N°36 / Politique de santé Janvier 2020

Pour un autre système de santé

Alain Deniau

Résumé

DOSSIER : POLITIQUE DE SANTE

On dit que notre système de santé est dans une impasse. C’est précisément parce qu’il est excellent qu’il peut si difficilement évoluer car il est conçu pour une autre finalité que la médecine quotidienne. C’est comme utiliser une voiture de luxe puissante et performante pour les petits trajets quotidiens. Le système de santé hospitalier, centré sur les CHU, répond à la haute technicité, à la transmission du savoir médical, à la recherche, mais ne satisfait plus les besoins simples et de proximité des médecins de ville et de la population

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DOSSIER : POLITIQUE DE SANTE

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Alain Deniau, psychiatre honoraire des Hôpitaux, ancien chef de service, il est l’auteur de Vacillement de l’altérité, psychoses et société aux éditions L’Harmattan (2011), co-auteur de Psychanalyses, gourous et chamans en Inde : première journée franco-indienne de psychiatrie-psychothérapie-psychanalyse (2007) qui interroge l’impact des croyances, des mythes, de la tradition sur la santé et la maladie mentale questionne les approches scientifiques occidentales centrées sur l’individu isolé de la communauté et Quand la psychanalyse oriente la psychiatrie (2005).

SOMMAIRE

Introduction

1. Quelques principes pour un autre système de santé

2. Instituer du temps pour écouter

3. Un changement majeur dans les besoins de santé

4. Les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé

5. A quelles résistances, la mise en œuvre des CPTS se heurtent-elles ?

6. Le devenir des hôpitaux de proximité

 

Introduction

On dit que notre système de santé est dans une impasse. C’est précisément parce qu’il est excellent qu’il peut si difficilement évoluer car il est conçu pour une autre finalité que la médecine quotidienne. C’est comme utiliser une voiture de luxe puissante et performante pour les petits trajets quotidiens. Le système de santé hospitalier, centré sur les CHU, répond à la haute technicité, à la transmission du savoir médical, à la recherche, mais ne satisfait plus les besoins simples et de proximité des médecins de ville et de la population.

Le journal Le Monde a publié le 12 septembre 2019 une tribune de Laurent Vercoustre, praticien hospitalier, obstétricien, qui montre bien que deux courants s’affrontent dans la transformation des hôpitaux à l’occasion de la crise actuelle des Urgences et au-delà de celle des Hôpitaux. Soit on les refonde au profit de la médecine ambulatoire, soit il s’agit d’un colmatage par une augmentation simple des effectifs. Il écrit en effet : « La crise des urgences représente le point de fixation d’une maladie qui affecte l’ensemble de notre système de santé. Cette maladie c’est l’hospitalocentrisme, dont on peut dater la naissance aux ordonnances Debré en 1958 [du nom du professeur Robert Debré, initiateur de la réforme portant création des centres hospitaliers universitaires). Le vieux monde, c’est ce système hospitalocentré. Le nouveau, c’est un système centré sur la médecine ambulatoire. Nous sommes au milieu du gué, nous souffrons. »

De nombreux symptômes montrent que ce dispositif extrêmement pyramidal doit être modifié et complété : les grèves successives des soignants sont l’expression du surmenage du personnel, l’encombrement des services d’urgence par la « bobologie » crée une incompréhension entre la population et les acteurs du soin. Les plaintes sur l’éloignement des CHU, l’indisponibilité des médecins, et particulièrement des spécialistes, les fermetures des petits hôpitaux sont l’expression de ce malaise qui s’étend.

Il faut donc mettre en place la nécessaire réforme du système de santé et en même temps satisfaire les besoins immédiats, en particulier en personnel. Mais on doit aussi viser à diminuer les pressions multiples qui s’exercent sur la porte d’entrée du dispositif hospitalier : pénurie de lits d’aval dédiés, trop grande facilité de recours aux « Urgences » sans filtre préalable, mélange des urgences vitales et des demandes de facilité, induction et idéalisation par les médiats de l’illusion d’une toute puissance médicale. Le risque en conduisant une réforme de fond simultanément à une satisfaction des « besoins immédiats » est de cumuler les difficultés et de perdre de vue les objectifs à plus long terme.

1. Quelques principes pour un autre système de santé

L’exigence de chacun dans les moments les plus cruciaux de sa vie est de souhaiter que le dispositif de Santé offre la meilleure technicité possible. Dans notre époque marquée par le progrès technique, cette première demande est celle de moyens matériels et de professionnels bien formés. Comme pour chaque médecin individuellement, il n’y a pas collectivement d’obligation de résultat mais obligation de moyens pour obtenir le meilleur résultat possible.

Cette exigence, potentiellement illimitée, se heurte à un principe de réalité qui la limite sous plusieurs aspects : la disponibilité et la compétence des soignants. Pour quel le coût ? Quel prix fait dire non ?

Une autre exigence, liée au principe d’égalité dans son expression citoyenne, sociale et humaine est la proximité du lieu où doit être satisfaite la demande. Cette proximité n’est pas qu’une question de temps et d’accessibilité, elle est aussi la garantie et la condition d’une continuité relationnelle entre les acteurs du soin et la famille. Par l’intégration de l’acte de soin dans le milieu social, la proximité offre la possibilité d’une meilleure prévention. Elle est particulièrement importante pour la prise en charge des personnes âgées et pour les maladies chroniques. Ainsi, on peut éviter l’aggravation des troubles et innover dans l’insertion sociale. Des exemples ponctuels démontrent que les personnes âgées bénéficient pleinement de la proximité de vie dans des établissements mixtes avec des étudiants ou même des enfants.

Partant de ces principes organisateurs, il s’agit de donner les moyens d’unifier le corps qui souffre et non de participer ou de provoquer son éclatement et sa fragmentation dans des offres de spécialités insuffisamment reliées entre elles.

Il est donc nécessaire de concevoir un système de soins qui sache centrer la prise en charge sur un niveau permettant une circulation horizontale et non pas marqué par la convergence vers les hôpitaux tels que les CHU et les CHR (Centre Hospitalier Régional), c’est à dire fondés exclusivement sur la technicité requise par les spécialités médicales ou chirurgicales. Un tel dispositif de proximité en liaison avec ces Hôpitaux serait alors porté par des personnels polyvalents décentralisés qui apportent leur disponibilité, tels que les infirmiers en pratique avancée. Ce lieu devient le support de la « télésanté » (télémédecine et télésoins) qui est la garantie de la référence à la compétence technique des spécialistes. Les habitudes des patients de recourir, au prix d’un transport spécialisé, au centre de référence lui-même, se modifieront peu à peu. On peut penser que ce dispositif horizontal et de proximité se substituera au dispositif actuel, centré sur l’hypertechnicité.

2. Instituer du temps pour écouter

A tous les niveaux de l’actuel dispositif de soins, les soignants font part de leur souffrance à effectuer un travail que pourtant ils aiment, souvent passionnément. Porté par l’exigence d’une implication personnelle où se conjuguent la présence à l’autre, la compétence technique et la solidarité mutuelle, chaque soignant éprouve le besoin d’être entendu. Il est donc nécessaire qu’il puisse parler de sa relation à un patient particulier, aux patients en général et aux autres soignants. Le mode de prise en charge médicale tend vers la fragmentation de la relation et donc la dispersion, entre les différents soignants, du corps du patient et de l’écoute de sa souffrance. C’est particulièrement évident dans les parcours de soins des malades chroniques et des personnes âgées. Il est donc essentiel de redonner vie à l’implication personnelle de chaque soignant. La construction d’une écoute de la parole des soignants a pour effet, en retour, d’unifier le corps souffrant du patient. En dehors peut-être, de certaines pathologies bien spécifiques, telles que les maladies orphelines ou héréditaires, toutes les pathologies ont une composante psychosomatique, voire somato-psychique, qui doit être entendue ce qui nécessite la stabilité relationnelle et la circulation de la parole, conditions de cette « entente ».

Le burn out des soignants est le reflet du silence créé par l’absence de modalités pour se faire entendre. Les soignants sont « travaillés », traversés par les situations qu’ils rencontrent, situations qui ne peuvent pas ne pas produire un effet dans leur vie personnelle jusqu’à la souffrance intime. La parole structurée autour d’un écoutant, pendant un temps, construit et limité mais prévu, est une nécessité de prévention de la souffrance des soignants.

La souffrance des soignants est le symptôme social de ce que deviennent les urgences et le fonctionnement de l’hôpital. L’incohérence et l’insatisfaction liée au financement à l’activité (T2A), la coupure entre la médecine de ville et l’hôpital, source de ruptures dans le parcours de soin, et surtout une transformation progressive de la population française participent de ce malaise.

3. Un changement majeur dans les besoins de santé

Le Conseil Economique, Social et Environnemental, dans un avis du 11 juin 2019, indique que la prévalence des maladies chroniques est en hausse constante en France. Cette prévalence en hausse est « le signe d’une transition épidémiologique en cours et donc d’un changement majeur dans les besoins de santé des populations qui impose une transformation d’ampleur du système de soins ».

Le CESE indique aussi, dans son avis, que le système français de santé présente « des handicaps liés à son histoire qui freinent, sans la rendre impossible, la mise en place d’une politique de prévention et de prise en charge des maladies chroniques ». Il pointe ici la tare d’origine du système sanitaire qui est une assurance et délaisse la prévention, à la différence par exemple du NSH anglais. Il prolonge son avis en remarquant que notre système de soins est construit autour de l’hôpital et des spécialités médicales pour des malades en phase aiguë avec d’importants cloisonnements entre la médecine de ville et les établissements hospitaliers, entre le médical et le social. Ce qui contribue « à la complexification des parcours, trop souvent devenus une juxtaposition de prestations médicales voire une succession de séquences de soin. »

Sur le plan économique, les dépenses de santé réalisées au titre des ALD augmentent plus rapidement que les autres dépenses de santé (de 3,8 % par an en moyenne entre 2011 à 2016, contre 2,7 % pour l’ensemble des dépenses de soins), ajoute le CESE, qui précise que les dépenses de santé des personnes en ALD sont en moyenne 7 fois plus élevées que celles des autres assurés. Le CESE estime que le premier défi est celui de « la coordination qui doit aller bien au-delà du seul échange d’informations ».Enfin les logiques de coordination et de parcours, liées à la montée en puissance des maladies chroniques se heurtent aux difficultés actuelles du système de santé. La volonté affichée de faire de la médecine de ville à la fois « le point d’entrée du patient ou de la patiente dans un processus de prise en charge globale » et « le point pivot de la coordination » ne se concrétise pas toujours suffisamment car le généraliste n’a pas le temps de coordonner.

La démographie médicale défavorable contribue, dans des proportions différentes selon les territoires, « à la réduction du temps médical disponible de la médecine de ville. Trop souvent, le médecin généraliste n’a ni le temps, ni la compétence administrativo-technique, ni les moyens, ni la rémunération pour gérer et concevoir une véritable coordination. » En outre, les EHPAD reçoivent une population de plus en plus nombreuse, de plus en plus âgée et de plus en plus dépendante, ajoute le CESE. Ils n’ont pas la capacité de répondre aux besoins médicaux de leurs résidents. Si bien que « les hôpitaux (et notamment leurs services d’urgence) sont devenus une voie de recours utilisée à l’excès ».

A l’évidence, le système sanitaire français exige une réforme profonde. Deux lois, émanant de deux ministres successifs, tentent d’y répondre : la loi de 2016, portée par Mme Marisol Touraine, dite de « Loi de Modernisation de notre système de santé » et la loi « Ma Santé 2022 » portée par Mme Agnès Buzyn.

4. Les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé

La Loi du 26 janvier 2016 propose de rompre avec la verticalité de l’hospitalocentrisme en instituant un réseau de soins et de prévention par des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) : Maisons pluridisciplinaires avec infirmières de soin et de permanence, kinés, assistantes sociales, imagerie de base et médecin (s). Les CPTS deviendraient alors le point central où sont dirigées les urgences non vitales et c’est depuis leur appréciation clinique par le médecin, éventuellement aidé par la télésanté, que le transfert aux urgences hospitalières pourrait être décidé. Il faut se souvenir que dans le modèle danois, qui semble inspirer ces lois, le patient ne peut avoir l’initiative de consulter directement par les Urgences. Seul un médecin peut le décider et adresser.

Mais, dans le texte de 2016, la dimension interprofessionnelle reste en retrait. Seule est créé la notion de « fonction infirmière avancée » qui peut définir la dimension pivot de l’infirmière responsable de la permanence : le médecin comme référent et l’infirmière « avancée » au premier plan sont le socle des futurs CPTS. Une nouvelle fonction infirmière se dessinerait : infirmière d’accueil, d’écoute, d’orientation. Elle pourra effectuer les premiers soins aux adultes et aux enfants, articulera la coordination vers les autres membres de la communauté soignante. Cette fonction est nommée « avancée ». Elle s’inscrit dans une reconnaissance assez large des compétences acquises par la profession infirmière. Même si ce dispositif est créé par une loi, il semble que peu de personnes s’en soient saisi pour faire entendre son aspect novateur et sa dimension d’alternative à la crise de l’hospitalocentrisme. A lire les courriels des Blogs, il apparaît que de nombreux médecins s’opposent à tout changement.

La charge qui pèserait sur ces infirmières exige qu’elles soient soutenues par des pédiatres puisque ces CPTS sont situés en amont de la PMI, mais aussi par des généralistes qui sont leurs référents naturels. Comme pour les régulateurs des SAMU, il est nécessaire qu’elles soient « pilotées » à l’intérieur même de leur collectif, par des référents et qu’il y ait des temps institutionnels de concertation. La dimension d’écoute individuelle et collective des CPTS implique la référence à un analyste, en particulier pour construire un cadre de travail qui, parce qu’il est très proche et porteur d’actions multiples, peut envahir la vie personnelle et sociale de l’infirmière avancée. La référence à des collègues plus expérimentés et le recours à la télésanté doivent transformer ce cadre pionnier de travail. Ceux qui s’y sont déjà engagés confirment la dimension enseignante et le grand intérêt du travail pluridisciplinaire, dimensions qui rendent attractif de créer ce nouveau collectif professionnel et d’y participer.

5. A quelles résistances, la mise en œuvre des CPTS se heurtent-elles ?

La loi Touraine de Janvier 2016 s’est donc heurtée à de très nombreuses résistances qui ont largement compromis son application. Elles se sont en particulier focalisées sur la question du tiers payant. On peut voir dans l’après-coup que la cécité politique des sénateurs à percevoir que de nombreux patients qui ne peuvent payer leur « reste à charge » se sont retrouvés dans la revendication de pauvreté des « Gilets jaunes », de ceux qui ne » peuvent joindre les deux bouts ». (On estime que 9 millions de personnes sont pauvres en France en 2019.) Les 170 articles supplémentaires de la loi introduits par les sénateurs expriment pleinement l’idéologie médicale dans son refus d’invention d’une structure novatrice, dans l’excessive confiance dans la capacité constructive des professions libérales et dans la défiance à l’égard de l’administration de la Santé.

La loi Ma Santé 2022 du 24 juillet 2019 portée par Agnès Buzyn contourne ces difficultés en proposant que les professions concernées soient elles-mêmes à l’initiative des regroupements professionnels en les incitant et en les accompagnant. Il semble que, grâce à la création de la profession « assistants médicaux » et à des aides financières directes pour ceux qui ne veulent plus d’un travail dans l’isolement professionnel, la mutation des mentalités soit en train de s’engager. Avant 2016, une certaine diversité de regroupements possibles existait déjà : Centres de santé polyvalents, Plateformes Territoriales de Santé. Par reconversion, dès 2016, on dénombrait déjà une centaine de CPTS. Pour 2020, il semble qu’il y en aurait un millier. L’attractivité parait réelle. La création de 4 000 postes d’assistants médicaux, la reconnaissance d’infirmiers en pratique avancée, de dotations spécifiques permettent de construire un réseau de soins efficace.

La difficulté de répondre aux demandes de soins non programmées (urgences), les ratages des parcours de soin du patient mal coordonnés (défaut de fluidité) coûtent cher et aggravent les pathologies des personnes âgées et les pathologies chroniques qui affectent des patients de plus en plus nombreux. Le besoin de formation permanente pluridisciplinaire, la réduction de l’isolement des praticiens, qui contribue à la formation des déserts médicaux, trouvent une réponse dans cette incitation aux regroupements professionnels.

La mutation sera lente car, à la différence de la démarche de la précédente ministre, Mme Marisol Touraine, Mme Agnès Buzyn a choisi que la mise en place des CPTS soit faite par l’initiative des professionnels libéraux locaux avec l’appui des Agences Régionales de Santé et en concertation avec les hôpitaux pour la télésanté. Les incitations financières sous forme de bonus auront sans doute leurs pendants, ultérieurement, en malus pour ceux qui resteraient à l’écart, ce qui suscitera certainement des tollés et agira comme des étendards de refus et des repoussoirs…

6. Le devenir des hôpitaux de proximité

Ces petits hôpitaux centrés sur la gériatrie et le médico-social sont depuis plusieurs années un enjeu politique La Direction Générale à l’Offre des Soins s’en préoccupe depuis la suppression des Hôpitaux Locaux en 2012.1 Leur fermeture, qui est pourtant parfois nécessaire soulève à chaque fois des vives manifestations. Ils sont un enjeu politique d’être souvent le principal employeur et un emblème d’identité pour la ville. Toutefois, il faut avouer qu’ils fonctionnent principalement avec un fonds de clientèle captive qui a l’obligation de s’y rendre. Il faut aussi accepter de reconnaitre que les médecins qui y travaillent ne peuvent pas tout effectuer. Ce qui explique que les actes de maternité ou de chirurgie leur soient devenus impossibles à pratiquer. Le risque de ratage technique est trop élevé. Ces petits hôpitaux sont au nombre d’environ 600. Il leur faut établir une reconversion vers les soins médicaux de proximité et donc une articulation étroite avec les nouveaux CPTS. Il faut aussi en diminuer le nombre pour mettre l’accent sur la prise en charge ambulatoire, en particulier celle des nombreuses pathologies chroniques, telles que le diabète, tout en assurant une complémentarité avec les hôpitaux plus spécialisés. Une liste de 243 hôpitaux a été dressée pour devenir ces hôpitaux de proximité enrichis de moyens techniques pour la médecine et la télésanté. Leur niveau sera ainsi augmenté.

C’est ce que décrit Claude Evin en avril 2019 dans son Blog : « Il est indispensable de développer (et cela peut compenser localement, en termes de ressources humaines, la fermeture de certains plateaux techniques) des établissements de santé communautaires assurant une ligne d’hospitalisation de premier recours, au service des médecins de ville, bien intégrés dans leur environnement, principalement axés sur la médecine polyvalente et la filière gériatrique (court séjour, SSR, USLD, EHPAD, équipes mobiles…), pouvant servir de point d’appui à la régulation des soins non programmés et des urgences, avec le cas échéant un plateau d’imagerie de proximité et de biologie de routine, et pouvant comporter, en fonction des spécificités territoriales, un centre de suivi de grossesse de proximité. »

Les fonctions énumérées par Claude Evin définissent un programme cohérent qui peut prévenir en amont les effets négatifs de la convergence hospitalocentrée des « soins non programmés ». Il définit ainsi trois niveaux : l’action individuelle des praticiens libéraux, la proximité d’un regroupement pluridisciplinaire dans un CTPS avec l’articulation autour d’un hôpital de proximité et l’hôpital de référence, CHR ou CHU, relié au niveau précédent pour le télésoin et la télémédecine.

La mise en œuvre de ce programme de réforme de la santé s’est instruite des difficultés de celui de 2016. Il attend que les professionnels concernés expriment leur désir de regroupement. Pour cette raison le cadre juridique et financier (Loi 1901 ou Centre de Santé ?) n’est pas défini ce qui laisse la place à des innovations, mais en même temps cette absence de cadre freine la réalisation et permet aux résistances au changement de mieux s’y opposer. Il faut constater que ce programme cohérent réussit. Plus de mille CPTS sont en cours de formation.

Les deux lois sont finalement complémentaires grâce à la création des CPTS et à la définition des infirmiers de pratique avancée pour la première et la création de 4 000 assistants médicaux, la mise en place de la « télésanté » ainsi que la transformation des hôpitaux locaux en hôpitaux médicaux de proximité, en lien et en appuis des CPTS. Un nouveau paysage se dessine qui ouvre une issue à la crise des Centres Hospitaliers et des urgences et offre une alternative pour réduire les « déserts médicaux », mais il y a urgence à réaliser ce programme. Le temps joue contre lui. C’est ce que remarque l’économiste de la santé Brigitte Dormont dans une interview dans Libération du 14 novembre 2019 : « Agnès Buzyn tente de jouer la montre et attend le déploiement du plan « Ma santé 2022 » annoncé il y a un an, qui prévoit d’améliorer la coordination des médecins de ville pour soulager l’hôpital. Mais ce plan, s’il fonctionne, mettra des années à produire ses effets ! C’est déraisonnable. Le gouvernement doit prendre la mesure de la crise à l’hôpital public. »

1 « Le renforcement de l’offre de premier recours et de proximité est une priorité pour la DGOS, inscrite fortement dans son programme de travail depuis 2012, tant sur son versant que sur son versant hospitalier. C’est en effet dans la proximité que se gagneront les principaux défis qui se posent à nous : garantir pour tous l’équité d’accès à des soins de qualité sur tous les territoires et réussir à construire des prises en charge fluides et efficaces pour nos patients de plus en plus souvent atteints de pathologies chroniques et de plus en plus vulnérables, par leur âge, leur maladie, leur isolement ou leur situation sociale. Nous devons concevoir les hôpitaux de proximité comme un pivot de l’offre de soins sur les territoires. Au travers de leurs missions, ils sont un point de rencontre entre les soins de ville et les soins hospitaliers, le premier et le second recours, le sanitaire et le médico-social. Au cœur des prises en charge de proximité et des parcours de soin, ils ont également vocation à jouer un rôle dans leur environnement. Ils sont, et le seront davantage demain, un lieu d’intégration, un support d’innovations organisationnelles construites entre professionnels de santé quels que soient le métier ou le mode d’exercice. » Document de la DGOS, sur le WEB.

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