Irving Janis a formalisé le concept de la pensée groupale dans les années 19701. Sa méthode consistait à identifier de mauvaises décisions collectives. Considérées ainsi à son époque, il en analysa les mécanismes et en diagnostiqua les causes. L’explication tient à la présence du phénomène de pensée groupale. Pour l’éviter, il fait des recommandations dans le but d’éviter de tels fiascos historiques. Elles ont depuis été vulgarisées en psychologie et dans les cours de management. Cette pensée groupale tient à ce désir de préserver la cohésion du groupe. Cette tendance conduit à proscrire les disputations à l’origine de conflits. Un certain esprit de corps évacue dès lors toute pensée critique. Janis expose plusieurs conditions à son émergence dont cette cohésion du groupe, son isolement, l’absence de méthode, le leadership fort et la situation réputée anxiogène pour constater ce qu’on nomme depuis l’effet Janis. Mais près de cinquante ans plus tard, la pensée groupale résiste-t-elle à un examen critique ? La science historique contredit ses jugements sur des décisions historiques. Elles sont loin d’être ainsi jugées mauvaises. Les sciences de la communication, la théorie des jeux ou les sciences des organisations infléchissent son raisonnement le petit groupe n’étant en fait pas isolé, sous aucun aspect. Et la recherche en psychologie politique a produit des travaux critiques qui ouvrent d’autres voies.
Déjà, ces groupes réunissent des gouvernants dans des circonstances rares2. En sélectionnant ces groupes, il en extrapole des règles sur cette base de cas exceptionnels et de fait très peu représentatifs. Plus encore, ils se concentrent sur une courte période de quelques décennies dans la seule société américaine, hormis le cas du britannique Chamberlain dans une autre société anglosaxonne. Tout cela autorise-t-il une généralisation de ses enseignements sans aucune restriction ? C’est pourquoi nous interrogeons cette recherche demeurée emblématique sous deux angles : celui des implicites qui agissent en arrière-plan, commandant la démarche de Janis, celui des très grandes limites de cet échantillon témoignant d’une négligence de dimensions structurantes d’où le besoin, selon nous, de recourir à d’autres disciplines3. Le raisonnement de Janis commence par l’affirmation que ces groupes dysfonctionnent, partant du fait que leurs décisions seraient unanimement et irrévocablement déjugées. Ces groupes inefficaces seraient en proie à une paralysie des intelligences individuelles parce que soumis au phénomène de pensée groupale. Vérifions.
1. Les implicites des jugements de Janis
Il est nécessaire de rappeler son diagnostic produit sur la base de ces six études. II repère des symptômes. Les deux premiers conduisent le groupe à se surestimer :
1. L’illusion d’invulnérabilité engendrant un optimisme excessif en incitant à une prise de risques extrêmes.
2. Une confiance absolue dans la moralité intrinsèque du groupe conduit les membres à ignorer les conséquences éthiques ou morales de leurs décisions.
Les deux suivants témoignent d’une étroitesse d’esprit :
3. L’effort collectif de rationalisation néglige les avertissements et informations susceptibles d’interroger les hypothèses jusqu’à revenir sur des décisions antérieures.
4. Des jugements stéréotypés à propos des adversaires justifient de ne pas envisager des négociations, ceux-ci étant trop faibles ou trop stupides pour s’opposer aux actions ayant pour but de faire échec à leurs intentions.
Les derniers attestent d’une pression vers l’uniformité :
5. Une autocensure collective s’exerce contre les contradicteurs des stéréotypes, ces divergences d’opinion étant déloyales au groupe, marquant une forme d’infidélité.
6. Une autocensure individuelle des déviations contraires au consensus apparent du groupe, chaque membre minimise ses doutes et arguments.
7. Une illusion de l’unanimité où les dissensions internes sont occultées et ostracisées semblent de ce fait inexistantes.
8. La défense du groupe tient d’un rôle de gardien de la pensée collective par un engagement protecteur du groupe de toute dissidence ou information contraire.
Janis utilise des termes très forts pour qualifier l’effet « euphorisant » du groupe : surestimation, invulnérabilité, croyance comme pour sa régulation quelque peu castratrice : autocensure, dissidence, chiens de garde. Pourtant, ces « outrances » psychologiques sont selon lui les symptômes du consensus de la pensée groupale. Il le présente comme suit : « Un mode de pensée dont les gens usent lorsqu’ils sont profondément impliqués dans un groupe uni, quand le désir d’unanimité des membres outrepasse leur motivation à concevoir d’autres solutions de façon réaliste. »4.
Ses implicites sont nombreux pour arriver à la conclusion de l’émergence de la pensée groupale qui conduirait à la mauvaise décision, évitant les bénéfices de la pensée critique et d’une distance où le dialogue rationnel prévaudrait afin d’obtenir la bonne décision. Étudions maintenant quelques dimensions pour mieux interroger sa démonstration : le consensus, la bonne décision, la psychologie individuelle, le jeu des institutions et la théorie des jeux.
Premièrement, le consensus.
Il affirme que le groupe est à la recherche d’un accord en pratiquant le consensus. Rappelons que cinq des groupes sont constitués d’équipes autour d’un président américain et dans quatre cas en situation de crise internationale majeure : 2e guerre mondiale, guerre de Corée, guerre froide, guerre du Viêt-Nam. Plusieurs critiques sont à prendre en compte.
1. La recherche de l’accord existe si elle s’appuie sur l’hypothèse d’un groupe décidant collégialement ou par négociation entre parties. Or, la totalité de ces groupes gouvernementaux sont hiérarchiques, sans pouvoir de se soustraire à des relations de subordination qui obèrent la libre expression. Les conseillers n’exercent par le pouvoir conjointement avec les politiques. Il n’y a donc pas accord ou consensus. Les termes sont impropres à l’objet qu’ils décrivent puisque les relations n’y sont pas celles d’un groupe homogène. Il omet ainsi les rapports humains réglés par des conventions de commandement où les officiers ne peuvent s’opposer jusqu’à l’insubordination selon leur grade. Les règles sociales circonscrivent des fonctions et des rôles qui contredisent le symptôme d’absence de procédure et normes. Un officier supérieur n’est pas un politique.
2. Cette ambiguïté dénote un usage du terme opposé à celui de Lewin où le groupe est constitué d’égaux et où l’absence de lien hiérarchique était une condition de ses expériences. Il n’y a pas de groupe au sens de ces deux conditions ordinaires d’une proximité physique et temporelle. Et la pensée de groupe existe-t-elle quand diverses institutions instruisent et émettent des avis, structurant des décisions avec leur logique et leurs usages ? Ces interdépendances interviennent autant voire plus qu’une quête de consensus dans une équipe restreinte. Il omet l’historicité des décisions antérieures : cas de l’intensification de la guerre, la décision stratégique étant déjà prise ou cas de la poursuite de la décision d’un débarquement à Cuba prise par un prédécesseur. Il existe un environnement prescriptif lié aux décisions passées. Le groupe n’est pas sans subordination à cette histoire.
3. Il néglige aussi la prégnance de l’asymétrie des relations psychologiques entre les membres du groupe du fait de leur rôle dans l’organisation et de la psychologie de chacun. La confiance, la reconnaissance, l’autorité du conseiller, la crainte de déplaire ou sa puissance d’influence, la concurrence entre conseillers et donc leurs interactions dans un jeu d’intérêts participent pourtant des échanges au même titre que la stricte argumentation rationnelle dans l’instruction qui précède la décision. À cet égard, ses cas attestent de très vives controverses dont les rivalités et positions stratégiques et tactiques contradictoires des officiers supérieurs dans le cas Pearl Harbor. En aucun cas, une règle oblige à rechercher l’accord par consensus. Le commandement hiérarchique, l’autorité du décisionnaire unique affirmé par Truman ou a contrario l’esprit de consultation et d’écoute de Chamberlain, voire les désaccords de Kennedy avec son prédécesseur sont autant de facteurs sans lien avec un phénomène de cohésion et de travail par consensus.
4. Il articule deux acceptions du consensus, celle qui porte sur le processus centré sur une tâche : décider, celle qui porte sur le groupe lui-même centré sur sa permanence par le maintien de sa cohésion. Or, Moreno publie des travaux dès les années soixante où il définit le rôle comme : « la manière d’être et d’agir que l’individu assume au moment précis où il réagit à une situation donnée dans laquelle d’autres objets ou personnes sont engagées. »5. Les rôles nécessaires à l’accomplissement du processus de production de la décision sont bien différents de ceux qui président à la seule cohésion du groupe. Or, Janis se concentre sur la tâche de la décision. Mais il reproche ensuite au groupe de s’attacher à sa cohésion. Seulement, il ne peut y avoir un enjeu de cohésion sans risque de désagrégation. En reprenant la définition de la cohésion de Festinger : « l’ensemble des forces qui agissent sur les membres d’un groupe pour qu’ils restent dans le groupe et résistent aux forces de désintégration. »6, il devient manifeste que ses cas ne sont pas des groupes, n’ayant pas à résister à leur désagrégation puisque les membres sont là par obligation institutionnelle.
Deuxièmement, il préjuge de la bonne décision.
En vertu d’un raisonnement ambitieux selon lequel la disponibilité des sources détermine l’accessibilité de la réponse satisfaisante, il préjuge qu’il en existe une. Janis prolonge ici une manière d’étudier la décision chère aux économistes et théoriciens de la décision dont March et Simon dans leur étude des organisations et de leur processus de décision7. Il s’autorise un jugement catégorique sur les décisions prises et il fonde toute son analyse sur le fait préalable que ces groupes auraient pris de mauvaises décisions. N’oublions pas que son raisonnement consiste à partir de la vérité de ce jugement concernant ces mauvaises décisions pour les expliquer par un phénomène commun au six cas : les symptômes et effets de la pensée groupale. Or, la science historique donne aujourd’hui tort à Janis. Plusieurs arguments contredisent ses jugements hâtifs.
1. Les cas sont incomparables. Pour certains, des événements enjoignent de prendre des décisions mettant les acteurs sous contrainte, leur décision n’étant pas un acte libre exercé indépendamment d’un contexte très structurant, puisque ce dernier oblige de décider en réaction. D’autres sont des initiatives et certaines héritières de décisions antérieures structurantes : cas de Johnson d’intensifier la guerre au Viêt-Nam. Ainsi, réagir, prendre l’initiative, perpétuer ou contredire une tendance sont des situations incomparables en termes de situation de décision.
2. Plus encore, il juge a posteriori. À la différence des décideurs en situation, il dispose d’un premier recul face aux événements, ce qui biaise son regard. Il connaît la suite des événements construisant, quasi insidieusement, un jugement de vérité sur la décision prise. Il colporte d’ailleurs des vérités d’opinion dans l’air du temps. Son regard rétrospectif lui confère alors une autorité jusqu’à déconsidérer le choix politique, arguant implicitement de la rationalité supposée d’un autre choix. Pourtant, la décision en situation n’est pas son appréciation a posteriori. Or, fort de quelques décennies de travaux historiques, l’examen confirme l’inexactitude de ses jugements. Ces décisions très complexes font encore l’objet de nombreuses controverses qui contredisent la simplicité de ses positions. À cet égard sa critique de Chamberlain est la plus représentative de ce biais où son jugement s’enracine dans une connaissance rétrospective constatant l’inéluctable mouvement vers la guerre entrepris par Hitler. Pourtant, la décision était peut-être bien la moins mauvaise.
3. Il véhicule une vision très idéalisée de la décision, préjugeant de la liberté des dirigeants faisant l’économie des intérêts des parties, voire des contrepouvoirs et des possibilités de justifier une décision face à des institutions qui ont leur autorité : parlement, état-major, alliances. Le procédé est en effet insidieux, peut-être sans l’intention d’ailleurs, en ceci qu’il situe le lecteur dans l’illusion des pleins pouvoirs des acteurs puis le met en posture flatteuse de jugement sans prendre la mesure de ces interdépendances, voire même des impossibilités de décider autre chose du fait des autres acteurs de la décision. L’intrication du décideur dans les jeux du pouvoir sont totalement passés sous silence.
4. Enfin, il prétend connaître les intentions des décideurs en toute transparence. Que connaît-il en fait des jeux d’alliance et des stratégies à l’œuvre8 ? Trop peu pour juger de l’efficacité de la décision relativement aux buts que se seraient assignés à eux-mêmes les décideurs dont il prétend connaître les fins. Il ne peut se prévaloir de connaître ces intentions à ces niveaux-là de la décision. Si des décisions d’entreprise peuvent être explicites et transparentes, et encore ; celles des Etats échappent parfois pendant des décennies à la sagacité des historiens. Cela le conduit d’ailleurs à confondre la décision politique et toutes celles qui en conditionnent ensuite la correcte exécution, cas typique de la baie des Cochons. Cela le conduit aussi à juger selon ce qu’il prétend être le but sans vérifier sa conformité aux objectifs et aux résultats attendus par les parties. Il y a une différence entre l’alignement d’une décision à des buts et le jugement d’autorité que s’arroge Janis en préjugeant de façon très discutable des fins, ce que nous allons montrer en détail.
Troisièmement, il néglige un travail de psychologie des individus.
Il néglige l’individu au sein du groupe, faisant là encore abstraction d’une autre dimension structurante de la vie d’un groupe : les psychologies individuelles. Il prête en effet aux propos des participants une valeur au premier degré comme si leurs arguments étaient dénués de tactique et de stratégie personnelle dans les rapports de force et les séductions humaines. Sans même pratiquer une psychologie des profondeurs, peut-on imaginer de faire fi des grandes personnalités et de leurs comportements ? Nixon, Johnson, Kennedy, Truman, Chamberlain ont un impact sur les décisions prises en vertu de leur psychologie propre sans recourir à une pensée groupale. Leur psychologie étant différente, leur exercice de l’autorité incomparable, l’affirmation de Janis quant à l’absence d’un leader impartial est un reproche a priori de l’inévitable partialité de chacun ! Illustrons ici de deux cas opposés : Chamberlain et Truman.
1. Chamberlain signe les accords de Munich en 1938. Il est précédemment deux fois ministre de la santé dans les années vingt, loin de la diplomatie et de la guerre. Il est avant dirigeant d’entreprise pendant plus de quinze ans. Les historiens ont évolué passant de la critique à l’appréciation de l’homme et sa politique d’apaisement que Janis juge à l’emporte-pièce. Il veut éviter de déstabiliser toute l’Europe pour la seule Tchécoslovaquie dont les motivations politiques font éventuellement le jeu des Soviets. L’analyse géopolitique des événements de Tchécoslovaquie et le rôle de son dirigeant, Benes9 invite à plus de prudence dans l’interprétation, entre l’obligation d’intervenir en faveur de ce nouvel et jeune État constitué à la hâte et le choix de maintenir la paix deux décennies après une première guerre qui a marqué toute la société occidentale. De plus, le respect des accords internationaux explique pour une bonne part cette décision. La complexité diplomatique, les intérêts des nations et la capacité de convaincre ses alliées n’autorisent pas un jugement catégorique tant du point de vue historique, juridique que psychologique. Chamberlain est prudent, raisonnable et sans doute averse à la prise de risque. Les historiens sont eux-mêmes partagées, nuancés et en aucun cas le jugement de Janis s’impose.
2. Truman est un homme de guerre. Il a été un officier de la première guerre mondiale puis vice-président de Roosevelt pendant la guerre avant de lui succéder. Il assume les bombardements atomiques sans remords dont il dira « Je n’ai aucun regret et, dans les mêmes circonstances, je le referais ». Sa présidence est marquée par une opposition forte à l’extension du communisme russe d’où sa doctrine politique d’endiguement et la promotion du plan Marshall après la tragédie de la division de l’Europe à Yalta. La guerre de Corée se situe dans ce contexte géostratégique où l’enjeu est de prendre position face à une conquête révolutionnaire en vue d’une nouvelle Corée communiste, la Chine ayant basculé juste après la guerre. Dans ce contexte d’une forte extension du marxisme dans le monde et après la perte d’une moitié de l’Europe, les américains peuvent-ils laisser les communistes aux frontières du Japon ? L’opération consiste à agir pour tester le nouveau pouvoir chinois même si la réaction est possible10. Truman prend le risque ayant plus à gagner qu’à perdre indépendamment des résultats sur le terrain. Cette part de psychopathologie des dirigeants peut aussi intégrer celle de quelques conseillers dont certains marquant à l’instar d’un Kissinger11.
Quatrièmement, il omet le jeu des institutions.
Il laisse supposer que le groupe est dans la toute-puissance d’une décision à la façon d’un souverain qui n’aurait aucun compte à rendre alors que ces équipes gouvernementales et parfois militaro-politiques sont en interactions avec de nombreuses structures de commandement en capacité de contester, de réfuter, d’amender voire de s’opposer dans une grande démocratie. Cette abstraction est la plus troublante. Il fait l’impasse sur le fait que ce ne sont pas des décisions unilatérales, mais bien des décisions partagées dans des circonstances qui engagent des alliés, des partis politiques et les chambres dans des institutions où le président et ses conseillers ont à convaincre ou affronter des pouvoirs sans lesquels, le plus souvent, ils ne peuvent agir. Prenons deux exemples.
1. Kimmel est amiral mais il est immergé dans une structure de commandement. Il est lié à d’autres décisions de l’état-major, voire entre les militaires et le politique. De nombreuses décisions ne lui incombent pas dans l’enchainement des événements qui conduisent à Pearl Harbor.
2. Chamberlain est premier ministre mais il participe d’une décision internationale avec ses alliées dont la France et indirectement les Etats-Unis. En aucun cas il ne prend à lui seul la responsabilité d’un traité.
Janis isole donc un collectif de son contexte institutionnel alors que ce postulat n’est pas effectif dans les cas étudiés. Dès les années quatre-vingt-dix, les travaux de Hart vont montrer cette intégration, voire cette incorporation des décisions dans des environnements institutionnels structurant. Celui-ci souligne la complexité des décisions internationales dans les politiques étrangères soumises à des multiples restrictions12. La politique d’endiguement de Truman qui préside aux décisions en Corée n’est pas le résultat d’un travail isolé. C’est pourquoi si le phénomène de groupe chez Lewin est fragile et temporaire, se jouant sur des séquences de quelques heures en présence des membres, le groupe de Janis est à peine pertinent puisque la décision se joue dans un processus qui engage d’autres institutions, chacun des membres appartenant à d’autres organisations et sur des temps longs. Janis jugerait alors l’ensemble d’un système politique dans ses dysfonctionnements tout en forgeant un concept de pensée groupale très incertain dans ses contours physiques et temporels.
Cinquièmement, il néglige la théorie des jeux.
Certaines de ces décisions pouvaient en effet obtenir un résultat et la pesée des risques était dans les esprits. Le fait de tenter tient à l’appréciation d’un gain potentiel significatif ; donc le jeu en valait peut-être la chandelle ; même si a posteriori, l’échec relatif conduit à déjuger cette prise de risque. Mais une fois encore Janis fait abstraction d’une analyse beaucoup plus fine de ce qui était à gagner ou à perdre avec l’intérêt de faire. Les choix de Truman ou de Nixon entrent dans cette catégorie de décisions situées dans un enchainement de décisions d’acteurs par observation successive des situations. À cet égard, non seulement Janis a une vision binaire de la décision évoquée antérieurement, mais il en a une conception définitive en ceci qu’il ne prend pas la peine d’en étudier le processus dans l’exercice des décisions préparatoires et opérationnelles. Le cas Kennedy est emblématique. Ce jeune président hérite d’une décision antérieure largement engagée, où le poids des décisions opérationnelles altère la décision initiale. Et le jeu de l’adversaire évolue pendant la période de tension, les russes n’ignorent rien de cette intention de débarquement pour déstabiliser la jeune révolution castriste jusqu’à dissuader, peut-être, de réussir l’opération.
En synthèse, ses implicites manifestent un arrière-plan épistémologique très présent dans la recherche américaine de son époque. Il s’agit d’exposer des « recettes » à la manière d’une pragmatique de la décision collective capable d’en garantir le bon fonctionnement. Cette conception préalable de la décision l’entraîne à en ignorer son élaboration psychologique, basculant vers des recommandations très procédurales. Or la psychologie agit autant que l’analyse des arguments et des informations disponibles telle que son approche le manifeste. Pour se faire, revenons sur ses recommandations. Elles sont des prescriptions faîtes au groupe. Le lecteur notera qu’il introduit une fonction d’animateur d’une grande incongruité relativement aux cas étudiés où tout à chacun imagine volontiers un animateur de groupe en présence d’un président des États-Unis, d’un amiral ou d’un premier ministre. Le décalage entre le prestige des acteurs des cas étudiés et la nature des prescriptions pose en soi problème. Ce saut est effectué sans aucun commentaire sur la pertinence du passage des cas à un groupe décisionnel dans des organisations beaucoup plus ordinaires : entreprises, collectivités locales, administrations, associations ou syndicats. Pourtant, sa proposition a été depuis vulgarisée en ce sens dans des cours de management, arguant du prestige des cas bien plus que de leur pertinence et de leur possible transposition. Reprenons ces recommandations dont nous empruntons ici à Deutsch l’excellente synthèse13.
1. L’information sur les causes et les conséquences de la réflexion de groupe aura un heureux effet dissuasif. Une abondante information provenant d’études de cas peut renforcer la détermination des membres à limiter les attaques du groupe contre leur réflexion critique et accroître leur désir de tester des prescriptions opposées à condition... qu’ils aient conscience du coût (en temps et en travail) et se rendent compte qu’il y a d’autres inconvénients auxquels ils doivent également prêter attention avant d’adopter une procédure opératoire normalisée.
2. Lorsqu’il assigne à un groupe une tâche de planification des stratégies, l’animateur doit être impartial et ne pas indiquer dès le départ où vont ses préférences ni quels sont les résultats qu’il escompte. Cette pratique donne aux participants l’occasion de créer une atmosphère de libre examen et d’étudier impartialement toute une série de stratégies possibles.
3. L’animateur d’un groupe d’élaboration des stratégies doit, dès le départ, assigner à chaque membre un rôle d’évaluation critique et encourager le groupe à considérer comme hautement prioritaire l’expression des objections et des doutes. Cette pratique doit être renforcée et, pour cela, il faut que l’animateur accepte que ses propres jugements soient critiqués afin de dissuader les membres du groupe de mettre une sourdine à leurs désaccords.
4. À chaque réunion consacrée à l’évaluation des différentes stratégies possibles, un ou plusieurs membres doivent jouer le rôle de l’avocat du diable. Pour éviter que celui-ci soit amadoué et neutralisé, l’animateur devra assigner à chacun des membres du groupe une tâche précise : présenter ses arguments d’une manière aussi habile et convaincante que possible, comme le ferait un bon avocat, et contester le témoignage de ceux qui défendent le point de vue de la majorité.
5. Pendant toute la période au cours de laquelle il examine la possibilité de réalisation et l’efficacité des diverses stratégies possibles, le groupe de planification doit de temps à autre se diviser en deux ou plusieurs sous-groupes qui se réuniront séparément, avec des présidents différents, puis fusionneront pour résoudre leurs divergences.
6. Chaque fois que la question à l’étude implique des relations avec une organisation rivale ou un groupe extérieur, un temps assez long (peut-être une session entière) devra être consacré à l’examen de tous les avertissements émanant des rivaux et à la construction de scénarios de rechange concernant leurs intentions.
7. Lorsqu’un consensus préliminaire aura été réalisé sur ce qui est apparemment la meilleure stratégie possible, le groupe de planification devra tenir une réunion de la « deuxième chance » au cours de laquelle chaque membre sera censé exprimer aussi nettement que possible tous les doutes qui lui restent et repenser l’ensemble du problème avant de faire un choix définitif.
8. Un ou plusieurs experts extérieurs, ou collègues qualifiés appartenant à l’organisation, mais qui ne sont pas membres du groupe restreint de planification, seront présents à tour de rôle à chaque réunion et ils devront être encouragés à contester les opinions des membres du groupe restreint.
9. Chaque membre du groupe de planification devra périodiquement discuter des délibérations du groupe avec des collègues travaillant dans le même service de l’organisation et ayant sa confiance et informer le groupe de leurs réactions.
10. L’organisation devra normalement se conformer à la pratique administrative consistant à créer plusieurs groupes indépendants de planification et d’évaluation qui travailleront sur la même question, chacun conduisant ses travaux avec un président différent.
Cet inventaire manifeste l’immense décalage entre les prescriptions et les cas étudiés pour lesquels celles-ci paraissent peu applicables pour de nombreuses raisons : confidentialité diplomatique, sécurités d’Etat et militaire, faisabilité technique de l’exigence de l’instruction des objections, délais d’examen incompatibles avec l’administration des groupes, engagements d’experts en dehors des cercles informés, limites objectives des ressources compétentes sans ignorer la visibilité de ces initiatives par l’adversaire, les risques d’espionnage, etc. Examinons maintenant les grandes limites de son approche, mettant ici en pratique notre étude sur une psycho-sociologie cognitive du politique exposé dans un autre article de la revue14.
2. Les limites de son approche
Il est très focalisé sur l’analyse rationnelle des sources et la présence des éléments suffisants à la prise de décision en scrutant les informations disponibles. Les antécédents des symptômes sont d’ailleurs l’expression de son rationalisme qui se traduit en deux termes : impartialité et procédure. Pour un logicien d’ailleurs, le raisonnement de Janis est circulaire puisque ce qu’il exprime sous la forme des antécédents expliquant les symptômes sont aussi les solutions exprimées dans les recommandations déclinant le principe d’impartialité par des procédures. Là encore, les travaux ultérieurs de Hart et de ses collègues montrent la très grande limite de l’exercice, celui-ci ayant des propos incisifs : « les observateurs chevronnés du comportement politique et des organisations qui sont davantage consciences des considérations et contraintes de niveau « méso » et des paradigmes de gouvernance, n’accordant pas de place centrale à ses fonctions de résolution de problèmes et de traitement de l’information, trouveraient ces conclusions à la fois trop simplistes et grossières sur le plan normatif. »15. Examinons l’apport de la psychologie du groupe, l’intelligence collective, la phénoménologie du groupe, la science de la communication et la sociologie des organisations en montrant que chacun de ces regards concourent à une compréhension plus complète et en sachant la richesse des approches concernant l’étude des groupes : l’approche psychanalytique, phénoménologique, interactionniste, expérimentale16. Les travaux de Janis vont s’avérer très incomplets jusqu’à être pour partie dépassés, voire erronés.
La psychologie du groupe : elle étudie les désirs et les peurs du groupe, ces états comportementaux dans ses contextes. Les individus et les groupes constitués sont-ils seulement des esprits rationnels en action dans des circonstances historiques ? Il existe d’autres dimensions émotionnelles ou affectives, des biais sentimentaux ou relationnels dans le fonctionnement de ces équipes. Le groupe est-il cohésif par nécessité, crainte, empathie mutuelle faisant corps par désir de coopérer ou impératif d’agir ensemble ? Les comportements ont une part dans des couples dont la loyauté-déloyauté des membres, leur affectio societatis-égoïsme qui affecte leurs interactions, la bienveillance-brutalité des désaccords dans une histoire du groupe. Ce ne sont donc pas six cas qui éprouvent l’étendu de ces possibilités psychologiques. L’expérience de l’analyse de la décision dans d’autres environnements atteste de ces biais comportementaux. Notons trois exemples : la faible appétence collective à la décision dans un groupe velléitaire, la consultation successive de chacun jusqu’à l’accord de tous dans un autre empathique ou l’expression d’une volonté conquérante insensible au risque dans un troisième très impulsif, ce profil du groupe résultant d’interactions ou de l’influence d’une psychologie exerçant un leadership. Les travaux plus récents de Riggs Fuller et Aldag montrent que des décisions peuvent aussi avoir pour motivation la continuation du groupe indépendamment de la valeur intrinsèque du choix, la priorité allant vers le groupe plus que vers la tâche qui lui est confiée dans des circonstances d’un groupe facilement désagrégeable. Ces auteurs observent aussi le phénomène des agendas cachés de ceux qui ont leurs objectifs, à leurs yeux supérieurs à ceux du groupe en situation. Ces phénomènes de conflits et de désagrégation supposent des liens ténus sans recours à l’obligation institutionnelle. Riggs Fuller et Aldag montrent surtout que la cohésion est ambivalente. A l’inverse des prédictions de Janis, leurs observations montrent qu’en de nombreuses circonstances des membres familiers se disent vertement les choses, leur confiance réciproque induisant une capacité à la remise en cause franche et directe sans conséquence sur leur loyauté réciproque. Tout l’inverse de Janis, d’où ce reproche qu’il fallait étudier de très nombreuses décisions pour établir la relation entre la présence de la cohésion et les décisions bonnes ou mauvaises.
À cet égard, sa recommandation d’avoir plusieurs présidents à des moments différents dans des groupes distincts introduit l’aléa de la loyauté au groupe initial dans les phases de partage. Janis oublie d’examiner les effets psychologiques de son propre processus (points 4 à 8). L’expérience apprend que les experts sont tantôt perçus comme des intrus contestés et rejetés ou des complices associés voire pris en otage par quelques-uns selon leur stratégie d’alliance. De même, la résolution des divergences conduit à des phénomènes très observables de lassitude puis de renoncement par épuisement conduisant à une sélection par la valorisation des plus motivés sans lien avec la qualité de l’option proposée, certains jouant de cette stratégie temporelle intentionnellement. Janis ignore la mise à l’épreuve de ses recommandations en faisant fi de la psychologie humaine éliminée par le respect impartial des procédures. Or, celle-ci ne disparaît pas à la simple injonction d’une procédure rationnelle qui ne transcende ni n’élimine les comportements et les jeux humains. Il n’a d’ailleurs pas de propositions expliquant l’insertion de ses recommandations puisque leur rationalité s’impose, selon lui, d’évidence.
L’intelligence collective : elle s’intéresse à ce passage de l’intelligence individuelle à un procédé collectif. Janis n’évoque en rien les mécanismes qui articulent la pensée individuelle et l’émergence d’une pensée collective. Outre la dimension presque statistique de l’examen, chaque argument entre en résonance du contexte cognitif de chacun des auditeurs. Chacun sera psychologiquement appétant ou rétif dans son accueil singulier d’une même information dont l’interprétation le conduira à se positionner et à évoluer au sein du groupe. Or dans chacun des contextes, certains arguments ont une charge émotionnelle que Janis ne prend pas en compte. Chamberlain et ses conseillers sont-ils averses à la guerre par bêtise ou couardise comme il le laisse entendre ou sont-ils marqués au fer de la folie de la première guerre mondiale qui a suscité une crise profonde de la société européenne ? Leur intelligence collective est de facto située dans une histoire. C’est là bien plus qu’un simple biais cognitif. L’examen révèle alors ces arrière-plans, ces insertions historiques où les membres ont leurs lieux communs qui constituent le cadre préalable de leurs pensées.
Rien dans ses recommandations ne garantit cette intelligence collective puisque son processus très analytique vise au contraire à éliminer les dimensions psychologiques par des dispositifs procéduraux en tentant de faire de chaque acteur un homme rationnel : « se conformer à la pratique administrative », « procédure opératoire normalisée », « l’animateur devra assigner », alors que les lieux communs et les évidences d’un temps participent d’une économie générale de la décision collective. L’animateur devient une figure tutélaire assignant des rôles où les acteurs s’exécutent. Sa recommandation 5 de séparation du groupe puis de résolution des divergences illustre sa confiance en une rationalité procédurale alors qu’elle est expérimentalement un facteur de division et d’incohérence croissante où se dissout l’intelligibilité collective jusqu’à induire un choix par défaut dont personne ne se sent responsable. Il a foi dans la procédure dont l’expérience apprend qu’elle peut dissuader et démotiver, forçant à jouer des rôles artificiellement sans avoir des dispositions, des désirs, voire même des compétences spécifiques pour les jouer. L’expérience témoigne aussi de ces rivalités émergentes qui viennent perturber l’analyse des divergences du fait des relations et des rapports d’influence réciproques qu’exercent des leaders au sein des différents sous-groupes, allant même jusqu’à pratiquer des jeux de concessions ou de négociations implicites, ayant à l’esprit des arbitrages antérieurs et des enjeux ultérieurs qui vont altérer la faculté de décision, d’où l’intérêt de l’approche phénoménologique.
La phénoménologie du groupe : elle cherche à repérer les intentions des membres et du groupe. L’explicitation des intentions dévoile le jeu des membres qui n’est jamais indifférent. Le cas de Kimmel est le meilleur pour constater qu’il existe des rivalités, des points de vue tactiques et militaires contradictoires en désaccord sur les priorités, les actions et les choix à opérer. La conduite des opérations militaires atteste de ces difficultés au sein des états-majors. La conflictualité des intentions ou leur convergence sont à la fois le fait du groupe au moment où il se constitue en vue d’une décision et le résultat d’une autorité interne au groupe où le leader obtient un assentiment sur l’intention commune avant même d’instruire les aspects constitutifs de la décision à prendre. À cet égard, la proposition de la multiplication des groupes se sachant miroir les uns des autres, induit souvent leur mise en compétition. Celle-ci induit des biais, la parcellisation des informations, la perte de sens, la conflictualité des groupes et plus encore l’entropie liée à la multiplication des étapes d’analyse, de synthèse et de dialogue qui sont bien observables.
Le cas Kennedy et de la baie des Cochons est exemplaire. Janis juge à la hâte un événement qui lui est très contemporain en ignorant le jeu des intentions, faute de disposer des informations confidentielles qui lui sont inaccessibles à son époque. C’est pourquoi de nombreux travaux contestent sa vue des événements. La décision est prise initialement par Eisenhower, républicain et militaire à la fin de son mandat. Kennedy hérite de cette décision et de l’organisation en cours. Il est démocrate et favorable à la détente avec les russes. Ces plus récents travaux livrent une autre version des faits et expliquent l’intention de Kennedy annulant les opérations de soutien aérien. Face à tant d’incertitudes sur les intentions du nouveau président, il est probable que l’opération soit en fait un succès, Kennedy voulant justement qu’elle échoue. Janis juge vite car il ne pouvait maîtriser des données historiques si près des événements, celles-ci jetant plus qu’un trouble sur le contexte, le jeu effectif des intentions et les résultats17.
La communication au sein du groupe : elle étudie les flux d’information, les langues et les codes du groupe, les rhétoriques, les régimes de vérité, les rapports aux langages et le degré de congruence sémantiques. Bien au-delà du consensus, il faut se souvenir de la formule de Dewey mentionnant « les conceptions et les croyances acceptées couramment sans discussion par un groupe donné ou par l’humanité en général »18. Le groupe, voire la société dans laquelle il se situe partage un langage et des croyances communes. Mais malgré l’existence de lieux communs, l’expérience montre que systématiquement les membres d’un groupe n’ont pas la même acception des principaux termes de leurs discussions, tant du point de vue lexical que du point de vue des charges émotionnelles auxquelles ils sont associés. Cet exercice atteste d’une dispersion des significations et des contextes qui sont sources de quiproquos, de désaccords et d’incompréhensions, où la psychologie participe d’une perception des termes. Au-delà même de la perception des mots, il y a leur interprétation et l’analyse des argumentations qui expliquent une part des modes de fonctionnement du groupe. La rhétorique et les préconstruits culturels du langage, la logique d’un temps et la sémantique éclairent le fonctionnement du groupe.
Le terme de guerre évoque-t-il du bien pour une psychologie martiale, le mal, la peur, un moindre mal, une action, une responsabilité, un acte politique, un renoncement, un échec, un devoir, ou un souvenir, un sentiment de fierté familiale et d’héroïsme, d’émotions et de peines très douloureuses. Qu’évoque la guerre et quelle stratégie sémantique chacun en fera ? Il en est de même des régimes de vérité et des méthodes de communication interpersonnelle. Un groupe procède par réfutations successives, construction itérative d’une démonstration ou par opposition des argumentations soit des approches électives, sélectives ou exclusives. Ces modes opératoires ont tous leur pertinence et leur biais. À cet égard, nombre des modalités suggérées par Janis dont l’animateur qui a une fonction de communication spécifique, l’expert qui s’impose par une sémantique et des figures rhétoriques, l’avocat du diable qui investit des stratégies d’argumentations développent des techniques de communication, voire des stratégies comportementales. Mais ces rôles ne répondent en rien aux dissonances cognitives et biais communicationnels selon les modèles d’échanges et les styles de communication puisque la difficulté n’est pas l’absence de rôle mais la manière de se comprendre à travers des représentations langagières et sociales, ce qui introduit pour terminer cette partie une part plus sociologique de la vie du groupe.
La sociologie du groupe : elle s’intéresse à la manière dont les acteurs se représentent et mettent en œuvre une organisation. À cet égard, Janis omet un fait déterminant. Aucun de ces acteurs n’a décidé de l’organisation dans laquelle il agit. Tous sont liés à des institutions qui les précédent en leur ordonnant de se conformer à des usages. Un premier ministre britannique ne choisit pas sa constitution pas plus qu’un militaire les lois qui régissent l’état-major. Le poids de cette organisation et sa perception voire son influence sur les faits et gestes des acteurs ne sont pas dénués d’intérêts. Le rapport au pouvoir et au gouvernement tient bien de ces représentations et de leurs effets sur les comportements jusqu’à l’hubris. Notons à la suite des travaux de Morgan sur les métaphores organisationnelles que de nombreuses organisations ont été imaginées, développées et instituées par leurs fondateurs installant des modes de fonctionnement qui reflètent des préférences comportementales très structurantes que nous résumons dans le tableau ci-dessous19 :
METAPHORES | DECISIONS | ACTIONS |
Machine | Binaire, rationnelle | Prescription, contrôle |
Organisme | Multivalente, systémique | Autonomie, interaction |
Cerveau | Polyvalente, holistique | Adaptation, réseau |
Culture | Valeur, signification | Règles, rite |
Système politique | Intérêt, arbitrage | Stratégie, alliance |
Prison | Dépendance, angoisse | Pulsion, stress |
Domination | Légitimité, légalité | Discipline, obéissance |
Flux | Dialectique, manœuvre | Création, initiative |
Or, Janis ignore cette relation entre la psychologie des décideurs et leurs organisations. C’est pourquoi il fait des recommandations procédurales ignorant complètement qu’elles ont à s’insérer dans des modèles organisationnels qui selon les cas, les expulseront, les détourneront, en feront un usage illusoire ou en subiront les effets pervers par inadéquation de ces procédures dont la culture implicite entre en conflit avec les pratiques en vigueur. Par excès de confiance en son approche rationaliste, traits de caractère psychologique de ceux qui se distancie des êtres et des choses, Janis se situe lui-même dans un modèle d’organisation rationnel où les dispositifs de prescription et de contrôle sont censés assurer la rationalité des choix. Son échantillon est de nouveau non-représentatif des structures de pouvoir ou des organisations. Comment peut-il en faire fi ? Sans doute parce que la rationalité administrative et institutionnelle est développée dans la science économique et organisationnelle américaine de son temps et qu’elle paraît universelle. De plus, il est plus facile d’étudier le processus au titre de la tâche alors que le désir, l’influence, l’inconscient, le langage et l’idéologie ou l’identité du groupe exigent un travail en pleine proximité, complexe et toujours partiel. Éliminer ce qui s’étudie difficilement simplifie le raisonnement au prix de la disparition de la psychologie dans ses recommandations. Pourtant, l’action d’un mouvement révolutionnaire dans un registre proche de la métaphore du flux, celle d’un groupe d’entrepreneurs dans un modèle organique ou celle d’un syndicat réunissant des parties dans un modèle nécessairement plus politique développent des logiques, des rapports aux institutions et des comportements individuels et de groupes très peu comparables.
3. Quelques enseignements
Ceci montre les limites de son exposé dont les conclusions sont très hâtives, simples et procédurales. Mais reconnaissons à Janis l’intention de comprendre les aléas de la décision. Deux aspects de sa recherche méritent ici un complément. L’évaluation de la décision et la clarification des intentions du chercheur.
L’évaluation de la décision :
Janis se trompe, ce qui obère son jugement sur la qualité de la décision, rendant ses démonstrations obsolètes. Il ne prend pas assez de précautions pour documenter son évaluation des décisions étudiées. Son imprudence historique lui fait penser à tort que les objets sont tous connus, parfois à quelques années seulement des événements. Il est en fait lui-même victime de la pensée moutonnière qu’il dénonce, adoptant la vérité d’opinion dans l’air du temps des années soixante-dix, n’adoptant aucune attitude critique concernant les informations disponibles ; ce qu’il reproche justement à ces groupes en position de décision. Lui-même décide par des jugements qui s’avèrent tous très fragiles à l’aune de quelques décennies de découvertes et de travaux de sciences politiques et d’histoire20.
Plus encore, il lui manque une théorie de l’action pour évaluer ces décisions selon plusieurs critères au-delà d’un choix binaire : bonne ou mauvaise. Dans la chaine du processus décisionnel, la mise en relation des étapes permet d’apprécier différents critères, sous réserve d’avoir accès à suffisamment d’informations. Il faut cette exigence de rendre compte de l’ensemble, partant des intentions qui président à l’expression des besoins, à leur formalisation dans des objectifs qui mobilisent des ressources en vue d’une action pour obtenir des résultats avec des effets collatéraux et secondaires. Il faut ensuite établir des rapports entre ces étapes en termes de pertinence, cohérence, efficacité, efficience ou utilité. Le praxéologue compose alors deux jugements : celui qu’il pense pouvoir attribuer à l’auteur de l’action en vertu de ses logiques propres, celui qu’il peut porter au titre de son regard d’observateur au titre de ses préférences. L’efficacité du groupe se mesure alors certes par un tiers qui l’apprécie à l’aune de ses critères, mais il essaie de rendre compte de la perception de cette efficacité par le groupe lui-même, légitimant parfois une autre forme de résultat21.
La clarification des intentions du chercheur :
Le chercheur est une partie de ce qu’il prétend étudier. Or, du fait de ses recommandations, Janis affirme une solution universelle liée à des procédures de travail où l’humain est instrumentalisé et assujetti, jouant des rôles dans des configurations qui ne s’interrogent plus. Janis n’imagine pas que ses recommandations aient des limites dans l’espace et le temps ! La procédure se substitue ainsi à un travail sur la psychologie et elle fait l’économie de la plus difficile des entreprises, celle qui consiste à observer les hommes en situation et à examiner les faits et gestes en vertu de très nombreuses grilles de lecture. Ces travaux ne se contredisent pas, ils s’enrichissent. Mais reste, il est vrai, à clarifier l’intention des chercheurs. Janis voulait des recettes pour répondre à ce qu’il croit être des échecs. L’intention est louable mais le chemin trop rapide et simple. Riggs Fuller résume très bien le risque d’une recherche soucieuse de sa confirmation, voire de sa promotion. Elle écrit : « les chercheurs devraient reconnaître la nature complexe, dynamique de résolution de problèmes de groupe et utiliser une large gamme de méthodes et des situations en évitant la recherche explicite d’une confirmation. »22
Cet examen critique de la pensée groupale de Janis illustre bien notre esquisse d’une psycho-sociologie cognitive du politique. Cette critique montre toute la fragilité des enseignements dès lors qu’ils sont mis à l’épreuve d’une connaissance multidisciplinaire plus vaste et d’une observation de nombreuses situations : intentions, représentations sociales, langage et communication, psychologie, sociologie, institutions et histoire politique. Soulignons ici deux types de recherches qui ont largement déplacé le propos de Janis : celles de Hart et d’Allison.
1. Les conclusions de Hart, professeur et de ses collègues soulignent l’importance du caractère exceptionnel des cas de Janis. En étudiant, non plus la décision mais le phénomène de crise, ils mettent en évidence une gestion complexe de faits difficilement prévisibles. À la différence de Janis, ils signalent que la coordination des institutions compte plus que la décision d’un groupe. Ils montrent que la décentralisation est préférable à la concentration des pouvoirs ce qui conduit à déléguer la décision plus près des événements. Loin de la pensée groupale, Hart s’intéresse alors à l’apprentissage collectif pendant la période de crise, il rend aussi compte de l’existence de manipulation du processus de décision à partir d’intentions cachées qui perturbent les relations et engendrent des tensions. La pensée groupale y devient elle-même l’objet d’une stratégie où certains privilégient la recherche de la cohésion et le bien-être du groupe afin de le détourner d’une décision. Dans « The Essence of Groupthink Groupthink in Government : A Study of Small Groups and Policy Failure » publié en 1990, Hart montre que cette pensée groupale est en fait peu fréquente. Elle n’est pas une menace car les conditions de son émergence sont très exceptionnellement réunies. Les groupes ne sont pas cohésifs, les dirigeants ne sont pas des leaders autoritaires, les événements mobilisent une complexité d’intervenants au-delà d’un petit cercle. Ce sont alors les interactions entre les individus qu’il faut étudier sur plusieurs plans grâce à des disciplines dont la psychologie, la sociologie, la linguistique par exemple. Ce sont aussi les interactions institutionnelles entre les groupes dans leur mécanisme de coordination dont l’étude accroît la compréhension des phénomènes de pensée en/de groupe dans leurs missions, dont Hart signale qu’elles gèrent autre chose que des crises. Hart dissocie alors la pensée de groupe de la qualité de la décision parce que la relation n’est pas bi-univoque. Le groupthink a des fonctions positives dans de nombreuses situations tant pour le groupe que pour les décisions prises. Il n’y a pas alors de détérioration des facultés mentales mais un mode de vie collectif apte à produire des réponses satisfaisantes. A l’inverse, les mauvaises décisions ont d’autres causes que ce seul phénomène.
2. Les travaux d’Allison, professeur à l’université de Harvard, mettent en cause la réalité du modèle d’acteurs raisonnables. Dans ses travaux sur la crise des missiles de Cuba de 1971, contemporains de ceux de Janis, Allison montre que les hommes politiques et les organisations qui les environnent ne poursuivent pas des buts rationnels. Il étudie le jeu des acteurs, la divergence des intérêts, les conflits personnels et les mouvements de coalitions interindividuels ou à l’échelle des institutions. Il témoigne de la réalité d’un processus de négociation entre des parties bien plus que de décision. Et les jeux de pouvoir influencent les décisions concernant tout autant des individus que des sections, services ou agences gouvernementales dans leurs rapports d’autorité, d’influence ou de prestige. La psychologie y prend une autre part révélant la domination, la soumission, l’aliénation. Allison étudie aussi ces multiples interactions entre des organisations qui interviennent sporadiquement dans le dispositif, ne pouvant faire l’objet des symptômes proposés par Janis. Il observe aussi la variété des modèles qui ne visent pas les mêmes résultats. Les organisations n’ont pas les mêmes raisons d’être. A cet égard, les conditions d’expériences déforment un examen qui devrait être plus longitudinal pour être pertinent à l’échelle d’organisations et de dirigeants qui agissent sur des temps longs, voire très longs. Pour des raisons d’efficacité à court terme de la recherche, qui est un biais en soi, les études de terrain se focalisent sur des décisions visibles à court terme ; ce qui réduit la portée et la signification des conclusions.
Ainsi, la pensée en/de groupe est un objet complexe qui légitimerait un investissement et des recherches dans des environnements organisationnels divers, avec des approches complémentaires qu’il faudrait articuler si nous aspirons à une compréhension collective de la vie des groupes humains. C’est en soi un chantier dont les décideurs auraient besoin, surtout quand nous voulons fonder et organiser des instances collectives et leurs modalités de fonctionnement : de la simple réunion de travail à la direction d’une entreprise jusqu’à des assemblées parlementaires, voire des communautés d’appartenance plus vaste. En effet, créer des instances et les diriger ne ressemble guère aux institutions politiques. Avoir des rôles et des mandats sociaux dans des conseils d’administration, des syndicats ou des partis politiques obligent des représentants à se conformer à des fonctions de représentation, et cela n’est pas sans effet psychologique. Des dirigeants militants d’association ou de fédérations ont une mission dont ils se sentent investis au plus profond de leur personne induisant des modes de fonctionnement spécifiques. L’observation des organisations et des groupes de décision dans chacun de ces environnements serait une source de compréhension où la conclusion de Janis trouverait sans doute sa place au milieu d’autres enseignements.
1 Irving Janis nait en 1918 à Buffalo et meurt en 1990. Psychologue à l’université de Yale, il est connu pour son œuvre consacrée à la pensée groupale ou moutonnière. Son schéma :
2 Groupe 1 des proches conseillers de Chamberlain décidant d’une politique d’apaisement en 1937 face à Hitler alors que les événements témoignent d’une tension croissante. Groupe 2 des officiers de marine de l’amiral Kimmel ignorant les avertissements durant l’automne laissant supposer l’attaque de Pearl Harbor par l’aviation japonaise. Groupe 3 des conseillers du président Truman approuvant la décision d’intensifier la guerre en Corée alors que la Chine mettait en garde les Etats-Unis sur son opposition armée à une présence américaine. Groupe 4 des conseillers du président Kennedy approuvant le débarquement dans la baie des Cochons quand les informations alertaient du risque d’échec et d’une dégradation des relations diplomatiques avec les russes.Groupe 5 du déjeuner du président Johnson approuvant l’intensification de la guerre du Viet Nam dans un contexte réputé favorable aux Nord-Vietnamiens. Groupe 6 des conseillers du président Nixon tentant d’étouffer le Watergate.
3 Esquisse d’une psycho-sociologie cognitive du politique, Cahiers de psychologie politique n° 31 juillet 2017.
4 (1983, 41).
5 (1965, 81).
6 (1950, 66).
7 March et Simon publient Les organisations en 1958, après des articles sur les modèles de choix rationnels dès 1955 où Simon développe sa théorie de la rationalité limitée par opposition à la raison absolu ou substantive ; et ce, faute de la réunion de la totalité des informations utiles et de la contrainte temporelle sans oublier les limites intrinsèques des organisations elles-mêmes dans l’exercice de la décision.
8 Janis va vite dans un dossier changeant du fait de l’accès progressif à des informations confidentielles au fil de leur déclassement. Les avis divergent toujours. L’amiral Layton, spécialiste des codes affirme qu’il n’avait pas les informations complètes dans son œuvre And I was there : Pearl Harbor and Midway – Breaking the secret de 1985. Stinett affirme que l’amiral avait reçu l’ordre de dissimuler des informations sur les ordres de Roosevelt dans son livre Day of deceit en 2001. D’autres révèlent les ordres contraires émanant de l’amiral Ingersoll. Pas moins de sept commissions d’enquête administratives ont étudié l’affaire attestant de sa complexité. D’autres soulignent des décisions qui interfèrent, dont celle du général Short concernant le positionnement de la défense aérienne. Les systèmes de transmission radio auraient été parasités par les japonais et des difficultés techniques en ont décalé des transferts à des moments déterminants. Ces désaccords entre les officiers supérieurs manifestent des défauts de coordination plus qu’un consensus groupal. Enfin l’amiral Nimitz conclut que la décision de sortir la flotte aurait couté sa perte totale au regard de la force de frappe nippone occasionnant 60.000 morts et un déséquilibre majeure dans la suite des événements, soit un avis bien différent de Janis.
9 Chamberlain n’est pas un décideur isolé sur cette question. Edvard Benes œuvre à la construction de la Tchécoslovaquie dans l’entre-deux guerres par l’unification de la Bohême, de la Moravie et de la Slovaquie sans respecter le programme du traité de paix dénommées les quatorze points de Wilson où figurent que les nouveaux Etats se constituent dans le respect des peuples à disposer d’eux-mêmes. De nombreuses minorités resteront hostiles à son projet : allemands, hongrois ou ukrainiens représentant une part très significative de la population. L’accord signé par Chamberlain met alors un terme à cette première république au profit de la Hongrie, de la Pologne et de l’Allemagne. Cette remise dans son contexte géostratégique de la première guerre mondiale donne du crédit à la décision des occidentaux. Sur période longue, la nouvelle séparation de la Tchécoslovaquie en 1992 met un terme au projet initial de Benes. Le jugement de Chamberlain a donc toute sa pertinence sur au moins deux points : la faible consistance de ce nouvel état en 1937 et le respect du programme des quatorze points de Wilson par ailleurs. Pour terminer, Janis passe sous silence la position de Daladier dont l’histoire retient qu’il ne souhaite rien engager à l’approche d’échéances électorales.
10 La guerre de Corée a été analysée depuis par nombre de stratèges et d’historiens sans donner raison à Janis. Truman est confrontée à la menace de la disparition de la Corée. Toutes les premières initiatives sont des succès militaires. La Chine réagit, certes, mais la situation se fige au 38e parallèle. Truman se satisfait de cette situation, semble-t-il par crainte d’un élargissement du conflit avec les russes. Le bilan s’apprécie alors au regard de la position de départ et de son résultat.
11 Kissinger a été secrétaire d’Etat de Nixon et Ford, promoteur de la realpolitik, prix Nobel de la paix en 1973, fort d’une indéniable autorité de compétence, docteur en science politique de l’université de Harvard. Il est adepte d’une raison efficace au service de l’Amérique sans place pour les sentiments. Il sera souvent jugé en cynique, faisant l’apologie des résultats indépendamment des moyens. Concernant la psychopathologie, il faut lire The Hubris Syndrome : Bush, Blair and the Intoxication of Power du médecin et ancien ministre des affaires étrangères Owen décrivant cette pathologie des dirigeants où le pouvoir a transformé leur personnalité.
12 (1997, 26-28). Hart précise même : « les psychosociologues et les psychologues politiques ne peuvent se permettre d’ignorer les forces institutionnelles plus vastes qui gouvernent les perceptions, calculs et comportements des politiciens impliqués dans le monde réel. »
13 (1983, 256-257).
14 Esquisse d’une psycho-sociologie cognitive du politique, Cahiers de psychologie politique n° 31 juillet 2017.
15 (1997, 28-29).
16 De nombreux travaux ont été menés sur la théorie des groupes à l’époque même de Janis dont il tire peu d’enseignements. Notons par exemple Bales (1950) ou Gibb (1958) pour l’interactionnisme, Bion (1961) pour la psychanalyse, Maisonneuve (1968) pour la phénoménologie ou encore Festinger (1950) pour une approche psycho-sociale.
17 Plusieurs décisions nuancent la croyance d’une opération soutenue par le nouveau président. Le changement de plage, l’opération étant prévue initialement vers Trinidad aux accès faciles et proche des opposants à Castro ou les hésitations de Kennedy se traduisant par l’annulation du soutien aérien pourtant indispensable font dire à nombre de spécialistes que la brigade 2506 étaient alors condamnée. Enfin, le rapport de force réel avec le Kremlin a pesé au plus près des ordres d’exécutions du fait des menaces de représailles. Certains parlent même d’une trahison de Kennedy, mais n’était-ce pas son intention ?
18 (1993, 123).
19 Morgan expose ces métaphores qui se réfèrent à des auteurs et des approches des organisations : la machine des théories de l’organisation scientifiques du travail de Taylor, Ford ou Fayol, l’organisme de l’école des relations humaines de Mayo et dans la psycho-sociologie des organisations de Maslow, le cerveau de la cybernétique de Wiener, Shannon et Von Foerster, la culture liée aux travaux d’anthropologie et de sociologie qui caractérisent les règles, les rites, les langages, le système politique de Crozier étudiant les interfaces entre les acteurs et le système et à la socio-dynamique de Fauvet, la prison d’Elliott étudiant les systèmes sociaux comme des défenses contre les angoisses dépressives et de persécution et développée par Enriquez analysant la place et l’impact de l’inconscient dans la vie sociale des organisations, la domination issue de la philosophie politique et de la conception dialectique des rapports humains et sociaux de Marx et des penseurs socialistes, le flux résultant des travaux de Varela sur l’auto-organisation et de sa théorie de l’autopoïese décrivant les phénomènes biologiques et cognitifs complexes.
20 Nous invitons le lecteur à s’informer sur le degré de complexité des deux décisions de l’intensification de la guerre du Viet Nam et de Nixon lors du Watergate où l’opacité du jeu des acteurs rend assez illusoire un jugement sur la décision prise au début de cette affaire.
21 Bandura développe cette étude de l’efficacité du groupe s’emparant de son efficience par cette dynamique fondée sur la croyance de chacun en la vertu de son efficacité au sein du groupe. Il expérimente puis construit la notion d’auto-efficacité individuelle et du groupe liée à cette conviction commune.
22 (1993, 549).
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