N°41 / Les langues et le politique - Juillet 2022

En vert et contre tous. L'écologie identitaire dans ses discours

Stéphane François

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En vert et contre tous. L’écologie identitaire dans ses discours.

 

Stéphane François est professeur de sciences politiques à l’université de Mons en Belgique. Il est un spécialiste de l’extrême droite en France et en Europe

 

Nous proposons d’étudier ici les contenus idéologiques de l’écologie élaborée par la droite radicale française, afin de montrer comment les droites radicales se sont progressivement emparées de cette thématique, dans un sens identitaire, pour en faire aujourd’hui un point important de leurs idéologies. Si l’écologie politique est associée depuis les années 1970 à la gauche et aux contre-cultures, il existe aussi une écologie théorisée de longue date par la droite radicale – ses premières formulations construites datent des années 1980, voire depuis les années 1970, si nous prenons les quelques tentatives d’anciens SS français. Pourtant, elle n’a été pourtant que très peu étudiée.

 

L’analyse de ces discours est importante pour le politiste, car il s’agit à la fois d’un discours très élaboré et d’une tentative de rapprochement, pour cette droite radicale, avec des tendances idéologiques éloignées des siennes. En effet, les thématiques communes (rejet de la Modernité et de la technique, refus de la mondialisation et de la société de consommation, éloge des « différences » et des particularismes, etc.) offrent des lieux de discussion entre les uns et les autres. En outre, l’utilisation d’auteurs ou de références de « gauche » permettent de passer sous silence des références très connotées (venant principalement du nazisme), de récupérer un vocabulaire de gauche et d’élaborer une stratégie subversive, appelée aujourd’hui « confusionniste ». Il est donc nécessaire d’en montrer les points saillants, afin de permettre la compréhension des évolutions idéologiques en cours.

 

Cet article se concentrera sur les tendances les plus radicales de l’extrême droite française, le principal parti de cette mouvance, en l’occurrence le Front national/Rassemblement national, n’ayant que très peu théorisé un discours de type écologique. Après avoir défini le concept de « droite radicale » et montrer le rôle du GRECE dans la formulation d’une écologie radicale de droite (I), nous montrerons que cette forme d’écologie est profondément mixophobe et identitaire (II) ; qu’elle fait l’éloge des traditions et des communautés (III) ; et, enfin, qu’elle exprime un antiprogressisme (IV), tant scientifique que social.

 

1. Le rôle du Groupement de recherches et d’études de la civilisation européenne (GRECE)

 

À l’utilisation de la notion « extrême droite », sémantiquement floue, nous avons préféré l’usage dans ce texte de l’expression « droite radicale »[1]. En effet, Cas Mudde a recensé, de par le monde, pas moins de cinquante-huit définitions universitaires et vingt-trois termes distinctifs différents utilisés pour décrire les types de mouvements et de partis relevant de l’extrême droite[2]. Ces groupes et intellectuels ont un aspect révolutionnaire, récusant le système politique en vigueur, dans ses institutions et dans ses valeurs, proposant un nouveau modèle sociétal, voire une nouvelle forme de civilisation. Les premières formulations écologistes cohérentes viennent de ces milieux et datent du milieu des années 1980, à la suite de l’intégration, comme référence intellectuelle majeure, de la « Révolution Conservatrice » allemande[3], notamment par la Nouvelle Droite, au contraire du Front national/Rassemblement national, qui ne s’est guère intéressé à ces questions. De ce fait, il n’est guère étonnant de trouver Alain de Benoist parmi ses principaux théoriciens. En effet, la Nouvelle Droite, dont il est la principale figure intellectuelle, a développé dès le début des années 1980 une forme très construite d’écologie à la fois antimoderne et antioccidentale, qui a servi de modèle pour d’autres militants du même courant politique, en particulier de la tendance identitaire, qu’elle a largement contribué à théoriser.

 

Nous entendons par « identitaire », les idéologies qui promeuvent l’existence d’une identité, culturelle et ethnique, européenne et, par extension, l’idée d’une race blanche, héritière à la fois des peuplades indo-européennes de la Préhistoire et des cultures de l’Antiquité qui en seraient nées. Nous pouvons définir cette idéologie comme la nécessité pour les groupes ethnoculturels de préserver les particularismes culturels, religieux et raciaux du métissage et de l’indifférenciation : c’est le droit à l’« identité ». Cette dernière est proposée comme un « produit de la tradition délégant ainsi au passé – à certaines formes culturelles, à des façons de penser qui nous viennent du passé – le pouvoir de nous dire “qui nous sommes” au présent »[4]. Outre ces aspects, les formations « Identitaires » souhaitent en outre la recomposition de l’Europe sur des bases ethniques, régionalistes, fédéralistes et parfois néopaïennes.

 

Le GRECE et ses dissidents doivent être vus comme les premiers théoriciens de l’idéologie connue aujourd’hui sous le terme d’« identitaire ». S’il existe des prémisses (le Nouvel Ordre Européen néonazi de René Binet dans les années 1950 ou Europe-Action de Dominique Venner la décennie suivante), c’est bien le GRECE qui, à compter des années 1970, a théorisé l’idée d’une civilisation européenne immémoriale, fondée ethniquement et religieusement (le paganisme indo-européen), à protéger du colonialisme américain et du métissage. Celui-ci, par le renouvellement des références, en mobilisant notamment des intellectuels de gauche, a épuré progressivement, et à compter de ce moment, ces « prémisses identitaires » de ses oripeaux « antisémites et hitléromaniaques »[5]. Cependant, ses éléments les plus radicaux ne cessèrent d’insister sur l’« affirmation ethnique », cette civilisation étant supposée subir un génocide lent par l’arrivée d’une immigration, vue comme une forme de colonisation inversée. Ces militants, quittant le GRECE dans les années 1980, ont diffusé ces idées dans les autres formations de la droite radicale. Celui-ci, qui est un courant important de cette famille idéologique depuis 1968, a souvent servi d’aiguillon théorique pour les autres formations françaises, mais aussi européennes, américaines ou russes. Depuis trente ans, le GRECE a permis la diffusion et l’acclimatation de discours fortement écologistes et décroissants dans les autres formations de l’extrême droite : il est un levier d’influence important sur le plan théorique et idéologique pour le reste de ces milieux.

 

2. Contre le mélange et pour les identités

 

Nos différents travaux sur l’écologie de la droite radicale nous ont permis de relever quatre caractéristiques significatives qui permettent de la définir. Premièrement, elle se veut identitaire dans le sens où elle promeut la civilisation et les origines ethniques européennes dont il s’agit à la fois de retrouver les sources et de protéger la pérennité (culturelle et ethnique). Un sticker de l’association Terre & Peuple développe explicitement cette idée : son message dit simplement : « L’homme blanc est en voie d’extinction : 1900 20%, 2000 8%, 2050 5% (de la population mondiale). Préservons la (bio)diversité ». Elle se veut également enracinée : il s’agit de préserver les particularismes locaux et régionaux du grand ensemble ethnico-culturel indo-européen. La différence est acceptée dans le cadre d’une unité ethnique, historique et religieuse. Deuxièmement, elle se veut païenne, du moins très modérément chrétienne. Le christianisme ayant mis à mal, selon eux, l’harmonie cosmique de l’Homme et de la Nature propre aux religions païennes indo-européennes, il s’agit de fermer la parenthèse chrétienne. Cependant, depuis les années 2010, nous assistons dans les mouvances concernées (néodroitières, identitaires) à un retour en grâce du christianisme, via l’élaboration d’une écologie chrétienne à la fois antimoderne et mixophobe. Troisièmement, elle se veut mixophobe : la « vraie » écologie (comprendre l’écologie identitaire) est une écologie des populations. Pour préserver les biotopes (comprendre les ethnosphères), il faut refuser à la fois l’installation de populations immigrées (allogènes) et le métissage sur le sol européen. Enfin, elle se veut localiste : il s’agit de consommer les productions locales. Derrière cette défense des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) et autres circuits courts, il s’agit de promouvoir plus largement une forme d’autarcie grand-continentale dans la continuité des théories nationales-révolutionnaires. Il s’agit également d’un rejet de la mondialisation économique et de l’uniformisation des pratiques culturelles, un nouvel avatar du droit des peuples à rester eux-mêmes, un discours élaboré par les tendances nationalistes-révolutionnaires et néo-droitières à la fin des années 1970. Cependant, nous devons préciser que ce dernier point n’est pas propre à l’écologie de la droite radicale : il est commun aux différentes tendances de l’écologie.

 

Ces caractéristiques sont assez larges pour englober des groupes et des idéologies différents. Ces idées sont développées par Les Identitaires (nouveau nom du Bloc Identitaire), par les revues Terre et Peuple magazine et Réfléchir & Agir, par ce qui reste de la Nouvelle Droite, voire par des personnes se réclamant du national-socialisme comme Philippe Baillet, également ancien membre du GRECE[6]. À compter des 1990, l’écologie est devenue un enjeu capital pour la droite radicale. Aujourd’hui, cette extrême droite s’hybride avec les autres tendances de l’écologie politique, certains thèmes (localisme, antimondialisation, rejet de la technique, etc.) devenant communs aux différentes tendances. Cette forme d’écologie est loin d’être une mode ou un usage stratégique : elle constitue au contraire un point important, fondamental même, de la pensée politique des militants qui développent une position identitaire.

 

Ceux-ci ont en effet conçu une écologie des populations régie par la mixophobie. Selon Henri Levavasseur, participant à l’ouvrage collectif Pour un réveil européen[7], paru en 2020, il n’y aurait « pas d’écologie crédible sans anthropologie crédible »[8]. Pour ces militants, être écologiste consisterait à vouloir préserver le milieu nécessaire à la survie de l’épanouissement des espèces vivantes, c’est-à-dire, dans le cas présent, les grands groupes ethnico-culturels. Ainsi, l’Institut Iliade, créé pour perpétuer la pensée de Dominique Venner, a consacré son colloque du 20 septembre 2020 au thème de « La nature comme socle, pour une écologie à l’endroit ». Les interventions vont dans ce sens, insistant sur la nécessité d’un enracinement identitaire[9].

 

Il s’agit de préserver les cultures et les diversités humaines, c’est-à-dire de préserver des « identités spécifiques »[10]. De ce fait, « L’écologie bien comprise ne consiste pas seulement à protéger les especes animales, mais également à préserver la diversité des peuples, “tels qu’ils ont été façonnés par des milliers d’années de longue patience” selon la belle formule de Jean Mabire.[11] » Dans cette optique, les véritables écologistes sont ceux qui prennent en compte l’immigration comme un facteur déterminant de déséquilibre culturel et/ou ethnique. L’un des thèmes répandus dans les différentes tendances idéologiques de l’écologie identitaire consiste à concevoir les populations humaines comme des groupes ethniques essentialisés se partageant des territoires qui leur seraient propres. En ce sens, leur écologie est une écologie des populations, régie par une mixophobie assumée, masquée par un ethnodifférentialisme. Ce dernier peut évoluer vers un système ségrégationniste, tout mélange ou même au simple contact interculturel entraînant une perte de la différence, ainsi que vers une politique anti-immigrationniste, les immigrés extra-européens devant retourner « chez eux » pour retrouver « leurs racines », ou pour les militants les plus racistes, leur « environnement naturel ».

 

Ces militants, en particulier Alain de Benoist, ont substitué au racisme, à compter de la seconde moitié des années 1970, un ethnodifférentialisme radical, inspiré des ethnologues, mais réinterprété ici à la fois dans le sens d’un relativisme radical et dans celui d’une mixophobie, que le politiste marxiste britannique Martin Barker appelait dès 1981 un « nouveau racisme »[12]. Les néo-droitiers, et les groupes qui les ont suivis, sont passés de la défense agressive de la « race blanche » et de sa culture dans les années 1960 à sa contention durant la décennie suivante, au nom de la différence et du risque d’ethnocide, en l’occurrence de la « race blanche » et de la « civilisation européenne ».

Surtout, cet ethnodifférentialisme s’oppose à l’assimilationnisme. Il peut être défini comme étant à la fois un droit à la différence, et par conséquent comme à droit à la défense des identités et des cultures des peuples, et comme une manifestation de l’enracinement dans un territoire. Ces milieux, en défendant la diversité des cultures, en défendant la différence, s’opposent également à l’uniformisation occidentale, c’est-à-dire explicitement à l’universalisme occidental et au modèle américain de développement. Selon cette conception, l’« idéologie des droits de l’homme », « universaliste », ne serait qu’un facteur d’acculturation et de domination, l’Occident s’érigeant en juge moral du genre humain. Ce postulat différentialiste développe également l’idée selon laquelle il existerait des races humaines ayant leur propre genèse : les néodroitiers défendent, depuis l’apparition de leur école de pensée en 1968, la thèse du polygénisme, qui promeut l’origine multirégionale, et par conséquent multiraciale, des différentes « races humaines » et des différentes cultures. La vraie écologie consisterait à préserver cette diversité par le maintien des grandes « races » dans leur environnement naturel, comme nous le ferions avec des animaux... Logiquement, les cultures seraient incompatibles entre elles. L’écologie de la droite radicale n’est pas uniquement une défense de la Nature.

 

3. Tradition et communautés

 

Il y a, en outre, chez ces militants la nostalgie d’un monde fermé, traditionnel, respectueux des particularismes régionaux et culturels. Cette vision du monde doit être vue comme un retour à un état premier, organique, dans lequel l’homme vit en harmonie avec la Nature, dans une société traditionnelle. En effet, ces militants rejettent de la société libérale issue des Lumières, donc du progressisme, et du capitalisme. Ils promeuvent un retour à la ruralité, à un mode de vie frugal, quasi autarcique, respectueux de la nature dans un monde de communautés anticapitalistes et enracinées. Il s’agirait de revenir à un mode de vie traditionnel, calqué sur les sociétés pré-étatiques, à la fois archaïque et anarchisant. Cette attitude a permis le rapprochement de la droite radicale et des thèses écologistes : une partie de celle-ci s’est découvert un intérêt pour les thèmes décroissants (dont la notion de « sobriété heureuse »). Ils souhaitent aussi la recomposition de l’Europe sur des bases ethniques, régionalistes, fédéralistes, et parfois néopaïennes pour les plus radicaux. Ils rejettent le nationalisme des partis de l’extrême droite « classique », mais cela ne les empêche cependant pas de participer au jeu politique conventionnel, comme le firent les Identitaires qui entrèrent au Rassemblement national.

Ces écologistes d’un type particulier défendent un enracinement ethnique, voire, racial[13], qui peut être défini comme un attachement identitaire, à la fois ethnique et sentimental, à une forme de régionalisme. Dès 1975, Alain de Benoist, sous le pseudonyme de Robert de Herte, en faisait déjà l’éloge : « À la base du régionalisme, une attitude fondamentalement saine : le désir d’enracinement. Dans une civilisation toujours plus cosmopolite, toujours plus égalitariste, et toujours plus anonyme, il est inévitable et même souhaitable que naissent des îlots de résistance locale et que se répande peu à peu l’idée d’une Europe des régions.[14] » Depuis, il a évolué vers la défense du localisme qui lui est conceptuellement très proche, mais sans l’aspect ethnique, et qui a surtout l’intérêt d’avoir été formulé par des écologistes venant de l’autre bord de l’échiquier politique.

Cet enracinement ethnique est encore largement défendu aujourd’hui par les groupes les plus radicaux qui refusent l’idée nationale, comme Terre et Peuple ou le magazine Réfléchir & Agir. En 2009, mais la position n’a pas changé, « Eugène Krampon », publiait dans cette publication un article intitulé « Vers la Grande Europe des ethnies (la position de Réfléchir & Agir) »[15] dans lequel il reprenait le crédo ethnique des régionalistes d’extrême droite, qu’il cite d’ailleurs : Olier Mordrel, Yann Fouéré, Goulven Pennaod, Johannès Thomasset, Jean Mabire... aux côtés des inévitables anciens SS français Robert Dun et Saint-Loup, figures tutélaires de ces milieux. Selon « Krampon », la diversité régionale doit s’inscrire dans le cadre plus large d’un fédéralisme continental européen, permettant la défense de la race blanche européenne. En conséquence, cette forme d’écologie doit être analysée comme un retour à un état premier, organique, dans lequel l’homme vivrait en harmonie avec la Nature, dans un cadre territorial précis et respectueux des identités ethniques.

 

Dans ces discours, la communauté enracinée devient l’une des formes possibles de dépassement d’une modernité finissante. Le communautarisme permettrait aussi d’arrêter la dissolution du lien social, serait caractéristique de notre époque individualiste. Dans ces milieux, l’individualisme est vu comme la caractérisation d’un sujet désengagé[16], indépendant par rapport à ses semblables, car censé trouver en lui-même ses raisons d’être essentielles[17] : il est analysé comme une forme d’atomisme. Ce recours à la communauté doit être vu comme une réponse philosophique aux maux dont souffriraient les sociétés modernes occidentales, en particulier l’individualisme et offre en retour aux personnes qui le souhaitent de ne pas se couper de leurs racines, de maintenir vivantes leurs structures de vie collectives, et de ne pas avoir à payer leur respect d’une nécessaire loi commune de l’abandon de la culture qui leur est propre. En outre, il s’agit de défendre les patries charnelles, l’enracinement et les identités, maîtres-mot de la pensée de la droite radicale. Ainsi, Alain de Benoist signe en 2015 un article significativement intitulé « Irremplaçables communautés »[18]. De ce point de vue, le mythe de la communauté et du retour à la nature qui lui est associé permet de conceptualiser de nouveaux modèles de société fermée, organiques, traditionnelles et promouvant une forme de démocratie communautaire. Selon ces militants, le territoire serait le « socle de l’identité »[19]. De ce fait, ce localisme communautaire se retrouve associé à l’idée de communauté autosuffisante, « […] cherchant à créer les conditions de cette auto-suffisance à tous les niveaux : familles élargies ou recomposées [en fait des tribus ou des clans], communautés de quartiers, de villes ou de régions, comités locaux, systèmes inter-communaux, écosystèmes et marchés locaux »[20]. Selon Alain de Benoist, « la notion de communauté est directement liée à la notion de démocratie locale »[21] et cette démocratie communautaire :

 

« [...] revient, écrit-il, à réhabiliter les “matries” charnelles, concrètes, à côté de la patrie abstraite, surplombante, anonyme et lointaine. Ce réenracinement dynamique, ouvert, n’est pas de l’ordre de la régression, de la clôture ou du sur-place. Il privilégie les notions de réciprocité, d’entraide, de solidarités de proximité, d’échanges de services et d’économies parallèles, de valeurs partagées. La résistance à l’homogénéisation planétaire ne peut s’opérer qu’au niveau local[22]. »

 

Le manifeste du GRECE y fait référence notamment dans la partie intitulée « Pour des communautés locales, contre le gigantisme »[23]. Celui-ci postule que :

 

« Face à l’utopie universaliste et aux crispations particularistes, le GRECE affirme la force et la normalité des différences, qui ne sont ni un état transitoire vers une unité supérieure, ni un détail accessoire de la vie privée, mais la substance même de l’existence sociale. […] Les différences sont bien sûr natives (ethniques, linguistiques), mais aussi politiques. La citoyenneté désigne à la fois l’appartenance, l’allégeance et la participation à une vie publique qui se distribue à plusieurs niveaux : on peut ainsi être à la fois citoyen de son quartier, de sa ville, de sa région, de sa nation et de l’Europe, selon la nature du pouvoir dévolu à chacune de ces échelles de décision et de souveraineté. On ne saurait être en revanche citoyen du monde, car le “monde” n’est pas une catégorie politique.[24] »

Surtout, ce « localisme » doit être analysé comme une évolution « postmoderne » de l’enracinement régionaliste prôné par la Nouvelle Droite dans les années 1970 et toujours soutenu par des formations, völkisch, comme Terre et Peuple ou le magazine Réfléchir & Agir. Il se confond aujourd’hui dans ces milieux avec un certain régionalisme, en particulier à travers la défense des différences, des identités et des traditions qui s’incarnent dans des zones géographiques territorialement définies, proche d’une certaine façon du micro-nationalisme.

 

Ces thèses localistes, antimodernes et anticapitalistes se sont diffusées dans les autres tendances de la mouvance radicale de droite : certains mouvements néofascistes, copiant le mouvement italien de la Casa Pound (« Maison Pound », en référence à l’écrivain Ezra Pound), comme le Mouvement d’Action Sociale, se sont mis à soutenir les occupations de sites contestés en compagnie des ZADistes[25]. Ils se présentent d’ailleurs comme des altermondialistes de droite. Des identitaires ont repris à l’extrême gauche le principe des AMAP, qu’ils ont mis en pratique, comme « Terroirs et productions de France » ou « Coopérative parisienne ».

 

Comme nous pouvons le voir, les différentes tendances de la droite radicale ont développé des conceptions particulières de l’écologie, qui leurs sont communes. Parmi ces points, nous trouvons un double rejet des Lumières. D’abord en tant que système philosophique ayant donné le libéralisme (économique, politique, philosophique), ensuite en tant que système rationnel, à l’origine du rationalisme contemporain. Ce double rejet se manifeste au travers de celui du progressisme à la fois technique et sociétal. Dans L’Effacement de l’avenir, Pierre-André Taguieff a montré l’assimilation de l’« idéologie du progrès » à la civilisation occidentale[26]. En critiquant cette idéologie, les théoriciens étudiés ici font implicitement une critique de la civilisation occidentale, synonyme à la fois de la modernité technicienne et de l’exportation du modèle de la civilisation occidentale. Ce refus des Lumières en porte un autre, celui de l’universalité des valeurs.

 

La critique des Lumières sera abordée ici sous deux angles : d’abord celui de la technophobie, prise comme une résistance à la technique, puis sous celui de l’anti-modernité. Selon ces théoriciens, le technicisme et les découvertes scientifiques ont coupé l’homme des bienfaits de la nature. La critique de la modernité occidentale est couplée à celle d’autres concepts, nés eux aussi du libéralisme culturel issu des Lumières : le progrès, le matérialisme et surtout l’individualisme. Ce rejet des Lumières par Alain de Benoist fut marqué à la fois par la réédition en 2007 du Méfaits des intellectuels du disciple de Georges Sorel Édouard Berth (paru initialement en 1914)[27], ouvrage nietzschéen, foncièrement anti-Lumières, faisant le lien entre le xviiie siècle et le démocratisme ; par la publication d’une biographie qui lui est consacrée, exprimant un intérêt marqué pour cet auteur[28] ; ainsi que par la publication en 2016 d’un numéro de Nouvelle École sur « Les Lumières »[29] dont le contenu leur est violemment hostile : « L’historiographie des guerres de Vendée »[30] ; « L’héritage intellectuel de la Contre-Révolution »[31] ; « Rousseau contre les Lumières »[32] ; « la doctrine kantienne de la peine de mort »[33]. Le vieux fond anti-Lumières de l’extrême droite française reste vivace.

 

4. Contre le progressisme

 

Comme les autres tendances de l’écologie politique, les militants étudiés ici conteste la conception de l’illimitation de l’idéologie progressiste. Ainsi, le magazine Réfléchir & Agir a consacré le dossier de son numéro 27, de l’automne 2007, à la question du progrès, l’intitulant « Le progrès pour quoi faire ? Vers la décroissance ». Pour autant, le discours antiprogressiste n’est pas vraiment récent : nous en trouvons des formulations dans l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien[34]. Mais, ici, le recours à l’écologie permet le refus de l’« idéologie du progrès », sans pour autant reprendre les vieilles antiennes contre-révolutionnaires. Alain de Benoist en faisait le constat en 1994 dans un éditorial d’Éléments, « La fin de l’idéologie du progrès »[35]. Ce rejet du progressisme est un renversement des valeurs de la Nouvelle Droite qui, vingt plus tôt, faisait l’éloge du prométhéisme européen :

 

« […] les écologistes ne retiennent de la “nature”, écrit Benoist sous ce pseudonyme, que les aspects rêvés correspondant à leur désir. Les mêmes qui nous pressent instamment d’en revenir à la “nature”, sont aussi ceux qui refusent des faits de nature aussi élémentaires que la sélection, l’inégalité, la hiérarchie – en affirmant que ces notions, propres à tout système vivant, ne sont pas extrapolables au milieu humain. Et ce sont encore les mêmes qui prétendent que l’on peut, à volonté, modifier l’homme en agissant sur son milieu – et, par-là, le désengager des “pseudo-fatalités biologiques”. Le mouvement écologique réussit ainsi le tour de force de tomber en même temps dans l’erreur de la croyance en la toute-puissance du milieu, et dans les errements “ultra-naturalistes” du matérialisme biologique.[36] »

 

À l’époque, Benoist considérait avec hostilité les écologistes ne voyant en eux que des personnes complexées par un sentiment de culpabilité provenant du christianisme. L’évolution se fera progressivement au cours des années 1980. Cette période verra aussi le renouvellement de ses références intellectuelles. Pour Alain de Benoist, toujours sous le pseudonyme de Robert de Herte, « […] l’écologie signe la fin de l’idéologie du progrès : l’avenir, désormais, est plus porteur d’inquiétudes que de promesses. Du même coup, les projets sociaux ne peuvent plus résulter d’une attente optimiste des “lendemains qui chantent”, mais appellent une méditation sur les enseignements du présent comme sur ceux du passé »[37]. De fait, dans les années 1990, la Nouvelle Droite constate que l’écologie est devenue l’un des enjeux importants de notre époque. Pour cette droite radicale, il est non seulement nécessaire de prendre conscience de l’enjeu écologique, mais il aussi important de tourner le dos au capitalisme. Dix ans plus tard, un dossier d’Éléments se propose d’« empêcher le capitalisme de pourrir la planète »[38]. Fort logiquement, les articles de ce dossier sont écrits par Alain de Benoist, devenu entre-temps décroissant[39], faisant l’éloge de la démondialisation[40], cette dernière étant analysée comme une forme de décolonisation vis-à-vis des États-Unis[41]. En retour, ce rejet du libéralisme se pare d’un éloge des sociétés fermées. Il est d’ailleurs suivi par Dominique Venner, figure importante de la droite radicale française depuis les années 1960, qui, à l’époque, promouvait le prométhéisme indo-européen, comme Benoist d’ailleurs. En 2013, dans son dernier livre, Venner défendait en effet une forme de décroissance[42], citant l’ouvrage qu’Hervé Juvin publia en 2008, Produire le monde.

 

Cette évolution est liée à l’intérêt marqué, à partir du début des années 1980, pour la pensée heideggerienne, antimoderne et surtout très critique quant au progrès et à la technique[43]. Dès 1985, Alain de Benoist publie un long article intitulé « Spengler, Marx, Heidegger : penser la technique » dans le numéro 42 de Nouvelle École[44], dans lequel nous voyons poindre la critique de celle-ci, qui sera la caractéristique de la Nouvelle Droite dans les années 1990. Dans les années 2010, cet article est suivi du numéro 39 de la revue Krisis, portant sur les « Sciences ? »[45], reprenant un célèbre texte du philosophe allemand « La science ne pense pas »[46]. La position de Martin Heidegger n’est pas inédite. Elle se retrouve chez d’autres théoriciens de la « Révolution Conservatrice »[47] allemande, l’une des grandes références intellectuelles à la fois de la Nouvelle Droite, des nationalistes-révolutionnaires et des identitaires européens. La critique de la technique est aussi présente de façon plus discrète chez Ernst Jünger[48], chez Oswald Spengler[49] – Jeffrey Herf voit au contraire chez eux un éloge de la technique[50] – et surtout chez les völkischer et chez le national-bolcheviste Ernst Niekisch, qui condamnait la « technique anthropophage »[51]. Comme l’écrit Stefan Breuer dans son Anatomie de la Révolution conservatrice, « Le processus de la civilisation n’avait-il pas dévoré depuis longtemps, outre l’écorce de la terre, le cœur de l’être humain ? L’esprit prométhéen n’avait-il pas coupé de son propre chef le cordon ombilical qui rattachait l’homme à la terre nourricière ?[52] »

 

Cette condamnation de la technique et de ses ravages est aisément discernable dans le discours technophobe de l’écologie politique de la droite radicale[53]. Le Manifeste du GRECE, paru en 2000, condamne « l’hubris économique et [le] prométhéisme technicien »[54], entérinant le renversement des positions prométhéennes soutenues dans les années 1970. Il serait impératif, selon ces militants, de tourner le dos à cette modernité empreinte de démesure. Dominique Venner développe une idée similaire : « Jour après jour, des chercheurs pénètrent quelques nouveaux secrets, se substituant à la nature pour l’exploiter, la contraindre ou la changer. Hier clonage d’une brebis, aujourd’hui fécondation d’une souris sans mâle… »[55] Selon lui, Prométhée doit être condamné : « Voyant dans la Nature une ennemie et plus tard une matière désenchantée, Prométhée cherche à lui faire avouer ses secrets pour les transformer en instruments de puissance. Il cherche à lui faire avouer ses secrets pour la dominer, anticipant ainsi [l’] injonction biblique.[56] »

 

La nécessaire prise de conscience écologique est devenue un passage obligé de tous les partis politiques, à juste raison d’ailleurs : la nature est en danger et nous devons la sauver pour nous sauver. Cependant, pour les militants étudiés, l’origine de l’« arraisonnement du monde », pour reprendre l’expression de Martin Heidegger, ne serait pas à chercher seulement dans l’autonomie de la technique, qui échapperait au contrôle des humains, mais également dans l’avènement de la Modernité, issue de la rationalisation du monde, et dans la mondialisation et ses flux de populations. Pour sauver l’humanité et la Terre, il faudrait tourner le dos aux sociétés techniciennes et productivistes nées des Lumières que sont nos sociétés occidentales, sous peine de disparaître. Il faudrait, enfin, revenir aux sociétés traditionnelles du passé. Pour les militants d’extrême droite, les sociétés devraient se structurer de manière homogène et sécurisée, régie par le principe de l’organicisme. Leur utopie est celle d’une « société fermée » pour reprendre le mot de Karl Popper, devant permettre la renaissance communautaire-identitaire, comprise en tant qu’ethno-communauté. Comme nous l’avons montré dans cet article, l’écologie d’extrême droite est fondamentalement une écologie des populations.

 

Cet article a donc montré que l’écologie a offert l’opportunité à la droite française la plus radicale de concevoir un discours identitaire aux assises et aux contenus ouvertement réactionnaires, mais entre en résonance avec les préoccupations écologiques d’une partie de l’opinion publique. Il s’en détache néanmoins sur les aspects les plus radicaux : nous sommes en présence d’une écologie identitaire, païenne (ou du moins hostile au christianisme et aux religions monothéistes), rejetant la technique et l’héritage des Lumières. Derrière le discours écologique, que nous estimons sincère, il y a une volonté affirmée de revenir à un monde fermé et enraciné, refusant la mondialisation, des biens comme des personnes. En outre, ce texte a, selon nous, permis de nourrir une réflexion sur l’assignation politique : à force de dire que l’écologie est de gauche, nous avons oublié que l’écologie politique a aussi des racines de droite, ou du moins issu du conservatisme[57], et à force d’isoler, de minimiser, voire d’ignorer, les élaborations intellectuelles de la droite radicale, nous avons oublié les effets de contagion et d’emprunt, pourtant à l’œuvre dans les milieux écologistes ou décroissants[58].

 

[1] Je suis redevable ici des travaux et des réflexions de Nicolas Lebourg. Qu’il en soit remercié.

[2] Cas Mudde, Populist Radical Right Parties in Europe, New York, Cambridge University Press, 2007, pp. 11-12.

[3] Olivier Dard, « Contribution à l’étude des réceptions françaises de la “Révolution conservatrice” allemande : l’exemple de la Nouvelle Droite », in Pierre Béhar, Françoise Lartillot & Uwe Pushner (dir.), Médiation et conviction. Mélange offerts à Michel Grunewald, Paris, L’Harmattan, 2007, pp. 63-75.

[4] Maurizio Bettini, Contre les racines, Paris, Champs actuel, 2017, p. 16.

[5] Nicolas Lebourg, Les nazis ont-ils survécu ? Enquête sur les Internationales fascistes et les croisés de la race blanche, Paris, Seuil, 2019, p. 157.

[6] Philippe Baillet et Giovanni Monastra, Piété pour le Cosmos, Saint-Genis-Laval, Akribeia, 2017.

[7] Henri Levavasseur, « Pour une écologie des populations : la nature au fondement de l’identité », in Olivier Eichenlaub (dir.), Pour un réveil européen. Nature–Excellence–Beauté, Paris, La Nouvelle Librairie Éditions, 2020, pp. 27-37.

[8] Ibid. p. 27.

[9] https://institut-iliade.com/2020-la-nature-comme-socle/. Consulté le 09/08/2020.

[10] Henri Levavasseur, « Pour une écologie des populations : la nature au fondement de l’identité », op.cit., p. 31.

[11] Ibid., p. 36.

[12] Martin Barker, The New Racism. Conservatives and the Ideology of the Tribe, Junction Books, Londres, 1981.

[13] Voir le dossier « Patries charnelles par le fusil ou par les urnes ? », Réfléchir & Agir, n°33, automne 2009, pp. 15-39.

[14] Robert de Herte, « Entre jacobinisme et séparatisme », Éléments, n°12, septembre novembre 1975, p. 2.

[15] Eugène Krampon, « Vers la Grande Europe des ethnies (la position de Réfléchir & Agir) », Réfléchir & Agir, n°33, automne 2009, pp. 38-39.

[16] Alain de Benoist, « Identité, égalité, différence », Critiques. Théoriques, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2003, p. 413. Texte remanié de la préface de la seconde édition de Vu de droite. Anthologie critique des idées contemporaines, Paris, Labyrinthe, 2001, pp. XI-XXVII.

[17] Alain de Benoist, « La liberté, la politique et la démocratie », Éléments, n°107, décembre 2002, p. 34.

[18] Alain de Benoist, « Irremplaçables communautés », Éléments, n°156, juin 2015, pp. 48-52.

[19] Jean-Philippe Antoni, « La nature et le territoire : redevenir l’architecte de nos paysages », in Olivier Eichenlaub (dir.), Pour un réveil européen, op. cit., p.40.

[20] Robert de Herte, « L’heure de la micro-politique », Éléments, n°100, mars 2001, p. 3.

[21] Ibid., p. 3.

[22] Ibid., p. 3.

[23] GRECE, Manifeste pour une renaissance européenne. À la découverte du GRECE. Son histoire, ses idées, son organisation, Paris, 2000, p. 87.

[24] Ibid., pp. 68-69.

[25] « ZAD » signifie Zone À Défendre, sous-entendu d’un projet, commercial ou étatique. Par extension, un « ZADiste » est une personne qui s’implique dans la défense de cette zone des projets d’urbanisation ou de développement territorial.

[26] Pierre-André Taguieff, L’Effacement de l’avenir, Paris, Galilée, 2000, p. 27.

[27] Édouard Berth, Les Méfaits des intellectuels, Paris, Krisis, 2007. Postface d’Alain de Benoist.

[28] Alain de Benoist, Édouard Berth ou le socialisme héroïque. Sorel, Maurras, Lénine, Grez-sur-Loing, Pardès, 2013.

[29] Nouvelle École, « Les Lumières », n° 65, 2016.

[30] Jean-Joël Brégeon, « L’historiographie des guerres de Vendée », pp. 51-59.

[31] Pierre de Meuse, « L’héritage intellectuel de la Contre-Révolution », pp. 61-71.

[32] Alain de Benoist, « Rousseau contre les Lumières », pp. 73-97.

[33] Francis Moury, « La doctrine kantienne de la peine de mort », pp. 99-105.

[34] Robert Lenoble, Histoire de l’idée de nature, Paris, Albin Michel, 1969, p. 181.

[35] Robert de Herte, « La fin de l’idéologie du progrès », Éléments, nº79, janvier 1994, p. 3.

[36] Robert de Herte, « Les équivoques de l’écologie », Éléments, nº 21-22, été 1977, repris in Pierre Vial (dir.), Pour une renaissance culturelle, Paris, Copernic, 1979, p. 75.

[37] Robert de Herte, « La fin de l’idéologie du progrès », art. cit., p. 3.

[38] Éléments, n°119, hiver 2005-2006.

[39] Alain de Benoist, « Objectif décroissance. Avant que la Terre ne devienne invivable… », Éléments, n° 119, hiver 2005/2006, et « Quand il n’y aura plus de pétrole… », Éléments, n° 119, hiver 2005/2006. Voir aussi du même auteur, Demain, la décroissance. Penser l’écologie jusqu’au bout, Paris, E/dite, 2007 (réédition augmentée : Décroissance ou toujours plus ? Penser l’écologie jusqu’au bout, Paris, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2018).

[40] Voir le dossier « Pourquoi les élites ne veulent surtout pas de la démondialisation », Éléments, n°150, janvier-mars 2014, pp. 46-62.

[41] Alain de Benoist, « La mondialisation comme idéologie », Éléments, n°150, janvier-mars 2014, pp. 55-56.

[42] Dominique Venner, Un samouraï d’Occident, Paris, Pierre-Guillaume de Roux, 2013, p. 63.

[43] En ce qui concerne la publication d’études sur Heidegger et de traductions d’articles de celui-ci sur la technique et la notion de progrès, voir, par exemple, le n°37 de Nouvelle École (1982) consacré aux « Lectures de Heidegger » ; Alain de Benoist, « Spengler, Marx, Heidegger : penser la technique », Nouvelle École, n°42, 1985, pp. 95-110 ; Alain de Benoist, « Jünger – Heidegger – Nietzsche : trois conférences », Nouvelle École, n°55, 2005, pp. 115-132 ; Martin Heidegger, « Technique », Krisis, n°24, 2000, pp. 237-248 ; Martin Heidegger, « La science ne pense pas », Krisis, n°39, 2013, pp. 203-204.

[44] Alain de Benoist, « Spengler, Marx, Heidegger : penser la technique », Nouvelle École, n°42, été 1985, pp. 95-109.

[45] Krisis, « Technique ? », n° 24, 2000.

[46] Martin Heidegger, « La science ne pense pas », art. cit. Il s’agit d’un extrait du livre Qu’appelle-t-on penser ? (Paris, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 2014), issu d’un cours à l’université de Fribourg en 1951-1952.

[47] Cependant, Nicolas Weill, dans Heidegger et les Cahiers noirs, voit dans cette critique de la technique, faite par Heidegger après 1945, une expression d’une forme d’antisémitisme métaphysique plus radicale que l’antisémitisme « racial ». En effet, Heidegger considérait que les Juifs, par leur « esprit calculateur » [sic] seraient les « promoteurs d’une modernité dévastatrice ». Nicolas Weill remarque en outre que ce point de vue était partagé par d’autres figures de la « Révolution Conservatrice », comme Jünger ou Stapel, avant 1933. Nicolas Weill, Heidegger et les Cahiers noirs, Paris, CNRS Éditions, 2018, p. 19, note 17. Voir également, Stefan Breuer, Anatomie de la Révolution conservatrice, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1996, p. 104 et suivantes.

[48] Ernst Jünger, Le Travailleur, Paris, Christian Bourgois, 1989.

[49] Voir Gilbert Merlio, Le début de la fin. Penser la décadence avec Oswald Spengler, Paris, Presses Universitaires de France, 2019, en particulier le chapitre III « Mythe du faustisme et réalisme héroïque », pp. 131-147.

[50] Jeffrey Herf, Reactionary Modernism. Technology, Culture and Politics in Weimar and Third Reich, Cambridge, Cambridge University Press, 1984. Avant Herf, un colloque, tenu à Strasbourg en 1981, avait également mis en avant l’extrême modernité de la « Révolution Conservatrice ». Voir Gérard Raulet (dir.), Weimar ou l’explosion de la modernité. Actes du colloque Weimar ou la modernité, Paris, Anthropos, 1984.

[51] Stefan Breuer, Anatomie de la Révolution conservatrice, op. cit., p. 85.

[52] Ibid., pp. 83-84.

[53] Voir, par exemple, les numéros de Krisis consacrés à la modernité (« Modernité ? », n°44, 2016) et au progrès (« Progrès ? », n°45, 2016).

[54] GRECE (Alain de Benoist et Charles Champetier), Manifeste pour une renaissance européenne, op. cit., p. 92.

[55] Dominique Venner, Un samouraï d’Occident, op.cit., p. 69.

[56] Ibid., p. 71.

[57] Roger Scruton, Green Philosophy : How to think seriously about Planet, Main, Atlantic Books, 2012.

[58] Stéphane François, Les vert-bruns. L’écologie de l’extrême droite française, Lormont, Le Bord de l’eau, février 2022.

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