N°27 / Religion et politique Juillet 2015

La politique des Droits de l’Homme : une religion civile universelle. Retour sur une histoire ancienne pour éclairer un problème actuel

Francis Farrugia

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« En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen. »
Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen du 26 août1789.

Perspectives sur la déclaration américaine d’indépendance de 1776 et la déclaration française des Droits de l’Homme de 1789

Ces deux Déclarations sont au fondement du droit poli­tique moderne, au principe de l’organisation des actuelles sociétés démocratiques. Il convient en conséquence de considérer ces textes dans leurs effets et leur destinée, plus particulièrement la Déclaration française. Ces deux écrits ont directement ou indirectement, et avec plus ou moins de succès, exercé leur influence sur le droit positif des sociétés contemporaines, ainsi que sur la politique intérieure et extérieure des États qui s’en réclament et agissent en leur nom. Doit-on y voir la proclamation d’une religion civile universelle qui se place « sous les auspices de l’Être suprême » ?

La Déclaration américaine d’indépendance a très tôt agi sur le droit américain ; elle a été placée dans le préambule de la Constitution de 1787 pour n’en plus dispa­raître. La Déclaration française en revanche n'a connu qu'une influence intermittente. Elle ne figure pas dans les constitutions impériales et monarchiques, pas plus que dans celle de la III° république ; il faut attendre 1946 pour qu’elle resurgisse dans le préambule de notre constitution, et 1971 pour la voir utilisée comme référence dans une décision du conseil constitutionnel. Mais en son temps la Déclaration des droits ne souleva pas que des en­thousiasmes, elle suscita aussi un certain nombre d’oppositions pour des raisons distinctes. Parmi les plus connues, celle des conservateurs et celle des marxistes, mais aussi celle moins connue des libéraux.

L’opposition conservatrice à la doctrine des Droits de l’Homme

L’hostilité des conservateurs trouva à s'exprimer dans les Reflections on the revolution in France1de 1790. L’auteur Edmond Burke, soutenant là des thèses conservatrices était pourtant un libéral qui avait défendu les droits des colonies américaines. Il s'attaqua cependant à la doctrine des Droits de l’Homme en opposant la tradition, l’héritage et le principe d’utilité à l’esprit français d’innovation et de révolution : « Telle a été la politique constante de notre constitution de réclamer et d'affirmer nos libertés comme un héritage qui nous avait été légué par nos aïeux et que nous devions transmettre à notre postérité comme un bien appartenant en propre au peuple de ce royaume, sans aucune espèce de rapport avec un autre droit plus général ou plus ancien2. »

Burke n’admet pas la démarche par laquelle les révolutionnaires français prétendent fonder les droits civils sur la loi naturelle, estimant qu’il y a hétérogénéité entre les deux concepts. Il ne se prive pas de contester la Révolution française et les Droits de l’Homme, estimant que le rationalisme a détruit la foi en la tradition, qui seule pouvait assurer la solidité de l’édifice social: « We are afraid to put men to live and trade each on his own private stock of reason; because we suspect that this stock in each man is small, and that the individuals would do better to avail themselves of the general bank and capital of nations and âges3. » Je propose la traduction suivante : « Nous sommes effrayés à l’idée que l’on mette les hommes en situation de vivre et de commercer en se fondant sur leur propre dose de raison ; car nous suspectons que cette dose est en chaque homme minime, et que les individus feraient mieux de tirer eux-mêmes profit de la banque et du capital général des nations et des âges. »

La raison seule, a fortiori la seule raison individuelle, ne permet pas d’aboutir à un consensus sur des valeurs fondamentales. Burke fait le procès d'une conception à la fois abstraite, purement rationaliste et individualiste de la société. Il rejoint en ceci les positions sceptiques de David Hume qui soutient que la raison est incapable de formuler une quelconque règle universelle ayant valeur pour tout homme, le sens de la justice ne pouvant en aucun cas être conçu comme émanation d’une quelconque nature humaine raisonnable, puisque procédant en nous de l’habitude, d’une conformité à un usage fondé sur de pures conventions utiles ayant fait leurs preuves et s’étant cristallisées en institutions. C’est là un argument anti-métaphysique, typiquement empiriste, conventionnaliste, et nominaliste.

Selon Hume le sens de la justice ne s’origine pas en la Raison, mais en la pratique et en ses conventions : « Les impressions qui font naître le sens de la justice, ne sont pas naturelles à l’esprit humain, elles naissent de l’artifice et des conventions humaines (...) Si les hommes poursuivaient naturellement et du fond du cœur l’intérêt public, jamais ils n’auraient songé à se contenir les uns les autres par des règles (...) Ces règles sont donc artificielles et elles visent leur fin de manière oblique et indirecte4. »

Mais revenons à Burke. Comme le précise Guy Haarscher5, les considérations de Burke datent de 1790 et son ouvrage ne fait évidemment pas référence à la Terreur, laquelle date de 1793. Par contre, Hegel y consacrera des analyses dans ses Principes de la philosophie du droit6. Dans cet ouvrage il parlera de la « furie de la destruction »tout en sauvant ces événements en considération de leur finalité rationnelle. Burke lui, s'insurge contre une philosophie qui prétend faire table rase de la tradition et il porte sur l'actualité politique française un jugement désabusé et nostalgique de l'ancien ordre social : « Le siècle de la chevalerie est passé ; celui des sophistes, des économistes et des calculateurs lui a succédé, et la gloire de l'Europe est à jamais éteinte. »Il rejette donc les Droits de l’Homme, déclarant qu'ils ne s'enracinent nullement dans la Nature posée comme principe par les philosophes de l'école de l'état de nature (Grotius, Locke, Hobbes et Rousseau). De fait, et c'est en ceci qu'il mérite de retenir notre attention, il est d’une certaine façon à l'origine d'un renversement de sens du concept de nature, renversement dont vont précisément s'emparer les penseurs contre-révolutionnaires. Burke en effet estime naturel non pas ce qui est érigé en principe critique des privilèges et inégalités par la Raison nouvelle, à savoir la liberté, l'égalité, la sureté, le droit du peuple à se gouverner, mais tout à l'inverse ce qui surgit avec évidence comme résultat de la tradition, comme long processus cumulatif d'habitudes et d'expériences, produit d'une lente concrétion historique.

Nous sommes ici en présence de l’activation d’un concept éminemment polémique. Le concept de nature est en tant que principe de légitimation du droit et donc de la politique, un concept totémique et un concept de combat, comme l’a longtemps été celui de Dieu dans l’absolutisme de la théocratie médiévale, et comme il l’est de nouveau devenu dans la lutte actuelle menée par la Raison contre le fondamentalisme religieux à ambition politique totalitaire. Pour Burke, la nature c'est l'Histoire même, et non pas la Raison. Est selon lui naturel le donné social en tant qu'il relève d'une longue et sage construction collective.Une telle conception conservatrice qui pose l'habitude et la coutume comme faits de nature, doit attirer particulièrement notre attention en ce qu'elle surgit toujours, et ressurgit encore comme principe justificateur et sanctificateur du préjugé et de l'ordre ancien.

L'opposition à Rousseau, à sa théorie de la loi naturelle et du droit naturel est donc totale : « Nous ne sommes pas les adeptes de Rousseau, ni les disciples de Voltaire ; Helvétius n'a pas fait fortune parmi nous ; des athées ne sont pas nos prédicateurs ni des fous nos législateurs. Nous savons que nous n'avons pas fait de découverte, et nous croyons qu'il n'y a pas de découvertes à faire en moralité. » L’hostilité de Burke aux principes de la Déclaration se retrouvera exacerbée chez les penseurs ultra, théoriciens de la Restauration : Joseph de Maistre7 et De Bonald8. Voici en quels termes Joseph de Maistre parle de Robespierre, Collot ou Barrère : « Les scélérats mêmes qui pa­raissent conduire la Révolution, n’y entrent que comme de simples instruments ; et dès qu’ils ont la prétention de la dominer, ils tombent ignoblement. (...) Au même moment où ces tyrans détestables eurent comblé la mesure des crimes né­cessaires à cette phase de la Révolution, un souffle les ren­versa9. »

Au sein d’une telle conception théologique de l’histoire, il faut que De Maistre justifie la possibilité du crime et de la Terreur, sans altérer pour autant sa théorie de l’intervention de Dieu dans les affaires humaines, comme providence. C’est pourquoi il réduit les acteurs principaux de la Révolution au rôle de simples figurants et de simples « instruments ». Dieu n’usant que parcimonieusement du miracle, soumet le plus souvent les hommes à un ordre secret qui contraint indifféremment les bons et les méchants. La Révolution n’est toutefois rien d’autre qu’une expression de la malignité des hommes. Et si Dieu élève parfois les grands criminels à une certaine position sociale, (par exemple Robespierre), c’est pour mieux les abattre.

De Bonald en bon théoricien du droit divin, soutient lui aussi des thèses radicales sur le fondement en Dieu - et non en la Nature conçue comme assise de la loi naturelle et fondement des droits eux aussi naturels de l’homme - d’un ordre politique universel, absolu et hiérarchique. Il est évident que les Droits de l’Homme n’ont aucunement leur place dans une telle vision de la société. Le pouvoir étant d’institution divine, l’homme ne saurait avoir de véritables droits, mais bien plutôt des devoirs, en tant que créature de Dieu obéissant à son créateur. Cette opposition aux Droits de l’Homme s’origine dans une aversion profonde à l’égard de la démocratie et des principes égalitaristes. Cette philosophie politique est fondée sur une conception hiérarchique et traditionaliste de la société religieusement fondée.

Les partisans de la doctrine des Droits de l’Homme

À l’inverse, Thomas Payne est aux Etats-Unis un détonateur de la Révolution américaine, et il influe même sur la Révolution française par son ouvrage Le sens commun (1776). Dans son écrit Les Droits de l’Homme (1791) il réfute les Réflexions sur la révolution française de Burke. Il fut d’ailleurs député de l’Assemblée nationale française en 1792. Kant, Fichte et Hegel en Allemagne, prennent eux aussi fait et cause pour les Droits de l’Homme et considèrent la Révolution française, en dépit de toutes les violences qui lui sont inhérentes, comme un événement d’importance capitale, véhicule de la Raison universelle. Selon Hegel, dans la Révolution, le particulier s’épure en universel et l’esprit particulier du peuple français se transcende et devient un moment de l’esprit universel, du Weltgeist (esprit du monde). Le politique touche ici au religieux, par son inscription dans du métaphysique et de l’eschatologique :« C’était donc là un superbe lever de soleil. Tous les êtres pensants ont célébré cette époque. Une émotion sublime a régné en ce temps-là, l’enthousiasme de l’esprit a fait frissonner le monde, comme si à ce moment seulement on en était arrivé à la véritable réconciliation du divin avec le monde10. » Par une merveilleuse et providentielle « ruse de la Raison » et de l’Histoire, toute la violence de la Révolution concourt à la fondation et à l’avènement du règne de la Liberté. Toute chose se renverse ici en son contraire par la magie du devenir des affaires humaines, dépassant et conservant tout à la fois leur propre essence dans une altérité toujours renouvelée, à la fois destructrice et salvatrice. Il faut donc, selon les termes mêmes de Hegel : « reconnaître la Raison comme la rose dans la croix du présent11. » (im Kreuze der Gegenwart.)

Mais la position de Hegel à l’égard des Droits de l’Homme n’est pour autant pas exempte d’ambiguïtés. Il considère que la liberté est en voie d’accomplissement à travers les événements de l’histoire particulière des peuples, mais aussi que l’État est, selon ses termes, « le divin sur terre », « la réalité en acte de la liberté concrète » participant ainsi de l’idéologie allemande de romantisation du politique et d’idéalisation de l’État. « En tant que réalité effective de la volonté substantielle, réalité qu’il possède dans la conscience de soi particulière élevée à son universalité, l’État est le rationnel en soi et pour soi. Cette unité substantielle est but en soi, absolu et immobile, dans lequel la liberté atteint son droit le plus élevé à l’égard des individus dont le devoir suprême est d’être membres de l’État12. »Or, une telle tendance n’est pas sans contredire la position des théoriciens contractualistes du droit, qui font de l’État, non pas une fin en soi et l’incarnation terrestre de l’Absolu, mais avant tout, l’instrument de la protection des Droits de l’Homme.

La défense de l’universalisme abstrait de l’homme et de ses droits

Jean Rivero, qui fut l’un des grands spécialistes du droit contemporain, s’oppose à la conception marxiste13 qui critique des Droits de l’Homme, estimant qu’il n’y a pas matière à critiquer la distinction faite par la déclaration entre Droits de l’Homme et Droits du Citoyen : « Dans la Déclaration, les deux catégories, loin de s’opposer, sont in­dissociables : seule la reconnaissance des Droits du Citoyen peut, dans la société politique, assurer la conservation des Droits de l’Homme. Ainsi se trouve fortement marqué, dès l’origine de l’État libéral, le lien entre une certaine forme d’organisation du pouvoir - la démocratie - et le respect de la liberté des individus14. »Il estime que les constituants ont conçu la Déclaration comme une structure fondamentale de toute société qui prétend assurer la liberté de ses citoyens et garantir leurs droits en tant qu’hommes. Une telle société est déterminée tout à la fois a priori et universellement comme société libérale par essence et comme structure a priori de toute société libérale possible.

Claude Lefort, co-fondateur avec Cornélius Castoriadis du groupe Socialisme ou barbarie, fait également partie de ceux qui prennent la défense de la dimension universaliste, tout à la fois de la Déclaration de 1789, mais aussi de l’homme abstrait tel qu’il apparaît dans cette même Déclaration, estimant qu’il est nécessaire de poser un tel concept de l’homme trans-historique si l’on veut conférer quelque efficacité et quelque portée générale et universelle aux Droits de l’Homme. Ce se­rait de leur dimension abstraite et générale, elle-même liée à l’abstraction de l’homme posé dans sa généralité, que les Droits de l’Homme tireraient précisément leur efficacité. Pour le dire en termes kantiens, le mérite de la Déclaration consisterait ici encore à avoir réussi à constituer une sorte de transcendantal du droit, fixant a priori les règles essentielles et fondamentales de toute juridiction ou législation possible. « Les Droits de l’Homme étant déclarés, surgit, dit-on, la fiction de l’homme sans détermination. Toute la critique d’inspiration marxiste, mais aussi conservatrice, s’engouffre dans cette fragile citadelle pour la démolir. Joseph de Maistre proclamait ainsi : j’ai rencontré des Italiens, des Russes, des Espagnols, des Anglais, des Français, je ne connais pas l’Homme ; et Marx jugeait qu’il n’était d’hommes que concrets, historiquement et socialement déter­minés, façonnés par leur condition de classe15. »

L’hostilité des libéraux à la doctrine des Droits de l’Homme

Il existe une autre opposition aux Droits de l’Homme, moins connue que les précédentes parce que plus paradoxale ; il s’agit de l’hostilité des libéraux. Ce point de vue est défendu par Jeremy Bentham dans son Traité de législation civile et pénale, qui estime que l’homme se définit par ses besoins avant de se définir par ses droits, et qu’avant d’être fondée sur le « contrat social », la société est fondée sur le principe de l’échange et de l’identité naturelle des intérêts : « Le bonheur public doit être l’objet du législateur : l’utilité générale doit être le principe du raisonnement en législation. Connaître le bien de la communauté dont les intérêts sont en question, voilà ce qui constitue la science ; trouver les moyens de le réaliser, voilà ce qui constitue l’art16. »

Les enjeux socio-politiques de l’idee de droit naturel. Naturalisme ou positivisme

La découverte du droit moderne et de la politique moderne, c’est fondamentalement la découverte du fait que quelque chose peut faire contrepoint à l’autorité de la Tradition ou de Dieu, à savoir l’autorité de la Nature, comprise au sens d’un principe, d’une norme, d’une règle. Il convient ici de rappeler la formule de Léo Strauss : « À l’origine, l’autorité s’enracinait dans la tradition ancestrale. La découverte de la notion de Nature ruine le prestige de cette tradition ancestrale. La philosophie abandonne ce qui est ancestral pour ce qui est bon en soi, pour ce qui est bon par nature (...) ce faisant, la philosophie reconnaît en la nature l’étalon17. » Ce qui s’instaure ici, c’est plus précisément l’idée d’un droit naturel par lequel l’écart est désormais constitué et toujours constituable entre ce qui est, et ce qui devrait être. Le droit naturel ouvre accès à la critique socio-politique en permettant d’opposer l’idéal au réel, l’existant à la norme, l’empirique à son étalon. Mais une telle conception du droit est rejetée par le sociologue Max Weber. A partir d’une position d’inspiration néo-kantienne il instaure une différence entre l’ordre des faits et l’ordre des valeurs, distinction par laquelle est désormais rendue difficile, voire impossible une différenciation entre ce qui est et ce qui devrait être. Il invalide donc la critique de l’état de fait existant et de la politique en cours. Nous ne pouvons connaître que les faits ; la normativité juridique est en conséquence aplatie sur le faitalisme juridique. Il devient dès lors, dans une telle perspective scientiste, impossible de porter un quelconque jugement estimatif sur des faits juridico-politiques ou juridico-éthiques, et il faut en contrepartie se replier sur un éclectisme d’inspiration positiviste qui ne reconnaît de statut digne d’attention qu’aux faits. Dans un tel contexte les différents systèmes éthico-politiques ou juridiques sont considérés comme équivalents, puisque correspondant à autant de conventions possibles. Les faits relevant seuls d’une analyse, les valeurs sont reléguées dans la sphère de l’irrationnel ou tout au moins de la subjectivité, de l’inanalysable, du non-rationalisable. Les valeurs sont considérées comme conséquences de choix arbitraires, et donc situées hors du champ des faits explicables par causalité expérimentale. Il est en effet clair que si le choix porté dans une société sur telle ou telle valeur relevait d’une démarche consciente volontaire et rationnelle, il pourrait du même coup faire l’objet d’un examen rationnel. Mais puisque dans la perspective webérienne tout choix est arbitraire et que les valeurs procèdent d’un tel choix, il s’ensuit un relativisme des valeurs dans la perspective duquel il devient tout à fait impossible de formuler une quelconque évaluation de rang supérieur, puisque comme le précise Léo Strauss, dans cette optique,« toute préférence, qu’elle soit mauvaise, vile ou folle, doit être regardée par le tribunal de la raison comme tout aussi légitime que n’importe quelle autre18. »

En ceci consiste la critique effectuée par Léo Strauss du positivisme de Max Weber contestant la théorie du droit naturel. Il estime en outre que « si la notion de droit naturel est rejetée, ce n’est pas seulement que l’on considère toute pensée humaine comme historique, c’est aussi parce que l’on estime qu’il y a une pluralité de principes invariables du droit et du bien qui s’opposent entre eux sans que l’on puisse prouver la supériorité d’aucun19. » Léo Strauss pense que dans la logique d’un tel positivisme il n’y a en réalité pas de « vrai système de valeurs » mais seulement « une multiplicité de valeurs qui sont de même rang », dont les exigences s’opposent les unes aux autres, le choix dernier relevant de la décision de chaque individu.

Dans le texte qui suit, Hans Kelsen, lui aussi défenseur du positivisme juridique, et donc opposé au jusnaturalisme, nous livre une définition précise de ce qu’il faut entendre par positivisme, qui consiste à décrire l’essence du droit sans faire appel à des valeurs externes jugées morales. « Une théorie positiviste, et cela veut dire réaliste, du droit ne prétend pas - il faut toujours y insister - qu’il n’y a pas de justice, mais qu’en fait un grand nombre de normes de justice différentes et contradictoires sont présupposées20. »Il n’y aurait donc pas dans ce normativisme, une perspective surplombante privilégiée que l’on pourrait adopter sur le droit, qui nous fournirait le pouvoir de discrimination en justice ou injustice, à l’égard des divers droits positifs possibles ou existants, car « c’est l’idée même qu’une doctrine de droit naturel pourrait donner une réponse absolue à la question du fondement de la validité du droit positif qui repose sur une illusion ; selon ces doctrines, la validité du droit positif a pour fondement le droit naturel, c’est-à-dire un ordre établi par la nature en tant qu’autorité suprême, supérieure au législateur humain21. »Une telle position du droit naturel comme fondement et norme absolue du droit positif est donc clairement rejetée par Kelsen, parce que considérée comme métaphysique. C’est en conséquence une thèse qui ne peut être acceptée par aucune science et surtout pas, ajoute-t-il, par la « science du droit ».

Interprétons tout ce qui précède : la question qui trame tous les analyses faites jusqu’ici, et qui troue la politique moderne de son irréductible soupçon est bien celle-ci : de quel droit ? Et plus précisément encore : de quel droit, ce droit qui se déclare naturel ? Problème qui pour sa solution implique nécessairement la venue au jour d’une norme de rang supérieur devant fonder et légitimer la norme juridique en acte, méta-norme donc, qui ne peut elle-même être d’ordre juridique (le droit ne pouvant se fonder lui-même), et qui ne pouvant non plus être divine au sens traditionnel du terme (au risque de s’identifier et de faire retour à ce qu’elle dénonce comme despotisme de droit divin), ne peut être que naturelle. De plus, cette méta-norme contient une anthropologie (une science de l’humain) et une morale (une science de l’agir). Une anthropologie, puisqu’en examinant la nature-naturante en son principe, l’on en découvre une autre. L’on découvre la nature de l’homme, ce qu’il est purement, ce que Rousseau nomme « l’état de pure nature ». On découvre ce que l’homme est en son essence : un être libre, à la volonté inaliénable, voué au bonheur. Et cette nature-naturante renferme aussi une morale, puisqu’en tant que nature-normante cette fois, elle contient les règles d’un devoir-être de l’homme que l’organisation politique se doit de garantir. Par la nature donc, nous savons non seulement ce que l’homme est dans sa pure nature, antérieurement à tout droit positif, mais aussi ce qu’il doit être en régime politique : un citoyen libre devant être défendu contre l’État lui-même, si celui-ci commet des abus à l’encontre de ses droits fondamentaux. Ce devoir-être de l’homme, sa nature, doit être actualisé par le bon régime politique : la démocratie, et par le droit positif qui doit respecter un droit fondamental antérieur à lui, un droit de l’homme par nature.

Résumons : à l’évidence la Nature a pris la place de Dieu comme puissance naturante et puissance normante, comme puissance légitimante. Elle est désormais tout à la fois découverte, reconnue et déclarée - par le pouvoir de la Raison s’étant substituée à la Foi - être ce principe suprême. Doit-on alors considérer que la Nature est souterrainement cet « Être suprême » invoqué par le texte de la Déclaration, qui invoque sa « présence » et se place sous ses « auspices. » Il est visible qu’en cette Déclaration, le religieux n’est pas encore évacué du politique, bien au contraire, il se voit consolidé. La position de cet Être suprême - que j’ai en second degré, interprété comme étant la Nature est - dans l’esprit des rédacteurs de la Déclaration et dans l’esprit des révolutionnaires, une nécessité civique destinée à compenser par le déisme, la déchristianisation de la France. L’invocation de l’Être suprême est destinée, en tant que recours à une transcendance, à combler le désordre idéologique et politique généré dans le peuple par la dénonciation et la récusation du théisme, par le démantèlement du clergé traditionnel.

C’est bien là l’influence du déisme de Voltaire et de Rousseau et de sa théorie de la religion naturelle. Rappelons aussi, comme réminiscence liturgique présente en ces droits séculiers nouveaux, l’institution par les révolutionnaires du culte de la Raison, la constitution civile du clergé, décret adoptée par l’Assemblée nationale constituante le 12 juillet 1790, les prêtres assermentés, et la division consécutive du clergé entre clergé constitutionnel et clergé réfractaire. Comment ne pas évoquer aussi le culte de l’Être suprême qui s’instituera en 1794 à l’initiative de Robespierre déclarant : « L'idée de l'Être suprême est un rappel continuel à la justice, elle est donc sociale et républicaine. » Ce recours non aboli à un Absolu encore nommé Dieu, de manière obsolète, a pour fonction de fonder absolument le droit, et de légitimer la politique menée. On trouvera encore trace de cette sacralisation dans la sociologie et dans la religion positiviste dont Auguste Comte après en avoir été l’inventeur se fit pape. L’esprit positif comtien est fortement lesté de cette théologie et de cette métaphysique qu’il prétend pourtant avoir été dépassées, de même les Droits de l’Homme.

L’Être suprême une idée théologique, forme résiduelle et rémanente de la théologie et de la théocratie de l’Ancien régime. L’idée de Nature très puissante au XVIII° siècle est-elle, non pas théologique mais d’ordre philosophique et d’usage métaphysique. Elle annonce la Modernité. En arrière-fond du droit, cette Nature hypostasiée se pose maintenant comme recours véritable en légitimité. Elle est une entité performative au sens d’Austin. Elle dit, elle déclare, et ce faisant elle fait être le droit comme juste. Et l’ association politique démocratique qui en émane doit en retour préserver les biens naturels de l’homme. « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. » (article 2)

C’est bien la peur de ce normatif de la norme, extrinsèque à l’usage et à la tradition, qui attire la critique de tous les positivismes juridiques, même lorsque ces positivismes, comme c’est le cas pour Kelsen, prétendent mettre en place une théorie rationnelle de la norme, c’est-à-dire une norme qui ne soit pas transcendante au droit positif, mais bien plutôt posée par un acte de volonté. Mais ici encore quel est le principe légitimant du droit en dernière instance ? Si c’est la volonté, alors, il s’agit de la volonté de qui, et de la volonté de quoi ? Surtout, la volonté d’ ?

La question primordiale qui donne corps à cette inévitable problématique du fondement du politique est celle de l’émanation. La politique qui s’ancre dans le droit émane-t-elle nécessairement d’une foi, d’une religion ou non ? La norme a été « créée soit par la coutume, soit par un acte conscient d’édiction22 »nous dit Kelsen. Le droit naturel n’entre pas dans le régime de ce créationnisme immanentiste. Il se donne pour un « étalon de valeur éthico-politique23 » et en tant que tel, il est norme transcendante du droit positif. Le positivisme en matière juridique consiste dès lors, nous l’avons vu, à récuser la validité d’un tel recours transcendant au profit de la prise en considération d’une normativité immanente au droit positif. Mais une telle édiction, une telle posture pragmatique et factualiste « consiste à ne pas voir, ou à refuser de voir que, au-delà des prescriptions des règles, au-delà des principes généraux du droit, se profilent, absolument inéliminables de l’aire juridique, les exigences a priori, les principes et les catégories qui sont les lois mêmes de la raison légiférante et imposent au droit positif, à travers le besoin d’ordre de la pensée, sa liaison nécessaire avec les faits24. »Il est clair qu’une telle neutralité axiologique a priori décrétée par le positivisme juridique, relève de la pure illusion méthodologique et ne résiste pas à une enquête épistémologique portant sur les fondements et les principes de cette science du droit prétendant à la pure descriptivité.

Tout décret, toute « édiction » est interprétation, perspective, mise en œuvre de catégories historiquement et idéologiquement chargées. De plus, il n’y a de système explicatif du droit que hiérarchisant. La description pure est insignifiance pure. La réalité sociale, et plus particulièrement la réalité morale, politique, institutionnelle et juridique est nécessairement une réalité normée, à la différence de la réalité physique, qui est une réalité réglée. Si la norme est immanente elle est récusable et relative, et relève de la victoire des puissances idéologiques et politiques en conflit.

Symptomatologie des Droits de l’Homme

Après ces critiques initiales du droit naturel fondant les Droits de l’Homme, critiques émanant, comme exposé plus haut, d’instances diverses : réactionnaires, traditionnelles, libérales, marxistes, l’opposition aux Droits de l’Homme a été pendant de très nombreuses années extrêmement réduite, et depuis la seconde guerre mondiale, un certain nombre de textes sont venus renforcer la Déclaration de 1789. Ce triomphe marqué dans les institu­tions et organismes, tant nationaux qu’internationaux, de la théorie des Droits de l’Homme - jusqu’à une période récente qui voit émerger une contestation au nom de la religion, de la tradition, et du droit des communautés - prouve l’ascendant qu’avait pris la doctrine droidelhommiste sur la majorité des projets visant à trans­former radicalement la nature des institutions. Mais ce consensus quasi complet qui régnait sur la question des Droits de l’Homme, presque unanimement considérés comme expression de principes humanistes incontestables, parce que naturels et universels, est actuellement mis à mal de par le monde par des doctrines fondamentalement religieuses et fondamentalistes, affirmant la prééminence absolue de la loi divine sur la loi humaine, donc de Dieu sur la Nature, et de la Foi sur la Raison, et refusionnant ce faisant, des dimensions de la vie collective jusque-là dissociées dans nos sociétés sécularisées : la morale, le droit, la politique, la religion. Ces idéologies réactionnaires et totalitaires récusent par voie de conséquence la distinction du public et du privé, tout relevant de la législation religieuse, puisque tout est religieux.

Il semble, maintenant que la décolonisation a fait son effet, et que les nationalismes se sont corrélativement réveillés, que différents peuples revendiquant une identité culturelle et cultuelle propre, ne s’accordent plus sur une image commune de l’homme, et que ces populations ne reconnaissent plus les institutions politiques et sociales humanistes jusque-là considérées par l’Occident depuis la période des Lumières, comme les plus à même d’accomplir cette nature de l’homme. Chacun fait maintenant valoir la supériorité de son droit et de sa coutume et y attelle sa politique, non seulement nationale mais internationale, initiant en certains cas extrêmes, une colonisation idéologique et politique à rebours, mettant en œuvre une violence totale s’exerçant à l’encontre de cet Occident longtemps dominant dont on conteste désormais radicalement, non seulement le droit d’ingérence démocratique et droitdelhommiste, mais plus radicalement le droit à exister chez lui conformément à ses principes humanistes.

Il apparaît donc qu’en tant qu’humanité, nous ne savons plus univoquement et universellement (pour autant que nous l’ayons réellement su un jour), ce que le genre humain avait ignoré pendant des millénaires, et qu’il avait découvert aux alentours du XVIII° siècle, à savoir que la Raison est, et doit être législatrice si l’on veut garantir la liberté de chacun et de tous. Mais cette liberté même, n’est plus dans le monde une valeur consensuelle, de même que l’égalité, et ces valeurs se voient radicalement contestées par une humanité qui en certaines de ses composantes valorise tout à l’inverse les inégalités, la soumission absolue à la loi de Dieu et à la tradition, refusant cette théorie du progrès de l’esprit humain qui fonde la rationalisme et les Droits de l’Homme.

Bien des révolutions sont maintenant non pas progressistes mais rétrogrades. Le tableau des progrès historiques de l’esprit humain dressé par Condorcet est en passe de redevenir une « esquisse ». Le combat des Lumières contre l’ignorance, les préjugés et l’obscurantisme doit en conséquence se développer à mesure de sa contestation. Beaucoup d’éléments concourent à prouver que nous soyons en chemin de perdre, sous la pression conjuguée inattendue du postivisme - promoteur du relativisme des valeurs induit par le libéralisme dont il est l’allié objectif - et des fondamentalistes religieux absolutistes, intégristes des valeurs et rétrogrades, sinon la connaissance de ce que l’homme est, du moins de ce que l’homme doit être pour tous, et surtout peut être en ces nouveaux contextes. Nous avons, prônant toujours ce point de vue de la Raison universelle et des droits naturels et imprescriptibles, à tout le moins perdu le pouvoir de les faire connaître, reconnaître comme tels, et surtout perdu le pouvoir de les faire accepter comme légitimes par reste du monde. Bien évidem­ment, un tel être et devoir être de l’homme, enfin révélé à l’humanité tout entière par l’ensemble des Déclarations le concernant, ne se peut concevoir sans l’idée afférente acceptée elle aussi, qu’il existe un consensus anthropologique sur sa définition, un progrès de l’humanité, un progrès des consciences et de la connaissance émancipatrice par l’effet duquel vient enfin au jour ce qui constituait l’humanité dans son essence, qui lui serait enfin révélé. Ces droits de l’homme supposent un exercice de la Raison pour les reconnaître, c’est-à-dire une éducation et une instruction, et bien évidemment un consentement.

La doctrine des Droits de l’Homme est pour cette raison intimement liée à une conception de la nature de l’homme (non plus créature de Dieu mais créatrice de son monde) et du savoir humain héritée des Lumières, et plus particulièrement liée à une conception morale et libératoire de ce savoir humain. Non seulement est présupposée par cette conception normative du droit afférent à cette nécessité de protéger cette liberté de conscience et d’action, le fait que la science est animée par une Raison qui peu à peu se manifeste dans l’histoire de l’humanité même, mais est aussi supposée plus fondamentalement l’affirmation que la moralité, la conscience morale elle-même est susceptible de progression, et donc relève en un certain sens du champ de la science elle-même.

Si l’on connaît bien depuis le cartésianisme, l’opposition fondatrice de la Modernité existant entre, d’une part les vérités révélées qui déterminèrent et verrouillèrent en Europe - pendant toute la période médiévale dominée par la scolastique - la posture religieuse de croyance, de vénération de l’écriture et de ses injonctions, et d’autre part les vérités démontrées, qui déterminent l’attitude scientifique activant la Raison et non plus la Foi, l’on néglige trop souvent l’influence déterminante de ces vérités d’une autre sorte, que je nommerai vérités décrétées, qui sont des vérités de convention et d’institution, dont relève précisément le Droit qui fonde la politique. Ce décret toutefois déjà mis en avant par le positivisme comme édiction, s’auto-annule, comme nous l’avons vu, s’il prétend ne se fonder que sur la volonté humaine ou la tradition. En effet, selon que ce décret est posé comme décret humain (décret conventionnel assumé comme tel) ou déclaré divin (décret absolu s’ignorant comme humain et imputé à Dieu), s’engagent des politiques nationales et internationales divergentes : laïques ou séculières, si le décret est reconnu humain, religieuses, si le décret est dit divin.

Nous savons toutefois que ces vérités décrétées dont le droit naturel ressortit ne peuvent faire l’impasse sur leur apparentement à une certaine forme de révélation, dans la mesure où ce droit s’est précisément révélé exister dans sa naturalité foncière donc non entièrement volontariste. Il s’agit là d’un accord de la volonté à la Nature posée comme réalité antéprédicative. Le lieu de cette révélation est toutefois particulier puisqu’il s’agit de la Raison. C’est la Raison qui découvre la Nature et la déclare fondatrice du décret de la Déclaration. Le déisme présente cette caractéristique d’être une religion naturelle s’adressant à la Raison.

Comme je l’ai déjà dit, dans le premier cas des vérités décrétées (assomption du décret humain comme étant à l’origine de la Loi) religion et politique sont des réalités disjointes, l’église est séparée de l’État, la morale est séparée du droit, le public l’est du privé ; dans le deuxième cas (méconnaissance du décret divin invoqué comme étant en réalité humain, ignorance de l’auto-production humaine de la Loi, imputée à un Dieu) toutes ces entités sont conjointes définissant au sens strict une nouvelle totalisation, un nouveau totalitarisme. Nous rejoignons les concepts d’autonomie et d’hétéronomie individuelle et collective travaillés par Cornélius Castoriadis. Mais nous savons également que si ces décrets ne se réclament pas d’une fondation en Nature et en Raison, s’ils n’invoquent pas une religion civile ou civique fondant la République, ils sont fortement menacés de dissolution. Il s’agit là d’un concept complexe et ambigu que je nommerai révélation rationnelle.

Nous savons, depuis cette révélation rationnelle, que la Raison est la faculté première, et que les vérités révélées irrationnelles doivent céder le pas aux vérités connues par la Raison. C’est de ce paradoxe que se fonde la vérité des Droits de l’Homme. Nous ne croyons plus, mais désormais nous savons que l’avènement de la Raison comme pouvoir de connaître, de discerner le vrai du faux, et le juste de l’injuste - se substituant à la Foi comme exigence de se soumettre et de ne pas penser - que nous sommes maîtres de nos actions, de nos lois et de notre politique, et que celles-ci sont humaines et non divines, mais que ces lois obéissent pourtant à une autre loi plus fondamentale qui les fonde toutes, celle de la Raison fondée naturellement, qui à son tour fonde l’Intérêt général. Mais pendant la plus longue période de l’humanité il n’en était pas ainsi, et cet autrefois redevient maintenant dramatiquement actuel. La politique, comme la morale et le droit n’étaient, dans les premiers moments for longs de l’humanité, que religieux. « Chaque religion étant donc uniquement attachée aux lois de l'État qui la prescrivait, il n'y avait point d'autre manière de convertir un peuple que de l'asservir, ni d'autres missionnaires que les conquérants ; et l'obligation de changer de culte étant la loi des vaincus, il fallait commencer par vaincre avant d'en parler25. » Nous connaissons en notre temps un retour de ces antiques postures conquérantes qui semblaient définitivement déchues, et au regard de la violence desquelles les démocraties, par essence tolérantes révèlent leur fragilité.

Ce serait donc, comme en d’antiques périodes, comme en un Moyen-Âge résurgent, encore une fois la lutte de la Raison contre la Foi. Mais pour conférer crédibilité et légitimité, c’est-à-dire universalité aux Droits de l’Homme, nous ne pouvons pas nous contenter de les fonder en un simple décret, nous ne pouvons nous dispenser de les fonder en transcendance, c’est-à-dire en Nature et en Raison. Mais la Raison elle-même ne tient debout qu’en ce qu’elle est elle-même dite et surtout reconnue naturelle, universelle et potentiellement actualisable en chaque homme, par où se fait jour la nécessité d’une anthropologie comme fondement du politique. C’est la raison pour laquelle et par laquelle les Droits de l’Homme sont dits naturels et non pas conventionnels ou artificiels, car ils ne subsisteraient pas s’ils étaient pensés comme arbitraires, étant alors récusables. Mais la Raison comme la Nature est un fondement sans fond de la vérité, un fudamentum absolutum inconcusum veritatis. Car la Raison qui peut beaucoup, ne peut pas rendre raison d’elle-même, comme une épée tranchante qui ne peut pas se trancher elle-même. Une profession de foi pour reprendre des termes de Rousseau, se cache derrière la Raison, qui permet paradoxalement, mais réellement, de contester toute foi non raisonnable, au nom de la Pensée. C’est en vérité et en dernière analyse la Pensée qui est la clef même de la Raison, car l’alternative ultime est celle-ci : penser ou ne pas penser, et c’est en ce choix de la pensée que se fonde la politique, comme l’avait compris Platon en sa position de la philosophie comme activité première, posant qu’il n’y a qu’un seul Mal, l’ignorance, la toute puissance arrogante de la doxa. Heidegger reprend à sa manière Platon : « La pensée dit la dictée de la vérité de l’être. La pensée est le dictare originel. (…) L’essence poématique de la pensée sauvegarde le règne de la vérité de l’être26. »

C’est précisément en ce fondement sans fond parce qu’originel, que fait nécessairement retour une forme civile du religieux, ce que Rousseau nommait une religion civile qui implique une profession de foi semant le trouble dans la conscience ayant accédé à la liberté de penser, en ce qu’elle semble réintégrer et donc relégitimer ce que précisément elle combat : la non pensée, la croyance. Mais cette profession de foi est d’une autre nature, d’une nature irréligieuse et civile. « Il y a donc une profession de foi purement civile dont il appartient au souverain de fixer les articles, non pas précisément comme dogmes de religion, mais comme sentiments de sociabilité sans lesquels il est impossible d'être bon citoyen ni sujet fidèle. Sans pouvoir obliger personne à les croire, il peut bannir de l'État quiconque ne les croit pas ; il peut le bannir, non comme impie, mais comme insociable, comme incapable d'aimer sincèrement les lois, la justice, et d'immoler au besoin sa vie à son devoir. Que si quelqu'un, après avoir reconnu publiquement ces mêmes dogmes, se conduit comme ne les croyant pas, qu'il soit puni de mort ; il a commis le plus grand des crimes, il a menti devant les lois27. »

L’humanité selon la perspective rationnelle des Droits de l’Homme fondée en nature, pourrait accéder enfin à la conscience commune et universelle de ce qu’elle a toujours été dans son essence, dont elle prend enfin la pleine mesure au point de se le déclarer à elle-même et au monde, solennellement. La lecture rétrospective de son histoire, à la faveur d’un certain mouvement rétrograde du vrai, désormais inévitable, nous donne alors à voir le passé comme existant sous l’emprise de pratiques sociales et de systèmes politiques ne respectant pas dans leur constitution les vrais principes qui nous sont maintenant connus. « C’est que cette exigence provient de l’émancipation par laquelle l’homme se libère de l’obligation normative de la vérité chrétienne révélée et du dogme de l’Église, en vue d’une législation reposant sur elle-même et pour elle-même. Par cette libération, l’essence de la liberté, c’est-à-dire être maintenu dans les liens d’une obligation, est posée de façon renouvelée28. » Tout au plus le passé est-il alors justifié dans sa ca­pacité à se nier progressivement au profit de ce dont il est l’ébauche à venir : les Droits de l’Homme. Tout ce qui fut n’est alors reconnu comme nécessaire, que pour autant que c’est destiné à disparaître et à se dissoudre dans la vérité qui peu à peu se révèle dans l’histoire, à l’occasion de ses multiples soubresauts et péripéties.

Cette conception des Droits de l’Homme est intimement imprégnée du schème historique hégélien ou comtien d’un progrès du genre humain, d’une maturation progressive de la société et de l’humanité, la menant vers l’accomplissement de la Raison, vers le stade positif, et assurant son humanisation grandissante. Sans théorie du progrès, et sans foi non pas religieuse mais civile en celui-ci, donc sans dogme évolutionniste de l’humaine condition, pas de théorie possible des Droits de l’Homme. Il faut bien, en effet, que de tels droits s’énoncent comme floraisons naturelles de l’histoire universelle, comme actualités et valeurs nécessaires et universelles. C'est notre illusion vitale ; et ces droits ne peuvent être reconnus tels, et décrétés tels que s’ils sont le résultat d’une découverte, et la conséquence d’un vaste processus de maturation de la nature même de l’humanité, se réalisant en soi-même, et non pas le produit particulier d’une invention humaine arbitraire.

Force nous est de reconnaître que le caractère conventionnaliste pur des Droits de l’Homme, leur dimension contractuelle et volontariste totale ne peut être véritablement soutenue, au risque d’engendrer une contestation radicale du caractère absolu de leurs fondements. Encore une fois, dans l’histoire des institutions humaines, l’histoire nous a appris que seul ce qui se présente comme ayant une existence en soi-même, par nature, indépendamment de la convention et de la décision des hommes, de leurs intérêts particuliers, de leurs désirs ou de leurs volontés, peut prétendre échapper à l’accusation d’arbitraire ou de facticité radicale. Une théorie du contrat n’est pas non plus suffisante, si l’on ne fonde pas le pacte, si l’on ne le légitime pas en le liant à une exigence externe qui le suscite, nécessité naturaliste par laquelle sont enfin dissipées les critiques relativistes issues de positions relevant d’un conventionnalisme pur.

Si les Droits de l’Homme se disaient être seulement décrétés par les hommes sans référence aucune à une quelconque nature de l’homme posée en soi-même, sans référence aucune à un processus historique téléologisé et même eschatologisé, si l’homme était nouvellement déclaré mesure de toute chose, à la manière des sophistes ou de Nietzsche29alors, rien ne ferait plus obstacle à ce que l’on oppose à une telle conception de l’homme conventionnellement constituée, une autre conception de l’homme, tirée d’autres principes également conventionnels, ou à l’inverse prétendument fondée en une loi divine, en un décret divin absolu, et donc tout autant justifiés et légitimes.

C’est ce relativisme des valeurs, ce nihilisme, qui est le grand péril de nos sociétés qui, devenues de plus en plus séculières et pragmatiques rencontrent ce faisant sur leur route un péril plus grand encore venu d’un lointain passé, qui est comme leur reflet inversé : le péril de la certitude absolue, le droit divin de l’absolutisme des valeurs divines faisant retour. Nous retrouvons bien l’ancien débat qui opposait déjà Platon aux sophistes, reformulé et résurgent en termes modernes, et pourtant dépassé et résolu autrefois par Rousseau : si la loi est conventionnelle et humaine, si, n’étant pas absolue, elle peut être changée, alors modifions-la en fonction de nos intérêts particuliers, de manière à ce que le plus fort l’emporte sur le plus faible. Telle est la position cynique des sophistes, du Calliclès de Platon. À l’inverse, la politique authentique doit, selon Platon et bien plus tard Rousseau être vertueuse, édicter les Lois dans l’intérêt non de quelques-uns, mais de la Cité tout entière en vue de ce que Platon nomme le Bien, Agathos, dont la possession procure le bonheur Eudaimonia.

Selon un raisonnement analogue, les Droits de l’Homme ne peuvent donc être universellement reconnus dans leur vérité, et jouir d’un réel crédit aux yeux du genre humain qu’à la condition expresse de se poser comme non-inventés par l’homme, mais comme seulement découverts par lui, comme existant potentiellement dans l’humaine nature, de toute éternité, mais n’ayant pu se révéler qu’à l’occasion de l’accès de l’humanité à une époque de Lumières, qui est comme une Vérité révélée nouvelle, éclairant d’un nouveau jour la réalité de l’humaine nature et du lien social, révélant enfin l’humanité à elle-même.

La différence entre cette révélation civile et la révélation religieuse classique, réside en ce que cette révélation se fait à la Raison et non à la Foi, et que concernant le genre humain, elle est universelle et cosmopolite et non pas ethnocentrée. Ici se fait jour une distinction déjà mise en place par Rousseau entre une bonne et une mauvaise religion. Cette mauvaise religion « est mauvaise en ce qu’étant fondée sur l’erreur et le mensonge elle trompe les hommes, les rend crédules, superstitieux, et noie le vrai culte de la divinité dans un vain cérémonial. Elle est mauvaise encore quand, devenant exclusive et tyrannique, elle rend un peuple sanguinaire et intolérant ; en sorte qu’il ne respire que meurtre et massacre, et croit faire une action sainte en tuant quiconque n’admet pas ses Dieux30. » C’est là ce que Rousseau nomme « le droit divin civil », religion aussi condamnable à ses yeux que celle qu’il nomme « la religion du prêtre », tel le christianisme, qui « donnant aux hommes deux législations, deux chefs, deux patries, les soumet à des devoirs contradictoires et les empêche les hommes d’être à la fois dévots et citoyens. »

L’humanité qui décrète, qui déclare les Droits de l’Homme, doit en même temps affirmer que ce décret n’en est pas un, n’est pas un acte créatif, mais seulement consti­tuant, qu’il est le simple énoncé de principes éternels et absolus, d’une certaine façon révélés, et qui révèlent en retour leur nécessité dans l’actualité de leur déclaration. Mais le fondement qui réside en un décret, doit alors être caché au peuple, au profit de la fondation en nature, par où se retrouve l’esprit même de Machiavel, du mensonge utile par volonté éthique, et la science cachée du Prince possédant la virtu. Il s’agit d’un mensonge éthique utile au maintien de la cohésion sociale. « Que les chefs d'une république ou d'une monarchie maintiennent donc les fondements de la religion nationale. En suivant cette conduite, il leur sera facile d'entretenir dans l’État les sentiments religieux, l'union et les bonnes mœurs. Ils doivent en outre favoriser et accroître tout ce qui pourrait propager ces sentiments, fût-il même question de ce qu'ils regarderaient comme une erreur. Plus à cet égard, leurs lumières sont étendues, plus ils sont instruits dans la science de la nature, plus ils doivent en agir ainsi31. »

Si les Droits de l’Homme veulent exister et perdurer ils doivent donc prendre la nature d’une religion. On décrète qu’ils existent dans l’exacte mesure où on ne les a pas inventés, mais reçus. Ils sont seulement formulés, et ils procèdent en quelque sorte, fondamentalement d’une révélation, analogue à celle qui frappa Moïse sur le Mont Sinaï, et qui donna naissance, elle aussi, à une seconde révélation en forme de communication publique, celle de ces fameuses Tables de la Loi, au peuple à qui elles étaient destinées de toute éternité. Mais ne s’agit plus ici, avec les Droits de l’Homme, de révélation à un peuple élu, mais à l’Humanité tout entière. À cet égard, les Droits de l’Homme manifestent donc leur essence religieuse, et s’ils ont quelque point de similarité avec le fameux Contrat ou Pacte Social de Rousseau, c’est en ceci que l’origine doit s’en effacer au profit de l’absolue nécessité du fondement. L’homme en réalité n’y est pour rien, ni les volontés particulières, mais seulement la Volonté Générale, manifestement de nature métaphysique, et source religieuse moderne du politique et du social, composante et émanation de cette fameuse religion civile dont traite Rousseau, qui seule est à même de fonder le véritable lien social et la juste politique.

Les Droits de l’Homme, comme le véritable Contrat so­cial, comme l’Arche d’Alliance, commencent certes à exister comme événement social à un certain moment, mais ce qui compte c’est qu’ils ont toujours nécessairement déjà existé, co-extensivement à la vie sociale, même si empiriquement leur décret est factuel. Ce sont là des choses qui existent d’abord et essentiellement en principe. Un principe est par définition ce qui existe au commencement transtemporel absolu, et donc se situe au fondement, même si sa découverte n’est que tardive dans l’histoire et ne surgit empiriquement et historiquement qu’après coup. Sa découverte empirique à un certain moment de l’histoire de l’Humanité ne permet pas de mettre en doute le fait qu’il existait depuis le commencement, de mettre en doute son existence en tant qu’Absolu éternel.

La Loi est donc éternelle ou n’est pas ; le Pacte fondamental est transhistorique ou n’est pas ; c’est ce que Rousseau a contribué à inscrire dans la Modernité. C’est aussi ce que Hegel rappelle : « Le vrai est le devenir de soi-même, le cercle qui présuppose et a au commencement sa propre fin comme son but, et qui est effectivement réel seulement moyennant son actualisation développée et moyennant sa fin32. » Les Droits de l’Homme, en tant qu’ils sont l’ultime modèle juridique de l’homme posé dans son universalité, sont en quelque sorte l’ultime figure de l’Absolu, la dernière religion séculière de l’humanité se vénérant elle-même dans son principe en tant que communauté élargie à l’humanité entière ; peut-être même sa dernière illusion vitale, et sa foi. Toute l’histoire de l’humanité devait en arriver précisément là, à ce que Rousseau avait pressenti comme possibilité d’une reli­gion civile universelle. Ce thème a également un profond écho chez Kant, qui reprendra la problématique de Rousseau dans son Projet de paix perpétuelle. Cette idée était donc politiquement et moralement essentielle pour Rousseau, et apparaissait toujours liée, comme elle le sera chez Kant, à l’idée d’un genre humain, d’une humanité saisie dans sa dimension cosmopolitique, enfin unifiée autour de sa propre idée et de ses propres droits désormais connus, révélés et déclarés à la face du monde. Il n’y a en effet de paix perpétuelle envisageable que si se constitue un lien social universel, contractuel et pourtant naturel et sacré, nécessaire et donc indestructible. La seule chose qui puisse constituer ce lien socio-politique universel se nomme religion, mais une religion d’un genre particulier.

Pour finir il convient d’éclairer rétroactivement ce concept de religion déjà exhibé au XVIII° siècle comme réalité séculière, il est utile d’en produire une définition sociologique. Une religion, écrit Durkheim, est « un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c'est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent33. » Nous voyons que la présence d’un ou de plusieurs dieux n’est nullement requise mais seulement la présence d’un sacré collectivement reconnu comme tel et générant des rites, des pratiques collectives adaptées. Il n’est donc pas interdit, ce que révèle déjà l’idée de religion civile de Rousseau, d’envisager une religion sacralisant les droits humains et ritualisant leurs exercices.

Les Droits de l’Homme sont une telle religion civile et laïque de l’humanité, enfin devenue possible parce que la prise de conscience des principes fondamentaux de la nature humaine révèle du même coup les fondements universels du lien social, et permet la conception et l’existence d’une communauté politique. Comment tout ceci pourrait-il avoir quelque valeur si l’on ne croyait pas au progrès de l’esprit humain et du genre humain sur la voie de la moralité ? Il faut avoir confiance dans le résultat final, et comme en toute religion, il convient d’avoir la foi, mais une foi laïque qui lutte non pour la soumission mais pour l’émancipation.

« Maintenant qu'il n'y a plus et qu’il ne peut plus y avoir de religion nationale exclusive, on doit tolérer toutes celles qui tolèrent les autres, autant que leurs dogmes n'ont rien de contraire aux devoirs du citoyen. Mais quiconque ose dire : Hors de l'Église point de salut, doit être chassé de l'État, à moins que l'État ne soit l'Église, et que le prince ne soit le pontife. Un tel dogme n'est bon que dans un gouvernement théocratique ; dans tout autre il est pernicieux34. »

1  Edmond Burke, Reflexions sur la révolution de la France, Slatkine Reprints,Genève, 1980.

2  Edmond Burke, ibidem.

3  Edmond Burke, Reflections on the revolution in France, Works, Londres, 1970.

4  David Hume, Traité de la nature humaine, Aubier Montaigne, Paris, 1973.

5  Guy Haarscher, Philosophie des Droits de l’Homme, éditions de l’Université de Bruxelles, 1987.

6  Frédéric Hegel, Principes de la philosophie du droit, Vrin, Paris, 1975.

7  Joseph de Maistre, Considérations sur la France, J.J Pauvert, Paris, 1957.

8  Louis de Bonald, La législation primitive considérée par les seules lumières

de la raison, A. Leclère, 1829.

9  Joseph de Maistre, ibidem.

10  Frédéric Hegel, Leçons sur la philosophie de l’histoire, Paris, Vrin, 1946.

11  Frédéric Hegel, Principes de la philosophie du droit, Paris, Vrin, 1975.

12  Frédéric Hegel, ibidem.

13  Souvenons-nous de la critique de Marx dans La question juive, et rendons-lui justice, car s’il critique effectivement les Droits de l’Homme, c’est au nom d’une haute idée de l’Homme désaliéné, du Droit, et de la Politique, au nom du progressisme et non pas de la réaction : “Aucun des droits dits de l’homme ne dépasse donc l’homme égoïste, l’homme tel qu’il est comme membre de la société bourgeoise, c’est-à-dire un individu replié sur lui-même, sur son intérêt privé et son plaisir privé, et séparé de la communauté. loin qu’en eux l’homme soit conçu comme un être générique, la vie générique, la société, apparaît aucontraire comme un cadre extérieur aux individus, comme une limitation de leur autonomie primitive. Le seul lien qui les unit, c’est la nécessité naturelle, le besoin et l’intérêt privé, la conservation de leur propriété et de leur personne égoïste.”

Karl Marx, Réflexions sur la question juive, 10/18, Paris, 1968.

14  Jean Rivero. Les libertés publiques, PUF, Paris, 1974.

15  Claude.Lefort, publié dans la revue libre,  n° 7, collection Payot, 1980, page 24. En ce qui concerne cette assimilation, réalisée par Lefort de la thèse marxiste aux thèses ultra-conservatrices de De Maistre et de Bonald, il faut quand même avoir présentes à l’esprit les raisons véritables de la critique effectuée par Marx des Droits de l’Homme : réclamer des Droits de l’Homme, c’est pour lui trop peu demander au regard de la désaliénation nécessaire à son accomplissement, au regard de ce que l’homme doit devenir pour actualiser toute son humanité.

16  Jeremy Bentham, Traité de législation civile et pénale, Trad. fr., 1830.

17  Leo Strauss,  Droit naturel et histoire, Flammarion, Paris, 1986.

18  Leo  Strauss, ibidem.

19 Leo  Strauss, ibidem.

20 Hans Kelsen,  Justice et droit naturel, Paris, PUF, 1975.

21  Hans Kelsen, Théorie pure du droit, Dalloz, Paris, 1962.

22  Hans Kelsen, ibidem.

23 Hans Kelsen, ibidem.

24  Simone Goyard-Fabre, Essai de critique phénomé­nologique du droit, Klincksieck, Paris, 1972.

25  Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, Pléiade, Gallimard, Paris, 1964.

26  Martin Heidegger, Chemin qui ne mènent nulle part, Gallimard, Paris, 1980.

27 Jean-Jacques Rousseau, ibidem.

28  Martin Heidegger, ibidem.

29  « Rien  qui ait tant soit peu de valeur dans le monde présent ne possède cette valeur en soi-même, par nature - la nature n’a jamais de valeur ; cette valeur lui a été donnée, c’est un présent, c’est un cadeau qu’on lui a fait, et ceux qui l’ont fait c’étaient nous. C’est nous qui avons créé le monde qui concerne l’homme. »

Frédéric Nietzsche, Le gai savoir, Gallimard, Paris, 1950.

30 Jean-Jacques Rousseau, ibidem.

31 Nicolas Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live, 10/18, Paris, 1965.

32  Frédéric Hegel, ibidem.

33  Emile Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, PUF, Paris, 1990.

34  Jean-Jacques Rousseau, ibidem.

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