La vie intellectuelle en France elle demeure, mais d’une faible pérennité. Elle reste, mais déformée car elle n’est plus la même que celle qui était hier, ainsi elle est devenue une sorte de mythologie encore vivante, bien que le pragmatisme et la modernité l’étouffe lentement. La vie intellectuelle persiste et tout se mélange : l’esprit et les bonnes manières, le divertissement et les échanges sur les plateaux de télévision, Ainsi, l’imaginaire et la pétillante légèreté de l’être des intellectuels passe pour une réalité rêvée et vécue. L’exemple récent est Michel Houellebecq, notamment Soumission. Soumission est un roman d'anticipation, de type politique-fiction, paru le 7 janvier 2015 aux éditions Flammarion. Le livre décrit un futur proche en France dans lequel est élu un président de la République issu d'un parti politique musulman en 2022. Le roman faisant polémique se prêt à débat. L'histoire se déroule dans un futur proche : un professeur de littérature parisien spécialiste de Huysmans, sent venir la vacuité et la solitude. Le pays paraît être au bord de la guerre civile comme seule perspective
Le livre décrit un futur proche en France dans lequel est élu un président de la République un leader intelligent et charismatique d'un nouveau parti politiquea ; lequelfut parvenu de justesse à se hisser au second tour de l'élection présidentielle, Mohammed Ben Abbes, président de ce nouveau parti nommé « La Fraternité musulmane », réussit, grâce au soutien au second tour de tous les anciens partis politiques traditionnels face au Front national lui aussi présent au deuxième tour, à être élu. Le décadentisme est présent tout au long du roman, à travers la figure de Huysmans. Une grande polémique se déclenche, éclipsée par les attentats terroristes de novembre 2015. Pourtant quelques écrivains voient dans Soumission une anticipation dans la tradition de 1984 de George Orwell et Le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley.
Un journaliste fait penser à une nouvelle Cassandre littéraire : Houellebecq est quelqu'un pour qui la littérature ne fournit pas des réponses mais excelle à formuler les questions que pose « l'époque » et qui pense avec talent et efficacité,
Le regretté Bernard Maris nie que le livre critique l'islam et conclut par qu’il s’agit d’un magnifique roman. Voire un coup de maître.
Certes, la vie intellectuelle (parisienne) on le voit conserve une certaine fascination pour les anciennes élites littéraires, les salons, les manifestations des arts et des lettres, les sociétés savantes, les cafés légendaires, les beau discours de politiques républicains et aussi traditionalistes. Ce sont les plateaux de télévision qui s’en chargent d’entretenir la légende. Un monde où le génie se manifestait en jeux de langage, en mots d’esprit (parfois sanglants et ridicules) d’une noblesse de robe cultivée, raffinée et mondaine ; plus tard, chez les bourgeois arrivistes et pédants. Ce sont là des lieux et des voix qui ont donné à la conversation sa brillance et sa légèreté et forgé une pensée de chambre. Le déclin de la monarchie a rendu la conversation savante inutile et languide. La bourgeoisie a finalement répandu des clubs de toute sorte regroupant des membres partageant des intérêts communs, sportifs, politiques, économiques, au point que certains ordres maçonniques d’inspiration anglaise ont eux-mêmes adopté le style et la forme de ces clubs dont la mondanité savante reste bien vivante. Il est certain qu’avant la Révolution française les clubs politiques ont joué un rôle dans la diffusion des aspirations et des doléances de leur époque. Ces clubs étaient des échos de l’agora grecque et du forum romain avec la plèbe en moins. Ils ont servi de modèle aux partis politiques dont les échanges via les medias cristallisent les idées du moment et canalisent les réceptions publiques.
L’intellectuel : une mission impossible
La fonction d’intellectuel trouve une mission héroïque chez Victor Hugo lorsqu’il assigne à l’homme de génie un rôle social : « Agrandir les esprits, amoindrir les misères ». Le génie, véritable « phare », grâce à sa pensée supérieure, est celui qui peut apporter la lumière, par sa connaissance et son engagement, et contribuer modestement à l’avènement d’une plus grande justice sociale. Honneur à ceux qui souffrent ! Défense des faibles !
Ainsi, depuis l'affaire Dreyfus, le terme d'intellectuel s’utilise pour désigner quelqu'un qui s'engage dans la sphère publique pour défendre des valeurs. Il fut incarné par Émile Zola, l’écrivain, et Georges Clemenceau, le politique et le journaliste. De cette alliance découlera la notion d’intellectuel engagé qui trouvera chez Sartre un mentor « des mains sales ». L’intellectuel serait une personne qui dispose d'une autorité reposant sur un savoir et une connaissance littéraire,, qui participe et s’engage dans la sphère publique avec ses analyses, et ses points de vue aiguisés pour défendre des valeurs, mais qui n'assume guère de responsabilité directe dans les affaires politiques. Un intellectuel est ainsi un homme de culture, en tant que créateur ou médiateur d’idéologie. Ainsi, Albert Camus, dira : « Notre justification, s’il en est une, est de parler, dans la mesure de nos moyens, pour ceux qui ne peuvent le faire. ». Disons avec lui qu’il ne faudrait pas pour autant attendre de l’intellectuel des solutions toutes faites et de belles leçons morales.
La vérité est fuyante, on le sait, et toujours à conquérir dans sa nudité toute particulière. Autant que la liberté est ambiguë et plus facile à obtenir pour certains que pour d’autres. Seule l’égalité se frotte à la fraternité dans les élans de solidarité. C’est pourquoi l'intellectuel doit rester forcément « engagé » pour la cause de la justice, et doit donc être en rupture avec toutes les institutions jugées oppressives, lesquelles actuellement (y compris les partis politiques) forment le cordon de protection du système oligarchique qui (nous) domine.
Raymond Aron, un autre fin connaisseur du monde philosophique-politico-littéraire, disait de manière équivoque que l'intellectuel est un savant un « spectateur engagé ». Un « créateur d'idées » : Gramsci, le théoricien mal aimé du parti (communiste italien) introduira le concept de l’« intellectuel organique » pour mieux préciser non seulement le statut, mais le rôle et la mission de l’intellectuel en politique. Le socle étant la culture, le pouvoir se gagne par les idées. La lutte des classes, disait Gramsci, doit désormais, inclure une dimension pédagogique.
Pourtant, d’autres parleront de la trahison des intellectuels, qui vont de désengagement en désenchantement, dans les versions contemporains des avatars intellectuels : hommes de science, experts et techniciens, voire technocrates.
Ainsi déjà Julien Benda, au début des années 30, avait reproché aux intellectuels, dans son ouvrage « La Trahison des clercs », le fait que, depuis la guerre, ils aient cessé de jouer leur rôle de gardiens des grandes valeurs (vérité, justice et raison), en les délaissant au profit d’un réalisme politico-pragmatique et attentiste, avec tout ce que cette attitude comporte de concessions, de compromis, voire de compromissions, de lâchetés et d’hypocrisies. Or l’intellectuel, ayant des fonctions hautement morales, à la différence du simple citoyen, se doit d’être une conscience critique au lieu de se contenter d’un engagement stricto sensu.
Ainsi, que reste-t-il de la vie intellectuelle française et de ses polémiques exemplaires ? Certains parleront du silence ahurissant des intellectuels. D’aujourd’hui. Cette question, au demeurant trop ambigüe et glauque, peut bien se transformer en une autre plus concrète et incisive : reste-il des intellectuels au sens classique et politique du terme, aujourd’hui ?
À première vue, la réponse ne peut que se solder par l’affirmative. Or, si les intellectuels sont là pour rompre avec des cadres structurels et idéologiques injustes, qu’ils soient consensuels ou conflictuels, afin d’apporter quelques éléments de réponse au débat politique collectif, la réponse est évidement négative.
L’intellectuel se minimise et le politique s’assujettit au système
Pour aller à l’essentiel : le monde est en mutation, donc comprendre les enjeux devient un enjeu en soi. Cet enjeu est celui de l’intelligence. Or l’intellectuel d’aujourd’hui est réduit à la portion congrue. Les intellectuels sont déconsidérés par les ministères chargés de l’éducation nationale, de la recherche et de la culture, depuis des lustres. Leur statut, source a la fois de reconnaissance et assise de leur autorité, s’est progressivement amoindri. Si bien que certains parlent de déclin culturel. D’autres ne pensent pas d’une manière aussi radicale. Pourtant, le ressenti est réel et généralisé. Les échanges d’idées et la conversation quotidienne semblent le montrer. Sans utiliser volontiers l’argument ad hominem, il suffit d’entendre le Premier ministre, M. Valls, faire usage d’une rhétorique dramatique et cynique pour justifier ses inquiétudes devant la montée du FN, interpeller et apostropher les intellectuels : "Où sont les intellectuels, où sont les grandes consciences de ce pays, les hommes, les femmes de culture, qui doivent monter, eux aussi, au créneau ? » Et, d’une manière paradoxale, il se demande plus pathétiquement : « Où est la gauche ?" (sic)
Curieuses interrogations de M. Valls, à propos de l’absence dans l’arène politique ‘ la sienne ?) de ceux qui depuis fort longtemps sont les oubliés des de la politique et des pouvoirs de la politique. Étrange appel à la rescousse in extremis, lorsque son parti et son pouvoir politique sont acculés par dans les élections.
Faut-il rappeler que la classe politique montre un mépris souverain pour tous ceux qui sont d’une culture générale supérieure. Depuis des lustres, les dirigeants politiques ne s’intéressent plus aux idées pour faire du politique un art de gouvernement, sauf pour manipuler, quand il s’agit de technocrates et/ou de conseilleurs qui proposent des techniques pour faire de la communication et de la propagande. Car la déconnection qu’ils ont de la réalité est directement proportionnelle à la rigidité de leurs comportements et de leurs vues idéologiques. Les politiciens, disait M. Crozier, se croient responsables de tout, il leur faut tout savoir et avoir réponse à tout. Voilà leur mépris des intellectuels. Le silence de ceux-ci est donc une manière de se mettre à l’abri de l’irrationalité du pouvoir et du dédain, surtout quand il est froid et autoritaire.
L’illusion et la déperdition de la politique : le débat de fond est recelé
À ce propos, il faut rappeler que les intellectuels n’ont jamais déclaré comme M. Valls leur amour aux entreprises. Un cri du cœur contrarié. Car le patronat n’aime ni les socialistes ni les intellectuels.
C’est l’état d’esprit d’une époque. L’illusion de l’économique et la déperdition de la politique qui enterrent le débat de fond. Les intellectuels ont raison de s’énerver. La boucle de l’inculture est bouclée. En revanche, les experts en chiffres et en statistiques sont gagnants. La modernité actuelle est le miroir des politiques où les mots se gonflent et perdent tout leur sens.
L’école laïque, dans sa version sociale libérale, est devenue le mot de passe des business schools , justifiant tous les abandons et la paralyse de la réflexion de la gauche. L'obligation de s'adapter s’impose : or si s'adapter, en 1940, c'était collaborer, aujourd’hui s’adapter est une autre forme, plus sibylline, de collaboration avec la « transformation des Lumières en un marché commercial mondialisé ». Faut-il rappeler que la finance, si détestée en 2012 par M. Hollande, n’a pas de patrie et n’a pas de décence, car son unique objectif est le gain, comme disait en subtil connaisseur Napoléon 1er.
Alors où sont les intellectuels ? Si l’ordre politique veut le savoir, c’est une chose simple : même si ils sont devenus des chats échaudés bien craintifs et coincés, il sont confinés (sans habeas corpus) dans leurs vétustes universités, paupérisées, sans moyens, et voués à la course aux projets pour récolter de l'argent afin d’alimenter leurs recherches et leurs étudiants, avec des salaires qu'un assistant au Parlement refuserait de percevoir.
L’Université était jadis, la matrice de la vie intellectuelle. Aujourd’hui ne célèbre pas les idées universalistes. Le délabrement intellectuel de l’Université fait d’elle une énorme et couteux « lycée technique » où la science est un paravent qui caché les affaires. L’enjeu dramatique de l’Université française mérite mieux : sa transformation en simple courroie de transmission des entreprises et le divorce entre les sciences naturelles (dominantes) et les sciences humaines (en désintégration) sont en train de transformer « l’Alma mater » en simple boutique à l’image d’un collège américain.
Par ailleurs, les intellectuels, vrais dépositaires d’une culture scientifique et humaniste, ceux qui ne sont pas à la télé ni en quête de notoriété pour des commissions « scientifiques » européennes, n’ont plus de journaux pour cultiver leurs egos narcissiques sans se plier aux marottes dominantes.
Il suffit de se souvenir et de comparer la quantité, et la qualité, des articles de presse d’hier avec l’actuelle pour y reconnaître une perte de substance. La quantité et la qualité laissent à désirer. Sans oublier que la lecture des journaux n’a jamais consolidé une bonne culture. Pourtant, il y a quelques années, les intellectuels étaient en première ligne et dans les grandes pages des journaux et des magazines. Sans parler des émissions culturelles de la télévision, malgré la déformation de la pensée qu’elle introduit avec le diktat du temps d’antenne et de l’audimat. Et du nombre de signes de la presse écrite.
Tout est fait pour réduire la transmission de la connaissance et rendre une caricature de culture, avec la complicité des pouvoirs, Pire encore : de crétiniser et de diffuser la pensée devenue entre-temps unique.
En politique, le déficit culturel et conceptuel est à son comble. Il suffit d’entendre les interventions des parlementaires dans les séances diffusées par la chaîne parlementaire et les comparer à celles de la Troisième République où l’art oratoire n’avait pas peur de la culture ni de l’échange d’idées.
Rappelons que les contributions universitaires enrichissaient l’information et élargissaient les horizons, en ajoutant du contenu et du sens aux analyses ordinaires. Il n’y avait ni concurrence ni rivalité de sources mais complémentarité.
De même les journaux traitaient les questions de fond des sciences humaines et naturelles en facilitant les débats tout en portant l’information au niveau de la connaissance fondamentale.
La médiocrité des certain(e)s ministres
Il suffit d’une carte de presse et d’un entregent politique pour se hisser sur les plateaux des commentateurs politiques. Certains agitent des cartes de chargés de l’enseignement supérieur pour vendre leur « blablatage ». Des noms ? Sans faire une longue liste ni impliquer toute l’honorable profession, il suffit de mentionner parmi eux : l’infatigable et usé Alain Minc, le pontifiant et prétentieux Pascal Perrineau, l’ineffable Dominique Reynie, qui se lance en politique, toujours à droite, sous les couleurs de l’UMP. Sans oublier le maniable F. Taddei, bien connu par son émission politico-culturelle « Ce soir (ou jamais !) », où se mêlent, dans une sorte de salon mondain et sympathique, des représentants de la société civile (en vue), des artistes, et des vedettes médiatiques de tout bord. En fait, certains intellocrates médiatiques (avant on disait les salonards) se sont transformé en para-journalistes s’adaptant au moule des medias et ses règles : brièveté, superficialité, frivolité, légèreté et inculture vernie.
Enfin, c’est une évidence que la place et la présence des intellectuels d’haute classe est remplacée par des journalistes soit disant spécialisés, et un certain nombre de personnalités soi-disant académiques qui monopolisent le paysage médiatique avec la connivence entretenue des journalistes politiques et des « spin doctors » à la mode, ces technocrates médiatiques mi-crèves-mi- mercenaires.
Toutefois, L'ère des énarques et des conseilleurs de cabinets rend la politique inaudible sans débat ni polémique de fond. La haute intelligentsia a été remplacée par une basse intelligence des techniciens et des intellocrates. Ainsi, il ne reste que les petites phrases assassines ou les mauvaises blagues des bistrots. Et un public de lecteurs et de téléspectateurs qui, de moins en moins intéressé, se réfugie dans d’autres médias, faute de vraie vie intellectuelle.
Dans cette atmosphère d’inculture et d’inconsistance idéologique où certain(e)s ministres déclarent sans complexe qu’ils ne lisent que des rapports et des notes parce qu’ils n’ont pas le temps. Ou d’autres qui se félicitent de légaliser l’utilisation de l’anglais dans les cours universitaires, sous prétexte que les étudiants étrangers seraient ainsi plus attirés par nos universités. Il y a aussi ceux qui confondent Zadig et Voltaire. Sans oublier la gaffe de celui qui se demandait à quoi pouvait bien servir la lecture de La Princesse de Clèves.
Et les partis politiques dans tout cela ?
Les partis politiques se sont transformés eux aussi en agences de communication et de marketing. Sonar d’opinion. Les séances de formation sont un pot-pourri de techniques et de recettes commerciales qui font appel à l’idéologie politique. Il ne s’agit que de proposer des contenus programmatiques prêts à porter. Peu de place aux échanges d’idées donc. L’utilité remplace la qualité. Nuls débats internes où la vie intellectuelle de jadis trouvait un écho. Les militants sont « formatés » selon la propagande ambiante et à partir des fiches des conseillers en communication. Nous sommes ici très loin des anciennes « écoles » de cadres des partis politiques.
Les responsables politiques ne s’occupent pas de nourrir intellectuellement ni leurs militants, ni leurs électeurs, ni eux-mêmes. À quoi bon ? Au point que les colloques ne sont que des vitrines où ils font appel à des vedettes en vogue ou à des professionnels de l’information. Le mépris de la culture et de la pensée nous a rabaissés au niveau zéro de celles-ci. Et les rares personnes qui souhaitent l’améliorer sont marginalisées. Est-ce l’envie à l’encontre des intellectuels ou la peur des idées ? Probablement les deux.
Une telle médiocrité gagne toute la classe politique, les associations et les sociétés dites savantes, et même les obédiences maçonniques.
Rien d’étonnant que les intellectuels soient déçus, découragés, bafoues, réduits à l’impuissance et au silence programmés par les bureaucrates de toujours et les technocrates de service. La vie intellectuelle de la République est morte comme la République des professeurs et des lettres. Les oligarques et leurs sbires politiciens l’on tuée et le pouvoir politique a fait le lit de la misère intellectuelle du politique et de la politique.
Le changement, maintenant ! C’est la petite blague de Hollande !
Nous sommes au contraire en face d’un refoulement dialectique d’ampleur historique, conduisant au renouvellement complet des règles du jeu politique et, en particulier, à une renaissance très originale de l’idée d’imposer le moindre mal au plus grand nombre.
L’histoire occidentale se laisse interpréter classiquement comme une comique dialectique de libération comique. Or, le temps des transgressions vides de sens est venu et nous y sommes. C’est le cas de la petite blague de F. Hollande lorsqu’à la campagne présidentielle de 2012 impose la formule : le changement maintenant ! Les idéologies n’ont plus de culture authentique et sont incapables de produire de l’éthique et de l’espérance. Elles sont des parasites, des sous-cultures qui travaillent à détruire l’essence de la raison et à construire des mythes de la vie intellectuelle. L’épuisement et le silence des intellectuels en politique correspond, dans l’esprit, à un prodigieux retournement de l’opinion. La liberté, l’égalité et la fraternité sont réduites à l’arbitraire et à la volonté de puissance. Confrontée à l’évidence de la transgression cynique et ténébreuse du pouvoir, la nouvelle liberté libérale sait bien qu’il n’y a pas de convergence naturelle des égoïsmes et que la concurrence bien réglée de ces égoïsmes ne saurait assurer ni la paix perpétuelle, ni la prospérité, ni un idéal maximal libéral, c'est-à-dire le plus grand bonheur au plus grand nombre et la démocratie.
En mode de conclusion
En somme, si la vie de l’intellelle est morte, vive l’intellectualité ! La France intellectuelle du futur se prépare dans la nuit. Elle s’appuie sur le rejet méthodique de la liberté nihiliste. Elle fait un retour pensif sur le point de non-retour moderne, celui qui a rendu possible une bifurcation catastrophique. Elle vise ce qu’il aurait fallu inventer jadis pour changer autrement un mode de vie. Elle sent que les torts historiques furent partagés, qu’elle n’a pas, face à son passé, de responsabilité exclusive, et que même les modernes et les post-modernes ont sans doute leurs propres excuses. Une nouvelle intellectualité vise à retrouver enfin ce chemin social qui monte vers la fraternité, sans tomber dans l’idéologie froide de la liberté ou dans les délires de l’utopie. Ainsi, l’avenir se passionnera pour la personne, même l’individu, mais aussi la vie et la société, la raison et la morale, l’amitié et la nature, afin de viser l’Homme, tous les hommes, d’une manière moins abstraite et plus humaine. Sapientia et humanitas, donc.