N°20 / Les nouvelles idéologies Janvier 2012

Idéologie, représentations sociales et urbanité

Jean-Marie Seca

Résumé

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Dans un premier temps, nous nous centrerons sur les liens entre idéologies et représentations sociales, en prenant divers exemples contemporains et en exposant aussi une vision théorique de la genèse des systèmes sociocognitifs qu’ils impliquent. Nous établirons donc une sorte de grille de lecture du fait représentationnel. Dans une seconde partie de ce texte, nous ferons une étude de cas sur l’esprit de la grande ville, pour illustrer l’effet de polyphasie cognitive et culturelle qui est l’une des marques essentielles de repérage des représentations sociales par opposition à l’instance idéologique et aux formes collectives (traditionnelles) ou doctrinales de discours sur l’allure des mondes sociaux.

Pour l’heure, nous ne voulons pas tomber dans le piège, assez gros, de définir des notions, comme celle d’idéologie, de façon univoque ou comme monade, donc en tant qu’instance suprême d’ordonnancement des opinions et des formes cognitives dans les organisations et les institutions. Loin de nous, cette prétention à la scientificité radicale, très spécifique et réductionniste, d’explication matérialiste et déterministe de faits idéologiques conditionnés ou en relation avec une division de classe ou des luttes entre groupes socio-économiques. Certes, cette structure d’homologie entre « infrastructure » et « superstructure » / discours idéologiques, visant à justifier le façonnement et l’organisation des mondes sociaux « tombe sous le sens ». Statistiquement, il y a plein d’effets d’ordre et de causalité. C’est même un des poncifs des écrits de dissertation des débutants en licence de sciences sociales, qui déclinent, pour bien montrer qu’ils ont compris, l’« effet du milieu social et des parents » afin d’expliquer presque tout. Et en tombant, avec les deux pieds, dans cette géométrie déterministe parfaite, on parvient au relatif bonheur d’avoir trouvé enfin le sens à sa vie de rebelle et de statisticien. Mais est-ce suffisant ? Évidemment que non ! Car le sens de la vie d’autres rebelles ou dominés est puisé à d’autres illusions scientistes ou parareligieuses. Et la variété des puisements symboliques et imaginaires dans des réserves mémorielles les plus hétérogènes pour « justifier » des conduites et l’ordre des mondes sociaux, nous incite à la prudence analytique. L’autre vertu de ces grandes entreprises intellectuelles panoptiques était de proposer de penser la globalité et de parvenir à prendre au sérieux l’utopie positiviste du xixe siècle. Mais il y a belle lurette que ce global nous échappe et que quand on veut le saisir on se coltine des théories holistes tellement explicatives et totales qu’elles finissent par ne rien faire comprendre et ne prendre en compte que l’« essentiel », le « fondamental », donc à éviter les détails qui fâchent. Ces « détails du quotidien » empêchent de prendre la vessie (idéologie) pour la lanterne éclairant la route de la pensée critique. Ils court-circuitent aussi le rêve positiviste et expérimentaliste de trouver enfin la clé causale unique ou le primum mobile du pouvoir, du psychisme et des structures sociétales. Heureusement pour nous tous, penser le global et les grands changements sociaux nécessite de prendre en considération plusieurs scories, interférences ainsi que divers niveaux disciplinaires et explicatifs. Cela nous oblige aussi à penser autrement l’idéologie et les systèmes de représentations, en tenant compte de ces fameuses « logiques d’acteurs » dont certaines passent inévitablement inaperçues. « Il s’agit de détails et non de l’essentiel » nous indique-t-on parfois… Cependant, chaque détail compte par rapport à une exigence holistique, aux désordres apparents des sociétés et à notre volonté commune d’honnêtes hommes. C’est bien à une querelle sur le détail que nous convient les promoteurs de ce numéro spécial sur les résurgences et les émergences/inventions idéologiques contemporaines, dont certaines peuvent être considérées, à tort ou à raison, comme infimes ou absurdes.

Idéologies et représentations sociales : quelles relations ?

« Qu’y-a-t-il de nouveau et d’inouï sous le soleil suractivé du xxie siècle qui bat son plein actuellement ? ». On serait tenté de répondre de façon tautologique et provocatrice : ce qui est « nouveau » est tout simplement ce que l’on a refusé de voir ou d’entendre, préoccupé que l’on a été par des problématiques anciennes et des enjeux à la mode, tant dans les cercles intellectuels que dans les médias. Un exemple « parlant » : est-ce important d’étudier le goût des gens et l’orientation des nombreuses organisations industrielles et marketing pour la pornographie ? Je me suis souvent posé cette question car j’ai eu, durant ma carrière, quelques étudiants de master qui m’ont demandé de diriger ce genre de mémoire, centré essentiellement sur les motivations des consommateurs de films x. Pourtant, la question est sérieuse. Dany-Robert Dufour n’hésite pas à proposer de fonder une nouvelle science qu’il nomme « pornologie générale », visant l’étude des « phénomènes obscènes, extrêmes, outrepassant les limites, portés à l’hybris […], survenant dans tous les domaines relatifs aux sexuel, à la domination ou à la possession et au savoir, qui caractérisent le monde post-pornographique dans lequel nous vivons désormais1 ». Est aussi l’objet de comportements obscènes, inclus dans cette nouvelle science, la mise sous tutelle des dirigeants d’industrie par les assemblées d’actionnaires qui leur demandent, depuis une trentaine d’années, d’être des managers financiers plutôt que d’entreprises de service ou industrielles (moyennant des contreparties en émoluments et en salaires mirobolants). La pornologie comprendrait donc les dérives des mondes de la bourse et des finances mondiales (titrisation, hedges funds, etc.). L’idéologie de ces dérives est mise en place depuis le milieu des années 1970. Elle ne vient pas de naître avec la crise de 2008 ou celle de 2010-2011. Il n’y a là rien de bien nouveau. L’ultra-libéralisme est devenue une doctrine rigide au même titre que le léninisme stalinien l’était dans les pays communistes ou les partis, de même obédience, parmi les plus rigides d’Europe, délivrant leur propagande en « régime démocratique ». Au national-socialisme répondait le national-communisme, à l’ultralibéralisme postmoderne font désormais écho les fanatismes écologistes, les néogauchismes illuminés ou les populismes régionalistes ou un entre-deux de révoltes avortées animées par des demi-convictions et une faiblesse de caractère.

Stoppons un instant cette analyse de la « pornographisation » de l’existence qui peut sembler un détail du quotidien mais qui, en fait, est lourde de sens. Le plus important, dans l’évocation de ces « détails », est la question suivante : doit-on supposer que travailler sur les émergences ou les résurgences idéologiques requiert un don d’interprétation psychanalytique de l’inconscient sociétal ou des inconscients historicisés ? S’agit-il d’une aptitude à la voyance sociologique, fondée sur des spéculations intuitives et des enquêtes audacieuses ? Quelle part réserver au scientisme quand on a à faire avec de tels symptômes à repérer puis à interpréter ? Peut-on alors dire que les idéologies et les représentations sont aussi des formes émergentes car étant en permanence retravaillées par les exigences nouvelles naissant des urgences de l’actualité et des défis contemporains (mass-médiatiques, technologiques, démographiques, énergétiques et j’en passe) ? À chacun de trouver ses réponses à ces questions difficiles.

Venons-en à ce qui est l’objet de cet article : les relations entre « idéologies » et « représentations sociales ». Je me refuse à établir un lien de déterminisme strict entre une instance idéologique et des modes de production et des divisions socio-économiques malgré les démonstrations impressionnantes des statisticiens. Par contre, on peut postuler l’existence d’une hiérarchie de la pensée sociale. Il y a une articulation entre les formes permanentes et stables et les structure évolutives et adaptatives. Ces dernières incluent les représentations sociales comme systèmes de connaissances pratiques et de croyances visant à l’élucidation d’enjeux et de problèmes et favorisant les conditions de la communication entre acteurs sociaux. Précisons quelques points sur la notion d’idéologie. Originellement définie comme la science de la genèse et des impacts des idées par Antoine Destutt de Tracy2 on l’entendra, peu à peu, comme une étude de l’origine et des causes des idées fausses. L’influence de la pensée marxiste (et post-hégélienne) a longtemps conduit à se soucier des effets de fétichisme, d’aveuglement, de domination de l’État, représentant de classes dominantes, de camouflage, d’approximations et de superstitions (l’ « opium du peuple » qui incluait la religion selon Karl Marx et Friedrich Engels3, puis de nos jours le « valium des masses4 » qu’est la télévision et « l’amphétamine des tribus » que sont les jeux en ligne et les addictions à l’internet). L’idéologie exprimerait donc alors une intrication des « idées des gens » à l’organisation économique et matérielle de la société5. Tout en faisant la part belle aux activités symboliques et à leur primauté, l’idéologie renverrait surtout aux formes irrationnelles6 de soumissions consenties ou contraintes7. Pour Raymond Boudon, il s’agit de « doctrines reposant sur des théories scientifiques, mais […] fausses ou douteuses, […] indûment interprétées, auxquelles on accorde une crédibilité qu’elles ne méritent pas8 ».

Par complémentation et opposition, les représentations sociales ( = RS) sont considérées comme hybrides et provenant d’objets variées des plus doctrinaux au plus ésotériques (idéologies, religions, pratiques sociales, sciences officielles ou occultes, magie, actualités, technologie, vie quotidienne, corps, argent, etc.). Nous écrivions très pertinemment dans une publication spécialisée, sur les RS : « Leurs formes multiples (paradoxales, émergentes, anticipatives, autonomes, faibles, composites, instituées), ouvertes sur le nouveau et héritées socio-historiquement, et leurs visées symboliques, pratiques, souvent stéréotypiques et parfois, créatives, les distinguent de l’enfermement raisonneur des idéologies. Ces dernières peuvent tendre à “s’ouvrir” à des phénomènes non connus pour les annexer à une “raison” d’ordre supérieur. C’est dans ce sens que les RS doivent être analysées séparément, même si leurs relations avec l’idéologie sont nombreuses et importantes (analogie, dualisme causal, préjugés…). Les représentations ne se réduisent cependant pas en des formes dégradées de connaissance par comparaison avec les sciences, les dogmes religieux et les discours formalisés, raisonneurs et prescripteurs des idéologies dont elles se démarquent et où elles trouvent certaines orientations9 ».

C’est la raison pour laquelle nous insistions pour dire qu’il fallait différencier entre réalité expressive des RS et dimension aliénante, oppressive, systématique, même si mobilisatrice, des idéologies. « Il y a donc un lien entre représentations sociales et idéologie, surtout dans la mesure où les premières — en s’agrégeant, en s’institutionnalisant et en renforçant leur cohérence — pourraient tendre à ressembler de plus en plus à la seconde forme symbolique10 » ajoutions-nous.

Comme l’a souvent postulé Serge Moscovici dans ses écrits, les représentations sociales surgissent dans les conversations et les interactions quotidiennes à distance ou face à face, dans la rue ou dans les organisations ou institutions. Elles ne naissent pas de rien. Avant elles, il y a toujours d’autres conversations anciennes, restées dans les mémoires, et donc tout un background de savoirs représentationnels et communicationnels qui sont plus ou moins doctrinaux ou qui puisent plus ou moins à des sources hétéroclites, qui organisent la pensée sociale partout et à toute période historique11.

Voici, ci-dessous, un tableau que nous avons proposé, il y a longtemps, pour décrire cette articulation entre « systèmes cognitivo-idéologiques stables » et « ensembles de représentations », en relation avec les opinions échangées dans les conversations et les pratiques sociales. On peut voir intervenir diverses dimensions « mentales » qui vont des imaginaires, archétypes, doctrines religieuses, thêmata jusqu’au structures culturelles des organisations et aux représentations sociales qui vont soit être plus « collectives », quand elles expriment une communauté de vue traditionnelle, soit apparaître comme « idéologiques » quand elles émanent de groupes dominant et sont intériorisées par des ensembles dominés, soit se définir comme « sociales » quand elles font intervenir des modes de production interactionnistes et plus quotidiens/médiatisés. On comprend alors qu’une idéologie peut ressortir à l’état brut avec bien plus de véracité dans le discours d’un militant du Front national que dans les stratégies de campagne de la direction de ce parti. Quelle sera la réalité doctrinale dans ce domaine ? Nul ne peut l’affirmer avec rigueur. Mais on voit bien que l’idéologie, avec sa cohorte autoritariste et dogmatique fait directement irruption dans le quotidien. Et cependant, le même idéologue « de base » peut vouloir se taire quand il interagit avec certaines minorités étrangères dont il souhaite secrètement le départ.

Image1

Tableau tiré de : Seca Jean-Marie, 2010, Les Représentations sociales, Paris, Armand Colin, p. 45.

À ces éléments d’analyse de la pensée sociale et idéologique, s’ajoute un processus qui prend toujours plus d’ampleur de nos jours. Il s’agit de ce que Moscovici a appelé la polyphasie cognitive. Il s’agit de l’équivalent ou de la rémanence de modalités enfantines de pensée renvoyant aux mécanismes d’intelligence concrète ou de syncrétisme (cf. Piaget et ses travaux sur les représentations et la pensée chez l’enfant). Il se formerait une espèce de réflexe d’affrontement du nouveau et de l’inconnu dans l’esprit de tout sujet, surtout avec l’accroissement des sources et des formes de l’information et des cultures. Il y a alors assemblage de plusieurs niveaux de familiarité : « En effet, on conçoit parfaitement qu’un individu dogmatique, rigide, ayant un système cognitif qualifié de clos dans le domaine racial, politique, puisse être tolérant, ouvert en tant qu’artiste, savant, étudiant12 ».

Cette coexistence de plusieurs référents culturels, potentiellement activables est plutôt courante, selon le type de problème et de situation à résoudre. L’évaluation d’un thème de discussion ou la relation interpersonnelle établie peuvent, par exemple, orienter diverses positions d’un individu face à une situation où il semblait, quelques jours auparavant, avoir des idées bien précises. Par exemple, un professionnel de la santé ne va pas avoir vis-à-vis d’un ami la même position blindée et savamment indifférente qu’il a avec ses patients. Ainsi, tout individu ou groupe social peut intégrer des points de vue diamétralement opposés ou utiliser des systèmes de pensée ou philosophiques aberrants pour faire face à diverses situations ou à des contextes discursifs différents. La position perverse et l’attitude d’adaptation schizophrénique deviennent une norme culturelle. Cette différenciation des systèmes culturels et des contextes à gérer au cours d’une même vie dans les secteurs les plus divers, tant artistiques, amoureux, humaines, scientifiques, professionnels, politiques ou économiques, nous contraint tous à la « polyglottie »13 ou, inversement, à l’enfermement orthodoxe14. La théorie des représentations sociale est essentiellement fondée sur l’existence de l’accroissement constant et sur la variété croissante de ces systèmes sociocognitifs, nouveaux ou non encore connus. Elle est basée sur l’envie d’apprendre des « langues différentes ». La polyphasie cognitive est donc l’état culturel de base des sociétés postmodernes du fait d’une complexification toujours plus forte des informations et des référents culturels et scientifiques. Cette polyvalence est aussi de type fonctionnel. Cependant, cette polyfonctionnalité appelant à la création d’outils mentaux et de représentations variés n’est pas une surprise. Elle s’accorde avec la prolifération des particularismes identitaires, culturels et des multiples innovations tant scientifiques, technologiques que politiques. « Un mode de raisonnement est plus apte à répondre aux exigences de la propagande, un deuxième à celles des décisions économiques, un troisième aux impératifs de la science et ainsi de suite. Il y a toujours liaison et communication entre ces modes mais aussi spécialisation15 ». D’autres spécialistes, comme Michael Billig, considèrent que nous devons résoudre de plus en plus de « dilemmes idéologiques16 ». L’exemple de la conversion anticipée à la rigueur du Parti socialiste français, du fait des crises financières des dettes souveraines, en Europe, en 2010-2011, montre bien que ce type de situation se produit de plus en plus fréquemment. Mais cela se déroule aussi pour les individus qui sont, selon Dufour, soumis à des systèmes pervers et à des injonctions dérégulatrices17.

Plus fondamentalement, on peut affirmer qu’il existe une opposition entre l’« ordre » idéologique, visant à une illusoire perfection utopique ou doctrinale, et le « désordre » tout relatif des représentations. Ce qui agace le plus des chefs de partis plus ou moins léniniens de gauche extrême ou proto-gramsciens d’extrême droite est l’apparente décontraction des dilettantes. Il est clair que la discipline doctrinale et l’aptitude à suivre une logique cohérente dans les discours d’un ensemble sectaire est plutôt une disposition rare mais utile pour s’élever dans la hiérarchie sociale et organisationnelle et pour s’intégrer18. C’est pourquoi, du moins dans nos sociétés démocratiques qui sont plutôt et aussi un fait de civilisation précieux et unique, la prolifération des représentations sociales est plus apte à épouser les points de vue de chacun et les formes les plus aberrantes de comportement qu’on peut trouver, avant tout, dans les espaces de la grande ville.

L’esprit de la ville et l’idéologie de l’argent 

L’esprit de la grande ville et ses rapports avec l’idéologie de l’argent : une étude de cas sur les modalités de la prolifération représentationnelle et de la polyphasie cognitive ;

La vie sociale contemporaine peut être analysée comme étant surtout celle des formes objectivées, structurées, hyper-densifiées de la ville, à tel point qu’on peut se demander si l’objet principal de la sociologie ne se résume pas à l’appréhension des interactions entre le fait urbain et l’espace « nature-ruralité-communauté » (et leur gradations et formes intermédiaires nombreuses). Sur le plan de l’étude des représentations sociales, il y a un lien très fort entre intellectualité, vie nerveuse, espaces urbain « corticalisés » (nœuds et institutions de connaissances) et interconnexions « biotechnologiques »19. Selon Moscovici, on le remarque notamment par l’expansion et l’emprise de l’argent dans les sociétés hypermodernes qu’illustrent parfaitement les structures sociales complexes des villes. « Son expansion [à l’argent] suit une loi de la corticalisation qui confère un caractère abstrait et lui permet de façonner ses propres règles et recettes en toute objectivité […]. Que ce soit dans le domaine des relations privées et quotidiennes, ou de la communication sur une grande échelle, dématérialiser la monnaie a pour pendant de monétariser la matière collective20 ». Cette tendance à la corticalité partagée et au caractère impersonnel/objectivé des échanges, associés à l’argent, est spécifique de l’émergence des modes de vie urbains depuis environ un siècle. Moscovici en commentant l’approche de l’argent, chez Georg Simmel, suggère : « En d’autres termes, la métamorphose économique de celui-ci, changé de substance en valeur d’échange, va de pair avec une évolution mentale des individus dans la culture moderne21». Il s’agit alors d’un vrai travail d’agrégation des désirs individuels à d’autres individus ou groupes, par l’intermédiaire de structures représentationnelles en évolutions constantes22. Cela conduit à l’explication d’un autre trait typique des sociétés postmodernes : la prédominance du calcul dans toutes les interactions sociales : ponctualité, précision et impersonnalité. Il se développe alors une figure sociale de ce que Moscovici qualifie d’« individu ès quantité23 ». A-t-elle un lien avec les cultures égotistes24et syncrétistes, favorisant l’alliage de croyances ou de confessions autrefois peu conciliables ? Et de quelle nature est cette relation ? Il est certain qu’apparaît, avec ce type de rationalité complexe, financière et urbaine, l’homme peu engagé25, à faible caractère, ménageant la chèvre et le chou, ou « sans qualité26 ».

Il s’agit donc bien d’un type comportemental généré durant les interactions dans la grande ville et lors de l’intériorisation de modes de représentations sociales afférentes (saturation face à la surinformation et émergence de l’indifférence blasée fort bien décrite par Simmel27). Cette vie sociale urbaine se traduit par une liberté et une forme subtile de courtoisie (réserve, droit à l’indifférence28- et hospitalité minimale). Cette liberté hypocrite et consciente de l’être résulte de l’agrandissement de l’environnement, de la proximité et de la multiplicité des corps en interaction, se manifestant à la fois par une forme de désinvolture générique et, tendanciellement, par une antipathie latente, ou une fusion sympathique irrationnelle et décalée, pouvant systématiquement s’exprimer si les sollicitations de tels ou tels groupes ou individus deviennent trop importantes. L’« engagement minimal », l’« inattention civile », dans les espaces publics forment alors, avec un programme d’« intercommunication » respectueuse de la « privacité », des scripts urbains partagés d’interactions. Ils constituent des éléments d’une approche civilisée de l’hospitalité dans la ville afin de réduire le malaise de la mitoyenneté avec la multiplicité des origines sociales et ethniques. L’emploi de « banalités d’usage », de formes convenues dans les relations interpersonnelles quotidiennes ou lors d’invitations incite aussi à penser la vie urbaine comme un assemblage de conduites similaires aux modalités proverbiales de savoir-vivre. Le registre des civilités devient celui d’une « aptitude à se déprendre » autant que de rencontrer habilement autrui et ses visages multiples : « Accueillir ou protéger l'étranger, c'est se préoccuper en même temps de sa face positive” (droit à la considération) et de sa face négativeˮ (droit à la tranquillité)29 ».

On observe donc un lien majeur entre le cosmopolitisme (relations distractives, sociales, artistiques, internationales nombreuses), l’état de polyphasie cognitive et culturelle et l’esprit de la grande ville. Pour expliquer l’effet du cosmopolitisme et sa spécificité, on peut aussi s’appuyer sur la métaphore de la spéculation financière (analogie de l’esprit objectif de la ville avec l’argent comme forme), engendrant une augmentation naturelle et croissante des revenus du capital au-delà d’un certain seuil de dimension, de circulation et d’échanges. « Parvenue à ce point, la quantité de vie devient directement la qualité de la vie […]. Ce qui est décisif pour la grande ville est que la vie intérieure touche, par vagues successives, un vaste domaine national et international30 ». Qu’est-ce qu’alors la « vie de l’esprit » dans une grande ville ? Elle est définie par la coexistence d’une culture objective dans les très grands espaces urbains (solidarité techno-organique, virtualité, artificialité, dépendance instinctive et paradoxale aux « choses », extension de la spiritualité aux institutions et à la spatialité urbaine) et d’un esprit subjectif (solidarité mécanique, mais surtout de nouvelles formes d’existence de l’individualité). L’être de la ville existe et se développe dans son déploiement fonctionnel et dans ses influences indirectes multiples exercées sur les groupes, les singularités, et d’autres villes. La liberté individuelle est alors de type négatif (« faire ce que bon nous semble31 », hors des contraintes urbaines et sociales ou communautaires, du fait de l’existence de la pesanteur et du caractère indépassable de l’esprit de la grande ville) et de type positif (développer une spécificité identitaire ou identificatoire –ou identitaire-fétichiste- par un processus de distinction et de singularisation en relation à d’autres individus ou groupes « qui font la même chose et ne se gênent pas de le revendiquer »).

C’est pourquoi l’« être-au-monde-urbain » implique des mouvements et des traversées régulières de frontières, de ponts et de portes. Les spécialistes invoquent l’« expérience migratoire » oud’« étrangeté ». Cette expérience typique (étudiée par les sociologues de l’école de Chicago comme Robert Park32) est conditionnée à la réduction relative des préjugés et de l’étroitesse d’esprit. L’urbanité rejoint alors la civilité, la mondanité et les traités de savoir-vivre. Elle s’exprime alors par une « individualité » excentrique, l’originalité et la singularité. Il y a bien là diffusion d’une philosophie nouvelle, depuis le début du xxe siècle, d’origine « dix-neuvièmiste » et hégélienne, de recherche de reconnaissance sociale. Cette modalité sensitive et identitaire sera ensuite repensée à l’aulne de la postmodernité par Charles Taylor et recentrée sur l’exigence personnelle d’authenticité33. Seul l’esprit de la grande ville favoriserait cette précieuse conquête de l’être-soi dans l’hallucinante multiplicité des cultures urbaines.

Enfin, pour Simmel, on doit pointer aussi un rapport spécifique entre la division complexe du travail (dite « organique » par Durkheim), la spécialisation des professions et la généralisation d’une autre conception des gains qui ne sont alors presque plus obtenus par confrontation à la nature et à la matière mais par l’affrontement d’autres hommes et par leur inter-instrumentalisation. La division fonctionnelle et économique (recherche de gains nouveaux) des activités est agencée en de multiples et croissantes spécialisations et différenciations. Tous ces processus conduisaient, dès le début du xxe siècle, à des expériences de diversification dans les conformations psychiques des personnes elles-mêmes et leur expériences culturelles et représentationnelles. Simmel décrit l’apparition de types personnologiques spécifiquement urbains. Là aussi, on retrouve la quête de reconnaissance sociale (sans que Simmel ne nomme comme tel ce phénomène) : « Ainsi, en excitant la sensibilité aux différences, on cherche à attirer sur soi l’attention de la société environnante ; cela aboutit finalement à des bizarreries, de toutes sortes, aux extravagances spécifiques de la grande ville, aux excentricités, aux caprices, aux prétentions. ». Cela mène alors de plus en plus d’individus à la recherche d’une « estime de soi », et donc à « une manière de se distinguer des autres et par là de se faire remarquer34 ». Dans le processus de reconnaissance sociale taylorien35, la quête d’estime de soi demeure cependant une forme minimaliste et appauvrie, en comparaison avec d’autres pratiques comme la reconnaissance affective centrée sur l’amour et la bienveillance, la reconnaissance juridique de l’individu ou encore la reconnaissance sociale favorisée par la solidarité et la loyauté36.

Au final, l’esprit de la grande ville se constitue comme une sophistication et une spiritualisation des interactions complexes entre groupes et individus, des formes d’organisation de l’espace, du voisinage et des relations interrelationnelles. La ville se condense alors dans « une somme d’esprit », augmentant de volume, d’intensité et d’impact chaque jour de ses différents constituants non-inhumains37. L’esprit de la grande ville est alors une « cristallisation cognitive » fonctionnelle et englobante, s’exprimant dans tous les domaines essentiels de l’urbain : art, droit, langage, science, objets, techniques mais aussi et notamment les monuments, les structures d’éducation, le confort technique, l’architecture des bâtis, les institutions de l’État et les édifices publics (voir l’influence de Simmel sur l’étude de la morphologie sociale initiée par Maurice Halbwachs38). Moscovici résume très bien cela, en 1981, en énonçant que l’université est plus intelligente39 que le meilleur de ses enseignants et que le plus brillant de ses étudiants. Simmel évoque l’incomplétude du développement spirituel des individus face à cette « somme d’esprit » en extension. Il souligne, de la même façon que Moscovici mais avant ce dernier évidemment, le contraste entre l’institution (urbaine pour ce cas) et le meilleur des individus appartenant aux plus hautes sphères de la culture. Parfois le contraste entre les deux ordres (institutions et individus) implique une régression de certaines marques de civilisation, conformément aux plaintes constantes des citadins face à leur conditions de vie qu’ils ne fuient pourtant pas du tout : « On aperçoit une différence effrayante entre les deux progressions [de l’esprit objectif et de celui des individus] et même, sur certains points, une régression de la civilisation au plan de la spiritualité, de la tendresse, de l’idéalisme. Cette discrépance est, pour l’essentiel, le résultat de la division du travail car celle-ci exige de l’individu une production de plus en plus stéréotypée qui, poussée à son extrême, fait souvent s’étioler la personnalité40 ».

L’individu (culture subjective) serait cependant de moins en moins à la hauteur de la « profusion de culture objective41 » et donc de l’esprit de la grande ville. Ce dernier n’en serait pas du tout conscient. Il sombrerait au milieu des richesses offertes par le milieu propice de l’urbanité, comme, de nos jours, les internautes qui, au lieu d’apprendre sur les réseaux et ses banques de savoirs, jouent ou passent leur temps à cancaner et à tchatcher. Par conséquent, la ville est une complexe et puissante structure organisationnelle et spatiale, structurées sur plusieurs niveaux d’interrelations aspirant et synthétisant puissamment toutes les forces culturelles et spirituelles émergeant depuis des années. Simmel parle de « civilisations supra-personnelles42 » auxquelles la « personnalité ne peut plus se mesurer ». Moscovici décrit le même type « supra-individuel » de concept à propos de l’approche (simmelienne) de l’argent : « À en croire le sociologue allemand, une loi de la distanciation se manifeste dans la vie intellectuelle, personnelle, sociale. Qu’elle soit métaphysique ou psychologique, cela revient au même : elle éloigne l’objet du sujet, multiplie les obstacles et les intermédiaires, retarde leur réunion, crée une différence entre eux. Et tout nous pousse à la surmonter, soit directement, soit par des détours qui augmentent la valeur de l’objet pour nous43 ».

Conclusion

Dans le dispositif44 « argent » comme pour l’esprit de la grande ville, on détecte l’existence de systèmes de représentations sociales ayant une existence autonome et ontologique. Certains esprits pointilleux nous rétorqueraient qu’il s’agit, là, de structures idéologiques et de formes de domination travestie de l’« esprit objectif » sur celui « subjectif ». Mais on ne peut voir dans les mouvements représentationnels et culturels de la grande ville un ensemble figé et un simulacre fixiste car elles sont les lieux des révolutions passées et contemporaines, des désordres et des rappels à l’ordres, des mouvements de foules et des modes, des cultures underground et des orthodoxies, de diableries et de bondieuseries, dans un flux et reflux permanents dont on ne peut stopper l’impact que par la dictature (Chine, Iran) ou, partiellement, par le contrôle policier et les filatures (surveillances vidéos omniprésentes dans les mondes anglo-américains). On est vraiment très proche, dans le cas de la vie de l’esprit dans les grandes villes, des « principes générateurs de prises de positions45 » ou des « méta systèmes cognitifs et sociaux » que sont les représentations sociales durkheimiennes, bourdieusiennes et moscoviciennes. Tout individu y puiserait les contenus et les formes d’une aptitude mentale, tonifiante et identitaire et « parlerait plusieurs langues culturelles » pour reprendre la métaphore de Moscovici visant à expliquer la caractéristique fondamentale de la polyphasie cognitive dans les RS. Les représentations sociales et culturelles dans la ville auraient alors une fonction paradoxale : elles provoqueraient à la fois une atrophie des cultures subjectives et une hypertrophie des cultures objectives. Elles permettraient, à chacun, de retrouver une relative singularité, vitalité dans ces ensembles urbains (intégrant désormais les réseaux internet et les téléphonies) et sa culture objective (par un prolongement et une matérialisation de l’individualisme des Lumières). Mais en même temps, elles conduiraient à « refouler les colorations et originalités réellement personnelles ». De ce paradoxe résulteraient deux formes d’individualisation : l’individualisme exacerbé (presque romantique), anti-urbain, des nietzschéens, d’une part, et les conduites de surenchère excentrique, émergeant d’une nécessité de reconnaissance sociale et d’identification singulière, de l’autre.

1  Dufour Dany-Robert, 2009, La Cité perverse. Libéralisme et pornographie, Paris, Denoël, p. 15.

2  Destutt de Tracy Antoine-Louis, 1796, Mémoire sur la faculté de penser. De la métaphysique de Kant et autres textes, Paris, Fayard.

Destutt de Tracy Antoine-Louis, 1817, Éléments d’idéologie (deux tomes), Paris, Courcier.

3  Marx Karl, 1843, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, Paris, Allia.

4  La formule « La communication est le valium du peuple » est proposée par : Serge Moscovici, 1981, L’âge des foules. Traité historique de psychologie des masses, Paris, Fayard.

5  Althusser Louis, 1972, Pour Marx, Paris, La Découverte.

6  Y compris merveilleuses : Renard Jean-Bruno, Le Merveilleux. Sociologie de l’extraordinaire, Paris, CNRS éditions.

7  Beauvois Jean-Léon et Joulé Robert-Vincent, 1981, Soumission et idéologies : psychosociologie de la rationalisation, Paris, PUF ;

Joulé Robert-Vincent et Beauvois Jean-Leon, 1998, La Soumission librement consentie. Comment amener les gens à faire librement ce qu’ils doivent faire, Paris, PUF.

8  Boudon, 1986, L’Idéologie ou l’origine des idées reçues, Paris, Fayard, p. 45.

9  Seca Jean-Marie, 2010, Les Représentations sociales, Paris, Armand Colin, p. 169.

10  Seca, op. cit., p. 170.

11  Quand les gens n’ont pas d’imagination (démocratique), ils puisent dans des habitudes et traditions, toute faites, en s’inféodant à d’autres maîtres après avoir renversé des dictateurs (cf. élections d’octobre 2011, en Tunisie, et déclaration, le jour-même de la proclamation de la Libération de la Libye, de l’inspiration islamiste de la future constitution et du système juridique dans ce dernier pays).

12  Moscovici Serge, 1976, La Psychanalyse, son image et son public, Paris, PUF, p. 280.

13  Moscovici, op. cit., p. 286.

14  Deconchy Jean-Pierre, 1989, Psychologie sociale, croyances et idéologies, Paris, Klincksieck.

15  Moscovici, ibid.

16  Billig Michael et al., Ideological Dilemmas : A Social Psychology of Everyday Thinking, London, Sage, 1988.

17  Dufour, 2009, op. cit.

18  Touati Christelle, 2011, Citoyenneté et engagement : Analyse des perceptions et tensions citoyennes, détection et induction de facteurs d’engagement, thèse pour le doctorat de psychologie sociale (dir. Prof. Alexandre Dorna), Caen, Université de Picardie.

19  Stébé Jean-Marc et Marchal Hervé, 2010, Sociologie urbaine, Paris, Armand Colin.

20  Moscovici, 1988, La Machine à faire des dieux. Sociologie et psychologie, Paris, Fayard, pp. 351-252.

21  Moscovici, op. cit., p. 298.

22  Moscovici, op. cit., pp. 336-337.

23  Moscovici, op. cit., pp. 384-386.

24  Dufour Dany-Robert, 2007, Le Divin Marché. La révolution culturelle libérale, Paris, Denoël.

25  Moscovici, op. cit., pp. 392-393 où est discutée l’émergence de cette figure sociale et psychologique.

26  Musil Robert, 1956, L’homme sans qualités, Paris, Seuil (1re éd. en langue allemande : 1931-1932).

27  Simmel Georg, 1983, Les grandes villes et la vie de l'esprit, Paris, L'Herne, (1re éd. en langue allemande : Die Grossstädte. Vorträge und Aufsätze zur Städteausstellung. Jahrbuch der Gehe-Stiftung, Band 9, pp. 185-206 : Dresden, 1903) (paru aussi dans le tome 1 de La Philosophie de la modernité, Paris, Payot, 1988).

28  Martel Frédéric, 1996, Le Rose et le noir : les homosexuels en France depuis 1968, Paris, Le Seuil.

29  Joseph Isaac, 1997, « Prises, réserves, épreuves », Communications, n° 65,  pp. 131-142.

30  Simmel, op. cit., p. 32.

31  Déclinaison de l’injonction sadienne « Jouir sans entrave » qui caractériserait nos sociétés post-pornographiques, selon Dufour, 2009, op. cit.

32  Park Robert, 1937, « Cultural Conflict and the Marginal Man », in Everett V Stonequist, The Marginal Man, Park's Introduction, New-York: Charles Scribner's Sons.

33  Taylor Charles, 1998, Les Sources du moi. La formation de l’identité moderne, trad. fr., Paris, Le Seuil (1re éd. en langue anglaise : 1989).

34  Simmel, op. cit., p. 37.

35  Taylor, op. cit.

36  Ferréol Gilles et Peralva Angelina (éd.), 2010, Altérité, dynamiques sociales et démocratie, Paris, Maison des Sciences de l’Homme/Droit et Société

37  L’expression « êtres non-inhumains » est employée, avec un heureux effet sémantique et philosophique, dans : Stiegler Bernard, 2008, Prendre soin (tome 1) : de la jeunesse et des générations, Paris, Flammarion.

38  Selon Stébé et Marchal, op. cit.

39  Moscovici Serge, 1981, L’âge des foules. Traité historique de psychologie des masses, Paris, Fayard.

40  Simmel, op. cit., p. 39.

41  Simmel, ibid.

42  Simmel, op. cit., p. 40.

43  Moscovici, 1988, p. 329.

44  Agamben Giorgio, 2006, Qu’est-ce qu’un dispositif ?, Paris, Payot, pp. 30-34

45  Voir Seca, 2010, op. cit., pour toutes ces définitions.

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