N°42 / Langues et politique en Afrique - Janvier 2023

Le recul de la francophonie

Jean-Paul Nassaux

Résumé

La langue française se trouve aujourd’hui fragilisée à différents niveaux.  L’anglais a pris une place hyperdominante dans le monde.  Il ne s’agit pas de s’opposer à ce rôle de langue véhiculaire mondiale de l’anglais mais d’opter pour un rééquilibrage linguistique où de grandes langues intermédiaires, dont le français, ne soient pas écrasées.  Car, comme le souligne le linguiste Claude Hagège, il y a un lien entre un contenu et une langue.  Et plusieurs auteurs ont constaté le lien entre l’expansion du néolibéralisme dans le monde et la progression sans limites de la langue anglo-américaine alors que le modèle français est fondé sur une conception universelle de la citoyenneté.  Sur la base de nombreuses sources et de travaux de brillants linguistes et auteurs, et avec un éclairage belge, nous nous sommes intéressés à la situation du français dans l’Union européenne et dans les mondes scientifique et académique, avant d’exposer le cas particulier de Bruxelles, siège de plusieurs institutions européennes.

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Le recul de la francophonie

 

Jean-Paul Nassaux

Historien et politologue, diplômé des Universités de Louvain et de Bruxelles, il est membre de l’Association belge de science politique. Il a été directeur de la communication interne et institutionnelle de l’administration régionale bruxelloise et professeur-expert d’institutions belges et européennes dans l’enseignement de promotion sociale (Institut Roger Guilbert, Institut Jean-Pierre Lallemand). Il est actuellement collaborateur scientifique du CRISP (Centre de recherche et d’information socio-politiques) et membre du comité scientifique de Pyramides. Revue du Centre d’Études et de Recherches en Administration publique de l’Université Libre de Bruxelles.

Dernières publications :

« Un espace trentenaire de débats francophones bruxellois », in 1989-2019. Parlement francophone bruxellois, pp. 63-85. Disponible également en ligne : https://www.parlementfrancophone.brussels (voir rubrique Parlement et ensuite publications).

« La politique d’accueil et d’intégration des primo-arrivants en Région bruxelloise (2004-2020 », Courrier hebdomadaire du CRISP, CRISP, 2485, 2020, 55 p.

« Le fédéralisme belge », in Manuel d’introduction au droit, J.-M. HAUSMAN et J. VANDERSCHUREN (dir.), Politeia, Bruxelles, 2021, pp. 63-85.

 

Introduction

La position de la langue française se trouve aujourd’hui fragilisée à différents niveaux : affaiblissement dans les organisations internationales et au sein de l’Union européenne, recul de son apprentissage dans des pays traditionnellement francophiles, position quasi monopolistique de l’anglais dans les publications scientifiques et pénétration croissante de cette langue dans l’enseignement universitaire des pays non anglophones. 

Personnalité diplomatique et intellectuelle brillante, l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine adopta un ton très dur dans un rapport remis en 2007 au président de la République sur la place de la France dans la mondialisation :

« L’indifférence des élites françaises au sort du français, et de la francophonie – mis à part les spécialistes-, est un scandale et une absurdité.  Manifestation, sans doute, d’une sorte de déprime nationale et de faux modernisme, se préoccuper du français leur paraît une obsession de vieilles barbes, le comble étant atteint dans les milieux économiques globalisés où le snobisme, en plus de l’efficacité pratique, s’en mêle.  Ni les Espagnols, ni les Russes, ni les Arabes, ni les Chinois, ni les Allemands, entre autres, ne sont aussi désinvoltes avec leur propre langue.  Si l’américain était sérieusement menacé, les États-Unis n’hésiteraient pas à adopter des lois Tasca/Toubon !  La France est le seul pays qui a la chance de disposer d’une langue de culture et de communication et qui s’en désintéresse, sauf institutionnellement.  Le résultat en 40 ans est là »[1].  

Quinze ans plus tard, nous écrivions à Hubert Védrine pour lui faire part de notre constat d’un recul de la francophonie. Il nous répondit :

« Je suis totalement d’accord avec vous. En plus c’est vrai que les choses empirent. Que faire d’utile ? »[2]

Plusieurs linguistes reconnus et des auteurs défenseurs de la francophonie tels que Hervé Bourges, Bernard Cassen, Claude Hagège, Jean-Marie Klinkenberg, Bernard Lecherbonnier, Yves Montenay, Dominique Noguez, Raymond Renard, Albert Salon, Damien Soupart, François Taillandier, Marc Wilmet se sont penchés sur le problème avec beaucoup d’acuité.    Nous avons également pris connaissance du rapport très fouillé présenté par le député français Pouria Amirshahi sur « la Francophonie : action culturelle, éducative et économique », en conclusion des travaux d’une mission d’information, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale française le 22 janvier 2014 » [3].  Et aussi du livre plus récent de Roger Pilhion et Marie-Laure Poletti intitulé :  ... Et le monde parlera français paru en 2017.

Il nous a paru utile d’apporter notre contribution à l’examen du recul de la francophonie, dans ce numéro des Cahiers de Psychologie Politique consacré au thème des langues et de la politique, en tenant évidemment compte des apports précieux de plusieurs de ces auteurs, avec, en outre, un éclairage belge.   Le sujet est bien sûr trop vaste pour le traiter ici dans sa globalité.  Nous avons donc limité notre propos à trois thématiques : la place de la francophonie dans l’Union européenne, la situation du français dans les mondes scientifique et académique et l’évolution linguistique de Bruxelles, cas intéressant d’une ville à dominante francophone, siège de plusieurs institutions européennes, où la francophonie fait aujourd’hui l’objet d'une remise en cause au profit de l’anglais.

L’Afrique, où certains analystes, dont le linguiste Robert Chaudenson, situent l’avenir de la francophonie en raison de l’évolution démographique et économique[4], n’est pas abordée ici.   Elle a déjà fait l’objet de nombreuses publications.  Au stade actuel, nous renvoyons, de façon très partielle, au rapport de Pouria Amirshahi, au rapport de l’économiste Jacques Attali sur « la francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable », remis au président de la République française, en août 2014, ainsi qu’à l’ouvrage de Roger Pilhion et Marie-Laure Poletti [5] [6]. La défense du français au Québec mérite aussi d’être attentivement examinée.  Nous renvoyons également pour cela notamment au rapport de Pouria Amirshahi.

Souvent dépeinte comme archaïque, arrogante ou même néo-colonialiste, nombre de raisons sont invoquées pour dédaigner la francophonie ou la déconsidérer.  Cette réprobation ambiante, source d’immobilisme et d’hostilité, nous semble d’autant moins fondée qu’elle fait le jeu du néolibéralisme. Issue du monde anglo-américain, l’idéologie néolibérale, à laquelle s’est convertie, de façon plus ou moins flagrante, une écrasante majorité des décideurs économiques, politiques et médiatiques européens, a imposé une pensée unique, fondée sur l’idée que l’homme recherche avant tout son intérêt égoïste. Sa quête obsessionnelle de la réduction des coûts est ravageuse à l’égard de ceux, nombreux encore, qui, dans l’exercice de leur profession, placent la qualité du travail avant la rentabilité la plus immédiate. La propagation du néolibéralisme s’accompagne d’une expansion de la langue anglaise qui expulse progressivement les autres langues de diverses sphères de la vie sociale. Certains s’en réjouissent, considérant qu’il est commode de disposer d’une langue véhiculaire qui permet de se faire comprendre partout et qui facilite la communication devenue mondiale. Mais pour l’éminent linguiste qu’est Claude Hagège, il y a un lien entre un contenu et une langue, et ce lien est patent entre la langue anglaise et l’idéologie néolibérale. Il ne s’agit pas, bien sûr, de rejeter la riche culture anglo-américaine, que nous pensons elle-même victime des mutations en cours.  Il serait en outre déraisonnable de contester à l’anglais son rôle de langue véhiculaire, pour autant que celui-ci n’excède pas certaines limites et ne vise à réduire le rayonnement des autres grandes cultures.

Rappelons l’éclairage précieux donné par le linguiste Louis-Jean Calvet et son modèle gravitationnel, dans lequel est opérée une distinction entre une langue hypercentrale – l’anglais-, des langues supercentrales – l’espagnol, le français, l’hindi, l’arabe,...-, des langues centrales et des langues périphériques. Calvet, évoquant l’opposition à la propagation de l’espagnol qui se développe aux États-Unis, en conclut que « la mondialisation suppose la diffusion d’une culture de masse (cinéma, télévision, restauration de type Mc Donald’s, etc.) qui s’accommode de microcultures (et leur consacre des expositions, des musées) mais supporte mal l’exception culturelle, la résistance (le cinéma français, japonais, italien...)  et que, de  la même façon, elle accepte l’éclatement en microcommunautés linguistiques mais supporte mal les langues intermédiaires, supercentrales qui sont, localement, autant de points de résistance [7].

1. La situation du français dans l’union européenne[8]

La plupart des observateurs le soulignent, si le français est officiellement l’une des langues de travail des Nations Unies, il est très loin d’y faire jeu égal avec l’anglais.  Non seulement celui-ci devance très largement celui-là en nombre d’interventions au cours des réunions officielles, mais, surtout, le nombre de documents rédigés en anglais et non traduits est en constante progression.  Cependant, le français parvient néanmoins à y maintenir une place non négligeable, en particulier si l’on considère le nombre d’intervenants qui l’utilisent. Hervé Bourges cite un article du journaliste Bernard Grégoire paru dans Le Monde du 6 février 2010 où celui-ci note que lors des réunions officielles le français est pratiqué par la France, la Belgique, la Suisse, les pays d'Afrique francophone et lusophone et partiellement par le Canada.  Il signale également que l’Algérie s’exprime le plus souvent en français et qu’en fonction des sujets abordés, il arrive que le Maroc et la Tunisie s’expriment en français, surtout au Conseil des droits de l’homme[9].  Les choses ne se présentent guère sous un jour plus favorable dans d’autres instances internationales.  Ainsi, Pouria Amirshahi dénonce le fait qu' « il y a de la part du secrétariat de l’OCDE, pour lequel le bilinguisme s’apparente à une contrainte administrative, une politique délibérée et constante en faveur de l’anglais, à laquelle correspond en parallèle le recrutement d’économistes essentiellement issus d’universités anglo-saxonnes; de sorte qu’au monolinguisme de fait s’ajoute progressivement une monoculture ».  Le même Pouria Amirshahi regrette que l’anglais devienne de plus en plus dominant à l’Union africaine malgré le fait que la majorité des États membres y soit francophone[10]. Nous mentionnerons également la perte de terrain du français aux Jeux olympiques, alors qu’il est l’une des deux langues officielles du Comité international olympique. 

Mais c’est à l’Union européenne que la situation est considérée non seulement comme la plus alarmante mais aussi comme la plus inacceptable.  On y assiste en effet à « un recul généralisé et incessant » du français au sein de ses institutions[11]

Dans une interview au quotidien belge Le Soir, le correspondant du journal Libération à Bruxelles, Jean Quatremer, observateur attentif de la politique européenne, synthétisait bien l’évolution linguistique de l’Union : « L’Europe compte 24 langues officielles et on ne peut demander à personne de les parler toutes.  C’est pourquoi l’Europe a, de facto, instauré depuis ses débuts un régime de langues de travail : le français et l’allemand mais les choses se faisaient à 99% en français.  On y a adjoint l’anglais quand le Royaume-Uni a adhéré à l’Union.  Mais c’est à partir de 1995, avec l’adhésion de pays comme la Finlande, la Suède, l’Autriche, que l’on a constaté un fort recul du français, qui s’est aggravé avec l’arrivée des pays de l’Est en 2004.  Aujourd’hui, en l’espace de 15 ans, l’Union a basculé du « tout français » au « tout anglais ».  Jusqu’à présent, il y avait un accord tacite entre États qui était que les personnalités nommées à des postes importants -y compris les représentants auprès de l’UE- devaient maîtriser le français.  Cela a même été formalisé lors de l’adhésion de la Grande-Bretagne dans des accords entre le Français Pompidou et l’Anglais Heath.  Ceux qui ne respectent plus cette exigence, ce ne sont pas les Britanniques mais les nouveaux pays de l’UE.  Et cela à cause de la France, qui se désintéresse totalement du statut de la langue française dans les institutions européennes ».  Et le correspondant de Libération de se montrer assez sévère à l’égard des derniers présidents de son pays : en 2009, signale-t-il, Nicolas Sarkozy a laissé nommer Catherine Ashton, qui ne parle pas un mot de français, à la tête de la diplomatie européenne ; ensuite, Hollande a accepté un président du Conseil européen, Donald Tusk, qui ne parle pas un mot de français, ne parlant d’ailleurs qu’à peine l’anglais. [12] Le même jean Quatremer signale que « les Allemands ont beaucoup fait pour couler l’usage du français : faute de pouvoir imposer leur langue, ils ont privilégié l’anglais partout où ils le pouvaient (...).  Une logique pour le moins étrange : couler le français va-t-il sauver la langue allemande ? [13]».

Certaines astuces assez grossières sont utilisées pour imposer l’unilinguisme anglais tel l’emballage de celui-ci dans le concept de l’English lingua franca ou ELF, qui serait une nouvelle langue de communication[14].  Dans son rapport à l’Assemblée nationale française, le député Pouria Amirshahi dresse un tableau peu réjouissant de la position du français dans les institutions de l’Union européenne.  Le passage de onze à vingt-trois langues officielles s’est traduit, indique-t-il, par le recours croissant à l’anglais dans les documents de la Commission et par un effondrement parallèle du français dont la proportion est passée de 40% à 5% en quinze ans.  L’anglais, seule langue accessible à tous les fonctionnaires de la Commission, s’est imposé de facto comme langue naturelle de rédaction des courriels.  En outre, la communication des directions générales de la Commission n’est pas systématiquement faite dans l’ensemble des langues de travail. Ainsi, huit directions générales sur trente ont des sites internets uniquement en anglais.  La situation est analogue au niveau des agences et offices communautaires dont le tiers, six agences sur dix-huit, proposent une version française de leur site.  Inversement, poursuit le député Amirshahi, dix sites officiels d’agence n’existent qu’en anglais[15].   Les projets introduits dans le cadre de programmes européens doivent être rédigés en anglais alors que, comme le souligne Claude Hagège, aucun texte ne favorise explicitement l’anglais ni ne le recommande à l’exclusion d’autres langues. Pouria Amirshahi signale utilement une plainte introduite contre la Commission par l’Assemblée des fonctionnaires francophones des organisations internationales (AFFOI) pour le « non-respect, dans le cadre de la création d’une plateforme pour lutter contre la fraude fiscale, de plusieurs articles du traité sur l’Union européenne, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et de la Charte des droits fondamentaux ». En effet, l’appel à candidatures visant à mettre cette structure en place précise que la langue de travail sera l’anglais, ce qui implique, dénonce l’AFFOI, qu'« une parfaite maîtrise de l’anglais sera demandée aux représentants et à leurs suppléants pour pouvoir prendre part aux discussions, comprendre les documents de travail et si nécessaire produire une contribution écrite ». L’auteur du rapport à l’Assemblée nationale française relaye les inquiétudes des initiateurs de la requête quant aux dérives croissantes des institutions bruxelloises vers le tout à l’anglais.  Ce qui fait courir le risque, estime-t-il, de l’élimination pour le seul défaut de maîtrise de l’anglais, d’éminents spécialistes et avantage des anglophones même de compétence inférieure[16]. Tout cela n’est guère étonnant, selon Pouria Amirshahi, dès lors que les nominations à nombre de postes de responsabilité sont souvent faites au profit d’anglophones de naissance, comme ce fut particulièrement le cas sous la deuxième présidence Barroso. Un constat analogue s’impose pour le Service européen d’action extérieure (SEAE), où l’anglais est également devenu la langue de travail et où le français se trouve exclu de la communication écrite. Dans les instances du Conseil européen, Pouria Amirshahi relève que près de 90% des documents sont rédigés en anglais.  Il note que, lors de sa présidence en 2008, tout en inversant la tendance le temps d’un semestre, la France n’a pas montré le plus grand volontarisme pour accorder une place à sa langue.  C’est en effet sous la présidence luxembourgeoise en 2005, qu’un quart des documents ont été rédigés en français.  En revanche, au cours de sa présidence en 2010, la Belgique n’a manifesté aucun intérêt particulier pour la promotion du français. Pouria Amirshahi remarque par ailleurs l’indifférence sur ce sujet de pays membres à part entière ou observateurs de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) [17]  telles la République tchèque, la Hongrie, la Slovénie, la Pologne ou Chypre[18].  On ne sera pas étonné que la situation du français soit meilleure dans l’institution la plus démocratique de l’Union, à savoir le Parlement européen.  La langue de Molière s’y positionne en effet au deuxième rang alors que les documents sont traduits dans toutes les langues et que les amendements sont déposés dans la langue d’origine du député. C’est aussi la communication du Parlement européen qui est la plus polyglotte des institutions européennes.  Les communiqués et conférences de presse bénéficient de traduction et d’interprétation, soit dans l’ensemble des langues officielles, à Strasbourg, soit dans les trois langues de travail, à Bruxelles[19].   Il est clairement indiqué dans le règlement européen de 1958, qui fixe le régime linguistique de l’Union européenne, que le français est la langue du délibéré dans le système juridictionnel communautaire.  Les arrêts et les avis de la Cour de justice des Communautés européennes et du Tribunal de première instance sont ainsi rendus en français, des traductions étant ensuite disponibles dans toutes les langues[20].   Claude Hagège dénonce néanmoins le fait que la cour adopte la même politique que la Commission en favorisant systématiquement les directives à finalité économique au détriment des résolutions à finalité culturelle.  Le grand linguiste y voit un procédé destiné, indirectement, à servir l’anglais puisque, considère-t-il, « cette langue est le support d’un discours libéral caractérisé par son hostilité à toute autonomie du domaine culturel »[21].  Jean Quatremer souligne les problèmes que pose la domination absolue de l’anglais : « une langue véhicule un système de valeurs », précise-t-il, « quand c’est en anglais, les anglophones ont un avantage, ne serait-ce qu’en termes d’emploi, mais aussi en termes de négociations ».  « De plus », poursuit le journaliste de Libération, « la qualité des textes qui sortaient des réunions dans le passé était supérieure. Cette anglophonie a pour conséquence l’appauvrissement des textes car, à Bruxelles, on ne parle pas l’anglais mais du « globish (« global english »).  Un texte négocié par un Français, un Portugais et un Lituanien qui parlent mal anglais mais croient bien le parler ne peut pas être d’une grande qualité.  Ce sont les juristes qui le disent : les textes ressemblent à un sabir obscur intraduisible dans les langues nationales »[22].  À cet égard, Claude Hagège fait remarquer que, contrairement à ce qu’assurent ceux qui en ont une connaissance fautive, l’anglais est une langue assez difficile : son orthographe peut être considérée comme une des plus ardues qui soient ; sa prononciation est difficile, de sorte que ses locuteurs de naissance hésitent parfois sur la façon de prononcer un mot ; de nombreux mots s’ouvrent à une panoplie de sens...[23]

Jean Quatremer évoque, toujours au sujet de l’Europe, la correspondance dans le temps entre la généralisation de l’usage de l’anglais et le basculement vers l’ultra-libéralisme. La conjonction de ces deux processus est de fait manifeste. Ayant procédé à l’analyse des textes européens, le linguiste belge Jean-Marie Klinkenberg relève que le principe économique néolibéral prévaut aujourd’hui nettement sur celui de la défense de la diversité linguistique au sein des institutions européennes [24].  Au début de ce siècle, la Commission européenne a contribué à généraliser le concept de gouvernance, issu en droite ligne du néolibéralisme anglo-saxon, lequel prône la subordination de l’État aux mécanismes du marché et l’imposition des méthodes de gestion des entreprises privées aux organismes publics[25]. Cette orientation a notamment eu pour conséquence l’introduction du new public management dans les services publics des États européens. L’économiste Robert Salais relève qu’après l’échec de la France à transposer son modèle à Bruxelles, l’Europe a opté pour «  le new public management à l’anglo-saxonne, la mise en compétition des droits, des valeurs,  des peuples sur le marché, la gouvernance par la performance ». Et de déplorer que « ces produits toxiques ont fait le voyage de retour de Bruxelles vers Paris et nous empoisonnent »[26].  « L’idéologie républicaine française est l’incarnation de l’universalisme moderne : d’une démocratie, fondée sur une notion universelle de citoyenneté », écrit le philosophe slovène Slavoj Zizek, poursuivant : « en totale opposition avec elle, les USA représentent une société globale, une société dans laquelle le marché global et le système légal servent de contenant (plutôt que le proverbial « melting pot ») à la prolifération infinie d’identités minoritaires particulières »[27]

Quant au sociologue Alain Caillé, fondateur et directeur de la Revue du MAUSS (Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales), il considère qu' « il existe bien une singularité française ».  « La France », explique-t-il, « a été, est encore la nation politique par excellence.  C’est sur cette base qu’elle a développé le seul modèle universaliste de démocratie concurrent du modèle anglo-saxon et plus spécialement américain »[28]. La présence, aux côtés de l’anglais, de quelques autres grands pôles linguistiques, loin de nuire aux langues centrales, bénéficierait au contraire également à celles-ci en rendant l’aspiration vers l’anglais d’une série d’activités moins systématique.

 À la fois inspirateur et bénéficiaire de la mondialisation économique, le néolibéralisme est vecteur d’homogénéisation.  Des traitements standards sont appliqués partout aux différents domaines de la vie collective : dans la gestion publique, avec, comme indiqué ci-dessus, l’introduction du nouveau management où " l’option client " se substitue à l’idée d'« usager »;  en urbanisme, avec l’avènement du concept de métropolisation en fonction duquel les grandes villes se trouvent mises en concurrence et utilisent les mêmes approches dans leur aménagement du territoire (gigantesques centres commerciaux, grands stades, geste architectural, réaménagement « esthétique » des bords de l’eau, « [29]gentrification », organisation d’événements factices,...); à l’université, où la valeur académique et la productivité intellectuelle des chercheurs sont mesurés par «  l’impact citationnel » de leurs travaux , et[30] dans de nombreux autres secteurs. La philosophe Myriam Revault d’Allonnes pointe la rupture opérée dans nos sociétés par la rationalité néolibérale : « l’extension du paradigme économique à toutes les sphères de la société, à toutes les activités (désormais évaluables selon des normes instrumentales ou quantitatives, celles qui relèvent de la rationalité selon les fins), est le corrélat de la réduction du sujet pluriel, divisé, problématique, ingouvernable au sujet « entrepreneur » et entrepreneur de soi-même »[31]. Ce façonnage a une dimension linguistique en raison du rôle joué par la langue dans la structuration de la pensée : la pratique de l’anglais, langue véhiculaire de l’idéologie néolibérale, est désormais rendue indispensable. 

L’adhésion déterminée à la suprématie de la langue anglaise par nombre de personnalités françaises du monde économique est particulièrement révélatrice du lien entre le néolibéralisme et l’anglicisation. Plusieurs auteurs ont ainsi dénoncé ce que Pouria Amirshahi a qualifié de « forme de servitude volontaire de nos élites mondialisées » et[32] ont épinglé des personnalités telles que l’ancienne ministre de l’Économie et du  Fonds monétaire international et actuelle présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, l’ancien président de l’organisation mondiale du commerce (OMC), Pascal Lamy, l’essayiste Alain Minc, l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, candidat à la dernière élection présidentielle française, Valérie Pécresse, l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, l’ancien président-directeur-général de Renault, Louis Schweitzer, l’ancien commissaire européen, Pierre Moscovici et tant  d’autres[33]

Le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (Brexit), intervenu officiellement le 31 janvier 2020, laissait entrevoir la possibilité de revenir à une plus grande diversité linguistique au sein de l’Union européenne.  Il n’en a rien été.  Dans une tribune publiée le 17 décembre 2021 sur le site de l’hebdomadaire belge Le Vif, le député régional bruxellois  et sénateur belge du Mouvement réformateur (MR, parti de centre-droit), Gaetan Van Goidsenhoven constatait que le Brexit n’avait pas remis en cause la domination de l’anglais au sein des institutions européennes et plaidait pour un respect de la pluralité des langues et des cultures au niveau européen. Il remarquait que la tendance à l’unilinguisme anglais ne s’infléchirait pas sans une volonté politique ferme qui est singulièrement attendue de la part de la France, laquelle, poursuivait-il, ne peut ignorer que c’est en misant sur des avancées collectives sur le multilinguisme que le français perdurera dans les enceintes européennes[34].  L’association « Avenir de la langue française » (ALF) dénonçait dans un communiqué du 14 septembre 2021 un « coup d’État post-Brexit » signalant que « la Commission, suivie plus tard par le Parquet européen, prit tout simplement, illégalement et illégitimement, la décision -relevant pourtant du seul Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement de l’Union- de faire en pratique de l’anglo-américain sa « langue commune, c’est-à-dire sa langue de travail quasi unique.  Cela sans soulever de véritable levée de boucliers, notamment des gouvernements, français inclus »[35].

Le Parlement européen étant chargé du contrôle politique de la Commission, nous avons voulu avoir la réaction à cette information de députés belges appartenant aux cinq partis francophones belges représentés au Parlement européen.  Nous indiquons leur parti belge et leur appartenance à leur groupe parlementaire au Parlement européen.  Fin octobre, début novembre 2022, nous avons donc adressé un courriel aux député(e)s Marie Arena (PS belge/membre de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates), Marc Botenga (Parti du travail de Belgique/ membre de la gauche/GUE/NGL), Philippe Lamberts (ECOLO/ Verts/Alliance libre européenne), Benoît Lutgen (Les Engagés/Parti populaire européen) et Frédérique Ries (Mouvement réformateur/Renew Europe). Deux d’entre eux ont jugé utile de nous répondre, Benoît Lutgen et Marc Botenga. Voici leurs messages.

Benoît Lutgen :

« Nous n’avons pas eu connaissance de cette décision « officielle/officieuse » de la Commission. Mais je vous remercie d’avoir attiré mon attention dessus. Je pourrais poser une question à la Commission européenne. Mais cela fait longtemps, spécialement depuis l’élargissement, que tant le français que l’allemand perdent du terrain. De manière plus générale, au Parlement européen quand la traduction est assurée, je m’exprime en Français. S’exprimer dans sa langue nationale permet d’exprimer plus parfaitement sa pensée. Je trouve d’ailleurs très étrange que des collègues français préfère parfois s’exprimer en anglais (et pas toujours convenablement) même lorsque l’interprétation simultanée est disponible. C’est peu aisé de défendre la langue française quand les Français eux-mêmes démissionnent sur ce point. Pour le reste, il est évident que l’anglais est la langue commune des Européens actuellement. C’est souvent la seule langue que je partage avec mes collègues même si le Français reste quand même très présent chez des collègues roumains, italiens ou même néerlandais. Pour l’avenir, je crois qu’il doit s’agir d’un travail commun entre francophones et germanophones et à long terme pour que les trois langues de travail (Anglais/Français/allemand) soient traitées de manière égale. Mais cela implique également la promotion de l’apprentissage de ces trois langues à travers l’Union européenne.

BLU ».[36]

Marc Botenga :

« Formellement, nous ne sommes pas au courant d’un changement de statut. Je ne parlerais certainement pas de « coup d’état ». Nous défendons le multilinguisme au sein des institutions. Notons que si dans les faits, dans certains contextes, l’anglais sert souvent de lingua franca informelle, cela est surtout dû à d’autres facteurs. Le néolibéralisme n’est certainement pas l’apanage des anglophones. Malheureusement, en fonction des intérêts de classes, il trouve des adeptes dans toutes les langues. Inversement, les intérêts de la classe travailleuse s’expriment dans toutes les langues. »

Michèle Daniele

Assistant local de Marc Botenga.[37]

Nous remarquerons que seuls les représentants de deux partis nous ont répondu. On notera qu’ils appartiennent tous deux à des partis qui sont dans l’opposition au gouvernement fédéral belge. Faut-il y voir chez les partis de la majorité belge une volonté de ne pas déforcer le gouvernement belge, qui n’aurait pas réagi à la décision de la Commission d’utiliser l’anglais comme seule langue de travail ?  L’hypothèse n’est pas à exclure mais elle serait étonnante quand on sait que des présidents de partis appartenant à la majorité ne se privent pas de critiquer le Premier ministre Alexander De Croo et son gouvernement dans le débat politique belge.  On est donc en droit de se poser d’autres questions : manque d’intérêt pour une publication sur la francophonie ?  Acceptation de la prépondérance écrasante de l’anglais ou embarras de ne pas réagir à celle-ci ?

Les deux députés qui ont accepté de nous répondre signalent qu’ils n’ont pas été informés de la décision de la Commission rapportée par l’ALF.  Ils se prononcent tous deux pour un plus grand multilinguisme. Et Benoît Lutgen déplore le manque de détermination de certains députés français à défendre la langue française.

Pouria Amirshahi estime que les arguments articulés sur les moindres coûts et l’efficacité supposée du monolinguisme sont battus en brèche par l’exigence démocratique.  Et il met l’accent sur le fait que l’économie immédiate réalisée sur les postes de l’interprétation et de la traduction ne contribue pas à l’intelligibilité des textes et des politiques, principes cardinaux sur lesquels il refuse toute concession, ne serait-ce qu’en regard des enjeux diplomatiques, voire géopolitiques[38].

2. La situation du français dans les mondes scientifique et académique

La place centrale prise par les États-Unis dans la recherche scientifique et la propagation du néolibéralisme ont entraîné l’imposition de l’anglais dans le domaine scientifique ainsi que l’orientation des universités du continent européen vers le modèle anglo-saxon.  De grands savants s’en accommodent, estimant qu’il serait vain de vouloir aller à contre-courant.  Le mathématicien Cédric Villani, médaillé Fields en 2010[39], qui s’est, en 2O17, lancé en politique sous les couleurs du parti macroniste « la République en marche », avant de divorcer avec celui-ci, présente la question comme visiblement tranchée : « le constat est   clair et sans ambiguïté : l’anglais s’est imposé comme la langue universelle de la communication scientifique ».   Il ajoute ne pas s’associer à l’attitude de son collègue Laurent Lafforgue, autre médaillé Fields, qui met un point d’honneur à écrire, donner des exposés et discuter en français. Tout en respectant ce choix, Villani se rallie, quant à lui, à l’existence d’un standard international de communication en recherche. Cela ne signifie pas, dans son chef, une indifférence à l’égard de la francophonie scientifique. Mais, n’apercevant dans la communication entre chercheurs confirmés qu’une petite portion des échanges, il engage à plutôt se concentrer sur le reste : les relations entre maître et élève, les discussions au sein d’un laboratoire, les ouvrages de cours, le travail de maturation qui précède la diffusion des résultats...  [40].

Claude Hagège a, pour sa part, très lucidement identifié les menaces que font peser les pressions de l’anglais dans le monde de la recherche scientifique. Soulignant l’avantage que retirent les chercheurs anglophones de l’emploi très répandu de leur langue maternelle dans les publications, les laboratoires et les assemblées savantes, il dénonce l’occultation des découvertes de chercheurs qui ne publient pas en anglais et le risque accru de transfert illicite ou de plagiat de découvertes étrangères par les membres des comités de lecture des revues anglophones auxquels des chercheurs non américains soumettent leurs textes ou leurs échantillons[41].  Claude Hagège l’affirme haut et fort : le plurilinguisme en science peut être un bien supérieur à l’abandon généralisé des langues vernaculaires en faveur du seul anglais.  Il met en garde contre l’effacement des revues non anglophones qui représente un danger pour la diffusion des recherches qui sont effectuées dans d’autres pays, notamment francophones.  Cela, alors que publier en anglais implique de se soumettre aux critères fixés par les revues anglophones pour la présentation et l’évaluation des résultats de la recherche, ainsi que pour le système de citations.  Pareille démarche amène en outre un scientifique à axer ses programmes de recherche sur les thématiques traitées par les chercheurs anglophones même s’il en avait initialement de plus originaux.  Contestant la sous-estimation de l’importance de la langue maternelle dans la formation de la pensée, Claude Hagège attire l’attention sur l’effet d’aliénation que peut produire l’uniformisation linguistique dans l’univers des sciences en raison du malaise généré par un emploi qui contredit les habitudes de pensée et même la conception du monde [42]

L’historienne Sonia Combe adopte un point de vue analogue : « Si  le Wall Street English  peut être suffisant dans le commerce et les affaires, » écrit-elle, « l’academic English  qui se répand dans le monde universitaire ne l’est pas ».  Pour elle, « cet idiome interlope est réducteur de la pensée » et « il finit par l’appauvrir avant même qu’elle jaillisse du tréfonds de notre cerveau »[43].  Les sciences humaines ne sont pas épargnées.  Nous en avons eu un exemple avec la pétition du 23 février 2015 émanant d’enseignants et chercheurs suisses contre la décision du Fonds national suisse de la Recherche scientifique (FNS) d’exiger que les projets de recherche en science politique lui soient dorénavant soumis en anglais. Les signataires n’entendaient manifester aucune hostilité à l’égard de l’importance de cette langue dans les échanges scientifiques. Mais ils mettaient en cause une tendance à la standardisation des critères de scientificité, la confusion entre la langue de raisonnement (au stade de l’élaboration des projets) et la langue de communication (dans la littérature scientifique spécialisée) et le déni de légitimité des langues nationales dans la recherche scientifique, en particulier sur des objets intéressant directement la politique suisse[44] . Une telle passe d’armes illustre l’ampleur de la dynamique d’anglicisation, bien plus englobante que ne le laisse à penser Cédric Villani.  « Si Newton avait parlé hopi et non anglais, sans doute la physique qu’il a conçue aurait-elle été toute différente », remarque très judicieusement Jean-Marie Klinkenberg[45].

Il était logique d’entendre Claude Hagège donner de la voix dans la contestation de la loi Fioraso (du nom de la ministre française de l’Enseignement supérieur et de la Recherche), laquelle a effectué un pas important dans la légalisation de l’enseignement en anglais dans les universités françaises[46]. Cette décision est évidemment à considérer à l’aune de la suprématie actuelle de la langue anglaise dans la publication scientifique.  Mais elle doit aussi être appréhendée par rapport au mouvement de réforme des systèmes d’enseignement supérieur qui s’est développé depuis le milieu des années 80 en Europe occidentale.  Le professeur en sciences politiques de l’Université libre de Bruxelles, Jean-Luc de Meulemeester, explique que l’enseignement supérieur ne pouvait échapper à l’introduction du new management dans le secteur public à la suite du tournant néolibéral des politiques économiques occidentales qui s’est opéré à cette époque.  Le modèle « humboldtien »[47] qui accordait une certaine protection au monde académique fut remis en question par une vision selon laquelle l’université doit répondre aux besoins de l’économie.  L’Angleterre a clairement pris ce cap lors des deux dernières décennies du siècle précédent en introduisant le marketing, la concurrence et un management plus professionnel dans son enseignement supérieur. Alors que les fonds publics affectés à la recherche se raréfiaient et qu’elles étaient mises en concurrence pour obtenir ceux-ci, les universités britanniques adoptèrent des comportements de plus en plus agressifs pour attirer des étudiants étrangers prêts à payer le coût plein de leurs études et devinrent, selon les termes de Jean-Luc de Meulemeester, une réelle « industrie d’exportation » aidées en cela par la primauté de l’anglais comme langue centrale, voire unique dans le processus de globalisation[48].   L’Union européenne ayant opté pour la voie anglaise, les universités du continent sont amenées à s’adapter à un environnement de plus en plus concurrentiel et à s’efforcer de drainer elles aussi le maximum d’étudiants étrangers.  Une offre de cours en anglais leur paraît un moyen indispensable pour y parvenir. En fait, la loi Fioraso visait à étendre les exceptions au principe du français comme langue de l’enseignement. Car, comme l’indique Pouria Amirshahi dans son rapport, des cursus exclusivement en anglais existent déjà depuis plusieurs années dans l’enseignement supérieur français. Et il règne dans certains milieux dirigeants des universités et des hautes écoles l’envie d’aller beaucoup plus loin en ce sens. Le député français mentionne notamment une tribune parue dans Le Monde du 28 février 2008, où le directeur général de l’ESSEC, grande école de commerce française, appelait à ce qu’une partie significative des enseignements universitaires français soit donnée en anglais[49]. Une tendance analogue est fortement présente en Belgique francophone.  Ainsi, le recteur fraichement élu de l’Université catholique de Louvain (UCL), Vincent Blondel, répondit de la façon suivante quand une journaliste lui demanda quelles seraient ses priorités : « tout d’abord, renforcer l’internationalisation de l’UCL, dans un contexte concurrentiel accru.  Nous allons par exemple augmenter l’offre de cours en anglais, de formations pensées pour les étudiants étrangers »[50].  La multiplication des masters organisés en langue anglaise est à l’ordre du jour dans l’ensemble des universités et hautes écoles belges sans que cela n’entraîne de réactions analogues à celles suscitées en France par la loi Fioraso [51].

La concurrence entre les universités pour attirer les meilleurs étudiants et chercheurs ainsi que les moyens financiers, a entraîné l’apparition des fameux rankings, censés permettre une comparaison entre les institutions.  Procédant à l’analyse des critères utilisés par les deux classements qui font régulièrement la une des médias, à savoir celui dit « de Shangaï » et celui dit « du Times » [52], l’ancien recteur de l’Université libre de Bruxelles, Philippe Vincke, conteste leur validité scientifique.  Il relève en outre que les universités anglo-saxonnes sont favorisées dans ces classements et, se basant sur des études réalisées à ce sujet, signale que la position désavantageuse dans laquelle s’y trouvent les universités germanophones et francophones pouvait représenter une sous-estimation de plusieurs dizaines de pourcents de leur production scientifique.  Philippe Vincke met aussi en exergue l’inadéquation méthodologique de ces rankings pour évaluer l’activité scientifique en sciences humaines, par ailleurs parentes pauvres sur le plan des matières retenues. Ainsi, on n’y trouve aucune trace de la philosophie, des lettres, de l’histoire, de l’archéologie, du droit ou des sciences politiques.  Enfin, il pointe un danger réel : celui de voir les universités adopter leurs comportements aux classements les plus populaires et décider, par exemple, de fermer les facultés les moins rentables en termes de rankings [53].

Le dernier classement mondial des universités a été publié le 1er octobre 2022 par le Times Higher Education 2023. La journaliste belge de La Libre Belgique, Monique Baus note que le top 20 se voit trusté par les établissements anglo-saxons, malgré la remontée inédite de plusieurs établissements asiatiques.  Elle rappelle également qu’au mois d’août dernier, le top 20 était également presqu’exclusivement anglo-saxon dans le classement de Shangaï.  Dans le même journal, [54]le professeur Jean Winand, ancien vice-recteur de l’Université de Liège et expert auprès d’agences d’évaluation des universités, explique sur quels critères les universités sont évaluées.  « Tous les classements mesurent la réputation et une partie de la recherche. Ils se basent principalement sur la quantité de publications, le nombre de citations dont elles font l’objet et l’indice attribué à la revue qui les a éditées, ainsi que sur des enquêtes de notoriétés et la présence de personnalités dont l’excellence a été retenue par l’obtention de prix prestigieux (Nobel, médaille Fields).  Mais, souligne Jean Winand, « tous les domaines ne sont pas couverts.  C’est le cas des sciences humaines, notamment » et, en outre, les publications en anglais occupent tout le terrain : « or d’autres langues sont utilisées dans certains domaines de recherche ». « Ce système a été mis en place pour les grosses universités anglo-saxonnes. Il fallait bien convaincre les étudiants de payer les très chers droits d’inscription ».  Et le professeur de l’Université de Liège préfèrerait interroger d’autres données comme le taux d’employabilité des étudiants ou l’implication de l’institution dans la société[55].

Pouria Amirshahi consacre de larges passages de son rapport à la recherche scientifique et à l’université [56]. Voici quelles étaient ses principales propositions (rappelons que son rapport date de 2014).

-Créer une grande revue scientifique francophone de référence internationale dans les dix ans qui viennent (rappelons que son rapport date de 2014).

-Soutenir la recherche en faveur de la mise au point de traducteurs automatiques performants.

-Imposer aux chercheurs travaillant ou rémunérés sur crédits publics de faire état de l’avancement de leurs travaux en français, à échéance régulière, avec une exigence de contenu assez soutenue.

-Demander la remise d’un rapport d’activité substantiel en français (rédigé en français ou traduit), à l’issue d’une période d’études ou de recherches ayant été soutenues par une bourse du gouvernement français.

-Dans la politique d’octroi des crédits de recherche, mettre un terme aux pratiques consistant en des appels d’offres en anglais et en une prise en compte des publications en anglais au détriment des publications en français.

-Développer l’enseignement à distance et particulièrement les CLOMS (cours en ligne ouverts et massifs-traduction du terme MOOCs- Massive Open Online Courses), à nommer ainsi francophones, l’Office franco-québécois pour la jeunesse, en partenariat avec s’autres pays francophones, pouvant être chargé de réfléchir à la définition de corpus de formations.

-Construire une politique ambitieuse de reconnaissance des qualifications, de développement des cotutelles et codiplomations, de « labellisation francophone » en commençant par confier officiellement à l’Agence universitaire  de la francophonie (AUF) la tâche de dresser un état des lieux. Confier à l’AUF le pilotage avec notamment LOGIQ[57]et Campus France[58], d’une expérience-pilote de programme francophone de mobilité des étudiants de type Erasmus.

-En France, réallouer des moyens à la politique de bourses pour faciliter la mobilité francophone et amener à la francophonie des étudiants et chercheurs du monde entier.

-Mettre un terme à la diminution des moyens accordés aux Instituts français de recherche à l’étranger (IFRE) et réfléchir aux possibilités de les ouvrir pour les transformer en véritables instituts francophones de recherche.

Le rapport Amirshahi trace des lignes très intéressantes.  Peut-être conviendrait-il de prendre également une initiative d’envergure en matière de sciences humaines ?  Non immédiatement rentables, mal prises en compte dans les classements des universités et dénigrées par le monde économique, elles se trouvent les plus exposées aux coupes budgétaires qui visent l’enseignement supérieur.  Elles sont pourtant indispensables, de façon complémentaire avec la littérature, pour éclairer le monde et questionner sans limites le fonctionnement de nos sociétés. La contribution française y est reconnue et le glissement complet de ces disciplines dans l’orbite anglo-saxonne représenterait immanquablement un appauvrissement.  On ne s’étonnera d’ailleurs pas que c’est dans les rangs de ces sciences dites « molles » que la perception de l’aspect linguistique de la standardisation néolibérale ait été la mieux perçue comme l’a montré la contestation de la loi Fioraso facilitant l’introduction officielle de cours en anglais dans les universités française[59].  Des actions intéressantes ont déjà été accomplies tel le site Cairn.info qui permet aux maisons d’éditions, organismes ou associations ayant en charge des publications de sciences humaines francophones, de diffuser plus largement leurs productions via internet. 

3. Le cas de Bruxelles[60]

Des reniements et des réticences du type de ceux que l’on trouve en France se rencontrent également en Belgique dans un contexte cependant très différent, compte tenu du face-à-face qui y règne entre les communautés linguistiques néerlandophone et francophone. La revendication culturelle flamande et l’exigence d’une plus grande autonomie économique wallonne ont généré moult compromis politiques qui se sont traduits par plusieurs réformes de l’État belge. Cela a débouché sur un fédéralisme d’une extrême complexité, avec une Autorité fédérale, des Communautés et des Régions. De façon très schématique, on signalera que la Wallonie est essentiellement francophone (une petite communauté germanophone est présente dans l’est du pays), la Flandre, néerlandophone et Bruxelles, en grande partie francophone. Issu d’une louable volonté de reconnaissance de sa culture dans le cadre de l’État belge, le Mouvement flamand, dont les objectifs ont été atteints, a engendré un nationalisme qui est aujourd’hui parvenu à imposer ses thèses séparatistes à la une du débat politique et à obtenir un poids électoral considérable via le parti « Nieuw-Vlaams Alliantie (N-VA).  Cet état de choses est naturellement dû à la disparité de richesse entre la Flandre et les autres entités (Wallonie, Bruxelles) et aux transferts financiers de celle-là vers celles-ci qui en découlent. Mais il procède également d’un écart croissant entre les sensibilités flamande et francophone.  La Flandre, très majoritairement à droite, entend s’engager résolument dans les modifications structurelles prescrites par le néolibéralisme alors que la Wallonie, plus marquée à gauche, oppose une certaine résistance à une telle évolution.  Le sentiment qui prévaut donc actuellement dans une très large frange de l’opinion flamande est qu’il est nécessaire de réduire au strict minimum, voire de rompre, les liens avec une Wallonie qui coûte de l’argent au contribuable flamand et qui, en outre, freine les réformes indispensables.  L’éclatement de la Belgique effraye cependant les francophones, davantage soudés dans leur attachement au pays pour des raisons historiques, qui redoutent par ailleurs l’appauvrissement que la scission entraînerait pour les populations wallonne et bruxelloise.  On se trouve donc dans une situation paradoxale où les Flamands, qui détiennent les principaux leviers de l’État belge [61], s’activent à démanteler progressivement celui-ci, alors que les francophones, qui y sont minoritaires, essayent de le préserver.  Il existe cependant un obstacle majeur à la séparation de la Belgique : la destinée de la Région de Bruxelles-Capitale. Hébergeant la capitale du pays, cet espace de 161 kilomètres carrés et d’un peu plus d’un million d’habitants, pèse 20% du produit intérieur brut belge et jouit d’une notoriété mondiale du fait de son statut de siège d’institutions européennes et de l’OTAN. Son aire socio-économique s’étend naturellement bien au-delà de ses limites officielles. Il ne faut cependant pas occulter le fait que Bruxelles est aussi une région qui compte 20% de chômeurs et qu’un habitant sur quatre y vit sous le seuil de pauvreté[62]. Elle est officiellement bilingue, les deux langues reconnues administrativement y étant le français et le néerlandais.  Flamande à l’origine, elle s’est francisée tout au long des dix-neuvième et vingtième siècle et la langue française y est aujourd’hui largement dominante. Dans une étude de 2008, Rudi Janssens, professeur à l’université flamande de Bruxelles – Vrije Universiteit Brussel (VUB)-, tout en soulignant la complexité du paysage linguistique bruxellois, établissait que le français y restait manifestement la lingua franca et que les jeunes d’origine allochtone nés à Bruxelles se tournaient de plus en plus vers le français au sein de leurs nouvelles familles[63].   Diverses statistiques viennent corroborer ce constat.  Ainsi, en 2011, la réponse à une question parlementaire établissait que 93,76% des demandes d’immatriculation des véhicules et 91% des factures de Belgacoms (opérateur téléphonique) se faisaient en français[64].  Deux démographes, André Lambert et Louis Lohlé-Tart, ont évalué à 66,5% la population belge francophone à Bruxelles sur la base d’une extrapolation des données de l’Institut national des statistiques recoupées avec des informations telles que les déclarations fiscales, le pourcentage des votes, les actes de naissance et les chiffres disponibles dans les administrations communales[65] .  Des voix s’élèvent bien pour relativiser ces chiffres en jouant notamment sur la distinction entre langue véhiculaire et langue maternelle. Mais, comme nous l’écrivions dans un article livré à la revue belge Politique, « les faits sont têtus »[66]  et, si l’on appliquait le même type de réserves à d’autres grandes cités, Londres ne devrait plus être considérée comme une ville anglophone. 

Il n’en reste pas moins que les Flamands n’ont jamais vraiment accepté la francisation de Bruxelles[67] et qu’il leur paraît très périlleux d’envisager une sécession unilatérale de la Flandre par rapport à la Belgique, scénario qui leur ferait perdre toute emprise sur la capitale.  De là vient la stratégie développée par leurs partis les plus puissants de présenter le confédéralisme comme solution au problème communautaire belge.  Il s’agirait de maintenir formellement un État dont la quasi-totalité des compétences aurait été transférée aux entités fédérées et qui deviendrait de ce fait une coquille vide.  Dès lors, la Flandre serait libre de mener sa propre politique socio-économique sans devoir tenir compte du point de vue des francophones et échapperait au devoir de solidarité avec la Wallonie. Dans ce schéma, la Belgique gardant une existence officielle, Bruxelles n’aurait qu’une autonomie limitée et, en tant que capitale, relèverait des deux grandes parties du pays, la Flandre et la Wallonie.  La Flandre conserverait ainsi sa vitrine bruxelloise et, compte tenu de son poids économique, pourrait y investir davantage de moyens que sa partenaire, s’y assurant, de la sorte, une position de force.  On pourrait donc, en forçant à peine le trait, résumer le projet confédéraliste flamand de la façon suivante : de l’art de scinder la Belgique sans perdre Bruxelles. Pour sa part, le constitutionnaliste belge francophone, alors professeur à l’Université catholique de Louvain, Francis Delpérée, avait usé de la formule suivante : « le confédéralisme, c’est le fédéralisme des cons ».  Si l’on n’en est pas encore là, on remarquera la volonté de privilégier le lien entre Bruxelles et la Flandre au sein des cercles patronaux bruxellois[68], lesquels n’entendent bien évidemment pas s’embarrasser d’une quelconque préoccupation francophone.

De telles conditions rendent la situation de la minorité flamande de Bruxelles assez délicate.  Bénéficiant de toute une batterie de protections qui lui garantissent une participation effective dans les instances régionales bruxelloises, elle se démarque globalement, non sans courage, de la visée hégémonique de la Flandre sur Bruxelles. Elle adhère à un projet régional bruxellois et se prononce pour un dépassement des clivages communautaires. Elle reste cependant très sourcilleuse quant au respect des contraintes linguistiques imposées aux Bruxellois et son insistance répétée à mettre l’accent sur la multiculturalité bruxelloise peut être comprise comme une façon de minimiser le caractère francophone de Bruxelles.  Les Flamands de Bruxelles accueillent en général plutôt favorablement la montée en puissance de l’anglais dans leur ville-région. Ils y voient en effet un moyen de se dégager d’un rapport linguistique où le néerlandais se trouve en position de faiblesse face au français.  Est-ce pour autant le meilleur choix dans une perspective de défense de leur propre culture ?  Certains intellectuels flamands n’en sont pas vraiment convaincus. Ainsi, l’écrivain Geert Van Istendael considère-t-il que « le français a été et demeure une langue mondiale, et c’est un contrepoids bienvenu à l’impérialisme brutal de l’anglais (que nous connaissons aussi) » [69].  On peut se demander à cet égard si leur vigilance sans relâche par rapport au français n’a pas empêché les Flamands de prendre suffisamment la mesure de la menace que faisait désormais peser l’anglais sur le rayonnement de leur langue.  Des réactions commencent cependant à se manifester sur ce point.  Ainsi, le recteur de l’Université catholique flamande de Louvain (KUL), Rik Torfs, déclarait-il au journal La Libre Belgique du 25 février 2015 : « il faut protéger le néerlandais comme langue universitaire au niveau de l’Europe et de la planète. Il ne faut surtout pas trop vite conclure qu’on va au « tout à l’anglais » de manière définitive ; il faut tout mettre en œuvre pour protéger le néerlandais aussi comme langue scientifique et en parfaite cohésion avec nos voisins d’outre-Moerdijk ) »[70].

 Parallèlement, on assiste à une forme de renoncement francophone à Bruxelles.  Comme nous l’avons déjà indiqué, les milieux économiques, qui se sont naturellement convertis à l’anglais, n’éprouvent aucun état d’âme à ce sujet.  Signalons que la Chambre de Commerce de Bruxelles et l’Union des Entreprises de Bruxelles ont fusionné en une seule association dénommée aujourd’hui BECI (Brussels Enterprises Commerce & Industry).

On peut aussi situer un tournant politique lors du changement de ministre-président à la Région de Bruxelles-Capitale, Rudi Vervoort, socialiste, succédant à un autre socialiste, Charles Picqué, le 7 mai 2013.  Le gouvernement régional a rebaptisé une série d’organismes publics d’un nom anglais, aux dépens de leur double appellation française et néerlandaise.  La Société de Développement régional de Bruxelles (SDRB), est ainsi devenue Citydev.brussels, l’Agence bruxelloise pour l’Entreprise (ABE), Impulse.brussels, le Port de Bruxelles, Port of Brussels, Le Service public régional Bruxelles Fonction publique (Brufop), talent.brussels, le Bureau bruxellois de la planification (BBP), perspective.brussels ... [71]

On relève aussi la réelle inquiétude de nombreux parents quant à l’avenir professionnel de leurs enfants qui les pousse à inscrire ceux-ci dans l’enseignement néerlandophone afin qu’ils puissent ultérieurement rencontrer les exigences de bilinguisme, voire de multilinguisme, qui règnent dans le monde du travail. Mais, plus diffusément, se propage une sorte d’empressement excessif à se dédouaner de tout soupçon d’arrogance et à donner à tout prix des gages d’ouverture.  On se garde bien d’afficher une francophonie trop prononcée que l’on estime blessante à l’égard des Flamands et qu’on pense aller à contre-courant de l’avenir international de Bruxelles.   L’existence de la Fédération Wallonie-Bruxelles, institution qui regroupe les francophones de Bruxelles et de Wallonie et qui exerce principalement des compétences en matière d’enseignement et de culture, est de plus en plus remise en cause. Lors de la première décennie de ce siècle, un « nouveau mouvement bruxellois » s’est développé qui entend incarner une sensibilité proprement bruxelloise en mettant l’accent sur le plurilinguisme. Le projet ne manque pas d’intérêt mais apparaît, à notre sens, bien trop déséquilibré aux dépens de la francophonie. Il existe aussi des prises de position qui vont dans l’autre sens tel le Manifeste de la Ligue francophone et wallonne de la région de Bruxelles qui réaffirme l’appartenance de la capitale à la francophonie et qui prône une union étroite avec la Wallonie. On notera cependant que le succès de ce type d’initiative demeure actuellement très mitigé et n’est pas comparable à l’écho qu’a rencontré le nouveau mouvement bruxellois. [72] [73]

Personne ne niera la nécessité d’une cohabitation harmonieuse et mutuellement enrichissante de différentes cultures à Bruxelles. Dans ce cadre, une francophonie assumée ne doit pas être ressentie comme menaçante ou dédaigneuse envers une culture flamande qui s’épanouit aujourd’hui pleinement. Il se fait que la langue française est la plus parlée à Bruxelles.  Elle a donc naturellement vocation à consolider le lien social. Son reflux, forcé ou consenti, ne serait pas sans danger pour la cohésion sociale de la région et y accentuerait la standardisation culturelle.

« Encore un mot pour clore ce pas », dirait Montaigne. En annexe de son rapport sur « la Francophonie et la francophilie » remis en août 2014 au Président de la République française, Jacques Attali a dressé une liste de « francophilophones », c’est-à-dire de personnalités appartenant à une autre culture mais qui ont appris le français et admirent et défendent la langue de Molière.  On y trouve, originaires de tous les continents, des chefs d’État ou de gouvernement, des représentants d’organisations internationales, des actuels et anciens ministres, des dirigeants d’entreprises, des financiers, des journalistes...  Mais la culture française compte aussi des adversaires déterminés, notamment en Belgique.  Dominique Noguez a rapporté la façon dont certains Flamands avaient porté préjudice à l’usage du français au sein des institutions européennes.  Nous signalerons également le rôle du philosophe médiatique belge Philippe Van Parijs qui s’emploie depuis des années à miner les positions de la langue française.  Se réjouissant de la domination « écrasante » de l’anglais au niveau des institutions européennes, ce professeur émérite de l’Université catholique de Louvain appelle à une généralisation de l’emploi de l’anglais dans des contextes de plus en plus nombreux de la vie bruxelloise.  En matière universitaire, il prône l’anglicisation des masters, de la production scientifique et des formations de très haut niveau.  Et, emporté par son élan, il prophétise pour le français un sort analogue à celui du grec ancien qui « s’est ratatiné, comme seule langue maternelle, sur son territoire d’origine ».  Ajoutant même que parler français « sera de plus en plus comme parler wallon »[74]. Le 26 septembre 2020, un Conseil pour le multiliguisme à Bruxelles a été créé par le gouvernement régional bruxellois à la présidence duquel a été désigné Philippe Van Parijs, sans que cette nomination ne suscite de réaction significative dans les rangs politiques francophones bruxellois [75].

Conclusion

L’avenir de la langue française reste actuellement incertain.  Il peut prendre la forme d’un basculement du français vers une position de simple langue vernaculaire ou se présenter sous un jour plus favorable avec la préservation d’un statut de langue mondiale.

Nous assistons aujourd’hui à un recul du français qui va de pair avec l’avènement du néolibéralisme. Cette concordance est observable dans le temps, comme l’a très opportunément noté Jean Quatremer à propos de la place déclinante du français dans les instances européennes. Elle est aisément explicable par la portée linguistique du néolibéralisme. L’exposition à la concurrence mondiale et la standardisation des modes de fonctionnement auxquelles contraint celui-ci imposent un usage croissant de l’anglais, y compris dans des univers jusque-là protégés, telles l’université ou les grandes villes. Un processus de renforcement réciproque entre une idéologie et la langue qui la véhicule est dès lors en cours.  Car l’implantation de l’anglais dans des secteurs névralgiques pour l’hégémonie linguistique mène à une uniformisation culturelle défavorable à la remise en cause du système néolibéral dominant.  

La diversité culturelle est présentée comme moyen de contenir une telle normalisation.

Elle peut effectivement l’être dans la mesure où elle s’entend comme l’obligation faite à l’anglais, auquel nous ne contestons pas son rôle de langue véhiculaire mondiale, de composer avec quelques autres grandes langues mondiales et non comme un écrasement de ces langues intermédiaires.  Le français doit en être partie prenante compte tenu du nombre de ses locuteurs, de sa présence en différents endroits du globe et de l’indéniable spécificité française dont les principales composantes sont l’universalisme, avec son corollaire la laïcité, et l’importance accordée à la politique.  Rien n’est cependant assuré sur ce plan.  Il nous faut en effet constater une absence de détermination dans la défense de la langue française. Logique de la part de cadres et dirigeants économiques gagnés au néolibéralisme, elle est moins compréhensible chez nombre de mandataires politiques tandis que l’indifférence, voire les réticences, d’une partie de la population française – et belge- à l’égard d’un tel engagement pose question.  Quelles qu’en soient les raisons, cette inertie mérite d’être dépassée et exemple devrait être pris sur l’activisme québécois si l’on veut maintenir une capacité de rayonnement à la culture française.

Pourtant, en dépit de l’évidente nécessité de défendre la place de la langue et de la culture françaises face à l’entreprise de nivellement anglo-saxonne et alors que, comme nous l’avons évoqué supra, un activisme cohérent en faveur de celle-ci est mené dans les milieux néolibéraux français, la résistance peine à se mettre en place.  Les manquements des autorités françaises dans la défense de leur langue ont été maintes fois déplorés.  Saluant l’attention portée par les quatre premiers présidents de la République (le général de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand) au rayonnement de la langue française, Bernard Lecherbonnier note qu’une telle préoccupation a disparu depuis l’accession de Jacques Chirac à la présidence en 1995[lxxvi].  « L’État s’est de moins en moins engagé dans la promotion du français, et son comportement est, assez logiquement, reflété par celui de ses grands commis, lesquels, tout comme lui, sont fascinés par le modèle américain », écrit Claude Hagège et, rejoignant Bernard Lecherbonnier, de poursuivre : « ils se distinguent nettement, sur ce point, de ceux de la génération de F. Mitterrand »[lxxvii] .  Peut-être, le grand journaliste littéraire Bernard Pivot nous apporte-t-il quel qu’éclairage à ce sujet: « De Gaulle était un grand lecteur, Pompidou a écrit une anthologie de la poésie, Giscard, sans être un grand littéraire, avait néanmoins quelques passions.  Et François Mitterrand était un fin lecteur, doublé d’un bon écrivain.  Alors qu’après eux, c’est le trou. (...) Nos présidents ne passent plus par l’école normale supérieure.  Ils passent par l’ENA ou les hautes études commerciales.  Ils ne lisent plus de romans ni de poésie.  C’est dommageable »[lxxviii].

De son côté, l’historien Pierre Nora révélait, quelques jours après le référendum français du 29 mai 2005 sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe, l’occasion manquée de faire du français la langue de référence des traités européens.  Il existait en effet, signalait-il, une ouverture à ce sujet du monde juridique international.  Mais la volonté politique aurait manqué au plus haut niveau[lxxix].  Dans ces conditions, on saluera, bien évidemment, le précieux rapport sur la francophonie établi par le député Pouria Amirshahi, voté à l’unanimité par la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, présidée par le député François Rochebloine, en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 14 novembre 2012.  Ce rapport, auquel nous faisons largement référence dans notre analyse, embrasse de façon approfondie la problématique actuelle de la francophonie et formule des propositions qui nous paraissent appropriées et très concrètes.  Encore conviendrait-il d’étudier quelles suites lui ont été données et d’observer si le gouvernement français a dégagé les moyens budgétaires nécessaires pour mettre en œuvre le programme d’action qui y est préconisé.

Plus globalement, force est de constater un faible niveau de sensibilisation à la cause linguistique dans l’opinion française même si, assez paradoxalement, à l’occasion de certains sondages, une majorité de la population se déclare plutôt favorable à une politique visant à enrayer le déclin de leur langue[lxxx]. Ce relatif immobilisme était regretté par l’ancien secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Abdou Diouf, qui n’hésitait pas à lancer : « je me rends compte que dans mon pays, le Sénégal, le combat pour la francophonie est mieux assumé qu’en France »[lxxxi].  Les raisons d’un tel désintérêt sont diverses.  Il y a bien sûr la cohorte de tous ceux qui, emboîtant joyeusement le pas des élites économiques, pensent décrocher un label de modernité par l’usage d’un anglais souvent approximatif en un maximum de circonstances. Mais Claude Hagège incrimine aussi le rôle joué par « des idéologues masochistes d’horizons divers, qui s’efforcent d’apaiser leur conscience tourmentée par des épisodes passés où le français leur semble avoir été la caution de l’inacceptable ». Dès lors « ils ne jugent pas digne d’être promue cette langue française qui fut associée au pouvoir royal autocratique, à la traite des esclaves noirs et à la colonisation ».  Ce n’est pas sans une certaine irritation que le professeur émérite au Collège de France désavoue pareille attitude : « auquel d’entre eux l’idée d’évidence s’imposera-t-elle, que les plus grandes violences et les pires abus ne furent pas seulement commis en français, mais aussi dans d’autres langues impériales et colonisatrices, et que cela n’empêche pas l’anglais, aujourd’hui, de se répandre dans tout l’univers »[lxxxii] .  Pierre Nora livre une explication de ce qu’il considère comme un rapport maladif de la France avec son passé : « toutes les puissances européennes ont participé à l’aventure coloniale. L’expansion outre-mer, la découverte, l’occupation et l’exploitation de l’espace, la connaissance des autres cultures et la volonté de diffuser la sienne sont même apparues comme le moteur de la dynamique européenne, sa marque propre, avec l’imagination scientifique.  Cette aventure est devenue aujourd’hui le chef d’accusation majeur de l’Occident moderne. Mais ce n’est qu’en France qu’il a été intériorisé.  Il a même remplacé le capitalisme comme cible principale de la radicalité critique, dont la France a conservé l’apanage.  Plus encore que l’antisémitisme dans ses racines chrétiennes, le crime colonial entraîne condamnation de ce que nous sommes et avons été. (...) Deux mille ans de culpabilité chrétienne relayée par les droits de l’homme se sont réinvestis, au nom de la défense des individus, dans la mise en accusation et la disqualification radicale de la France. (...) Après avoir été le vaisseau pilote de l’humanité, la France est devenue ainsi l’avant-garde de la mauvaise conscience.  Lourde rançon.  Singulier privilège »[lxxxiii]

Certes, la faculté autocritique est noble et consubstantielle à la face positive de la civilisation occidentale, à savoir le projet d’autonomie sociale et individuelle si bien mis en lumière par Cornélius Castoriadis.  Toutefois, il semble qu’il y ait quelque confusion entre une autocritique lucide, laquelle doit précisément permettre d’interroger le passé sans complaisance afin de se réorienter dans le chemin vers le progrès de l’humanité, et une auto-flagellation paralysante.   Pour notre part, nous adresserons aux désabusés de l’hexagone et de la Belgique ces paroles du grand écrivain égyptien Alaa El Aswani : « Je parle comme je vous l’ai dit quatre langues, mais je suis convaincu que le français est beaucoup plus qu’une langue.  Le français est une vision du monde.  Être francophone, pour moi, c’est être engagé dans un combat pour la liberté, contre le fascisme religieux.  J’ai toujours défendu la francophonie comme culture, et je suis parfois un peu triste quand je rencontre des hommes politiques français qui n’ont pas cette vision de la France, qui la voient juste comme un pays occidental parmi d’autres »[lxxxiv]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] H. Védrine, Rapport pour le Président de la République sur la France et la mondialisation, 4 septembre 2007, cité par Pouria Amirshahi dans son rapport sur « la Francophonie : action culturelle, éducative et économique », http://www.assemblée-nationale.fr/14/rap-info/i1723.asp, p.27.

[2] Courriel de Hubert Védrine, 4 octobre 2022.

[3] Tout en étant conscient du travail collectif que représente un rapport parlementaire, nous avons mentionné le nom du rapporteur dans nos nombreuses références à ce rapport.  Signalons cependant que la mission d’information sur la Francophonie : action culturelle, éducative et économique, en conclusion des travaux de laquelle a été déposé le rapport, était présidée par François Rochebloine et composée, outre de son rapporteur Pouria Amirshahi, des députés Gérard Charasse, Jean-Paul Dupré, Jean-René Marsac, André Schneider et Michel Terrot.

[4] R. Chaudenson, « Où se situe l’avenir de la langue française ? », in Colonisation, mondialisation et vitalité du français, s-dir S.S. Mufwene et C. B. Vigouroux, op.cit. p. 75 et p.102-103.

[5] J. Attali, La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable, rapporteurs, A. Brotons et A. Delorme, avec la participation de C. Vlagea, Rapport à François Hollande, Président de la République française, août 2014.

[6] Roger Pilhion et Marie-Laure Poletti ,... Et le monde parlera français», 2017.

[7] L.-J. Calvet, Le marché aux langues.  Les effets linguistiques de la mondialisation,  Plon, 2002, p. 28-27 et p.98-99.

[8] Une excellente description du recul du français dans l’Union européenne est présente dans l’ouvrage de Roger Pilhion et Marie-Laure Poletti, qui se réfèrent également au constat du journaliste Jean Quatremer. Cf. R. Pilhion et M.-L. Poletti, ...Et le monde parlera français, 2017, 86-106.

[9] H. Bourges, Pardon my French.  La langue française, un enjeu du XXIè siècle, Karthala, Paris, 2014, p.146.

[10]  http://www.assemblée-nationale.fr/14/rap-info/i1723.asp.

[11] Ibidem, p. 41.

[12] Le Soir, 2 septembre 2014.

[13] Cité par R. Pilhion et M.-L. Poletti, ...Et le monde Parlera français, op. cit. p. 90.

[14] D. Hoppe, « Le coût du monolinguisme », Le Monde diplomatique, n°734, mai 2015, p.9.

[15] http://www.assemblée-nationale.fr/14/rap-info/i1723.asp. Les choses ont peut-être évoluées depuis ce rapport, mais cela nous semble peu probable.

[16] Ibidem, p.44.

[17] Selon l’usage, nous écrivons Francophonie avec une majuscule lorsqu’il s’agit de son organisation institutionnelle.

[18]http://www.assemblée-nationale.fr/14/rap-info/i1723.asp.

[19] Ibidem.

[20] H. Bourges, Pardon my French..., op.cit., p. 157 à 158.

[21] C. Hagège, Combat pour le français.  Au nom de la diversité des langues et des culture.,  Odile Jacob,  Paris, 2006, mars 2008, p.80-81.

[22] Le Soir, 2 septembre 2014.

[23] C. Hagège, Contre la pensée unique, Odile Jacob, Paris 2012, p.141-153.

[24] J.-M. Klinkenberg, La langue dans la cité.  Vivre et penser l’équité culturelle, Les impressions nouvelles, 2015, p. 106-108.

[25] Voir à ce sujet G. Hermet, L’hiver de la démocratie ou le nouveau régime, Armand Colin, Paris, 2007, p.180-205.  Voir aussi J.-P. Nassaux « Gouvernance : un bien ou un mal ? », Politique, revue de débats, numéro 78, janvier-février 2013, pp.22-24.

[26] R. Salais, le viol d’Europe.  Enquête sur la disparition d’une idée, PUF, Paris 2013, p.391.

[27] Z. Zizek, Que veut l’Europe ?  Réflexions sur une nécessaire réappropriation, Climats, Castelnau-le-Lez, 2005, p.187.

[28] A. Caillé, « Le non pour réintégrer le champ politique », Libération (Rebonds), 24 mai 2005.

[29] La façon dont les villes refoulent leurs activités portuaires à leur périphérie sous la pression de la promotion immobilière, aux dépens de l’économie réelle compte tenu du rôle joué par tout un tissu de petites et moyennes entreprises, a été décrite par Geneviève Origer dans ses études sur la politique portuaire bruxelloise. Cf. G. Origer, « Vingt ans de politique portuaire à Bruxelles (1993-2012) I. Le contexte et les prémices », Courrier hebdomadaire, CRISP, n°2177-2178, 2013 ; G. Origer, « Vingt ans de politique portuaire à Bruxelles (1993-2012) II. Contrats de gestion 1994-1999 et 2002-2007 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n°2231-2232, 2014 ; G. Origer, « Vingt ans de politique portuaire à Bruxelles (1993-2012) III. Contrat de gestion 2008-2012 et perspectives », Courrier hebdomadaire, CRISP, n°2233-2234, 2014.

[30] M. Revault d’Allonnes, Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie, Seuil, Paris, 2010, p.127.

[31] M. Revault d’Allonnes, Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie, op. cit.,  p.130.

[32] Cf. H. Bourges, Pardon my French, op. cit., p.239.

[33] Voir notamment, G. Pellet, « les élites sacrifient la langue française », Le Monde Diplomatique, n°681, décembre 2010, p.27.

[34] // www.levif.be/actualite/auteurs/gaetan-van-goidsenhoven-4141.html.

[35] Communiqué de l’Association « Avenir de la langue française », 14 septembre 2021.

[36] Courriel du 14 novembre 2022.

[37] Courriel du 16 novembre 2022.

[39] La médaille Fields est une distinction internationale qui est généralement considérée comme un prix Nobel de mathématiques.

[40] C. Villani, « La francophonie mathématique », conférence prononcée aux États généraux de la Francophonie, 20 octobre 2011.

[41]  Il cite notamment le Cas du professeur Montagnier, rapporté par Bernard Lecherbonnier. Le professeur Montagnier avait envoyé en 1983 des échantillons du rétrovirus du sida qu’il venait de découvrir à l’évaluateur de l’article qu’il avait soumis à la revue Science.  Il eut ensuite la mauvaise surprise de constater que cet évaluateur utilisait ces échantillons dans son propre travail en s’en attribuant la paternité.

[42] C. Hagège, Contre la pensée unique, op.cit., p.109 à 139.

[43] S. Combe, « Ma solution pour relever le prestige de la France », Libération (Rebonds), 20 février 2015.

[44] http:languefns.wesign.it/Fr.

[45] J.-M. Klinkenberg, La langue dans la cité.  Vivre et penser l’équité culturelle, op.cit., p.24.

[46] Hervé Bourges a très bien présenté les positions des partisans et des adversaires de cette législation. Cf. H. Bourges, Pardon my French, op. cit. p.27-41.

[47] Du nom de Wilhelm Von Humboldt (1767-1835), linguiste, ministre prussien de l’éducation, fondateur de l’Université de Berlin.

[48] J.-L. de Meulemeester, « Vers une convergence des modèles ?  Une réflexion à la lumière des expériences européennes de réforme des systèmes d’enseignement supérieur », dans L. Wilkin (dir), « les systèmes en réforme : les universités », Pyramides, n°14-2007/2, p. 31 à 43.

[50] La Libre Belgique, 9 septembre 2014.

[51] Le Soir, 30 janvier 2015.

[52] P. Vincke, « Les classements d’universités », in L. Wilkin (dir), « les systèmes en réforme : les universités », op. cit., p.71-94.

[53] Ibidem.

[54] La Libre Belgique, 13 octobre 2022.

[55] Ibidem.

[57] La mission de LOJIQ est de favoriser le développement professionnel et personnel des jeunes adultes du Québec de 18 à 35 ans, en leur permettant de réaliser des programmes de mobilité et d’échange aux effets durables au Québec, au Canada et à l’international, notamment en Francophonie.

[58] Agence Nationale chargée de la Promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger, de la gestion des bourses des gouvernements français et étrangers et de l’accueil des étudiants internationaux.

[59] H. Bourges, Pardon my French, op. cit., p.27-41.

[60] Voir à ce sujet, J.-P. Nassaux, « Bruxelles, un enjeu pour la francophonie »,  Libération (Rebonds), 9 novembre 2007.

[61]  La prépondérance flamande est nette dans les différents rouages de l’État belge, que ce soit dans la diplomatie, l’armée, la haute fonction publique, les chemins de fer,...

[62] J.-P. Nassaux, « les enjeux des élections de 2014 pour Bruxelles », Les @nalyses du CRISP en ligne, 16 janvier 2014, www.crisp.be.

[63] R. Janssens, « L’usage des langues à Bruxelles et la place du néerlandais.  Quelques constatations récentes », Bruxelles Études, numéro 13, 7 janvier 2008. (www.brusselsstudies.be).

[64] La Libre Belgique, 7 octobre 2011.

[65] La Libre Belgique, 3 septembre 2010.

[66] J.-P. Nassaux, « Communauté française : les raisons d’un procès », Politique, revue de débats, n°84, Mars-Avril 2014, p.44-47. Disponible dans  Les @Nalyses du CRISP en ligne , www.crisp.be

[67] Voir à ce sujet, J.-P. Nassaux, « Bruxelles, un enjeu pour la francophonie », Libération (Rebonds), 9 novembre 2007.

[68] Voir à ce sujet, le passage de notre étude sur le « nouveau mouvement bruxellois » consacré à l’établissement d’une« Businness Route 2018 for Metropolitan Brussels » par les différentes organisations patronales du pays afin de stimuler les atouts de la zone métropolitaine de Bruxelles. Cette réalisation a été initiée par l’organisation patronale flamande, le Vlaams Netwerk van de Ondernemingen (VOKA) et a obtenu l’adhésion de son homologue bruxelloise. Quant à l'Union wallonne des entreprises –patronat wallon-, elle n’a été conviée à s’y associer que dans un second temps. Cf. J.-P. Nassaux, « Le nouveau mouvement bruxellois », Courrier hebdomadaire, CRISP, n°2103-2104, 2011, p.52-55.

[69] G. Van Istendaël, Le labyrinthe belge, le Castor astral, Bordeaux, 2004, p.116. 

[70] Les Pays-Bas.

[71] Même si les noms francophones et néerlandophones restent d’application dans les textes juridiques.

[72] J.-P. Nassaux, « Communauté française : les raisons d’un procès », op. cit. et J.-P. Nassaux, « Offensive bruxelloise contre le lien entre Bruxelles et la Wallonie », La Libre Belgique, 28 août 2008. Signalons que la Fédération Wallonie-Bruxelles se dénomme toujours « Communauté française » dans la Constitution belge.

[73] J.-P. Nassaux, « Le nouveau mouvement bruxellois », op. cit.

[74] Le Vif/L’Express, 25 juin 2004. 

[75] La Lbre Belgique, 26 septembre 202O.

[lxxvi] B. Lecherbonnier, Pourquoi veulent-ils tuer le français ?, Le grand livre du mois, Paris, 2005, p.10-12. 

[lxxvii] C. Hagège, Combat pour le français..., op.cit., p.195.

[lxxviii] Le Soir, 10 et 11 janvier 2015.

[lxxix] Le Monde, 4 juin, 2005.

[lxxx] J.-M. Klinkenberg, La langue dans la cité.  Vivre et penser l’équité culturelle, op.cit., p. 288.

[lxxxi] Cité par H. Bourges, Pardon my French, op. cit., p. 167.

[lxxxii] C. Hagège, Combat pour le français..., op. cit., p.72.

[lxxxiii] P. Nora et F. Chandernagor, Liberté pour l’histoire, CNRS éditions, Paris, 2008, p.22-24.

[lxxxiv] Marianne édition belge, 1er ,14 mars 2014.

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