L’étude, même sommaire, des publications scientifiques françaises portant sur les milieux des droites radicales montre une non-prise en compte de l’aspect idéologique, en tant que système à la fois construit et abouti, de ses marges les plus extrêmes[1]. Cette absence semble être imputable au fait que les chercheurs français en sciences humaines et sociales peinent à prendre en considération cet aspect, résumant ces droites radicales au racisme et à « l’extrémisme », sans prendre en compte l’aspect contre-culturel affirmé. Ce n’est pas le cas à l’étranger, avec des études sur la Casa Pound ou la nébuleuse de l’« alt-right »[2]. Curieusement donc, les idéologies, nées des contre-cultures, des droites radicales n’ont jamais constitué en France un objet de recherche privilégié. Pourtant, depuis le début des années 2000, un grand nombre de sites Internet et de blogs consacrent des articles aux différents aspects de leur culture et de leurs discours, offrant ainsi une matrice générale d’intelligibilité des faits empiriquement observables, qu’ils soient de l’ordre des pratiques, des idées, des institutions ou de la culture. Celle-ci se présente à la fois sous des formes discursives ou sous celles de structures sous-jacentes à plusieurs dispositifs symboliques, toutes expressions relevant de l’idéologie.
Plusieurs pistes de réflexion seront proposées ici pour combler ce vide. Elles doivent permettre une compréhension originale des idéologies et des contre-cultures de l’extrême droite. Cela semble indispensable au vu de l’actualité, car nombre de ses idées (discours identitaire, racisme, différentialisme, rejet de l’islam, proposition de « remigration », idée d’une « immigration-colonisation », etc.) se banalisent et se diffusent dans des segments de la société éloignés du lieu de formulation initiale, où elles étaient jusque-là confinées. Différents groupes de cette mouvance prônent une stratégie « métapolitique », sur le modèle de ce qu’avait jadis été tenté par la Nouvelle Droite dans les années 1970, notamment via l’expérience du Figaro Magazine[3]. Elle était alors soutenue par son fondateur, Louis Pauwels : « J’ai été longtemps un homme solitaire, et il y a quelques années j’ai découvert des intellectuels qui étaient en train de tirer au clair tout ce que j’écrivais et pensais sur un autre plan. Je leur ai écrit, et j’ai découvert, à ma grande stupéfaction, qu’ils étaient de l’âge de mes fils, et que d’une génération à l’autre nous avions entrepris la même recherche, sous une forme plus encyclopédique chez eux, instinctive chez moi. Ils étaient en quelque sorte les enfants de Planète ! J’ai donc résolu de leur donner la parole. Je voulais révéler au public qu’il existait une jeunesse qui s’animait intellectuellement et culturellement pour défendre réellement les valeurs auxquelles le public est attaché[4]. »
Malgré sa réputation de milieu violent, et il l’est assurément, il existe en effet une extrême droite extraparlementaire qui privilégie le combat des idées[5] par un travail dit de « ré-information ». C’est ce que ces militants appellent le combat « métapolitique » (sites internet, publication papiers –revues, brochures– à usage interne ou externe, « trolling » sur les forums ou les sites internet, en particulier des grands médias, etc.). Il s’agit d’une forme de désinformation, qui est le fait d’« agences de presse » qui cherchent à se présenter comme neutres, telles que Novopress des Identitaires, voire de sites militants comme fdesouche.com[6]. L’objectif est de diffuser des informations réelles, mais tronquées ou manipulées dans un sens favorable aux idéaux de ces groupuscules, voire de les faire passer comme provenant d’une source amie ou neutre, afin : 1/ d’imposer un point de vue ; 2/ d’influencer une opinion ; 3/ d’affaiblir un ennemi. Ces sites de désinformation se présentent par un jeu de permutation comme des sites alternatifs, de « ré-information », la désinformation étant selon eux le fait des médias « officiels ». Cette utilisation est capitale pour comprendre comment les idées radicales de droite se diffusent dans la société : elle offre au militant, mais également au simple utilisateur du Web, une contre-culture ayant ses propres normes et références ; un « prêt à penser » alternatif sous couvert d’une diffusion d’« informations honnêtes ». Pour ces acteurs et militants, les médias, « officiels » mentent et proposent une information biaisée idéologiquement, c’est-à-dire, dans leur langage, une information « mondialiste ». Le peu d’estime pour les médias se perçoit d’ailleurs dans l’utilisation du très subtil surnom de « merdias ».
1. L’idéologie des contre-cultures d’extrêmes droite, un sujet d’étude
Les principales études sur l’extrême droite portent sur la sociologie des groupes ou la sociologie électorale, sur l’histoire de certains courants, en particulier néofascistes ou national-populistes, sur les grands partis, et sur l’analyse des discours, notamment ceux qui impliquent racisme ou xénophobie. Peu de travaux portent sur la constitution et l’expression des idéologies. Pourtant, leur contenu est très intéressant pour l’observateur, ces extrêmes droites souhaitant instaurer un nouveau modèle de société, une contre-société, comme l’a reconnu le militant identitaire Pierre Vial en 2000[7]. Celle-ci est largement théorisée dans ces milieux : ces groupes ont exposé leur position et leur démarche dans leurs productions intellectuelles. Cependant, il faut garder à l’esprit que ces idées ne sont pas le fruit d’une génération spontanée. Elles s’inscrivent dans une généalogie qu’il faut retracer. Pour reconstituer leurs sources, il est nécessaire de faire l’histoire de ces idéologies et de ces groupes politiques. Il est en effet indispensable de voir comment les idées évoluent, mutent, au contact de la politique et de l’Histoire[8].
Cette approche s’inscrit dans le cadre, large, de ce que les sociologues et anthropologues anglo-saxons appellent les rejected knowledge, les « savoirs rejetés »[9], appliquées ici aux champs politique et idéologique. Dans le cas présent, ces « savoirs rejetés » doivent être analysés comme des formes de connaissances refusées par les savoirs officiels, mais qui n’en sont pas moins constitutifs d’une idéologie, présente dans son intégralité dans les différents produits proposés par les boutiques ou les sites commerciaux de cette mouvance (par exemple La Librairie française[10], Europa Diffusion[11], Akribeia[12], et jusqu’en 2015 Librad[13], qui était la librairie online la plus importante de l’extrême droite[14]), comprenant la défense d’idées telles que l’influence de la race sur l’histoire, ou qu’il existerait une autre histoire, cachée derrière l’historiographie officielle, ou encore la défense de pratiques alternatives telles que les médecines dites « douces », la volonté de réactiver d’anciens usages cultuels en étant persuadé qu’elles pourraient reprendre dans la société[15].
Il s’agit pour ces militants de mettre en place une nouvelle culture, sur des bases différentes de celle qui domine actuellement. Ainsi, dans les années 1970, la mouvance néo-droitière a souhaité créer une « nouvelle culture » ayant ses propres normes. Alain de Benoist et les animateurs du GRECE, ayant découvert chez le philosophe marxiste Antonio Gramsci l’importance du combat culturel dans la prise du pouvoir par un parti politique, abandonnent à la fin des années 1960 la politique immédiate pour la réflexion doctrinale et le combat culturel (ce qu’ils appellent, à la suite de Julius Evola, la « métapolitique »). Cette « nouvelle culture » devait être, selon elle, diffusée de façon « gramsciste », c’est-à-dire dans le cadre d’un combat idéologique pour l’hégémonie culturelle, par l’euphémisation de cette idéologie devant aboutir à une acceptation de celle-ci par la population, prémisse à une conquête du pouvoir par la culture. L’idée était de pénétrer les milieux culturels, de créer des revues, des associations s’adressant à des catégories socioprofessionnelles différentes, de s’y diffuser et d’habituer les personnes visées aux différents contenus de cette « nouvelle culture »[16]. Aujourd’hui, ce « gramscisme » est utilisé par d’anciens du GRECE, avec notamment la chaine de télévision numérique TV Libertés[17], mais également par des militants d’autres tendances de l’extrême droite, dont l’objectif est une banalisation des thèmes racistes.
Il s’agit pour eux de mettre en place un système déviant, au sens donné à cette expression par Howard Becker, c’est-à-dire par rapport aux normes établies. Leurs discours et leurs pratiques sociales vont à l’encontre des normes sociales dominantes[18]. La notion de contre-culture, utilisée ici et revendiquée par les Identitaires[19], doit être prise dans le sens d’une réaction à la tendance à homogénéiser, attribuable au rationalisme issu des Lumières. En ce sens, « l’enjeu n’est plus de construire une identité communautaire, mais au contraire de subvertir toute logique identitaire au sein du groupe social. Les productions de la contre-culture, lorsqu’elles sont pleinement conscientes de leur sens, n’ambitionnent nullement de former une nouvelle culture, une de plus. L’enjeu est d’inquiéter la démarche culturelle elle-même, de dénoncer ses ambiguïtés, sa violence cachée, son désir d’exclusion, en lui opposant systématiquement l’image même de ce qu’elle rejette »[20]. Il s’agit donc d’une volonté de subversion, d’une volonté de déviance depuis l’intérieur de la société.
Nous pouvons faire une analyse succincte des différents thèmes historiques, politiques et religieux importants dans l’élaboration de l’idéologie déviante de ce milieu. Nous la ferons à partir des produits vendus par les sites commerciaux de cette mouvance. Nous trouvons : a/ un intérêt logique pour l’histoire des courants d’extrême droite (fascisme, national-socialisme, « Révolution conservatrice » allemande, « Nouvelle Droite », nationalisme et enfin monarchisme) ; b/ un intérêt pour les « socialismes », surtout non marxistes, en particulier pour les fameux Cahiers du Cercle Proudhon, Pierre-Joseph Proudhon et ses disciples, Georges Sorel, Jean-Claude Michéa, etc. ; c/ un intérêt pour certaines religions (l’ésotérisme et les sociétés secrètes, le paganisme, les religions monothéistes, les littératures antimaçonniques, etc.) ; d/ un intérêt pour l’écologie et les écologistes radicaux, les discours technophobes, la décroissance, le localisme et depuis peu pour le survivalisme.
Cette première approche montre les principaux centres d’intérêt de ces milieux. Ainsi, ces militants s’intéressent à certaines doctrines issues de l’extrême gauche (confirmant l’appellation d’« extrême gauche de l’extrême droite »[21] donné à certains d’entre eux), en particulier aux thèses antisionistes et anticapitalistes. Ensuite, elle montre qu’il y a un intérêt très fort pour la « Révolution conservatrice » allemande et les « anticonformistes » des années 1930, et pour son dernier avatar, la Nouvelle Droite. Nous constatons également la présence d’une curiosité très forte pour les discours ésotériques sous leurs différentes formes. Dernier point, l’analyse des sites commerciaux de ces milieux montre un intérêt portant à la fois sur des publications universitaires et sur des textes qui n’ont au contraire rien de scientifique, mais tout de militant, l’élaboration idéologique se faisant à partir de la synthèse de ces deux univers.
Enfin, la question coloniale, importante par le passé, s’avère de plus en plus minorée par l’extrême droite, montrant ainsi une évolution dans la culture de ces militants. S’il existe sur ces sites commerciaux une catégorie consacrée à cette question, celle-ci surprend au premier abord. Premier point, elle s’intitule généralement « (dé)Colonisation ». Deuxième point, son étude met en avant la présence de deux types précis d’ouvrages : un premier, plutôt minoritaire, faisant la promotion de la colonisation. Cette première catégorie promeut aussi, et ce n’est pas anodin, l’OAS et ses héros, dont Jean Bastien-Thiry. La « geste » de l’OAS est une figure obligée de la presse et de l’édition de l’extrême droite française. Le second, à l’opposé, insiste sur les ravages du colonialisme et du néocolonialisme… Ce qui semble être contradictoire est en fait logique : une frange assez importante de ces groupes (Nouvelle Droite, nationalistes-révolutionnaires principalement) promeut un discours de libération nationale des peuples, y compris au niveau régional, même s’il s’inscrit parfois et paradoxalement dans le cadre d’un nationalisme européen. Ce discours de libération nationale peut se transformer chez certains en « tiers-mondisme de droite ». Les textes des grands acteurs de la libération nationale des différentes colonies sont très représentés, car ils renvoient à des exemples locaux de libération nationaliste (Ben Barka, Ho Chi Minh, Malcom X, etc.). De plus, ils fournissent aux nationalistes-révolutionnaires des éléments argumentatifs susceptibles d’enrichir leur propre discours de libération nationale (vis-à-vis, au choix, des États-Unis, du sionisme, du mondialisme, etc.). Cette convergence était déjà présente dans les années 1980 au sein de la Nouvelle Droite, et en particulier chez un Alain de Benoist, avec notamment l’ouvrage intitulé Europe, Tiers-Monde même combat[22], imitant certains militants nationalistes-révolutionnaires allemands des années 1970, comme Heinning Eichberg[23], héritier du national-bolchevik allemand Ernst Niekisch. L’évolution de la question coloniale est liée au changement de génération, la nouvelle n’ayant pas connu les guerres coloniales, au contraire des anciennes générations de militants d’extrême droite, qui y ont d’ailleurs parfois participé. En outre, comme l’a montré Sylvain Crépon, les nouvelles générations de militants ont intégré le discours différentialiste de la Nouvelle Droite : elles reconnaissent le droit des peuples à se préserver[24].
En effet, Alain de Benoist, qui se considère comme un « étranger dans son propre pays » – il l’a dit et écrit plusieurs fois – défend les identités et les aspirations des peuples à rester eux-mêmes. Déjà en 1983-1984, il défendait le « Tiers-mondisme et la cause des peuples » (titre d’un dossier d’Éléments), rompant avec le suprémacisme blanc du reste de l’extrême droite. Il écrivait alors : « Nous sommes pour le Tiers-Monde parce que nous défendons la cause des peuples, et que c’est dans le Tiers-Monde que la notion de peuple est encore aujourd’hui la mieux perçue et la mieux défendue. Le thème raciste de la solidarité blanche est inacceptable. Il conduit logiquement à être solidaire de l’Union soviétique en Afghanistan et de Washington en Amérique centrale. Or, nous ne sommes ni du côté de Pinochet, ni du côté des “somozistes” du Nicaragua, ni du côté des latifundiaires de la grosse bourgeoisie qui trahit son peuple pour augmenter ses profits. Nous sommes contre le colonialisme soviétique autant que contre le coca-colonialisme américain[25]. » Il reprit cette idée dans un ouvrage paru en 1986 chez Robert Laffont, intitulé Europe, Tiers-Monde même combat[26].
Ces sites suivent les évolutions et les recompositions des droites radicales européennes. Une étude portant sur une longue période montre à la fois l’apparition/disparition de certaines publications ou thèmes sur ces sites. Ces derniers sont stables dans leur diversité depuis le début des années 1980, et cette diversité montre une volonté de toucher un public large. Leur étude approfondie permet une compréhension meilleure à la fois du phénomène, de son histoire, de ses idées et de ses modalités de diffusion de ses discours.
2. La constitution d’une histoire des idées contre-culturelles d’extrême droite
Pour comprendre une idéologie, il faut lire les productions intellectuelles des principaux théoriciens d’un parti ou d’un groupe, même si elles nous semblent aberrantes. Il faut également chercher les références de ceux-ci : penseurs politiques, historiens, métaphysiciens ou ésotéristes…
L’histoire des idées des cultures radicales de droite comprend celle des mouvances néo-païennes et de certains courants ésotériques. Les deux structurent en effet, pour une part non négligeable, le paysage politique et religieux de ces milieux. Il existe plusieurs tendances, ou courants idéologiques, influencées par l’ésotérisme : nous pouvons citer la Nouvelle Droite et le néopaganisme[27] : comme l’écrit le néo-droitier Jacques Marlaud, « parler de paganisme au vingtième siècle, c’est supposer qu’il existe un courant de pensée relativement cohérent auquel on puisse attribuer ce nom »[28] ; la « Tradition » ésotérique théorisée par le métaphysicien antimoderne Julius Evola et la droite subversive italienne des « années de plomb » ; les fascisme et néofascisme et leurs rapports avec la franc-maçonnerie[29] ; le néonazisme et l’« occultisme nazi »[30], etc. Ainsi, l’éditeur français Ars Magna ne voit aucune contradiction entre des positions nationalistes-révolutionnaires et un intérêt fort pour l’ésotérisme, comme le montre la quatrième de couverture d’une brochure collective : « Peut-on être nationaliste-révolutionnaire et traditionaliste ? Dit en d’autres termes peut-on être à la fois un disciple de Jean Thiriart ou de François Duprat et se revendiquer en même temps de Julius Evola ou de René Guénon ? Si le débat n’est plus guère d’actualité - puisque presque tous les NR ont répondu par l’affirmative à cette question – il a, par contre, agité la mouvance durant toute la décennie 1980. Il était donc utile, pour l’édification des jeunes militants et pour la mémoire des anciens, de publier les principaux documents du débat. Très antagonistes, ils porteront témoignage d’une époque où la pensée d’Alexandre Douguine n’était pas encore connue en France, car, au final, c’est lui qui proposera la synthèse la plus convaincante et qui mettra tout le monde d’accord : oui, on peut être NR et traditionaliste ![31] »
À l’inverse, l’ésotérisme peut être utilisé comme repoussoir, comme le font les catholiques traditionalistes qui l’assimilent parfois à du satanisme. Cette histoire des idées des cultures radicales de droite doit donc être entreprise dans le cadre d’une herméneutique de ces cultures. Une telle approche permet la compréhension de ces milieux, via notamment l’étude de leurs mythologies, de leurs cosmologies et de leurs symboliques. Elle s’inscrit également dans le mouvement académique international qui produit, depuis la fin des années 1990, des travaux portant sur les soubassements culturels et religieux de l’extrême droite[32].
Les rares universitaires français travaillant sur ces questions ont dû recourir aux travaux universitaires étrangers, reconnus, comme ceux, par exemple, de Hans Thomas Hakl[33], Nicholas Goodrick-Clarke[34], Jocelyn Godwin[35], Mark Sedgwick[36], Bernice Rosenthal[37] ou Giorgio Galli[38]. Ces travaux internationaux doivent constituer un substrat important dans la création d’une bibliographie française. En effet, l’un des principaux écueils dans le domaine français reste le problème de la qualité, souvent très inégale, des publications existantes. La grande majorité des universitaires français, contrairement à leurs collègues étrangers, ignorent le rôle des discours contre-culturels, tel l’ésotérisme antimoderne d’un Julius Evola, dans la constitution et la formulation des discours politiques des sphères radicales de droite[39]. L’autre problème est celui de la rareté des publications scientifiques existantes sur les contenus culturels de l’extrême droite, notamment en ce qui concerne ses rapports avec l’ésotérisme. La Foire aux illuminés, de Pierre-André Taguieff[40], paru en 2005, doit être vu comme un texte fondateur dans ce champ d’étude, malgré ses défauts.
Ce domaine d’étude est donc regardé avec défiance par les milieux universitaires français, car elles sont jugées suspectes pour trois raisons : la première est liée à notre conception de la laïcité et à notre rationalisme ; la deuxième est liée à la spécialisation : les contre-cultures sont une terra incognita pour la plupart des chercheurs, et s’y pencher nécessite un travail harassant alors qu’il faut produire ; la troisième est due au fait que l’image de l’ésotérisme (néopaganisme inclus) est entachée par le soupçon d’être une spécialité d’extrême-droite… En effet, la culture scientifique française, contrairement au monde anglo-saxon, est fermée, voire hostile, à ce qui sort du conformisme intellectuel. Wiktor Stoczkowski a bien montré cette attitude réductrice dans un article intitulé « Rires d’ethnologues »[41]. Selon lui, « L’ignorance, la stupidité, la folie, l’archaïsme, l’infirmité logique, sont les instances para-explicatives couramment évoquées dans la très riche littérature produite par les debunkers (démystificateurs), lesquels, acceptant avec une aimable tolérance l’altérité conceptuelle en dehors de l’Occident, tiennent à lui livrer dans leur propre culture une bataille acharnée, au nom de la défense de la raison »[42].
Ce type de sujet est donc discrédité et seuls les gens peu sérieux s’y intéresseraient. De fait, selon Alain Besançon, ce que l’historien, mais aussi le politologue, « refoule en lui, l’empêche de voir ce qui lui correspond, à l’état refoulé, dans la culture qu’il étudie »[43]. Ces travaux sont pourtant nécessaires pour effectuer le travail de définition des termes et des concepts. Ces recherches ouvrent des voies novatrices dans le domaine des sciences humaines et sociales, puisque l’ensemble de la démarche s’inscrit avant tout dans le cadre global de l’histoire culturelle des idées politique et non pas dans les champs restreints de l’extrême droite ou de l’ésotérisme. Elles doivent être appréhendées et utilisées comme des pierres de touche pour une réflexion beaucoup plus large sur le rôle de la culture, des idéologies et des mythologies politiques dans le fonctionnement global de la société.
3. L’expression d’une contre-culture
L’étude de l’histoire et de la culture des groupuscules de la droite radicale – identitaires, nationaux-bolcheviques, néo-nazis, folkistes (ie les néo-völkischer), révolutionnaires-conservateurs, contre-révolutionnaires, etc. – montre que l’engagement politique des militants est l’expression d’une contre-culture idéologique : productions intellectuelles à usage interne ou externe, littératures, spiritualités, musiques, art, etc. Ces militants ont créé une contre-culture, c’est-à-dire une culture minoritaire ou marginale, une « subculture », ayant ses propres normes (prétendant à une légitimité qu’elles ne peuvent obtenir, car ne se conformant pas aux critères majoritairement acceptés). Les différentes idéologies d’extrême droite peuvent se concevoir comme des cultures alternatives en compétition avec les instances officielles de régulation du savoir, justifiant le choix d’utiliser le néologisme « hétérodoxographie » et ses dérivés lexicographiques. Selon les éléments les plus radicaux, comme les négationnistes ou les conspirationnistes, l’Université diffuserait un non-savoir, un faux savoir, marqué par le politiquement correct. Ce rejet des instances officielles de régulation du savoir par l’extrême droite légitime en retour son propre système interprétatif.
Ces caractéristiques de la droite radicale s’expliquent par le fait que ses militants refusent le primat de l’Université dans l’élaboration des différents champs normatifs de leurs connaissances, alors même que certains de ses théoriciens se nourrissent aussi des travaux universitaires et/ou intellectuels des autres idéologies, en particulier de l’extrême gauche, à la fois pour renouveler leurs propres doctrines et pour les diffuser dans le reste de la société. L’observateur se retrouve in fine face à une production mixte, mi-contre-culturelle, mi-universitaire qui le déstabilise. Cet objet intellectuel hybride est à la fois un moyen de propagande (il s’agit de diffuser des idées et de recruter des adhérents) et un vecteur de subversion de la société (acceptation de ces idées par des milieux éloignés, contagion linguistique et création à long terme d’un potentiel de sympathisants). Il en résulte que ces subcultures politiques doivent être vues comme des milieux « passerelles » faisant le lien entre différentes idéologies et cultures marginales, car il ne s’agit pas de systèmes fonctionnant en vase clos. Ces groupes mettent donc en œuvre deux stratégies distinctes, mais complémentaires : l’une interne et l’autre stratégie externe. La première veut renforcer la cohésion du groupe et des pratiques par la création d’une culture qui lui est propre, là où la stratégie externe vise les autres secteurs de la population non extrémistes de droite. De ce fait, l’analyse de ces normes, malgré leur hétérogénéité discursive intrinsèque, est capitale pour comprendre à la fois certains débats internes et certaines évolutions.
Ainsi, le discours écologique en essor dans ces milieux est en lien avec l’irrationalisme précédent, en particulier le néopaganisme, auquel l’extrême droite s’intéresse depuis une période relativement ancienne : en France, les premières formulations cohérentes datent du milieu des années 1980. L’écologie est ici comprise dans un sens identitaire. Pour eux, être écologiste consiste à vouloir préserver son biotope, le milieu nécessaire à la survie de l’épanouissement des espèces vivantes. En effet, selon un auteur participant à l’ouvrage collectif Pour un réveil européen[44], paru en 2020, il n’y aurait « pas d’écologie crédible sans anthropologie crédible »[45], c’est-à-dire qu’il préserver des « identités spécifiques »[46]. De ce fait, « L’écologie bien comprise ne consiste pas seulement à protéger les espèces animales, mais également à préserver la diversité des peuples, “tels qu’ils ont été façonnés par des milliers d’années de longue patience”[47] ».
Dans cette optique, les véritables écologistes seraient ceux qui prennent en compte l’immigration comme un facteur déterminant de déséquilibre culturel et/ou ethnique. Les différentes tendances de l’extrême droite développent alors des conceptions particulières de l’écologie qui peuvent leur être communes. L’un des thèmes répandus est de concevoir les populations comme des groupes ethniques essentialisés se partageant des territoires qui leur seraient propres. En ce sens, cette écologie est une écologie des populations, régie par une mixophobie, assumée : « Comme les cultures, les civilisations sont irréductibles les unes aux autres. Ce sont des personnes ayant leur destin. Dans l’espace, elles s’étendent au-delà des limites des États et des nations. Réalités de longue durée, elles survivent aux bouleversements politiques, économiques ou religieux. Elles dépassent en longévité les autres réalités collectives. Elles ont l’éternité pour elles. Il en est ainsi de la civilisation européenne, en dépit de ce qui la défigure aujourd’hui et des menaces qui l’assaillent. »[48]
Cette écologie se fonde également sur l’idée selon laquelle il existerait des races humaines ayant leur propre genèse. Ces militants promeuvent la thèse du polygénisme, c’est-à-dire l’origine multirégionale, et par conséquent multiraciale, des différentes « races humaines » et des différentes cultures. Ainsi, en 2016, Éléments, le magazine de la Nouvelle Droite a consacré un dossier sur les « Origines de l’homme », dont le sous-titre est « le mythe du berceau unique ». Alain de Benoist, sous l’anagramme de « Bastien O’Daniéli », l’ouvre avec un article au titre explicite : « La théorie “Out of Africa” en débat : et si l’origine d’Homo Sapiens était multirégionale[49]. » Il y postule également l’idée de l’origine européenne du premier homme, ainsi que celle de races humaines, mettant en avant le fait que les Européens ont de l’ADN d’Homme de Neandertal, au contraire des Africains.
Selon eux, la « vraie écologie » se doit de préserver cette diversité par le maintien des grandes « races » dans leur environnement naturel, comme on le ferait avec des espèces animales ou végétales... Cette écologie des populations postule en outre l’incompatibilité des cultures entre elles. Derrière la défense de l’écologie, il y a chez ces militants la nostalgie d’un monde fermé, traditionnel, respectueux des particularismes régionaux et culturels : « L’homme de la rue, qui garde un vieux fond de bon sens malgré le bourrage de crâne que lui font subir les médias, sait qu’il y a quelques différences entre un Sénégalais et un Auvergnat. Différence ne signifie pas supériorité ou infériorité : réfutons tout de suite, au passage, cette grosse ficelle que nous opposent les “antiracistes”, qui feignent de croire que nous disons “différences” pour établir une hiérarchisation des races. Une telle hiérarchisation implique nécessairement que l’on adopte les mêmes critères pour qualifier les divers groupes de populations. Or, précisément, en nous basant sur le droit à la différence, nous reconnaissons aux peuples le droit d’avoir leurs propres critères. Cet ethnodifférentialisme intègre les caractères physicobiologiques, qui expliquent, entre autres, les capacités plus ou moins grandes de tel ou tel groupe de population à s’adapter à tel ou tel type de milieu. Est-il hérétique de dire qu’il y a quelque raison pour qu’un Congolais soit plus à l’aise au bord de son fleuve que dans les forêts de Haute-Savoie ?[50] »
Nous sommes donc en présence de nouvelles mythologies, structurantes pour ces milieux. Leur intérêt réside dans leur utilisation politique, notamment polémique, les militants cherchant à imposer leurs mythes, comme celui de la continuité ethnique des Européens depuis la Préhistoire, au reste de la population. Pourtant, nous devons garder en mémoire que la pensée humaine, et principalement la pensée mythique, est combinatoire. C’est la célèbre notion de « bricolage »[51] de Claude Lévi-Strauss, qui souligne le fait que les mythes sont créés par emprunts, permutations, inversions, restructurations de mythes préexistants. Le syncrétisme apparaît alors non comme une forme dérivée ou seconde, mais comme une forme normale, et en quelque sorte inévitable, du mythe. Les idéologies, les mythologies, à l’instar des individus et des groupes qui composent une société, se heurtent, se mêlent, échangent et interfèrent. Nous pouvons même nous demander si toutes les combinaisons ne tendent pas à se former un jour, y compris les plus insolites, pour ensuite vivre leur vie, d’éphémère à millénaire[52]. Les points de contact, les mythèmes communs pour parler comme Lévi-Strauss, permettent la combinaison des différents discours. Cependant, la variété des combinaisons mythologiques nous amène à interpréter avec prudence l’association des différents motifs. Il faut prendre en compte les valorisations positives ou négatives qui leur sont attribuées, ainsi que le dynamisme d’ensemble de la recomposition mythologique. Les mythèmes se combinent ainsi sous la double contrainte d’une dynamique de l’imaginaire fantastique et d’une cohérence idéologique. Ce sont ces points de contact qui permettent la combinaison entre les idées de la droite radicale et les « hétérodoxographies ».
La mobilisation des références intellectuelles, savantes ou populaires, permet non seulement d’appréhender l’idéologie des groupes, mais aussi de cerner la sociologie des militants de ces derniers. En effet, la composition sociologique varie suivant les groupes : les néo-droitiers viennent de milieux aisés et/ou très intellectuels et mobilisent des références savantes issues de l’Université, au contraire des militants des groupes nationalistes-révolutionnaires, plus prolétaires et dont la culture venait, dans les années 1980 et 1990, des fanzines[53] et des groupes de rock nationalistes[54]. Ce constat doit amener à l’analyse de l’influence des discours sur la composition et le recrutement de ces groupes, en partant du postulat suivant : la teneur et la formulation des discours influencent le recrutement de nouveaux militants dans le cadre plus large de la proposition d’une contre-culture. Il faut aussi prendre en compte les trajectoires personnelles, et la reproduction intergénérationnelle : beaucoup de cadres viennent de familles de militants, voire pour certains d’anciens collaborateurs. Ainsi, il existe des cas de familles militantes depuis la Seconde Guerre mondiale, transmettant de génération en génération au sein du cercle familial les valeurs et les idéologies extrémistes de droite de cette période. L’étude de ces circonstances permettent de voir si l’on est en présence d’une sous-culture populaire qui se caractériserait par un sentiment d’appartenance sans conscience de classe, qui s’exprimerait juste par une valorisation du « nous » et un rejet des « autres ».
Ces approches sont importantes pour cerner l’humeur idéologique et (contre-)culturelle dans laquelle baignent les militants d’extrême droite. N’oublions pas, enfin, à la suite de Claude Lévi-Strauss, que « l’identité se réduit moins à la postuler ou à l’affirmer, qu’à la refaire, la reconstruire »[55] : elle n’est, en fait, qu’une « sorte de foyer virtuel »[56].
[1] Le radicalisme politique, de gauche comme de droite, peut être défini comme le refus des règles de la démocratie parlementaire, dont le jeu des partis.
[2] Ce n’est pas le cas, par exemple, de l’Italie, avec les travaux sur la Casa Pound (cf., Castelli Gattinara, Pietro, Caterina Froio & Matteo Albanese, « The appeal of neo-fascism in times of crisis: The experience of CasaPound Italia », Fascism: Journal of Comparative Fascist Studies, vol. 2, n°2, 2013, pp. 234-258 ; Albanese Matteo, Giorgia Bulli, Pietro Castelli Gattinara & Caterina Froio, Fascisti di un altro millennio? Crisi e partecipazione in CasaPound Italia, Acireale, Bonanno, 2014 ; Castelli Gattinara, Pietro and Caterina Froio, « Discourse and Practice of Violence in the Italian Extreme Right: Frames, Symbols, and Identity-Building in CasaPound Italia », International Journal of Conflict and Violence, Vol. 8, n°1, 2015, pp. 155-170), de la Grande-Bretagne (Nicholas Goodrick-Clarke, Black Sun. Aryan Cults, Esoteric Nazism and the Politics of Identity, New York, New York University Press, 2002) ou des États-Unis (Donatella della Porta, Manuela Caiani & Claudius Wagemann, Mobilizing on the Extreme Right: Germany, Italy, and the United States, Oxford University Press, 2012).
[3] Stéphane François, Les Néo-paganismes et la Nouvelle Droite (1980-2006). Pour une autre approche, Milan, Archè, 2008.
[4] Ibid., p. 309.
[5] Le pionnier de ce combat culturel a été Dominique Venner, ancien membre de l’OAS, qui, à partir de 1963 a privilégié le combat des idées, au travers de sa revue Europe Action. Sa stratégie fut reprise et approfondie par des membres de son équipe qui fondèrent en 1968 le GRECE, plus connu sous le nom de « Nouvelle Droite ».
[6] Voir à ce sujet, Dominique Albertini et David Doucet, La Fachosphère. Comment l’extrême droite a gagné la bataille du net, Paris, Flammarion Enquête, 2016.
[7] PierreVial, Une Terre, un peuple, Paris, Éditions Terre et peuple, 2000, p.51.
[8] Voir par exemple, l’ouvrage tiré de la thèse de Nicolas Lebourg, Le monde vu de la plus extrême droite. Du fascisme au nationalisme-révolutionnaire (Presses Universitaires de Perpignan, Perpignan, 2010), qui montre les mutations du fascisme en nationalisme-révolutionnaire.
[9] Roy Wallis, On the Margin of Science : The Social Construction of Rejected Knowledge, Keele, University of Keele 1979.
[10] http://www.librairiefrancaise.fr/.
[11] http://www.europa-diffusion.com.
[12] http://www.akribeia.fr.
[13] http://www.librad.com/
[14] Elle possédait 3 sites : français, italien et allemand, vendant plus de mille titres par site. Stéphane François, « Un exemple de diffusion idéologique sur Internet : le cas de la librairie nationaliste-révolutionnaire Librad » in Olivier Dard (dir.), Supports et vecteurs de la culture d’extrême droite (Europe-Amériques), Bern, Peter Lang, 2013, pp. 25-38.
[15] Stéphane François, « L’“histoire mystérieuse” comme champ d’investissement de l’extrême droite. Exemples de quelques auteurs français », Politica Hermetica, n° 28, 2014, pp. 70-84 ; « Spiritualités de la Nouvelle Droite. “Tradition” et paganisme », in Patrick Troude-Chastenet (dir.), Les Marges politiques, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2015, pp. 73-89 ; « Un exemple de diffusion idéologique sur Internet : le cas de la librairie nationaliste-révolutionnaire Librad » in Olivier Dard (dir.), Supports et vecteurs de la culture d’extrême droite (Europe-Amériques), Bern, Peter Lang, 2013, pp. 25-38.
[16] Cf., Alain de Benoist, « Gramsci et la conquête du pouvoir culturel », Le Figaro dimanche, 11-12 mars, 1978, p. 19.
[17] https://www.tvlibertes.com/
[18] Alain Seguy-Duclot, Culture et civilisation, Paris, Éditions du Cerf, 2010, p. 174.
[19] Philippe Vardon-Raybaud, Éléments pour une contre-culture identitaire, Nice, Idées, 2011
[20] Ibid., pp. 174-175.
[21] À ce sujet, voir Nicolas Lebourg, Le monde vu de la plus extrême droite, op. cit.
[22] Alain de Benoist, Europe, Tiers-Monde même combat, Paris, Robert Laffont, 1986.
[23] Décédé en 2017, Eichberg était un ancien membre de la Deutsche Soziale Partei ou DSU, le parti d’Otto Strasser, le « nazi de gauche ». C’est à cette période qu’il découvrit les auteurs de la Révolution Conservatrice. Dans les années 1960, il fit la connaissance de plusieurs représentants du courant néo-droitier français dont il acclimata les idées en Allemagne. Proche des milieux nationaux-pacifistes, il lança en 1979 la revue Wir Selbst (« Nous mêmes »), qui exista jusqu’en 2002. Son contenu était déjà national-révolutionnaire et gauchisant. Il s’agissait d’une revue importante : son tirage, en 1986, atteignait les cinq mille exemplaires. Cette revue attirait des personnalités venues d’horizons divers : des anciens maoïstes, des anarchistes, des écologistes radicaux, des conservateurs et des néo-païens. Il passe alors de la défense du national-bolchevisme à un ethno-régionalisme anarchisant, écologiste, fédéraliste et pacifiste, qu’il défend encore aujourd’hui. Il s’est ainsi rapproché au cours des années 1980 de certains milieux alternatifs et ethno-différentialistes lors de son installation au Danemark. Il a défendu jusqu’à son décès un discours anticolonialiste et ouvertement gauchiste dont l’origine est à chercher dans les années 1970 : à cette époque, il rencontra Mouammar Kadhafi, le considérant comme le père spirituel de l’anti-américanisme et de l’anticapitalisme. Cette évolution s’est concrétisée par un engagement politique : il a été membre à partir de 1982 du Parti Socialiste du Peuple, un parti danois chapeautant une confédération d’écologistes et de communistes.
[24] Sylvain Crépon, « Le différentialisme du Front national : un révélateur des enjeux identitaires contemporains », Illusio, numéro Hors série, 2008, pp. 191-208 ; « Le GRECE et la question ethnique. Du nationalisme au communautarisme », Raison présente, n°174, « Race et sciences sociales », 2010, pp. 77-88.
[25] Robert de Herte, « Europe/Tiers-Monde : la nouvelle alliance », Éléments, n° 48-49, hiver 1983-1984, p. 3. Repris dans Alain de Benoist, Le grain de sable. Jalons pour une fin de siècle. 1973-1994 : les éditoriaux d’Éléments, Arpajon, Le Labyrinthe, 1994, p. 99.
[26] Alain de Benoist, Europe, Tiers-Monde même combat, op. cit.
[27] Stéphane François, Les Néo-paganismes et la Nouvelle Droite (1980-2006). Pour une autre approche, Milan, Archè, 2008.
[28] Jacques Marlaud, Le Renouveau païen dans la pensée française, Paris, Le Labyrinthe, 1986, p. 19.
[29] Il ne faut pas oublier en effet que le fascisme eut dans un premier temps un accueil favorable dans les milieux maçonniques italiens, du fait de l’anticléricalisme affiché du mouvement fasciste. De plus, la franc-maçonnerie italienne, héritière des idéaux du Risorgimento, était plutôt nationaliste, ce qui favorisa encore le rapprochement. En effet, le fascisme fut soutenu, dans un premier temps, par tout un courant mêlant tradition gibeline, franc-maçonnerie, occultisme et paganisme italique. Ce courant mystico-intellectuel bigarré se caractérisait par un nationalisme et un antichristianisme virulents. Il fut attiré par le fascisme, croyant que Mussolini restaurerait la grandeur de l’Italie. Certains d’entre eux firent même partie des premiers fascistes, mais furent déçus par les Accords de Latran signés en février 1929. Cette tradition a persisté après-guerre dans certaines loges maçonniques, souvent occultisantes.
[30] Stéphane François, L’occultisme nazi. Entre la SS et l’ésotérisme, Paris, CNRS Éditions, 2020.
[31] « Collectif », Anarchisme mystique ou révolution traditionaliste ?, Nantes, Ars Magna, 2021.
[32] Quelques exemples pour la période 1990-2005 : Tore Bjorgo & Jeffrey Kaplan, Nation and Race. The Developping Euro-American Racist Subculture, Boston, Northeastern University, 1998; Devin Burghart (dir.), Soundtracks to the White Revolution: White Supremacist Assaults on Youth Music Subcultures, Chicago, Center for New Community, 1999; Matthias Gardell, Gods of Blood. The Pagan Revival and White Separatism, London/Durham, Duke University Press, 2003; Franscisco Germinario, La Destra degli dei. Alain de Benoist e la cultura politica della Nouvelle Droite, Turin, Bollati Boringhieri, 2002 ; Joscelyn Godwin, Arktos. Le mythe du Pôle dans les sciences, le symbolisme et l’idéologie nazie [1993], trad. G. Leconte, Milan, Archè, 2000; Nicholas Goodrick-Clarke, Black Sun, op. cit. ; Russ Nieli & Carol Swain (dir.), Contemporary Voices of White nationalism in America, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 2003; Mark Sedgwick, Against the Modern World. Traditionalism and The Secret Intellectual History of the Twentieth Century, Oxford, Oxford University Press, 2004.
[33] Hans Thomas Hakl, Unknown Sources. National Socialism and the Occult, Holmes Publishing, 2005.
[34] Nicholas Goodrick-Clarke, The Occult Roots of Nazism: The Ariosophists of Austria and Germany, 1890-1935, Wellingborough, The Aquarian Press, 1985 (version augmentée en 1992 sous le titre: The Occult Roots of Nazism: Secret Aryan Cults and Their Influence on Nazi Ideology, New York, New York University Press) ; Black Sun, op. cit.
[35] Joscelyn Godwin, Arktos, op. cit.
[36] Mark Sedgwick, Against the Modern World, op. cit.
[37] Bernice G. Rosenthal (ed.), The Occult in Russian and Soviet Culture, New York, Cornell University Press, Ithaca, 1997.
[38] Giorgio Galli, Hitler e il nazismo magico. Le componenti esoteriche del Reich millenario, Milan, Rizzoli, 1989 ; La politica e i maghi. Da Richelieu a Clinton, Milan, Rizzoli, 1995.
[39] Par exemple, Anne-Marie Duranton-Crabol ou Daniel Lindenberg dans le supposé rôle de René Guénon comme « maître à penser » de l’extrême droite néo-fasciste (Anne-Marie Duranton-Crabol, L’Europe de l’extrême droite, Bruxelles, Complexe, 1991, p. 67 ; Daniel Lindenberg, « René Guénon ou la réaction intégrale », Mil neuf cent, vol. 9 n° 9, 1991, pp. 69-79 ; « Guénon René », in Jacques Julliard et Michel Winock, Dictionnaire des intellectuels français. Les personnes, les lieux, les moments, Paris, Seuil, 1996, pp. 566-567. Toutefois sa position a évolué pour devenir plus mesurée : Daniel Lindenberg « Xavier Accart : René Guénon ou le renversement des clartés. Influence d’un métaphysicien sur la vie intellectuelle et littéraire française (1920-1970) », Esprit, février 2007, p. 221). Si Guénon est assurément un auteur réactionnaire, il n’a jamais soutenu ou éprouvé de la sympathie pour le fascisme ou l’extrême droite, au contraire de son équivalent italien, Julius Evola.
[40] Pierre-André Taguieff, La Foire aux illuminés. Ésotérisme, théorie du complot, extrémisme, Paris, Mille et une nuits 2005.
[41] Wiktor Stoczkowski, « Rires d’ethnologues », L’Homme, n° 160, 2001/4, pp. 91-104.
[42] Ibid., p. 107.
[43] Alain Besançon, Histoire et expérience du moi, Paris, Flammarion, 1971, p. 67.
[44] Henri Levavasseur, « Pour une écologie des populations : la nature au fondement de l’identité », in Olivier Eichenlaub (dir.), Pour un réveil européen. Nature–Excellence–Beauté, Paris, La Nouvelle Librairie Éditions, 2020, pp. 27-37.
[45] Ibid. p. 27.
[46] Ibid., p. 31.
[47] Ibid., p. 36.
[48] Dominique Venner, « Éternité des civilisations », La Nouvelle Revue d’Histoire, n°7, juillet août 2003, p. 7.
[49] Bastien O’Daniéli, « La théorie “Out of Africa” en débat : et si l’origine d’Homo Sapiens était multirégionale », Éléments, n°150, 2016, pp. 72-77.
[50] Pierre Vial, Une Terre un peuple, Paris, Éditions Terre et peuple, 2000, pp. 110-111
[51] « Le propre de la pensée mythique, comme du bricolage sur le plan pratique, est d’élaborer des ensembles structurés non pas directement avec d’autres ensembles structurés, mais en utilisant des résidus et des débris d’événements : “Odds and ends”, dirait l’Anglais, ou en français, des bribes et des morceaux, témoins fossiles d’un individu ou d’une société. » Claude Lévi-Strauss, Le Regard éloigné, Paris, Plon, 1962, p. 32.
[52] Sur la « vie » des idées, voir Dan Sperber, La Contagion des idées, Paris, Odile Jacob, 1996.
[53] Un fanzine est une publication sans dépôt légal, réalisée de façon artisanale (usage de la photocopieuse) par des amateurs, à l’existence et à la parution aléatoire. Il se distingue des samizdats par son contenu, centré sur la musique (un style musical ou un groupe). Ceci explique son nom, contraction de Fanatics’Magazine : magazine de fans.
[54] Collectif, Rock Haine Roll. Origines, histoires et acteurs du Rock Identitaire Français, Paris, No pasaran, 2004.
[55] Claude Lévi-Strauss, L’Identité, Paris, Grasset, 1977, p. 331.
[56] Ibid., p. 332.