N°26 / numéro 26 - Janvier 2015

La technologie est-elle une idéologie qui rêve des androïdes ?

Alexandre Dorna

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« L’auteur rêve. Son seul but est de bannir des idées dangereuses et répandues » (Goya)

La technique dans sa forme globale de technologie est devenue une source de fascination et de craintes. Car elle se révèle être un système idéologique dont les enjeux sont pervers tant dans le terrain économique, politique, scientifique que philosophique.

Il est évident que les techniques ont accompagné l’homme, depuis l’aube du temps, et marqué une amélioration de notre condition, mais leur mutation en technologie pose autant de problèmes qu’elle croit en résoudre. En rendant toute sa pertinence au proverbe attribué à Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».  

Bien entendu, l’intention n’est pas d'accroître la techno-phobie, juste d’introduire quelques éléments de compréhension du phénomène dont l’élan de puissance fait de la technique et de sa logique une force manipulatoire qui impose ses règles directrices à l’ensemble de la société en toute bonne intelligence. Le résultat est la construction d’un maillage de principes et de méthodes autour de la techno-science, laquelle surdétermine les choix et les décisions de la société. Car l’enthousiasme sincère des modernes, scientifiques et philosophes, séduits par les inventions techniques, et la force de conviction de ses promoteurs (techniciens et politiciens) a fait reculer profondément l’équilibre de l’intelligence et de l’affectivité et renforcé les objectifs « cool » de l’idéal de perfectionnement de l’humanité.

La sagesse des siècles s’est déconstruite philosophiquement en quelques décennies en inversant l’essentiel : les moyens ont remplacé les fins. L’inversion de valeurs est palpable et le fossé entre la tradition et la modernité s’inverse négativement, contrairement à l’optimisme candide (ou cynique) de certains qui misent sur les illusions d’une postmodernité instrumentale.

Il n’est pas question ici de reprendre les douloureuses constatations que l’application technique de la science ont provoquées récemment, telles que la bombe thermonucléaire (Hiroshima). Ni le drame des accidents de Tchernobyl en l986 et de Fukushima en 2011. Des nouvelles interrogations touchent aussi le déclin des valeurs humanistes et les peurs d’une société incertaine, dont les risques de débordement social et économique menacent la stabilité politique et mentale de la société, ainsi que les fondements éthiques de l’humanité.

Pourtant, aujourd’hui, l’image de l’avenir ressemble plus à une fuite en avant chaotique qu’à un tracé équilibré et raisonnable. Les lendemains ne chantent plus et le désenchantement se généralise au fur et à mesure que la gouvernance technocratique du monde privilégie le système financier et un mode de vie qui n’est pas soumis à une évaluation éclairée.

La technologie et ses manipulations en marche sont une source d’incertitude poussée par les choix « rationnels » qu’impose une course effrénée vers la domination de la nature et la mutation physique et mentale de l’homme sous prétexte d’une amélioration. Le monde de la technologie est saturé par les intérêts des oligarchies voraces qui militent pour un « pacte faustien ». Le discours technologique aspire à prétendre à un bonheur virtuel post-humaniste : par l’émergence d’une nouvelle espèce : l’homo sapiens technologicus dans une cyber-société. La raison se déguise en curiosité scientifique, excitée dans l’arrière-fond par la volonté de puissance. Le système justificatif est bien rodé et l’avancement actuel de la recherche en robotique et en intelligence artificielle dépasse la science-fiction pour se situer dans le domaine stratégique du contrôle total de la nature, et de l’homme de surcroît.

Une heuristique globale semble déjà mise en place : par delà les outils et les gadgets, la volonté de puissance des stratèges (néo-apprentis sorciers) rêve d’un projet futur qui touche de prés la nature humaine, afin de lui donner un nouveau sens : la conquête des étoiles, l’immortalité virtuelle, le confort, la consommation à gogo, la libido débordante, la paix universelle, les loisirs et le repos permanent, la fin du travail, etc. Car un homme biotechnologique, libéré des maladies et pourquoi pas de la mort, se prépare dans la fébrilité d’une science avancée et technologiquement appliquée pour réaliser le songe faustien des hiérarques de la planète, presque sans réfléchir aux conséquences dernières et sans conscience critique. Une ère post-humaine s’annonce en catimini (pour une minorité) où les valeurs et les codes moraux seront fournis par la science et l’idéologie » sapiens sapiens » d’un « Brave New World ».

Certes, ce tableau - volontairement noirci - n’est pas le credo de tous. Pourtant, nous assumons notre regard critique puisqu’il faut l’avoir en tête pour agir ensemble sans tomber ni dans l’excès ni dans l’incantation, au sens d’un humanisme plus actif et mieux affermi intellectuellement et affectivement. Rappelons que la technique n'est pas la connaissance, qui, elle-même, n'est pas la sagesse. La science et les humanités, ces deux cultures aujourd’hui divisées, devraient s’unir et les hommes et les femmes qui les représentent pouvoir à nouveau dialoguer et se nourrir mutuellement, afin d’éclairer le monde et bâtir une nouvelle renaissance.

Les fabriques des métiers

Ici nous proposons de questionner la prédominance de la technologie actuelle et les contrecoups du monde de la « techno science » sans que l’on voie clairement quelle peuvent en être les conséquences ultimes. Car nous sommes à un moment de recomposition accélérée de la société mondiale. La recherche des moyens de maîtriser la nature a développé une transformation visible des mentalités et a généré une nouvelle couche professionnelle, la technocratie, dont les réseaux, sous leur forme actuelle, alimentent le « ver dans le fruit ». Un bilan des effets de la technique sur l’avenir d’une conception équilibrée de la relation de l’homme avec la nature semble nécessaire. Les universités, jadis centres de la connaissance, se mutent en « fabriques de métiers » où la « déconstruction » de la culture générale est source d’une hyperspécialisation productiviste et sans racines.

Ces notes expriment enfin l’énorme ambigüité inquiétante et l’épais brouillard entourant les idéaux modernes et l’avenir de l’humain.

Le monde de la technique, au sens instrumental du terme, ne regarde nullement la nature à la manière des anciens ; c’est-à-dire non comme un cosmos harmonieux et une source imitable de sagesse, mais comme un univers infini et chaotique, désormais désenchanté et sans signification particulière. D’où le besoin pour l’homme moderne de se construire une autre théorie, rationnelle cette fois-ci, afin d’introduire des moyens pour la mise en œuvre d’une connaissance objective. C’est là que la science moderne, ensemble des outils, joue un rôle de découverte des lois et d’élaboration des principes sur la base de l’observation des relations entre les « effets et les causes ». Le mot d’ordre de la technologie est de prendre la nature et de la transformer sans prétendre la comprendre, au sens métaphysique du terme.

Du Moyen Age à la modernité

Certes, l’impact des techniques et ses effets sur l’homme et son environnement n’est pas nouveau, il vient de loin, puisqu’il accompagne l’évolution de l’humanité à ses sources. L’époque des débuts de l’emprise du facteur technique s’est faite progressivement et s’est cristallisée dans la charnière de la fin du Moyen Age et le commencement des temps modernes. C’est le moment où convergent la formation des État-Nations en Europe, l’essor du capitalisme économique, l’émergence des sciences naturelles et l’introduction de la méthode expérimentale. Certains voient là la première mondialisation (globalisation) et la généralisation des formes standardisées de développement. Le succès de la technique explose avec la révolution industrielle poussée par la philosophie des Lumières et le projet universel de perfectionnement de l’homme et de la société qui donne à la science la priorité.

Après des années d’expansion sans limites, le processus de modernisation semble épuisé. L’homme contemporain a le sentiment de naviguer à vue avec la forte impression d’une puissance qui tourne à vide. La crise économique, devenue chronique et mondialisée, n’est que la partie visible d’un changement d’ère qui est en marche : l’empire de la techno-science. Dont l’ambigüité fébrile et tâtonnante est le signe d’une agitation de l’esprit, aussi dense que lorsque la physique de Copernic et de Newton a marqué la rupture avec l’image du cosmos harmonieux de l’Antiquité. L’avènement d’un nouveau monde au sens figuré et réel du terme : l’univers est infini et l’homme se doit s’inventer. D’où les clivages idéologiques, les enjeux économiques et les stratégies mondiales pour le contrôle de la mutation. Et, là, la technologie joue un rôle dominant (défini par les élites gouvernantes) pour le meilleur et pour le pire. La technique se présente comme le pivot et le levier de la connaissance humaine, d’autant qu’elle ne se pose plus de questions contemplatives, mais seulement celles qui contribuent avec pragmatisme à résoudre des problèmes concrets. Mais le sens de l’humain risque de se perdre.

Une histoire de la raison s’impose

Si, pour Aristote, penseur encyclopédique et pratique, la technique n’est qu’un ensemble de règles qui, en tant que moyens, se déploient en vue d'une finalité transcendante et réfléchie. Ainsi, la technique est un tout composé des moyens, voire une boîte à outils, afin d’agir pragmatiquement sur le monde. Les temps modernes vont accélérer cette forme d’envisager la nature, au point quela raison technique deviendra le mode presque unique et dominant de se représenter la réalité des choses. Et, par ricochet, l'homme commence à se penser lui-même en termes techniques pour devenir un objet observable et maitrisable, mécaniquement décomposable. La technique raisonne en termes pratiques, « ça marche ou ça ne marche pas », sans s’interroger sur les questions premières ni les conséquences ultimes de son action. En bref, la technique est tributaire de sa simple fonction de « moyen » d’action… « pourvu que cela marche » !

Le rationalisme et l’empirisme, philosophies des Lumières, accompagnent l’installation de la démarche « hypothético-déductive » dans la conception de la science moderne, où l’analyse logique mène à la vérification via l’expérimentation. C’est ainsi que ces théories se sont progressivement réclamées d’un système de connaissances cumulatives, cohérentes et systématiques. Leurs découvertes seront à l’origine de l’essor de l’ère industrielle, ainsi que de l’invention des nouvelles techniques et des machines de plus en plus performantes, qui faciliteront le passage du travail artisanal à l’organisation scientifique de la production. Une certaine idée matérielle du progrès encourage le pragmatisme au détriment de la sagesse et de la réflexion. L’élan technique entraîne ainsi l’ensemble de l’activité humaine. Les sciences ne sont pas exclues de la fascination idéologique de la technique.

La mutation de la technique en idéologie

L’idéologie est, en dernière analyse, une pensée tautologique imperméable à toute critique et liée à son temps. Un système logique autoréférentiel, une représentation discursive où la fonction l'emporte sur la fonction méditative. Un système dont l’activité est de donner des directives d’action y compris à la technique elle-même. D’où une certaine assurance qui rend les idéologies à la fois efficaces et rigides, au sens d’une mentalité dure et démunie d’une imagination critique, de plus par une pratique à caractère irrécusable, et infalsifiable. En reprenant un raisonnement presque ironique de H. Arendt : « L'idéologie se définit comme un mode de manipulation de la pensée au point de réduire celle-ci à la logique d’une seule idée ». Tautologie ironique presque.

Une autre formule, qui peut faire grincer les dents des scientistes, rappelle que : « L’idéologie est une offre intellectuelle répondant à une demande affective » (Monneron 1948). Pour y voir un peu plus clair, quelques questions peuvent nous aider à mieux saisir l’enjeu et à faire le tri de l’idéologique :

a) Quels sont les comportements que justifient une idéologie dans un certain contexte ?

b) Quelles exigences affectives satisfait-elle ?

c) Que masque-t-elle à un moment donné ?

d) Comment les faits historiques se (re)trouvent-ils transférés ?

e) Quel est le cadre psychologique à l'intérieur duquel l’idéologie se situe et s’exprime ?

Les cadres critiques de l’idéologie technicienne

Au XXe siècle, les conséquences des inventions technologiques provoquent un grand sursaut de critiques à la fois philosophiques et politiques. Diverses voix se font entendre avec insistance. Impossible de reproduire ici l’ensemble des arguments et des approches critiques. Une place très importante est occupée par la critique profonde de Heidegger au monde de la technique, et ce en dépit du caractère inexcusable de ses prises de positions politiques et de son adhésion controversée au nazisme. La question de « l’être » est la clef de sa critique sans merci de la métaphysique subjective et rationaliste de Descartes, aussi celle de l’empirisme de Locke. Cela représente un tournant, dont plusieurs universitaires d’inspirations diverses sont les témoins avisés : Levinas et Arendt, Derrida et Foucault ont puisé leur inspiration critique dans la philosophie heideggérienne en montrant à la fois l’implication du système capitaliste, et la domination hégémonique de la technocratie.

Il faut aussi nommer ici les représentants de l’école de Francfort (Hortneker, Adorno, Fromm, Marcuse, Habermas) lesquels ont développé une critique d’inspiration marxiste (philosophique, psychologique, politique et éthique) à la dérive instrumentale de la raison. Hans Habermas rappelle que la rationalité instrumentale met en rapport deux sortes de sous-systèmes : le marché et la gestion technocratique. Ce mouvement intellectuel se structure en pleine crise idéologique et au moment de l’ascension du fascisme en Europe. Même si la diversité de ces penseurs empêche de généraliser leurs propos, il n’y a pas doute que la critique de la raison instrumentale est une des clefs de leur interprétation de la société de leur époque. Elle fait des êtres humains des instruments, des moyens, au lieu de les signifier comme des fins. C’est la transformation des sentiments en procédés en vue d’une fin purement utilitaire.

D’autres penseurs, tels que Jacques Ellul ou Ivan Illich n’ont pas cessé de contester l’esprit technique et ses avatars modernes. Il faut aussi rappeler le cas tout particulier de Günther Anders.

Jacques Ellul, très tôt, conteste « le système technicien » et ses anomalies sans jamais mâcher ses mots. Il écrit en 1988 : « (…) l’informatique est entrée dans ce système, en a adopté tous les caractères et n’a fait qu’en renforcer la puissance et l’incohérence des effets. Actuellement, j’estime que la partie est perdue (…) Une fois de plus, la « force des choses » l’a emporté sur la libre décision de l’homme. »

Ainsi, quatre grands postulats ponctuent ses analyses :

  • Tout progrès technique se paie, par la pollution, le stress social et individuel, la destruction, la surconsommation, etc. ;

  • Le progrès technique soulève des problèmes plus difficiles qu’il n’en résout effectivement ;

  • Les effets positifs sont inséparables des effets néfastes ;

  • Les effets imprévisibles deviennent toujours plus sérieux.

La réflexion d’Illich est probablement proche et différente : une vision pamphlétaire et une critique radicale de la notion de besoin de la société industrielle. Sa position reste inclassable. Il écrit : « Lorsqu'une activité outillée dépasse un seuil défini par l'échelle ad hoc, elle se retourne d'abord contre sa fin, puis menace de destruction le corps social tout entier ». Pour lui, la technique fait partie de ces monopoles victorieux contre-productifs dont la prolifération empêche de penser à d’autres moyens, comme par exemple la décroissance.

De Gunther Anders, on connait peu des textes, sauf l’étonnante critique de l’obsolescence de la modernité technique, notamment de l'industrie nucléaire et des défis techniques et éthiques contemporains. Il étudie en Allemagne sous la direction d’Heidegger, mais ne deviendra pas son disciple et épouse Hannah Arendt de qui il divorce quelques années après. Exilé aux États-Unis, pour lui, la technique se fait sujet et se confond avec l’Histoire au point de faire que les individus vivent entourés de techniques et d’appareils divers dont ils ne peuvent plus se passer. La mutation s’est faite en moins d’un siècle et si progressivement, qu’elle est ignorée des individus. Il écrit dans son livre l’Obsolescence de l’homme :« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit decréer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. »

Il serait injuste d’omettre l’influence de l’œuvre riche et lucide de Max Weber qui démontre comment la technique est une logique de fuite en avant. D’après lui : « La technologie a désenchanté le monde » etson approche éclaire la manière dont la spécialisation propre aux sciences et à la technique, nous conduits à un monde sans savoir unifié et à une perte de sens.

La fascination de la technique

La technique est aussi devenue pour certains une autre forme d’identification. Il existe entre ces personnes (connues sous le nom de « geeks ») un lien de fascination pour les nouvelles technologies, la science-fiction hyper-technologique, les mondes virtuels de l'électronique, la fiction métaphysique sur les mondes possibles et un retour aux choses en tant que telles. C'est la recherche de l’émergence de nouveautés radicales insoupçonnées.

La technique remporte pour eux des succès extraordinaires, que révèle un système de valeurs propres à la technologie. Sommes-nous devant une simple mode, ou un sentiment plus profond et une problématique à venir ? Difficile à dire, mais là se situe la présence morale de l’idéologie technique, également abordée d’une manière subtile et pertinente dans une série de la TV suédoise : « Real Humans », où une nouvelle forme de robot humain (les hubots) relance le fond de la question du post- et du trans-humanisme. L’humanisation des robots incarne une certaine perte de l’humain et un problème éthique qui, sans généraliser, est révélateur des conséquences ultimes de l’hyper-technologie où les valeurs sont floues et les limites imprécises. La science et la technique sont des révélateurs des modes de vie hors de l’existence humaine.

Les problèmes posés ne sont pas simplement techniques, mais touchent une dimension profondément humaine : la morale. : Les machines pourront-elles rêver de morale ? Les robots seront-ils capables de raisonnement éthique ? Aujourd’hui, les États-Unis interdisent au robot de tuer et des systèmes semi-autonomes identifient et frappent des cibles qui sont sélectionnées par un opérateur humain. Mais la question se posera, tôt ou tard, car les techniciens militaires travaillent à construire des robots qui décident seuls, sans intervention humaine, et qui sont fabriqués pour tuer.

Dans un tout autre ordre de choses : une enquête récente (Le Nouvel Observateur du 10 avril 2014) révèle les pensées des oligarques qui veulent un monde et une nouvelle civilisation à leur image : riche, technologique et hyper-libéral : des villes flottantes modulaires, où on ne paierait pas d'impôts, où on réglerait ses factures en » bit coins », où on ne consommerait que de l'énergie verte, où on serait livré par drone et où on ne dépendrait d'aucun gouvernement souverain.

Ainsi, Larry Page, cofondateur de Google, dit : « En tant que spécialistes de la technologie, on devrait disposer d'endroits sûrs où l'on pourrait essayer des choses nouvelles et juger leurs effets sur la société et les gens sans avoir à les déployer dans le monde normal. » D’autre part, Patri Friedman, le petit-fils de l'économiste Milton Friedman, milite pour « fonder une ville flottante où des esprits éclairés fonderaient des cités laboratoires, pour expérimenter : ils inventeraient de nouvelles formes de gouvernance et développeraient des technologies permettant de nourrir les gens qui ont faim, enrichir les pauvres, guérir les malades, restaurer les océans, nettoyer l'atmosphère et se débarrasser des énergies fossiles. »

Que peut-on conclure ?

La technique, poussée sans cesse par un élan d’innovation, conduit à la rupture des liens entre le passé et le présent tout en obscurcissant l’avenir. La volonté de tout maîtriser par la raison et de répondre à tout sous une forme comptable se désolidarise de la sagesse et de la spiritualité. Ainsi, le rapport utilitaire de domination se révèle-t-il dénué de toute signification humaine, au bénéfice de l’absurde, de l’oubli et de l’irrémédiable obsolescence de l’homme.

Que serait l’effort pour désarmer l’idéologie et maîtriser la technique ?

Une attitude souhaitable serait de revenir sur une appréhension holiste, ouverte et articulée de la réalité. Les sciences modernes, avec leur désir de certitude mathématique et de formalisme opérationnel se heurtent à une impasse dont le théorème de l’incomplétude de Gödel représente un repère logique incontournable. Une telle attitude est évidemment, c’est aussi une invitation a (re)fonder l’enchantement critique du monde sur la base des sciences humaines à condition de reprendre l’acceptation aveugle de la méthodologie analytique dite scientifique.

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