N°31 / numéro 31 - Octobre 2017

Le complotisme

André Fontaine

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Il est manifeste, à partir de cela, que la cité fait partie des choses naturelles, et que l’homme est par nature un animal politique, … (Aristote)

Mais l’essence humaine n’est pas une abstraction inhérente à l’individu singulier. Dans sa réalité, c’est l’ensemble des rapports sociaux. (Marx)

Personne ne rejette pour autant l’influence de certains hommes, ceux qu’on nomme les « grands hommes ». Même s’ils mettent leur touche personnelle, l’universel qu'ils ont accompli, ils l’ont puisé en eux-mêmes ; mais ils ne l’ont pas inventé ; il existait de toute éternité, mais il a été réalisé par eux et il est honoré en eux. (Hegel)

Par nature, l’homme est une espèce sociale. Cette sociabilité lui a été nécessaire, tout au long de l’évolution, pour subsister en tant qu’espèce en raison de l’incapacité de l’enfant de se suffire à lui-même pendant des années. Cette sociabilité s’est exprimée au départ dans la famille élargie et ensuite au fur et à mesure de l’extension de l’espèce dans le clan, la tribut, le peuple, la Cité, la nation … Hegel ajoute que ceux qu’on appelle les grands hommes ne peuvent pas être dissociés de la société de leur époque.

Comment se fait-il qu’aujourd’hui la vision globale de l’Histoire soit remplacée par la recherche d’hommes providentiels, acteurs principaux des événements qu’ils soient négatifs ou positifs ? Y-aurait-il un complot, ourdi pour en arriver là ?

Naturellement il y a toujours eu des comploteurs, la CIA, le KGB, … existent, mais ils ne peuvent réussir qu’à condition de s’inscrire dans le cours des sociétés. Ils assassinent des individus, ils en discréditent certains, mais changent-ils profondément les choses ? Les complots ne peuvent avoir une influence que dans un sens déjà « En marche ».

Par exemple on pourrait chercher le complot qui a porté Macron à la présidence de la République ? On trouverait que ce dernier, comme Hollande, fait partie de la French Américan Foundation, ce qui explique que Hollande ait connu Macron pour le prendre dans son cabinet, puis le nommer ministre de l’économie et peut-être même lui avoir dit qu’il ne se représenterait pas. Ceci est presque crédible, mais s’il n’y avait pas eu Macron, il y en aurait eu un autre.

Le véritable événement, c’est le vote des Français pour un européiste. On peut encore inventer un complot diabolique : depuis longtemps Dupont-Aignan, anti-européiste mou, aurait été mis en réserve pour discréditer Marine Le Pen en la faisant changer légèrement sur l’euro au dernier moment. Ce serait un complot réussi. Mais non, le revirement était prévisible : l’anti-euro du FN, déjà pas très assuré, ne tient qu’à un fil depuis que 27 responsables sont rémunérés 15 000 € par mois par Bruxelles, sans compter les avantages.

J’ai connu une époque où, au PSU, les courants internes s’affrontaient sur le rôle des différentes classes et sur le soutien à apporter à celles qui aspiraient à un véritable changement de société. ? On en est loin, on est entré dans une ère d’obscurantisme politique. Qui a bien pu comploter pour remplacer la lutte des classes par des coups en sous-main de quelques individus ? Ceux qui y ont intérêt. Mais ils ne complotent pas ; ils sont portés par l’histoire, ils sont la classe dominante et préfèrent la diffusion d’explications par des complots individuels plutôt que d’être montrés du doigt par des analyses sociales.

Qui a comploté et complote encore pour faire croire que l’économie est une science ?

Qui a comploté pour inscrire la concurrence libre et non faussée dans les traités européens ?

Qui complote à discréditer les forces sociales politiques ?

Les forces productives ont évolué et évoluent toujours. Sans comploteurs, un mode de production économiste a pris lentement la place du mode de production capitaliste. La production s’étant automatisée, la gestion est devenue primordiale et maintenant, la bureaucratie des sociétés anonymes décide ; elle forme la classe dominante et certain s’écrie « vive l’entreprise ». L’humanisme se meurt. Pourtant, il y en a qui se croient encore en système capitaliste, comme au XIXème siècle, et confondent multinationale et petite entreprise.

Sur le plan politique, la réflexion collective a fait place aux manœuvres électorales en faveur d’un homme. Dés la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, les gaullistes n’on cessé de dénoncer les partis et la Vème République a consacré le pouvoir d’un seul. La nation et le contrat social n’ont plus de sens ; on est passé à l’UE, instrument de la mondialisation. Les citoyens n’existent plus, il faut faire croire aux individus qu’ils ont encore un pouvoir, c’est le rôle des réseaux sociaux. Chacun devant son ordinateur possède presque toutes les informations du monde, il est content mais seul. Pour se donner un semblant de pouvoir, il lance ses explications et vise des comploteurs, mais ce ne sont que des boucs émissaires qui détournent les flèches du véritable responsable, la classe dominante dans son ensemble.

Des complots et des comploteurs, on risque d’en trouver pendant longtemps, d’autant plus que ce n’est pas la République En Marche qui abandonnera le service de la classe dominante. Ouvrir les yeux sera difficile, tant que les analyses sociales resteront embourbées dans une vision globale désuète et fausse des sociétés actuelles.

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