. Certains des acteurs de la dictature sont morts, mais beaucoup sont encore là. Ce sont des témoins vivants. Les medias ne font pas de l’Histoire, mais font parler les mémoires, celle du verbe et celle de l’image. L’accès au passé se fait à travers les mémoires. Et celles-ci s’imposent au présent. Or nous connaissons les caractéristiques de celles-ci, elles sont imprégnées de sensibilité, quand ce n’est pas de la passion et c’est ce qui frappe le public.

La troisième est circonstancielle. Nous nous trouvons à la croisée de deux phénomènes, les élections présidentielles et parlementaires et la commémoration des moments dramatiques de l’Histoire du Chili, tout cela dans un contexte de contestation qui plonge ses racines dans un rejet généralisé du système néolibéral, introduit au Chili par la dictature et dont le pays entier est devenu la vitrine. Il faut avoir conscience que les mouvements sociaux au Chili se sont multipliés de façon considérable en l’espace de trois ans et que les revendications portent sur une remise en cause du système politique, constitutionnel, économique et social hérité de la dictature. Dans de telles circonstances, tous les regards accusateurs se portent sur les responsables et les premiers en cause sont ceux qui ont appuyé et participé à ce processus, principalement la droite, actuellement au pouvoir. L’irruption du passé dans le présent ne fait qu’accentuer ce rejet. La perspective des élections constitue donc plus fortement que jamais une opportunité de changement. Nous nous trouvons dans une convergence extraordinaire où le passé, le présent et le futur sont étroitement mêlés.

La quatrième est culturelle. On peut se demander pourquoi le gouvernement a eu un comportement tant erratique. On peut même se poser la question de fond. A t’il réellement évalué cette perspective et ses conséquences ? En effet tant les élections que les commémorations, tous ces événements non seulement étaient prévisibles, mais surtout étaient planifiés de longue date. Or que ce soit la droite ou le gouvernement, on retire de ce processus une impression d’imprévision et d’absence de stratégie. L’explication, selon moi, est que cette classe au pouvoir est marquée par deux caractéristiques culturelles, d’une part cette habitude de réagir à l’événement plutôt qu’anticiper, d’autre part la certitude de détenir la vérité. Les Chiliens sont effectivement remarquables dans leur capacité de s’adapter aux événements et de se laisser emporter dans leur flux avec une anticipation sinon minimale, voire inexistante tout en faisant preuve d’un opportunisme impressionnant. Ils en font une règle de vie et s’en vantent bien souvent critiquant la rigidité de la planification du vieux continent. Sans doute la Droite a pu verser dans ce travers, mais j’en doute s’agissant du gouvernement, même si dans des situations antérieures, il a eu effectivement cette réaction ou plutôt cette absence de réaction. En fait je crois davantage à la deuxième caractéristique culturelle, celle de leur aveuglement tant ils sont persuadés de détenir la vérité. Jusque là, la Droite a toujours écrit l’Histoire du Chili20, sinon littéralement parlant du moins dans ses actes en imposant son pouvoir. S’agissant de l’épisode de la dictature, une fois encore elle a écrit « son Histoire ». Même si elle est tronquée, si elle n’est que le reflet partial et subjectif d’une histoire qu’elle a cherché à imposer. Au cours de ces deux mois qui viennent de s’écouler, nous avons effectivement reçu de ce secteur de la société chilienne « sa vision historique » et le plus symptomatique de ce trait culturel est qu’elle exprime une conviction. Ceci démontre bien son incapacité à écouter l’autre histoire. Ce secteur a toujours eu le privilège d’imposer la sienne et ne s’est jamais préoccupé de l’autre secteur, celui des victimes, celui des oppressés, celui des dominés. Sans doute croyait-il que ce privilège lui serait préservé. Le problème est que la technologie moderne et la proximité temporelle ont imposé une autre approche21. Ce n’est plus d’histoire qu’il s’agit, mais de mémoire et les moyens modernes favorisent davantage l’expression de celle-ci qu’il y a deux décades. L’approche du passé, surtout dans le cas de l’histoire contemporaine et qui plus est, dans le contexte passionnel d’une fracture interne, échappe à l’historien, mais relève davantage de la Justice et des médias. Ce changement n’a pas été perçu justement parce que cette classe politique est aveuglée par sa certitude et c’est là, je crois, que réside l’explication.

La conséquence de cette transformation est déjà concrètement visible dans le comportement général de la population. Le Chili n’est plus le pays calme et tranquille qui attirait les investisseurs. Sa société se fait dynamique et critique. Elle a pris conscience de ses droits et de son histoire. Elle cherche à l’écrire elle-même. Bien sûr, le clivage persiste. Sans doute en sera-t-il ainsi encore de nombreuses années. Si nous jetons un regard sur ce qui s’est passé en France pour l’épisode vendéen, deux siècles après, deux mémoires persistent et deux histoires s’écrivent même si on observe une convergence. En Espagne, l’épisode de la guerre civile est loin d’être clos 77 ans plus tard. Le Chili se caractérise toujours par la coexistence de deux mémoires et a bien du mal à en faire une histoire commune acceptée de tous. Mais ce qui set remarquable est cette capacité de la société chilienne d’oser affronter son passé. C’est un signe de maturité, même s’il faudra encore de nombreuses années pour surpasser ce traumatisme. Dans à peine un mois vont se dérouler les élections présidentielles et parlementaires. Le résultat des premières semble déjà se préciser avec une victoire quasi assurée de madame Bachelet, candidate du conglomérat de partis de gauche. La Droite va vraisemblablement être confrontée à une catastrophe politique qui devrait se traduire par un clivage au sein même de ses partis et sans doute une refonte postérieure d’où émergera une nouvelle droite. Mais qu’on ne s’y trompe pas, le futur gouvernement sera lui aussi confronté à un problème de taille, répondre aux attentes de la population et surtout l’intégrer dans une prétention nouvelle et inédite au Chili, écrire sa propre histoire.

1  Je rappellerai la polémique qui survint en 1999 entre l’historien Gonzalo Vial et un groupe d’historiens, dont Gabriel Salazar et Sergio Grez,  auteurs du manifeste des historiens. Ce lettre ouverte critiquait vivement l’approche historique partiale que faisait Gonzalo Vial, dans un article paru dans La Segunda, le 12 février 1999 à Santiago. Sergio Grez et Gabriel Salazar, Manifiesto de Historiadores, LOM, 1999, Santiago.

2  www.indh.cl/informaciones-comisionvalech.

3  Le Général Pinochet est décédé de maladie le 10 décembre 2006 à Santiago.

4  Parmi ceux-ci, Alberto Cardemil, député en activité de la RN, ex sous-secrétaire d’Etat du ministère de l’intérieur de 1984 à 1988. et Jovino Novoa, UDI, président du Sénat en 2009, ex sous-secrétaire général du gouvernement en 1982.

5  Voir l’ouvrage de Joaquim Lavin, Revolucion silenciosa, paru en 1987.

6  Pendant qu’un groupe d’une centaine de personnes priait devant l’hôpital où l’ex dictateur agonisait, une foule se massait sur l’avenue principale de la capitale, l’ Alameda, et exultait à l’annonce de sa mort. Le jour des funérailles, le gouvernement de la Concertation du moment refusa de décréter un deuil national.

7  Eduardo et Rafael Vergara Toledo ont été tués par les forces de police le 29 mars 1985. Ce méfait sera longtemps occulté avant que l’on ne découvre la réalité d’un assassinat.

8  Sergio Bitar, Dawson, ilsa 10, éditions Pehuen, 1987, Santiago. L’auteur y raconte sa captivité dans une île perdue de l’extrême sud chilien. Je rappellerai aussi la chasse aux sorcières menée par la dictature à l’encontre de tous les professeurs, les syndicalistes, les parlementaires et les membres des partis qui avaient appuyé le gouvernement d’Allende, ou bien encore les collections de livres brûlés, les œuvres d’art détruites ou recouvertes de plâtre ou de ciment comme la fresque de Matta de la piscine de la commune de La Granja.

9  Cette situation n’est pas unique. Je dirai même qu’elle est le propre de tout pays, à commencer par le nôtre. Je citerai à l’appui le remarquable ouvrage de Pascal Blanchard et Isabelle Veyrat-Masson, Les guerres de mémoire. « Depuis le milieu des années 1990, la notion de « guerres des mémoires s’affirme dans le débat public. Les termes de repentance et de lois mémorielles sont entrés dans le discours politique et la mémoire devient un enjeu du présent. ». Pascal Blanchard et Isabelle Veyrat-Masson, Les guerres de mémoires, La Découverte, 2008, Paris.

10  “La dictatura del general Pinochet cambio los nombres de veinte poblaciones del poberio, casas de lata y carton, en las afueras de Santiago de Chile. El el bautizo, la población Violetta Parra recibio el nombre algun militar heroico. Pero sus habitantes se niegan  a llevar ese nombre no eligido: ellos se llaman Violetta Parra, o nada.”.  Eduardo Galeano Memoria del Fuego 3. El siglo del viento, Grupo editorial Siglo Veintiuno, 2010 Buenos Aires, pp.334.335

11  Documentaire de Benjamin Vicuña, Imagenes prohibidas, 40 años despues, produit par CHV.

12  Documentaire basé sur le récit de Patricia Verdugo, Los Zarpazos del puma, CESOC 2001, 22ème édition, Santiago.

13  Union democratica independiente, parti créé par Jaime Guzman, l’idéologue du régime de Pinochet

14  Renovación nacional

15  Voir archives nord américaines du rapport Church. Sur le site : http:/foia.state.gov/reports/churchreport.asp, Covert actions in Chile, 1963-1973.

16  DINA, pour direccion de inteligencia nacional, créée en novembre 1973 et remplacée par le CNI, pour Central nacional de informaciones.

17  Sondage réalisé par le CEP à 15 jours des élections prévues le 17 novembre. Ce sondage sera confirmé par deux autres.

18  Albert Mayol, El derrumbe del modelo, LOM, 2012, Santiago.

19  Au Chili, en effet, la presse écrite et les medias télévisés sont à 90% aux mains de la droite. Mais apparaissent plusieurs sites en ligne qui relatent un tout autre discours en s’appuyant sur des preuves souvent occultées officiellement, j’en citerai en particulier deux, el Mostrador, et CIPER chile.

20  Gabriel Salazar, Del poder constituyente de asalariados e intelectuales (Chile, siglos XX y XXI), LOM 2009, Santiago. “ Desde 1830, pues, la politica ha sido una actividad privativa de los vencedores que impusieron con respaldo armado la Constitución Politica que les acomodaba. Privativa, porque los vencidos en aquella oportunidad (liberales, pipiolos y demócratas) no solo no pudieron incorporar sus puntos de vista en la redaccion ….de la carta fundamental…..tampoco se beneficiarian del funcionamiento practico del Estado…” pp.6

21  “Uno de los procesos mas significativos que actualmente esta en desarrollo en Chile es la reconstrucción, o reconfiguracion, de la memoria social e historica de la ciudadania.” Gabriel Salazar, Del poder constituyente, opus cité, pp.153

Bitar Sergio, Dawson, ilsa 10, éditions Pehuen, 1987.

Blanchard Pascal et Veyrat-Masson Isabelle, Les guerres de mémoires, La Découverte, 2008, Paris.

Galeano Eduardo, Memoria del Fuego 3. El siglo del viento, Grupo editorial Siglo Veintiuno, 2010 Buenos Aires.

Grez Sergio et Salazar Gabriel, Manifiesto de Historiadores, LOM, 1999, Santiago.

Lavin Joaquim, Revolucion silenciosa.

Mayol Alberto, El derrumbe del modelo, LOM, 2012, Santiago.

Salazar Gabriel, Del poder constituyente de asalariados e intelectuales (Chile, siglos XX y XXI), LOM 2009, Santiago.

Verdugo Patricia, Los Zarpazos del puma, CESOC 2001, 22ème édition, Santiago.

Vicuña Benjamin, Imagenes prohibidas, 40 años despues, documentaire produit par CHV. http :/foia.state.gov/reports/churchreport.asp, Covert actions in Chile, 1963-1973.

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