Ce livre tombe au moment juste et demande une réflexion sérieuse. Nous croyons connaître le sujet, les préjugés et même les mécanismes, mais nous sommes loin de bien saisir la profondeur et la dangerosité de la détestation qui alimente l’anti-maçonnisme. Ne pas (re)connaître les argumentations et les peurs de ses ennemis est une des attitudes négligentes qui mènent à nier la réalité de moments de panique et d’irrationalité qui font d’un symptôme le lit d’une grave maladie.
Syndrome presque psychiatrique qui peut devenir un puissant venin et une idéologie mortifère. Le nazisme n’est pas le seul exemple.
L’anti-maçonnisme est une entreprise récurrente et ancienne. C’est un symptôme de la crise morale, politique et économique d’une société à un moment donné. La maçonnerie a été la cible idéale des ennemis de la liberté de conscience, de la démocratie et de la République, sous prétexte de fantasmes idéologiques et de croyances issues de l’obscure pensée philosophique et politique dogmatique.
La croyance « complotiste » est une constante dans l’histoire. Le bouc émissaire aussi. Une telle vision si répandue est le signe de la recherche d’explication a des questions sans réponse qui troublent la société Cela répond à l’adage mécanique : il n’y a pas de fumée sans feu. On sait que les masses anonymes sont avides de visions idéologiques et d’exégèses simples, surtout chez des sujets de mentalité paranoïde, rigide et soupçonneuse, d’autant que les situations d’anomie et de crise sociale rendent la population plus méfiante et crédule. Plus, l’ambiguïté s'installe mieux, les interprétations fantasmagoriques progressent devant le doute et le silence.
La situation est-elle si grave ?
Les franc-maçons sont visés et actuellement ce n’est pas un hasard. Ici et là, nous constatons la résurgence active d'actes et de discours de groupes militants, et même de journalistes qui font profession d’anti-maçonnisme. Le soupçon de complot reste toujours latent et le « secret d’appartenance » est dénoncé. Une poussée de dénonciation de « double appartenance » dans les cas de juges et de hauts fonctionnaires s’est exprimée en Italie, en Angleterre, en Belgique... C’est connu et réitératif que les grands magazines hebdomadaires publient, au moins une fois par an, des reportages sur les obédiences maçonniques et leurs liens mystérieux avec la politique et la finance.
Ainsi, au lieu de hausser les épaules, avec un sourire angélique ou méprisant, l’auteur nous invite à étudier et à réfléchir sur les thèses des cercles qui propagent et colportent l’offensive des bruits sur la puissance occulte et le complot maçonnique.
L’ouvrage de Jiri Pragman a le mérite de passer en revue utilement les « théories anti-maçonniques », si l’on peut accepter le terme dans ce cadre, les bulles religieuses, les « boutiques », les personnalités et les organes de la croisade contre la maçonnerie.
Or, cela suffira-t-il ? Quelle attitude assumer ? Vaut-il mieux communiquer ? Mieux contre-argumenter ? Faut-il séparer le vrai du faux ?
Ce sont des questions que les obédiences, et les maçons eux-mêmes, ne pourront plus continuer à ignorer sans trouver des réponses socialement et politiquement solides.