N°30 / numéro 30 - Avril 2017

Antimodernité, américanophobie et critique de la « civilisation unique »

Stéphane François

Résumé

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La critique de la modernité, en tant à la fois qu’expression de l’exception occidentale de civilisation, du libéralisme et de l’idéologie du progrès1, est devenue fréquente. Des intellectuels aussi différents qu’Ivan Illich, Roland Barthes, Alain Finkielkraut, Régis Debray, Pierre-André Taguieff, Jean-Claude Michéa, ou Marcel Gauchet, pour ne prendre que des exemples français, l’ont formulée chacun à leur façon. Elle s’élève de nos jours de toutes parts. Les Verts remettent en cause le productivisme depuis le milieu des années soixante-dix. Les tenants de la « postmodernité », tels Jean-François Lyotard ou Michel Maffesoli, veulent en finir avec les « grands récits » de légitimation historicistes. Le théoricien communautarien Michael Walzer affirme que le modèle libéral pousse les individus à s’éloigner « continuellement les uns des autres »2. Pour William Pfaff, le progrès est une « idée morte »3. Toutefois, nous ne nous intéresserons dans cet article qu’aux critiques émanant des franges radicales (de gauche comme de droite) de l’échiquier politique, qui associent refus de la modernité et rejet de l’Amérique : en gros les altermondialistes/antimondialistes des deux rives. En outre, il est important de préciser que s’il existe des convergences intellectuelles, il ne s’agit en aucune façon d’appliquer la fameuse stratégie du « fer à cheval », théorisée par les milieux nationalistes-révolutionnaires (l’« extrême gauche de l’extrême droite »4) : il n’y a pas de convergences de personnes. Lorsqu’il y en a, et il en existe, celles-ci ne se font que sur des points précis et momentanés et ne concernent que quelques individus : il n’y a aucune pérennisation, ni mouvement d’ampleur…

Antiprogressisme et anti-occidentalisme

Le rejet de l’idéologie du progrès est concomitant à un rejet de la modernité libérale. Pour le définir, nous utiliserons les démonstrations de deux intellectuels, tous deux sceptiques envers la modernité, Emmanuel Todd et Jean-Claude Michéa. Selon le premier, « Le progrès n’est pas comme le supposaient les philosophes des Lumières, une ascension linéaire, heureuse, facile sur tous les plans. L’arrachement à la vie traditionnelle, aux routines équilibrées de l’analphabétisme, de la haute fécondité et de la forte mortalité, produit dans un premier temps, paradoxalement, presque autant de désorientation et de souffrance que d’espoir et d’enrichissement.5 » Il produit aussi de forts rejets, la critique de la modernité en est une. N’oublions pas, à la suite du second, qu’« il convient de voir dans le libéralisme l’idéologie moderne par excellence »6. En effet, historiquement, la modernisation est le processus de changement des sociétés traditionnelles d’Europe occidentale (puis nord-américaines) enclenché à la fin de la Renaissance qui s’est ensuite répandu dans d’autres sphères civilisationnelles7. Toutefois, nous devons préciser que la notion de progrès, souvent associé au concept de modernité politique, lui est antérieure8.

La critique de la modernité occidentale est couplée, dans les discours qui nous intéressent, aux critiques d’autres concepts nés eux-aussi des Lumières, ou qui lui sont proches : le progrès, le libéralisme, le matérialisme et surtout l’individualisme9. Pour certains des auteurs étudiés dans le présent texte, le libéralisme est vu comme une « maladie dégénérative du monde moderne »10. En effet, ces personnes, tant de gauche que de droite, vont développer une critique encore plus radicale de la modernité et inverser la proposition classique, telle que qu’énoncée en 1886 par Jean-Marie Guyau : le passé n’est plus inférieur au présent et à l’avenir, mais au contraire supérieur à ceux-ci11. Dès lors, la modernité devient dans ces argumentaires une sorte de monstre protéiforme d’où proviennent tous nos maux, bref des « antivaleurs » dont les États-Unis seraient les principaux propagateurs. En effet, des discours américanophobes faisant l’éloge d’un certain conservatisme, voire de l’enracinement, vont apparaître, transcendant les clivages politiques.

De l’extrême droite à l’extrême gauche, il existe une contestation radicale de la modernité. Celle-ci est prise comme le règne de l’individualisme, comme le triomphe du tout économique, comme l’hégémonie de la financiarisation néolibérale, voir comme l’uniformisation, la massification, des pratiques sociales et des habitus de consommation12. Ainsi, Peter Sloterdijk a pu écrire que « Le “dernier homme”, c’est le consommateur mystique, l’utilisateur intégral du monde »13, tandis que le philosophe belge, catholique et maurassien, Marcel de Corte parlait, quant à la société libérale, de « dissociété »14. Enfin, le conservateur russe Vladimir Volkoff voyait dans la démocratie libérale une « dictature du nombre ». Il existe donc une convergence intellectuelle, au nom d’un combat contre les « antivaleurs » occidentales15, c’est-à-dire qui sont concrètement des convergences anti-américaines, entre une certaine droite radicale non-conformiste, communautarienne, antitotalitaire et organique et une gauche, tout aussi radicale, non marxiste, ou postmarxiste, alternative, libertaire et communautariste16. La foi moderne dans le progrès constituait pourtant « le fondement commun à l’idéologie démocratique-capitaliste, où le progrès promettait biens et bien être terrestres, et à l’idéologie communiste, religion de salut terrestre, allant jusqu’à promettre le “paradis socialiste”. […] La modernité était et demeure un complexe civilisationnel animé par un dynamisme optimiste. […] La modernité comportait en son sein l’émancipation individuelle, la sécularisation générale des valeurs, la différenciation du vrai, du beau, du bien.17 » Ces valeurs, comme nous le verrons, sont contestées.

De nombreux sociologues (Elias, Durkheim ou Weber notamment) ont caractérisé l’émergence de la modernité comme un processus de longue durée allant dans le sens d’un individualisme croissant, Weber fustigeant en plus, à la suite de Nietzsche qui l’a influencé, les « Derniers hommes », c’est-à-dire chez lui le capitalisme bourgeois et protestant, à la « carapace dure comme de l’acier » et aux velléités d’uniformisation et de nivellement de la culture18. En outre, « Ce qui définit intrinsèquement la modernité, écrit Alain Renaut, c’est sans doute la manière dont l’être humain s’y trouve conçu et affirmé comme la source de ses représentations et de ses actes, comme leur fondement (subjectum, sujet) ou comme leur auteur : l’homme de l’humanisme est celui qui n’entend plus recevoir ses normes et ses lois ni de la nature des choses, ni de Dieu, mais qui prétend les fonder lui-même à partir de sa raison et de sa volonté.19 »

Ce refus de la modernité a été analysé par Pierre-André Taguieff : « Depuis le début des années soixante-dix, les critiques de la vision progressiste se sont à la fois additionnées et radicalisées. Elles se sont aussi relativement dépolitisées. Les mises en question et les désillusions ont fait place à une démonisation du progrès, réduit d’une part – en tant que vision idéologique – à une utopie intrinsèquement négative, dénoncé d’autre part – en tant que progrès technique – comme un principe réel de destruction de l’humain dans l’homme.20 » Elle a été aussi très bien analysée par Marc Angenot21 et par Antoine Compagnon22. Dans La Parole pamphlétaire de Marc Angenot, nous apprenons que le pamphlétaire, dans son refus global du monde dans lequel il vit, fait de la modernité le synonyme de la dégradation perverse.Nous considérerons le refus du monde moderne comme une vision du monde, une Weltanschauung antimoderne, comme une cosmologie23, qui durant longtemps s’est exprimée au travers de la création littéraire24, tel Charles Baudelaire fustigeant « ce fanal obscur, invention du philosophisme actuel »25, et critiquant le progressisme et la démocratie dans sa préface à la seconde édition des Fleurs du mal. La modernité devient dans ce type de discours l’antivaleur absolue… Cette idée se retrouvera chez tous les auteurs ou courants de pensée étudiées ici.

Gauche et droite

Une partie des milieux qui nous intéressent se classe dans ce que Stéphane Rials appelle la « droite essentielle », cette dernière pouvant s’identifier partiellement avec la droite légitimiste de René Rémond. Défendant un aspect spirituel et des valeurs contre-révolutionnaires, cette droite développe une radicalité antimoderne et antihumaniste, condamnant les « antivaleurs » modernes. Une référence importante de celle-ci, l’historien allemand Ernst Nolte n’hésite d’ailleurs pas à associer les deux conflits mondiaux, qu’il appelle la « guerre civile européenne », aux Lumières26. L’autre partie est issue de la gauche radicale européenne, voire occidentale. Elle-aussi développe une radicalité antimoderne, une condamnation de la perte des « valeurs », une forme de spiritualisme, ainsi qu’un éloge des communautés enracinées. Cette « gauche réactionnaire », pour reprendre l’excellente expression du politologue Marc Crapez27, si elle ne plonge pas ses racines dans un passé contre-révolutionnaire, n’en a pas moins conceptualisé une vision du monde antimoderne, qui rejoint paradoxalement les discours contre-révolutionnaires. De fait, ces milieux ont élaboré de « grands récits militants », pour reprendre le concept de Marc Angenot, se caractérisant à la fois par des schémas argumentatifs complexes et par des « coupures cognitives », en l’occurrence antimodernes et antioccidentales.

Si les milieux d’extrême gauche et ceux d’extrême droite étudiés dans cet article sont éloignés et s’opposent, il n’en existe pas moins des lieux de convergence aux marges, qui sont parfois contagieux et créateurs de porosités doctrinales. L’anti-américanisme28, que nous appelons dans cet article l’« américanophobie », en est un. Cette dernière, serait, selon Michel Winock, l’expression d’une nostalgie d’une société close refermée sur elle-même29. En effet, des discours américanophobes faisant l’éloge d’un certain conservatisme, voire de l’enracinement, vont apparaître, transcendant les clivages politiques. Toutefois, nous devons garder à l’esprit que ces milieux, d’extrême gauche et d’extrême droite, s’ils peuvent communiquer, restent quand même des ensembles distincts ayant des différences, voire des divergences importantes tant textuelles que génériques. Les convergences de personnes des deux bords sont, en fait, éphémères et fondées sur des points précis, comme l’antisionisme ou l’anticapitalisme néolibéral.

Les milieux analysés, tant de gauche que de droite sont donc hostiles au matérialisme, au capitalisme, à l’uniformisation du monde et à la mondialisation30, qui s’incarneraient selon eux dans le modèle américain. Celui-ci viserait à universaliser le primat absolu de la société marchande et de l’égalitarisme individualiste. Certains, dans les milieux de gauche de l’après-guerre, mais cela va être aussi postulé par une frange de la droite radicale, iront même jusqu’à affirmer que la diffusion de l’American way of life est une conquête culturelle délibérée : en imposant leur culture, les États-Unis imposent implicitement sa vision du monde. En outre, selon l’historien marxiste Eric Hobsbawm, le capitalisme mondialisé mettrait en danger le terreau culturel sur lequel les civilisations et les démocraties se sont épanouies : les valeurs de transmission, de solidarité, le lien social, etc., un discours très largement repris par les milieux étudiés, tant de gauche que de droite. Transcendant les clivages politiques, les discours américanophobes se développent, opposant à l’hégémonie américaine l’éloge d’un « conservatisme des valeurs », voire l’éloge d’un l’enracinement, comme le régionalisme ou le localisme. De l’extrême gauche à l’extrême droite, il existe en effet une contestation des États-Unis, de ses valeurs, de son mode de vie et de sa politique étrangère, hérités de la mentalité puritaine et de la philosophie des Lumière, foncièrement hostile, selon eux, à l’Europe31.

Dans ces discours, les États-Unis sont à la fois une puissance impérialiste et un vecteur d’acculturation des populations. Surtout, ils présentent aussi le libéralisme comme une idéologie qui repose exclusivement sur la liberté, qu’elle soit économique ou politique32, une liberté qui met en péril les modèles holistes33 des sociétés traditionnelles. Cette modernité est placée sous le signe de la nourriture et de la digestion, pour reprendre le mot de Nietzsche34 : un monde vide de sens, bassement matérialiste et dont le symbole est les États-Unis.

Les milieux étudiés proposent au contraire une défense du local et des différences contre la « macdonaldisation » du monde35, voire contre la « coca-colanisation ». Cette vision du monde se manifeste surtout chez les décroissants, et chez les localistes de l’extrême droite (Nouvelle Droite et Identitaires), dont la doctrine est un ensemble d’idées soutenues par certains mouvements antiproductivistes, anticonsuméristes et écologistes radicaux. Chez eux, et à la suite d’Ivan Illich, le XXe siècle, marqué par le modèle de développement économique américain devient le siècle du gaspillage. De fait, les milieux de la droite radicale et ceux de l’altermondialisme développent des thèses très proche, voire similaire, en ce qui concerne la critique des États-Unis.

Éloges des communautés

Ces milieux ont été influencés dans les années quatre-vingt par les théoriciens de la pensée communautarienne, en particulier par Charles Taylor et Michael Sandel, ainsi que par des sociologues iconoclastes comme Christopher Lasch. La communauté défendue par les communautariens est l’une des formes possibles de dépassement d’une modernité finissante, le modèle communautarien se situant dans une perspective holiste. Les thèses communautariennes permettraient de formuler des réponses à la dissolution du lien social, caractéristique, selon Sandel et Taylor, de notre époque individualiste. Selon ses défenseurs, la pensée communautarienne offre aussi aux personnes qui le souhaitent de ne pas se couper de leurs racines, de maintenir vivantes leurs structures de vie collective, et de ne pas avoir à payer leur respect d’une nécessaire loi commune de l’abandon de la culture qui leur est propre. Elle permettrait donc d’arrêter la dissolution du lien social, caractéristique, selon Sandel et Taylor, de notre époque individualiste. Le concept de « communautarisme » renvoie aux États-Unis à une définition différente de celle utilisée en France. Il évoque là-bas aussi bien la communauté politique au sens général que les communautés culturelles, religieuses, ethniques qui regroupent des personnes interdépendantes socialement et qui peuvent être englobées dans la première36.

Il y a donc un intérêt très fort pour des formes de communautarisme antimoderne, sous l’influence de Michael Sandel. Toutefois, les thèses communautariennes, formulées à gauche, intéressent d’autant plus les antimodernistes de droite qu’elles ont une filiation idéologique avec les anti-Lumières : selon Philip Pettit, « L’apport décisif du mouvement anti-Lumières est d’avoir fourni des raisons de penser les individus comme dépendant de leurs relations sociales, et d’avoir posé cette dépendance comme la condition nécessaire à l’apparition de ce qui les caractérise comme humains »37. La pensée communautarienne peut donc être utilisée comme refus de l’individualisme, très prégnant dans l’extrême droite anti-américaine. Ainsi, Alain de Benoist définit l’individualisme, qu’il appelle aussi atomisme, de la façon suivante : « sujet désengagé, indépendant par rapport à ses semblables, car censé trouver en lui-même ses raisons d’être essentielles […] »38, au grand désespoir et rejet de l’auteur du propos.

Il existe donc une convergence intellectuelle entre une droite radicale non-conformiste, communautarienne, antitotalitaire et organique et une gauche non marxiste, ou postmarxiste, alternative, libertaire et communautariste, tout aussi radicale. Ce rapprochement réel est particulièrement frappant, à la fin de cette décennie, entre Alain de Benoist39 et l’équipe de la revue Telos, héritière de Jürgen Habermas et de l’École de Francfort, surtout avec son directeur, Paul Piccone. Cet intérêt pour la pensée communautarienne, ainsi que l’évolution de de Benoist au début des années quatre-vingt vers un certain tiers-mondisme40, vont permettre un rapprochement avec la Nouvelle Gauche américaine41. Lors de la présentation du numéro de Telos consacré à la Nouvelle Droite, Paul Piccone écrit que « Loin de constituer un danger public, comme le proclament les Vigilants, la Nouvelle Droite française, malgré son opposition parfois obsessionnelle à toute forme d’égalité administrativement imposée (qui constitue peut-être son seul lien avec la vieille droite), a apporté une contribution appréciable à une époque où les idées nouvelles tardent à surgir. Comme telle, elle mérite une discussion sérieuse, plutôt que la censure d’une poignée d’apparatchiks autolégitimés, incapables de défendre leurs propres positions avec des arguments rationnels.42 » Ce qui n’empêche pas la revue d’être extrêmement critique vis-à-vis de celle-ci.

Cette méfiance disparaîtra au fur et à mesure que des relations d’amitiés se noueront entre les responsables de la revue (Piccone, Ulmen, Adler) et Alain de Benoist. Cette convergence avec l’équipe de Telos est motivée, selon Franck Adler par le fait suivant : « Pour l’un comme pour l’autre, la distinction entre la droite et la gauche avait progressivement perdu de son importance en matière d’interprétation de la réalité et de choix de nos objets d’étude, notamment pour ce qui a trait aux “vieilles” et classique gauche et droite qui rabâchent des slogans archaïques et ne se sentent assurées qu’à l’abri d’un dogmatisme idéologique. Telos s’est toujours distingué par une critique implacable du conformisme de la pensée et par son combat en faveur du particularisme contre l’universalisme oppressif de la société industrielle avancée (l’“unidimensionalité” selon l’expression de Marcuse), critique synthétisée par mon ami Paul Piccone comme une guerre menée au nom de certains principes contre les trois fléaux du monde moderne : l’homogénéisation, la crétinisation et la macdonaldisation. Il est très vite apparu que cette position était partagée par Alain de Benoist, même s’il la développait et l’exprimait autrement. Il s’agissait pour lui de défendre la “différence” plutôt que la “particularité”. Il y avait là néanmoins un élément de convergence qui n’était pas totalement dû au hasard, car nous avions l’un comme l’autre, séparément, été influencés par un groupe éclectique de penseurs parmi lesquels Gramsci, L’École de Francfort, Carl Schmitt, Max Weber, Nietzsche et Gadamer, pour n’en citer que quelques-uns.43 »

Cette convergence intellectuelle va entrainer une suite de publications de textes d’Alain de Benoist dans Telos. Ainsi, cette revue universitaire publiera à compter de 1994 et jusqu’en 2010 12 articles d’Alain de Benoist44. L’analyse du choix de ces articles montre deux choses. La première porte sur la nature de ceux-ci : ce sont les articles les plus « gauchisants » de de Benoist qui sont repris par Telos, traitant de l’antimondialisation, de la décroissance, de la critique d’Hayek, du racisme, du 11 septembre, etc. La seconde porte sur la forme de ceux-ci : ce sont les articles de type universitaires qui sont choisis. Parmi les textes traduits et publiés, nous trouvons aussi les articles d’Alain de Benoist sur la comparaison entre le nazisme et le communisme45, sur Carl Schmitt, ainsi que le Manifeste du GRECE, dans le numéro du printemps 1999. Comme nous l’avons dit précédemment, cette convergence est due à un jeu de références intellectuelles communes aux différents milieux étudiés et liée à un phénomène de génération.

Ce jeu de références communes ont permis, par exemple, le rapprochement éphémère entre Alain de Benoist, animateur de la Nouvelle Droite, structure importante de la droite radicale anti-américaine, régionaliste et communautarienne, et des structures de gauche, notamment avec les animateurs du Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales, le MAUSS. Il sera facilité en outre par une similitude thématique : anti-universaliste, anti-économisme, tiers-mondisme, écologisme radical, décroissance, localisme46. Alain de Benoist entamera ainsi un dialogue avec les animateurs du MAUSS, notamment avec Alain Caillé, son secrétaire général. Toutefois, Alain Caillé le rompra, à la suite de tentatives de récupérations du MAUSS par les proches d’Alain de Benoist. En effet, dans une lettre ouverte à ce dernier, non datée malheureusement, publiée sur le site de la Revue du MAUSS47, il condamne la tentative d’Alain de Benoist de se faire passer pour un membre de cette structure, comme ce dernier le fit dans l’édition de 1992-93 du Who’s Who in France48. Malgré tout, la droite radicale anti-américaine et antilibérale proche de de Benoist va intégrer dans ses références intellectuelles, durant les années quatre-vingt, les principaux théoriciens du MAUSS, Alain Caillé et Serge Latouche.

Un combat anti-impérialiste

Dernière convergence intellectuelle entre les milieux gauche et de droite : le combat anti-impérialiste, « impérialisme » étant à prendre dans le sens de l’impérialisme américain se présentant comme le « pays du Bien » et de la « guerre juste ». Selon Emmanuel Todd, les États-Unis sont devenus un problème49. Ces personnes condamnent aussi la tendance qu’ont les États-Unis de se présenter comme une nation élue, à mettre en avant leur destinée manifeste, cherchant à guider le monde sur le chemin du Bien50.

Les points de rapprochement idéologique, parfois concrétisés par des rapprochements de personnes, ont été facilités par la dernière guerre contre l’Irak, et la mise sous contrôle américain du pétrole irakien. En effet, les différents milieux étudiés dans ce texte voient dans la guerre de l’Irak, non pas une volonté de libérer le pays du dictateur Saddam Hussein, mais une volonté délibérée d’impérialisme politique et économique51. Et de fait, selon William Pfaff, à la faveur de la mondialisation née de la chute de l’URSS, « les États-Unis ont mobilisé leur immense pouvoir politique et économique pour déréguler l’économie internationale, ouvrir toutes les économies étrangères aux investissements américains, procurer à leurs entreprises l’accès à tous les marchés, à toutes les sources de matières premières et à tous les bassins de main d’œuvre, afin d’assurer l’expansion d’un libre-échange généralisé fonctionnant selon des règles essentiellement américaines et au profit des intérêts américains.52 » Emmanuel Todd ne dit pas autre chose : « ils apparaissent de plus en plus comme un facteur de désordre international, entretenant là où ils le peuvent, l’incertitude et le conflit »53. L’un des moyens d’expression de cette politique économique serait la volonté de la part des Américains d’imposer les politiques économiques néolibérales, nées et/ou conceptualisés dans ce pays, en particulier par les économistes de l’École de Chicago comme Nozick ou Friedman, voire par l’Autrichien devenu Britannique Hayek.

Selon les milieux étudiés, le 11 septembre 2001 sera providentiel : les attentats offriront un prétexte à l’application de cette politique étrangère. Ce combat se confond donc aussi avec celui contre le néocolonialisme occidental, une antienne de l’extrême gauche depuis plus de soixante ans. Cette vision de la politique américaine a été facilitée par la politique étrangère agressive de l’administration Bush. Celle-ci serait une illustration brutale de l’impérialisme étatsunien. Cette idée est renforcée par le fait que les néoconservateurs américains (Robert Kaplan, Charles Krauthammer, Max Boot, etc.) ont écrit et répété que les États-Unis, jouissant d’une puissance sans pareil, doivent user et abuser sans complexe de leur force pour réorganiser le monde à leur guise, seuls ou avec des coalitions de circonstances. Pour cela, les États-Unis doivent s’émanciper de la tutelle des organisations multinationales. Selon Ignacio Ramonet, les Nations Unies, jusqu’ici garantes de la sécurité collective, sont marginalisé ou réduites à une chambre d’enregistrement américaine54. Bref, selon nos milieux, les États-Unis tenteraient d’imposer un nouvel unilatéralisme, l’URSS ayant disparu. Ainsi, le souverainiste Pierre-Marie Gallois, qui est passé depuis par le Rassemblement Bleu Marine, affirme que « Devenue la capitale de la seule superpuissance après le démantèlement de l’URSS, Washington s’est rendu compte que les organismes internationaux pouvaient être des obstacles à une bonne politique américaine lorsqu’ils ne lui étaient pas totalement asservis.55 » Par conséquent, selon eux, il faudrait sortir du piège américain. Pour cela, ils cherchent des figures tutélaires, des contre-modèles...

L’un de leur héraut, dans cette volonté de sortir du piège américain, est le chef de l’État vénézuélien Hugo Chavez. Bête noir de la politique étrangère américaine, il était perçu comme la figure de proue du combat contre l’impérialisme américain. Chavez était une figure importante car elle transcendait les clivages politiques : il était vu par nos différents publics à la fois comme un nationaliste et un révolutionnaire. Une idée qu’il avait lui-même contribué à diffuser dans un entretien publié en France par les éditions du Temps des cerises56. Nos auteurs s’intéressaient d’autant plus à Chavez que son projet de réactivation du bolivarisme offrait une alternative d’intégration continentale, grâce à ses réserves pétrolières. Un autre est le président bolivien Evo Morales. Ces deux présidents, mais surtout Chavez, réactivent le combat anti-impérialiste de naguère57 : Chavez était parfois vu comme un nouveau Sandino58. Pour les anti-impérialistes d’extrême droite, Chavez et Morales sont des acteurs du réveil identitaires des peuples indigènes, se rebellant à la macdonaldisation forcée et imposée par les États-Unis. En effet, à l’extrême droite, il est à la fois encensé par Alain Soral et son association Égalité & Réconciliation ; par Jean-Claude Martinez, alors au Front national, qui cherchait un rapprochement avec le leader vénézuélien ; par la Nouvelle Droite d’Alain de Benoist, pour son anti-américanisme et son populisme ; par le nationaliste-révolutionnaire Christian Bouchet (proche d’Égalité & Réconciliation et membre du Front national) ; ou enfin par l’humoriste Dieudonné. Tous souhaitent voir apparaître en France un « Chavez français ».

Ce refus de l’hégémonie américaine se manifeste aussi par un rejet des droits de l’homme. En effet, ces milieux ont élaboré une critique originale des droits de l’homme, afférente à leur refus de l’Amérique. Elle est née du rejet ceux-ci conceptualisés par les gauches radicales post-soixante-huitardes. Cette contestation de la valeur des droits de l’homme est en outre corrélative d’un refus de l’individualisme des sociétés libérales, en particulier de l’American way of life. Enfin, elle est perçue comme un instrument de domination de l’Occident blanc, mais surtout des États-Unis, sur les différents peuples… Cette critique est ancienne : ainsi Carl Schmitt, l’une des grandes références de ces milieux de gauche comme de droite, a pu écrire que « Les droits fondamentaux au sens propre ne sont que les droits libéraux de l’homme comme personne individuelle59. » De fait, les droits de l’homme sont liés à la fois à une reconnaissance de l’individu en tant qu’entité autonome et à l’universalisme uniformisateur, qui s’impose de façon hégémonique, indépendamment de la culture, de l’histoire et du contexte dans lequel il s’impose. C’est ce côté abstrait de l’universalisme qui est violemment critiqué. Ainsi, cette domination permet à Marcel Gauchet d’écrire que « Le sacre des droits de l’homme est à coup sûr le fait idéologique majeur de nos vingt dernières années60. » Les droits de l’homme vont aussi à l’encontre d’un monde multipolaire, d’un monde défendant le relativisme culturel cher à Lévi-Strauss ou à Jaulin. Ces milieux, à l’instar de Gauchet ou de Régis Debray, postulent aussi que les droits de l’homme sont devenus une idéologie à part entière, le « droit-de-l’hommisme », ayant acquis le statut de religion moderne61. En effet, Gauchet et Debray analysent les droits de l’homme comme la dernière religion séculière, Debray n’hésitant pas à parler à ce sujet d’« âme d’un monde sans âme »62. Toutefois, se sont les « droit-de-l’hommismes » qui sont ciblés par Marcel Gauchet : « les droits de l’homme ne font pas une politique » selon sa célèbre formule63.

Les milieux étudiés constatent enfin l’extrême fragilité de ses fondements64. La centaine d’intellectuels consultés avant l’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’homme, proclamée par l’ONU en 1948, n’a pas réussi pas à s’entendre sur la définition et le contenu de la Déclaration. Enfin, à la suite de Claude Lévi-Strauss65 et de Robert Jaulin66, ils mettent en avant la contradiction/opposition entre les droits de l’homme (unité du genre humain) et les droits des peuples (reconnaissance de la diversité des cultures). Les milieux de droite, en défendant la diversité des cultures, la différence, contre l’uniformisation occidentale, c’est-à-dire le modèle américain de développement, l’universalisme, rejoignent encore une fois l’extrême gauche différentialiste, influencée, elle-aussi par les deux anthropologues. En effet, selon ceux-ci, l’idéologie des droits de l’homme, universaliste, ne serait qu’un facteur d’acculturation et de domination, l’Occident s’érigeant en juge moral du genre humain. Dans les années soixante-dix, les droits de l’homme ont été utilisés comme une arme contre le bloc soviétique. À la suite de la Chute du mur, en 1989, les droits de l’homme ont été, écrivent-ils, utilisés contre les États qui s’opposent à la volonté messianique et hégémonique des États-Unis. Nos milieux, approfondissant cette analyse, concluent que l’utilisation des droits de l’homme par l’Occident n’est qu’un moyen d’affirmer sa supériorité sur le reste du monde, et donc sur les sociétés non occidentales. En outre, comme l’écrit Pierre-Yves Pétillon, « L’Amérique se berce d’une illusion des Lumières : que chaque homme “au fond de son cœur” veut le bien, que crimes et violences ne sont que des aberrations temporaires, des ratés de la trajectoire qui mène au bonheur du genre humain.67 » Un bonheur humain qui viendrait du libéralisme et de la défense, voire de l’imposition des droits de l’homme, au travers des « guerres justes ».

Une condamnation de la « civilisation unique »

Chez les auteurs étudiés, tant de gauche que de droite, la civilisation occidentale, civilisation-mère de la culture américaine, est devenue le mal absolu. La prémisse de cette idée est à chercher chez les anthropologues. Ainsi, en 1974, l’anthropologue radical Robert Jaulin a pu écrire que « La politique ethnocidaire d’intégration aux sociétés nationales vise à la dissolution des civilisations dans la civilisation occidentale ; cette dernière peut être qualifiée de système de décivilisation puisqu’elle a pour objet la disparition des civilisations. [...] Une civilisation ayant prétention à être la Civilisation Unique est un système de décivilisation -ce que l’on constate- nécessairement orientée vers la Mort68. » Cette critique de l’Occident était en outre couplée à une critique de la modernité philosophique : « Du judaïsme au christianisme, du christianisme à l’humanisme, de l’humanisme au marxisme, du marxisme au mythe du progrès, l’on suit le chemin de l’instauration idéologique d’une ‘‘Civilisation Unique’’69. » Jaulin fit donc une critique radicale du progressisme, et de son corollaire l’occidentalisme : « L’ethnologue radical en arrive à définir son programme de lutte contre l’ethnocide70, en termes racialistes, par l’objectif de limiter l’expansion impérialiste de la civilisation occidentale, dénoncée comme “l’extension blanche”71. »

L’avènement de cette « Civilisation Unique » a aussi été condamné par le grand anthropologue Lévi-Strauss, qui fut conscient de la vocation antihumaniste et anti-universaliste du différentialisme culturel, et qui revendique pour chaque culture une originalité incommunicable et inimitable. En effet, malgré les « fins morales élevées qu’elle s’assigne, la lutte contre toutes les formes de discrimination participe de ce même mouvement qui entraîne l’humanité vers une civilisation mondiale, destructrice de ces vieux particularismes auxquels revient l’honneur d’avoir créé les valeurs esthétiques et spirituelles qui donnent son prix à la vie ». Sous peine de décadence culturelle et spirituelle, l’humanité « devra réapprendre que toute création véritable implique une certaine surdité à l’appel d’autres valeurs, pouvant aller jusqu’à leur refus sinon même à leur négation. […] Pleinement réussie, la communication intégrale avec l’autre condamne, à plus ou moins brève échéance, l’originalité de sa et de ma création.72 » Une idée qu’il a développée dans une célèbre conférence, Race et culture, prononcée en 1971. Mais il est vrai que Lévi-Strauss était influencé par le théoricien racialiste français Arthur de Gobineau, comme l’a montré Wiktor Stoczkowski : « On y trouve comme chez Lévi-Strauss, la conviction que l’esprit de fermeture et l’hostilité envers l’étranger sont des propriétés inhérentes à l’espèce humaine ; une physique sociale qui soumet le genre humain à deux lois inexorables, l’une de répulsion, l’autre d’attraction, cette dernière exerçant son empire sur les “familles ethniques” civilisées ; une méditation “mal cachée” dont souffre l’humanité entière ; une conception de l’histoire qui donne à voir la marche constante vers la décrépitude d’une humanité livrée au mélange dont l’accélération moderne annonce la “fin de la différence” ; la perspective d’une “ère de l’unité” crépusculaire où les peuples, confondus dans l’“amalgame ethnique irréversible”, dépossédés de la splendide force créative des premiers âges, “accablés sous une morne somnolence, vivront dès lors engourdis dans leur nullité”.73 » Dès lors, l’engouement postmoderniste pour le multiculturalisme et le différentialisme culturel devient compréhensible. L’attrait pour ce différentialisme, associé au refus du mode occidental de vie, va provoquer dans ces milieux une attirance forte pour des modèles sociétaux non-conventionnels. Nos milieux, à la suite de Jaulin et de Lévi-Strauss, condamnent l’avènement de cette « Civilisation unique », assimilée, dans leurs discours, à l’avènement mondial de la « civilisation » américaine, c’est-à-dire qu’ils condamnent la « macdonaldisation » du monde ou la « coca-colanisation », en fait la disparition des civilisations autochtones au profit d’une uniformisation civilisationnelle mondiale. Toutefois, ce pessimisme culturel, l’idée selon laquelle les cultures iraient en s’uniformisant, est contesté par des ethnologues, tels Jean-Loup Amselle, Ted Lewellen74 ou Jean-Pierre Warnier. Ce dernier écrit en effet qu’« un ethnologue qui séjourne deux ans dans une ville africaine aura un point de vue local sur la mondialisation des flux culturels. Au lieu de se situer du côté de l’offre ou de l’émission de culture mondialisée, il se situera du côté de la réception localisée. Ce qu’il constatera, sur le terrain, c’est une situation beaucoup plus complexe et contrastée que celle qu’on pourrait prédire à partir de l’offre mondialisée »75. De fait, le différentialisme de Lévi-Strauss et de Jaulin était déjà contesté, dès les années soixante-dix, par un ethnologue comme Edmund Leach76, mais elles restèrent inaudibles. Tout ceci permet de relativiser les positions antimodernes, anti-occidentales, américanophobes et pessimistes des auteurs étudiés dans ce texte.

Il existe une convergence entre une certaine droite radicale non-conformiste et une gauche non marxiste, ou postmarxiste, alternative et communautariste, tout aussi radicale. En effet, il y a, par exemple, des similitudes troublantes entre les contre-cultures post-soixante-huitardes, qui ont parfois donné à un antimodernisme –analysé dans cet article, et des éléments venus de la droite radicale. Comme nous l’avons vu dans cet article, cette convergence est liée à un effet de génération. Elle a aussi été facilitée par le jeu de références intellectuelles communes. Curieusement, les antimodernes de droite et certains membres des contre-cultures issues de Mai 68 ont développé une critique similaire du monde moderne occidental. Cette critique était déjà présente, quasiment dans les mêmes termes, chez Platon, dans sa célèbre critique de la démocratie athénienne. En effet, selon Jacques Rancière, « Rien ne manque à la recension des maux que nous vaut, à l’aube du troisième millénaire, le triomphe de l’égalité démocratique : règne du bazar et de sa marchandisation, égalité du maître et de l’élève, démission de l’autorité, culte de la jeunesse, parité homme-femmes, droits des minorités, des enfants et des animaux. La longue déploration des méfaits de l’individualisme de masse à l’heure des grandes surfaces et de la téléphonie mobile ne fait qu’ajouter quelques accessoires à la fable platonicienne de l’indomptable âne démocratique.77 » Et de fait, les discours étudiés ici relève d’une cosmologie pessimiste, d’une vision pessimiste du monde dans lequel l’« américanophobie » joue un rôle important et surtout structurant.

1  Pierre-André Taguieff, Le Sens du progrès. Une approche historique et philosophique, Paris, Flammarion, 2004.

2  Michael Walzer, « La critique communautarienne du libéralisme », in André Berten, Pablo da Silveira et Hervé Pourtois, Libéraux et communautariens, Paris, Presses Universitaires de France, 1997, p. 319.

3  William Pfaff, « Du progrès : réflexions sur une idée morte », Commentaire, n° 74, été 1996, pp. 385-392.

4  Cf. Nicolas Lebourg, Le Monde vu de la plus extrême droite. Du fascisme au nationalisme-révolutionnaire, Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, 2010.

5  Emmanuel Todd, Après l’empire. Essai sur la décomposition du système américain, Paris, Gallimard, 2002, p. 44.

6  Jean-Claude Michéa, L’Empire du moindre mal. Essai sur la civilisation libérale, Paris, Climats, 2007, p. 19. Voir aussi Quentin Skinner, La Liberté avant le libéralisme, Paris, Seuil, 2000.

7  Cf. Shmuel Eisenstadt, Modernization : Growth and Diversity, Bloomington, Indiana University Press, 1963.

8  Frédéric Rouvillois, L’Invention du progrès. 1680-1730, Paris, CNRS Éditions, 2011.

9  Cf. Albert Hirschman, Deux siècles de rhétorique réactionnaire, Paris, Fayard, 1991.

10  Cf. le chapitre « Le libéralisme : maladie dégénérative du monde moderne » in Jean Hani, Le Monde à l’envers. Essais critiques sur la civilisation moderne, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2001, pp. 119-138.

11  Jean-Marie Guyau, La Morale d’Épicure et ses rapports avec les doctrines contemporaines, Paris, Félix Alcan, 1886, p. 154.

12  À ce sujet, voir Patrice Bollon, Esprit d’époque. Essai sur l’âme contemporaine et le conformisme naturel de nos sociétés, Paris, Seuil, 2002.

13  Peter Sloterdijk, Essai d’intoxication volontaire, Paris, Calmann-Lévy, 1999, p. 26.

14  Marcel de Corte, De la dissociété, Paris, Rémi Perrin, 2002. Voir aussi L’Intelligence en péril de mort, Paris, Club de la Culture Française, 1969, en particulier la page 72.

15  Ian Buruma & Avishai Margalit, L’Occidentalisme. Une brève histoire des guerres contre l’Occident, Paris, Climats, 2006.

16  Serge Audier, La Pensée anti 68. Essai sur les origines d’une restauration intellectuelle, Paris, La Découverte, 2008.

17  Edgar Morin, en collaboration avec Anne-Brigitte Kern, Terre-Patrie, Paris, Seuil « Point Essais », 2010, pp. 99-100.

18  Voir Jean-Pierre Grossein, « présentation », in Max Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 2003, pp. XII-XIII.

19  Alain Renaut, L’Individu. Réflexions sur la philosophie du sujet, Paris, Hatier, 1995, p. 6.

20  Pierre-André Taguieff, L’Effacement de l’avenir, Paris, Galilée, 2000, p. 31.

21  Marc Angenot, D’où venons-nous, où allons-nous ? La décomposition de l’idée de progrès, Montréal, Éditions du Trait d’union, 2001.

22  Antoine Compagnon, Les Antimodernes. De Joseph de Maistre à Roland Barthes, Paris, Gallimard, 2005.

23  Pour l’anthropologue, l’être humain pense et dépolie ses raisonnements dans le cadre d’une vision du monde, plus ou moins cohérente, selon les cas, qui porte sur les êtres, les objets et les puissances censés peupler le réel, sur leur propriétés, leurs rapports, leur origine et leur devenir : ce sont les cosmologies. Celles-ci offrent « une matrice générale d’intelligibilité des faits empiriquement observables, qu’ils soient de l’ordre des pratiques, des idées ou des institutions. Wiktor Stoczkowski, Anthropologies rédemptrices. Le monde selon Lévi-Strauss, Paris, Hermann, 2008, pp. 17-18.

24  Cf. Marie-Catherine Huet-Brichard & Helmut Meter (dir.), La Polémique contre la modernité. Antimodernes et réactionnaires, Paris, Les Classiques Garnier, 2011.

25  Cf. Charles Beaudelaire, Œuvres complète, t. 2, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1976.

26  Ernst Nolte, La Guerre civile européenne, 1917-1945. National-socialisme et bolchevisme, Paris, Éditions des Syrtes, 2000. Voir aussi ses échanges épistolaires avec François Furet, Fascisme et communisme, Paris, Plon, 1998.

27  Marc Crapez, La Gauche réactionnaire. Mythes de la plèbe et de la race, Paris, Berg International, 1997.

28  Pour le cas français, cf. Philippe Roger, L’Ennemi américain. Généalogie de l’antiaméricanisme français, Paris, Seuil, 2002.

29  Cf. Michel Winock, « L’Amérique au figuré », L’Évènement du jeudi, 4 juillet, 1991.

30  Cf. Jean Jacob, L’Antimondialisation. Aspects méconnus d’une nébuleuse, Paris, Berg International, 2006.

31  Romolo Gobbi, Un Grand peuple élu. Messianisme et antieuropéanisme aux États-Unis. Des origines à nos jours, Lyon, Parangon/Vs, 2006.

32  Voir notamment Thomas Michael Power, Lost landscapes and Failed Economies. The Search for a Value Place, Washington, Island Press, 1996 ; René Passet, Une économie de rêve, Paris, Calmann-Lévy, 1995.

33  Le système holiste est un système social qui affirme que le tout, la société, est supérieur à la somme, à l’addition des individus qui la compose.

34  Cf. Éric Blondel, Nietzsche, le corps et la culture, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 244.

35  Cf. Benjamin Barber, Djihad versus McWorld. Mondialisation et intégrisme contre la démocratie, Bruxelles, Desclée de Brower, 1996.

36  Cf. les Cahiers du CEVIPOF, « Autour du communautarisme », n°43, Paris, Presses de Science-Po, septembre 2005.

37  Philip Pettit, « Liberal/Communautarian : MacEntyre’s Mesmeric Dichotomy », in John Horton et Susan Mendus (eds.), After MacIntyre. Critical. Perspectives on the Work of Alasdair MacIntyre, Cambridge, Polity Press, 1994, p. 181.

38  Alain de Benoist, « La liberté, la politique et la démocratie », Éléments, n°107, décembre 2002, p. 34.

39  Voir notamment son anthologie de textes : Alain de Benoist, Critiques. Théoriques, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2002.

40  Alain de Benoist, Europe, Tiers-Monde même combat, Paris, Robert Laffont, 1986.

41  Sur les origines de la Nouvelle Gauche américaine, Cf. Frédéric Robert, « L’activisme de la Nouvelle Gauche comme projet de transformation de la société américaine (1960-1965) », Représentations, Hors série n°1, avril 2007, pp. 77-92.

42 Telos, « The French new right. New right New left New paradigm? », n°98-99, winter 1993-fall 1994.

43  Franck Adler, « Vu de gauche », in Collectif, Liber amicorum Alain de Benoist, Paris, Les Amis d’Alain de Benoist, 2004, p. 9.

44  Nous avons détaillé la bibliographie d’Alain de Benoist, Bibliographie 1960-2010, Paris, Les Amis d’Alain de Benoist, 2010.

45  Alain de Benoist, « Nazisme et communisme : vrais ou faux jumeaux », Éléments, n° 92, juillet 1998, pp. 14-24. Repris dans le n° 112 de Telos, juillet-août 1998.

46  Bulletin du MAUSS, « L’anti-utilitarisme comme idéologie », nº 20, décembre 1986 ; Revue du Mauss, « Droite-Gauche », t. 3, nº 13, 3ème trimestre 1991.

47  http://www.revuedumauss.com.fr/Pages/ACTG.html (consulté le 3 janvier 2012).

48 Who’s Who in France, p. 213.

49  Cf. Emmanuel Todd, Après l’empire, op. cit.

50  Romolo Gobbi, Un Grand peuple élu, op. cit.

51  Emil Vlajki, La Terreur américaine. Manipulations, crimes, victimes d’une nation en guerre depuis ses origines, Paris, François-Xavier de Guibert, 2003.

52  William Pfaff, « La politique étrangère américaine », Commentaire, n° 98, été 2002, p. 295.

53  Emmanuel Todd, Après l’empire, op. cit., p. 9.

54  Ignacio Ramonet, « Vassalité », Le Monde diplomatique, octobre 2002, p. 1.

55  Pierre-Marie Gallois, « Les dessous inavouables de la guerre à l’Irak », Balkans Info, décembre 2002, p. 2.

56  Hugo Chavez, Chavez et la révolution bolivarienne. Entretien avec Luis Bilbao, Paris, Le Temps des cerises, 2006.

57  Sur la politique d’Hugo Chavez, cf. Stephen Launay, Chavez/Uribe. Deux voies pour l’Amérique latine ?, Paris, Buchet-Chastel, 2010.

58  Ainsi Chavez est admiré à gauche ou à l’extrême gauche par ATTAC, Le Monde diplomatique, par Jean-Luc Mélenchon, le Nouveau Parti Anticapitaliste, le Parti communiste, certains groupes altermondialistes ainsi que par certains membres du Mouvement Républicain et Citoyen de Jean-Pierre Chevènement.

59  Carl Schmitt, Théorie de la Constitution [1928], Paris, Presses Universitaires de France, 1993, p. 302.

60  Marcel Gauchet, La Démocratie contre elle-même, Paris, Tel Gallimard, 2002, p. 326.

61  Robert de Herte, « Un instrument de domination », Éléments, n°107, décembre 2002, p. 3.

62  Régis Debray, Que vive la République, Paris, Odile Jacob, 1989, p. 173.

63  Marcel Gauchet, « Les droits de l’homme ne sont pas une politique », et « Quand les droits de l’homme deviennent une politique », in La démocratie contre elle-même, op. cit., pp. 1-26 et pp. 326-385. Voir aussi Marcel Gauchet, La Révolution des droits de l’homme, Gallimard 1988 ; Stéphane Rials (dir.), La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Paris, Hachette, 1989.

64  Voir notamment Alain de Benoist, Au-delà des droits de l’homme. Pour défendre les libertés, Paris, Krisis, 2004.

65  Claude Lévi-Strauss, Le Regard éloigné, Paris, Plon, 1983.

66  Cf. Robert Jaulin, L’Univers des totalitarismes, Paris, Loris Talmart, 1995.

67  Pierre-Yves Pétillon, L’Europe aux anciens parapets, Paris, Seuil, 1986, p. 99.

68  Robert Jaulin, La Décivilisation. Politique et pratique de l’ethnocide, Bruxelles, Complexe, 1974, pp. 14-15.

69  Ibid., p. 16.

70  Pour Denys Cuche, l’ethnocide est une déculturation volontaire et programmée. Le terme renvoie selon lui à « une réalité attestée par les historiens et ethnologues, celle d’éradication culturelle et religieuse dans des populations indigènes afin d’assimilation dans la culture et la religion des conquérants. L’extension de l’usage du terme à d’autres situations plus complexes de contacts culturels asymétriques affaiblit la valeur heuristique du concept. Confondre par exemple “ethnocide” et “acculturation” ou “assimilation” conduit à un contresens […] Un certain usage du concept d’ethnocide en limite la portée. La dénonciation de l’ethnocide participe parfois d’un relativisme culturel radical que ne conçoit pas que les rapports entre les cultures sont fréquemment des rapports de force et qui entretient l’illusion que les différentes cultures pourraient exister indépendamment les unes des autres dans une sorte de “pureté” originelle ». Denys Cuche, La Notion de culture dans les sciences sociales, Paris, La Découverte, 2010, p. 65.

71  Pierre-André Taguieff L’Effacement de l’avenir, op. cit., p. 27.

72  Claude Lévi-Strauss, Le Regard éloigné, op. cit., p. 47.

73  Wiktor Stoczkowski, Anthropologies rédemptrices, op. cit., pp. 85-86.

74  Jean-Loup Amselle, Branchements. Anthropologie de l’universalité des cultures, Paris, Flammarion, 2001, Ted Lewellen, The Anthropology of Globalization. Cultural Anthropology Enters the 21st Century, Londres, Greenwood Publishing Group, 2002.

75  Jean-Pierre Warnier, La Mondialisation de la culture, op. cit., p. 92.

76  Edmund Leach, L’Unité de l’homme et autres essais, Paris, Gallimard, 1981.

77  Jacques Rancière, La Haine de la démocratie, Paris, La Fabrique, 2005, p. 42.

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