Cet ouvrage est issu d’un colloque à l’Université de Paris 7 autour de Mareike Wolf-Fedida et de plusieurs spécialistes dans le domaine de la psychopathologie : Philippe Bessoles, Jean Guyotat, Claude Van Reeth, Patrick Auge Raoult et Georges Charbonneau. Il est question ici d’une mise en perspective phénoménologique de l’acte criminel et de ses origines, tout en cherchant à comprendre le cheminement psychique et les variables impliquées dans un ensemble d’interprétations.
Dans les deux premiers chapitres (M. Wolf-Fedida et Ph. Bessole), la problématique est introduite dans un cadre clinique et de relation thérapeutique. Tout ceci pose un problème à la fois théorique et moral. C’est de la nature du mal qu’il est question. Autant concernant le crime du point de vue de la victime que du criminel. Et une rapide vision des approches est passée en revue. Les diverses pistes, principalement la psychanalyse et la phénoménologie, sont sollicitées pour répondre à la lourde interrogation de l’étude du crime. L’expérience des guerres mondiales a bouleversé les critères en montrant la difficulté de statuer sur ce qui est criminel ou non. Ainsi, pour appréhender le phénomène criminel, l’auteur propose de convoquer dans l’analyse du problème : le vécu et le sentiment de la personne, ainsi que son ressenti et sa sensibilité, puis de les confronter aux théories d’errance et de jugement pour comprendre la criminologie. Pourtant, le recours à la criminologie désigne plus un champ d’application qu’une théorie. D’où la pertinence pour l’auteur d’une approche phénoménologique et psychanalytique. Quelques exemples cliniques serviront de conclusion.
Dans une autre perspective, l’origine plurielle du comportement criminel est traitée par Bessoles. Il montre quatre vecteurs psychopathologiques (enjeux identitaires, emprise pulsionnelle, précarité identitaire du criminel, impasses fantasmatiques) qui ont du mal se rendre cohérents selon les logiques pénales et cliniques, en particulier dans les cas de récidives. Mais, pour l’auteur, quelques repères psychopathologiques permettent de circonscrire le cadre clinique. L’axe paradigmatique du crime relève d’un modèle paranoïaque de la projection.
Par ailleurs, d’autres chapitres vont témoigner d’approches cliniques diverses. Ainsi, J. Guyotat aborde dans un récit thématique les éléments du « meurtre dans la filiation » comme un syndrome psychopathologique, en particulier les liens d’affiliation narcissiques, parfois ce lien se construit comme une épidémie dans le temps à partir d’un imaginaire originaire et il est probable qu’il agisse alors comme un phantasme d’immortalité.
Le psychanalyste Van Reeth retrace la figure de Léopold Szondi et présente le cadre de son travail : la question concerne l’affect et la psychologie du destin, ainsi que la signification de son fameux test à quoi on réduit assez souvent son œuvre. Il explore les aspects empathiques de l’homme qui guident la nature de l’attirance. Il analyse comment le discours familial inconscient façonne le choix et profile chaque destinée humaine dans ses rencontres. Car l’affect n’est pas quelque chose qui se nomme, mais qui précède le langage. Ce qui fait que Szondi se penche plutôt sur le discours qui dépasse, traverse et encercle l’homme. De plus, un développement particulier est fait de la figure d’un Caïn caché qui se manifeste dans la psychopathologie criminelle.
Au chapitre suivant, P. Raoult introduit les figures de l’agir adolescent, dont les enjeux révèlent des modalités psychiques différentes. L’adolescence est avant tout conçue comme un moment de réorganisation psychique, de bouleversement des identifications et de désillusion de l’idéal, ce qui marque le désarroi du sujet en mal de reconnaissance. La clinique de l’agir adolescent est illustrée par un cas clinique fort riche dont il est parfois difficile de retrouver le fil dans le travail de décryptage nécessaire et utile.
Les trois derniers chapitres sont composés par le psychiatre G. Charbonneau, dont le premier est une réflexion sur l’acte en criminologie. Le chapitre suivant est une tentative de présenter la dimension phénoménologique et herméneutique du consentement et ses horizons de signification dans la psychopathologie criminelle. Le troisième est un questionnement de l’attirance pédophilique qui reste une énigme peu explorée en psychopathologie.
En somme : la lecture de cet ouvrage, intéressant et documenté permet de percevoir la problématique psychopathologique et le besoin d’articulation d’autres approches qui concourent à l’analyse criminologique.