N°31 / numéro 31 - Octobre 2017

Analyse de la valeur travail sous le prisme de son historicité anthropologique. Ou comment le travail est devenu une quasi-religion d’État

Jacky Leneveu, Mireille Mary Laville

Résumé

Dans son acception la plus consensuelle, l’idée de travail concerne une activité contraignante exigeant des efforts, et limitant la liberté de l’individu. C’est tout le paradoxe de l’ère industrielle, où l’on tend vers un idéal de liberté [via le confort matériel et les biens de consommation de masse], tout en s’en trouvant privé. Une analyse unidimensionnelle ne peut à elle seule traiter de la complexité de la valeur travail qui est devenue centrale dans nos sociétés contemporaines. En évitant l’écueil de l’ethnocentrisme (au regard de la société de la performance et de la norme du travail salarié) et de l’anachronisme, il est nécessaire d’observer et de rétablir la valeur travail sous le prisme de l’épreuve du temps, donc dans son historicité anthropologique. Ces réflexions d’ordre épistémologique de la valeur travail s’étayent sur des disciplines complémentaires que sont la théologie, la sociologie, l’anthropologie, et la psychologie.

According to its most consensual acceptation, the idea of work concerns a constraining activity demanding effort and limiting the freedom of the individual. Therein lies the great paradox of the industrial era where we tend towards an ideal of freedom [via material comfort and mass consumer goods], which we are then barred from enjoying. A unidimensional analysis alone cannot reach the complexity of the work value which has become central in our contemporary societies.  While taking care not to fall into ethnocentrism (in view of our performance based society and the norm of salaried employment) or anachronism, it is necessary to observe and reestablish the work value through the prism of the test of time, and so in its anthropological historicity. These epistemological style reflections on the work value are supported by complementary disciplines which include theology, sociology, anthropology and psychology.

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Chassé du jardin d’Eden, l’homme rêve du paradis perdu, il rêve de pouvoir s’affranchir du travail, et de la souffrance qui y est désormais associée.

Introduction

Dans son acception la plus consensuelle, l’idée de travail concerne une activité contraignante exigeant des efforts, et limitant la liberté de l’individu. C’est tout le paradoxe de l’ère industrielle, où l’on tend vers un idéal de liberté [via le confort matériel et les biens de consommation de masse], tout en s’en trouvant privé.

Au XVIIIe siècle, c’est par un changement de modèle économique, se faisant l’écho de nouvelles utopies politiques, que l’homme, malgré lui, a été emporté par la masse du travail salarié vers davantage de déliaisons sociales, environnementales, et psychologiques. Pour comprendre comment le travail ou plus précisément une certaine conception du travail, a pris une telle primauté dans les différentes sphères de l’État-Nation, nous examinons le travail, sans tomber dans l’écueil de l’ethnocentrisme et de l’anachronisme, sous le prisme de son historicité anthropologique. C’est pourquoi, les représentations collectives, fertilisées par les croyances, la foi et la quête de liberté, apparaissent comme une voie privilégiée pour appréhender et cerner les différentes conceptions de la valeur travail et ce, à l’épreuve du temps et de l’espace géographique considéré.

Les représentations collectives de la valeur travail en Grèce Antique

Sous l’Antiquité, en Grèce, les citoyens ne travaillaient pas (au sens laborieux), ils étaient surtout dans l’action politique où ils débattaient de l’organisation de la Cité. Par l’esclavage, les grecs maîtrisaient la nécessité biologique, et éliminaient le travail des conditions de vie des citoyens, considérant qu’un homme qui travaille n’est qu’un animal laborans, un non-homme. Pour Aristote, l’homme ne surgit que là où règne la liberté. Il refuse de donner le nom d’homme aux membres de l’espèce humaine qui restent soumis à l’emprise de la nécessité vitale. Au nom de ce postulat de la liberté, Aristote exclutradicalement de la polis tous ceux qui, volontairement ou non, temporairement ou pour toute la vie, ont perdu le libre choix de leurs activités. Il élimine ainsi non seulement les esclaves, mais également les artisans, voués à l’activité laborieuse de fabrication d’objets utiles à la vie, et les marchands, uniquement préoccupés de biens matériels (Dubois, 1988).

Ismard (2015) précise que dans l’Athènes classique, les esclaves publics, propriété de la Cité, constituaient un groupe d’environ 1000 individus, qui avaient la charge, sous le contrôle de magistrats citoyens, de l’administration de la Cité, financière, policière … et parmi ces esclaves certains étaient dotés d’une expertise et de compétences spécialisées dont même la plupart des citoyens ne disposaient pas. Il s’agissait ainsi de reléguer en dehors du champ politique un certain nombre de compétences y compris très hautement spécialisées ; ceci afin de ne pas conférer aux politiques un pouvoir et une influence que génère toute expertise. Pour les citoyens de la Grèce Antique, la notion de travail ne revêt donc pas un caractère valorisant dans la société et ne représente pas de valeur politique. Toutefois, on observe un déplacement du labeur (au sens pénibilité physique) vers une hyperactivité (politique) véritable déni de l’existence générant une charge mentale dont Sénèque à la fin de sa vie se plaignait (Kany-Turpin, 2005).

Dans une société de tradition orale comme la Grèce Antique, le mythe était la voie d’accès privilégiée aux valeurs de la société, dans la mesure où il occupait une place centrale dans l’espace social. Même si les grecs pouvaient croire modérément en leurs mythes, la puissance de suggestion des mythes anciens n’en reste pas moins comparable à celle des mythes politiques de notre temps. Les poètes qui composaient des chants reprenant la mémoire locale et les généalogies de personnages célèbres, remplissaient une mission d’éducateurs, à la manière de l’instruction publique de notre époque [laquelle s’est construite en opposition à l’Ancien Régime et à la Religion ; elle est actuellement critiquée pour ses missions jusque-là réservées au champ de la sphère privée (des familles) ; elle entame un virage risqué allant de l’éducation vers une rééducation nationale, s’affranchissant des codes, des valeurs, des vertus et de tout antagonisme et ce, pas uniquement par hostilité mais aussi par modernité critique et par goût pour le paradoxe]. Cycliquement, les différents partis politiques font du « roman national » un enjeu électoral où s’affrontent des visions divergentes de l’homme dans la Cité/l’Etat-Nation, et de son rapport au monde : on exalte alors des héros tant régionaux, nationaux ou européen comme Brennus, Vercingétorix, Sainte Blandine, Clovis, Charles Martel, Charlemagne, Saint Louis, Du Guesclin, Sainte Jeanne d’Arc … Bonchamps, Hoche, Napoléon Bonaparte, Napoléon III, Jules Ferry …

Ainsi, ce vaste réseau de mythes et de récits, qui mettait en scène des hommes et des dieux, a servi de cadre de référence culturel pendant une douzaine de siècles. Pour Platon, tout l’intérêt du mythe était alors d’être utilisé (instrumentalisé) politiquement (Detienne, 1967/1994, 1981). C’est donc à travers les héros de Sisyphe et d’Hercule, que nous pouvons mieux saisir les représentations collectives de la notion de travail dans la Grèce Antique. L’Odyssée (chant XI) raconte le mythe de Sisyphe, condamné par les dieux, à faire rouler éternellement jusqu’en haut d’une colline un rocher qui en redescendait chaque fois avant de parvenir au sommet. Cette punition divine condamne Sisyphe à un travail doublement laborieux car pénible et absurde (vain), et pour l’éternité. Le mythe des douze travaux d’Hercule, relate quant à lui une succession d’épreuves héroïques qui doivent être accomplies afin de pouvoir atteindre l’immortalité. Le châtiment divin se veut sanctifiant où les travaux doivent transcender et transfigurer Hercule.

Le travail, à travers ces deux mythes, revêt un caractère ultra-contemporain à savoir celui d’une activité subie, répétitive, et absurde (le travail de Sisyphe), à laquelle l’individu essaie d’échapper, de s’en émanciper en tentant de la transcender (les travaux d’Hercule). Cette relecture des mythes se fait ainsi sous le prisme de notre réflexion sur le travail. Les mythes, supports et matériaux privilégiés des chercheurs, inspirent les philosophes, les psychologues … le septième art … ; ils sont une voie d’accès parmi d’autres à la compréhension de nos valeurs sociétales et témoignent de notre attachement à construire notre modernité par rapport aux Anciens (Judet de La Combe, 2016). Néanmoins, les chercheurs doivent être vigilants et veiller à ce que les mythes ne suivent pas les desseins politiques de Platon. En effet, dans le passé des lettrés les ont alors utilisés et présentés comme le fondement de la civilisation occidentale, ce qu’ils n’étaient pas exclusivement (Detienne, 2010).

Pour Jung (1971), la religion, dans sa dimension régulée, permet tout comme les mythes de trouver une formulation, une expression, une élaboration à l’angoisse de l’homme face à ce qui le dépasse, en transférant, en remettant aux dieux/à Dieu la responsabilité de l’homme et celle de son inconscient. « C’est pour nous une question vitale de nous occuper de notre inconscient. Il s’agit d’être ou de ne pas être, spirituellement parlant » précise Jung, qui attribue la naissance et le développement de la psychologie, ainsi que la nécessité des « cures de paroles », à la désertion du religieux. « Depuis que les étoiles sont tombées du Ciel et que nos symboles les plus sublimes ont pâli, une vie secrète règne dans l’inconscient. »

En outre, si pour l’auteur, le sentiment religieux est une manifestation psychologique essentielle de l’humanité, c’est plus précisément la religion catholique qui a le mieux développé ce système de symbolisation et de ritualisation des affects et des forces spirituelles (Horwitz, 2011). Le protestantisme, le mouvement progressiste et scientiste, tout comme le jansénisme, l’ayant au contraire vidé de son sens.

Le travail dans la culture catholique romaine : pour une civilisation du Don

Il semble illusoire d’évincer le sentiment de souffrance (fatigue, pénibilité) de l’activité humaine qui semble être son corollaire depuis la chute d’Adam et Eve, et de leur exil du paradis terrestre (Genèse, II, 8-9-15). Or, Dieu avait créé Adam et Eve dans un état de sainteté (ils étaient préservés de l’inclination vers le mal à savoir la concupiscence) et de bonheur ; ils étaient heureux dès ici-bas. Pour eux, le travail ne devait avoir que des joies, sans fatigues ni peines ; leur corps, qui aurait dû naturellement s’user et mourir, était exempté par Dieu de la souffrance et de la mort. La punition d’Adam et Eve fut d’être désormais inclinés au mal ; chassés du paradis terrestre, ils sont condamnés à travailler péniblement, à souffrir et à mourir. Ainsi, le travail leur fut imposé, non plus seulement comme une loi salutaire, mais comme une dure nécessité, avec ses peines et ses fatigues. Leur corps ne fut plus préservé de l’usure ni des souffrances, des infirmités ni des maladies. Enfin la mort, loi naturelle de tout corps vivant, que Dieu avait écartée de l’homme, reprit ses droits sur lui. Dorénavant, le travail est donc imposé à tout homme, il n’est pas le même pour tous, et chacun a ses travaux spéciaux ou devoirs d’état. Mais tous doivent travailler, et les riches eux-mêmes doivent se regarder comme des travailleurs « payés d’avance ». La peine du travail étant, depuis la chute, un des châtiments du péché, l’être humain doit l’accepter courageusement, dans un esprit d’expiation et de pénitence certes, mais une pénitence rédemptrice.

L’un des concepts fondateurs du christianisme considère l’homme conçu à l’image de Dieu [Dieu est « travailleur », créateur d’une œuvre hors de lui], un homme qui partage la gloire du Créateur, en parachevant la création et ce, par un travail inventif, créatif et qui a du sens.

Trois tailleurs de pierre. On leur demande ce qu’ils font. Le premier répond en grinchant : « Je taille des cailloux : Ce n’est pas drôle ! ». Le deuxième en souriant … « Je gagne le pain de mon épouse et de mes enfants ». Le troisième en chantant … « Je construis une cathédrale ! ».

En travaillant, l’homme sort de tout enfermement, « il est tourné vers un objet externe, vers la terre et ses ressources, pour les informer, les transformer ». Le travail, précise Saint Jean-Paul II dans l’encyclique Laborem Exercens (1981), est une « activité transitive », car nous passons en autre chose, et nous rejoignons autrui, travaillant ensemble les uns pour les autres que ce soit au niveau d’une famille, d’une entreprise, et même de l’humanité entière (Alberti & Durand, 1982). Ainsi, travailler, n’est pas en règle générale une activité strictement solipsiste, car on travaille toujours pour quelqu'un : pour un chef, pour ses subordonnées, pour ses clients, pour des usagers. De surcroît, travailler nécessite de s’accorder avec les autres et donc la prescription du « travailler ensemble », demeure la coordination (Dejours, 2016). Or, pour Chenu (1955), « La faille tragique entre mécanisation et humanisation ne peut être réduite par les seuls thèmes coutumiers de l’estime du travail manuel restauré par le christianisme, de sa valeur comme discipline éducative, et même au plan de la foi, de sa fonction ascétique dans un monde où souffrance, péché et libération sont liés » (p.15). Chenu, lucide quant aux dérives de la révolution libérale, relie ainsi le spirituel à l’activité temporelle et entend ainsi défendre toute tentative d’instrumentalisation politique du christianisme et rappelle que l’homme est une œuvre divine inaliénable : sa force étant sa douceur, sa puissance réside dans l’effacement de soi ; libéré de son ego, l’homme respire une paix (Christique) intérieure, mué par le don de soi et l’esprit de Charité. L’éducation chrétienne, précise Sévilla (2015), prédispose donc au bénévolat. Or, à la société du Don s’oppose et s’est imposée pendant trois siècles, la société de l’échange (principal moteur de la société libérale) où le travail est devenu un concept matériel, quantifié et marchand. Le travail devenant lui-même une marchandise. Marx qui faisait du travail l’essence même de l’homme, fût désenchanté devant les aléas de la révolution industrielle. Il constate que dans la société industrielle capitaliste, le travail est aliéné, selon lui détourné de son vrai but, car au lieu de libérer l’homme, il l’enchaine. Mercantile, salarié, contraint, l’homme n’est qu’une vulgaire marchandise. Le travail n’est donc plus une activité vitale consciente et volontaire, il est rabaissé au rang de moyen, il n’est donc que peine et sacrifice (Marx, 1844/1968 ; Minard & Kaplan, 2004). L’homme se sent alors étranger à lui-même, à son corps, à son esprit, à l’humanité, autres lesquels ne sont plus que des rivaux dans la lutte pour la survie professionnelle1.

Deux conceptions politiques de la société s’opposent : une société du Don/une société de l’échange. Plus précisément, dans le texte collectif intitulé Travailler autrement, Travail, chômage, solidarité (1997), la manière même d’exercer le travail devrait s’envisager comme un service et non comme un pouvoir exercé sur autrui. Une société du service, de la fraternité/une société de la compétition, des rapports de force. Or, la domination est dictée en autre par le besoin de contrôle, par peur du chaos. Or, le féminin n’a pas peur du chaos … car la femme connait le chaos biologique, et au sein du chaos il y a quelque chose de nouveau qui émerge (de Poliniac, 2017), et l’espérance l’emporte sur la défiance envers autrui. C’est pourquoi, les fluctuations, les dérèglements, les crises successives de notre économie s’expliqueraient d’une part, par le fait que celle-ci serait dominée par des valeurs dites masculines à savoir d’accaparement, de domination, de toujours plus de croissance (par les monnaies yang), et d’autre part, en refoulant en rejetant les valeurs dites féminines de partage, de don et de décroissance qui s’exprimeraient par les monnaies yin. Lietaer (2013) s’inspirant des archétypes de Jung, nous livre ici une analyse originale mais surtout ethnocentrée de l’histoire de la monnaie laquelle serait influencée par l’inconscient collectif.

Comme le constate Jung (1954) il y a dans le religieux une réalité anthropologique telle que, les manifestations du religieux et du rapport à la transcendance sont partout visibles. En effet, l’enracinement bimillénaire de la France s’observe notamment par son patrimoine de 100 000 édifices religieux dont 150 cathédrales et 45 000 églises paroissiales, et également dans la toponymie (4 400 communes portent un nom de saint). C’est un héritage culturel concernant les principes de base qui fondent le pacte social comme la dignité de la personne humaine, l’égalité entre l’homme et la femme, la solidarité envers les petits et les pauvres, le souci de la justice ou le sens du pardon, principes qui fédèrent, élèvent et fait rayonner la France, lesquels expriment une anthropologie tirée des Evangiles [et des écrits des Pères de l’Église comme Origène (185-254), Tertullien (vers 155-220), Athanase (296-373), Hilaire de Poitiers (315-367), Augustin évêque d’Hippone (354-430) … ; ainsi que des œuvres des 36 Docteurs et des Doctoresses de l’Église comme Jean Chrysostome, Hildegarde de Bingen, Bernard, Antoine de Padoue, Thomas d’Aquin, Catherine de Sienne, Thérèse d’Avila, François de Sales, Thérèse de Lisieux … est à l’étude actuellement Louis-Marie Grignon de Montfort (Hazaël-Massieux, 2005, 2011)]. Comme le rappelle Sévilla (2015), c’est donc en ce sens que la formule du général de Gaulle selon laquelle « la République est laïque, la France est chrétienne » conserve donc toute sa pertinence. De facto, Le Bras et Todd (2013), expliquent que malgré la baisse de la pratique de la messe, demeure en France, un style de vie façonné par le catholicisme2. Ces auteurs parlent d’un « catholicisme zombie » tandis qu’une autre dynamique échappe à leur analyse et qui illustre la vigueur de l’expression de cette soif de spiritualité et d’altérité : c’est 50 000 jeunes français aux JMJ de Madrid 2011, 62 400 bénévoles au Secours catholique, 2 millions d’élèves scolarisés par l’enseignement catholique, et les effectifs croissants des différents scoutismes, … Le catholicisme demeure la première religion des français avec 44 millions de baptisés sur 65 millions d’habitants français, 56 % des français se déclarent catholiques, avec un épiphénomène concernant 4 124 adultes qui ont été baptisés en France métropolitaine à Pâques en 2016 représentant une augmentation de 40 % depuis 2010 (Caille, 2017). Ce sont autant d’indicateurs anthropologiques qui ont traversé les révolutions politiques et libérales, et qui situent en fait l’altérité, le lien social comme socle fondateur de la civilisation française, auxquels la valeur travail est subordonnée. Et non l’inverse.

Le mythe de la sédentarisation : changement des mentalités et redéfinition des besoins

Sahlins (1976), dans une perspective anthropologique, relate le fait que les hommes préhistoriques n’avaient besoin de ne fournir que une ou deux heures d’effort de travail par jour car ils trouvaient ce dont ils avaient besoin et arrivaient à vivre. Cela n’est pas sans évoquer le mythe d’un âge d’or, un monde de labeur « minimal » que l’on retrouve dans « La nuit des temps » de Barjavel (1968/2007) et qui imprègne les représentations collectives d’un idéal de vie exempt de l’en-chaîne-ment et de l’enfer-mement du travail (Rifkin, 1996). Le bonheur de jouir d’une pleine liberté se définit dans son rapport au temps, mais également à l’espace, où se rejoue l’antagonisme primitif entre le nomade et le sédentaire. Pour Toynbee (Poignonec, 2011), les nomades sont des personnes qui ne veulent pas quitter leurs steppes, et ce n’est que pour assurer leur survie dans un environnement hostile qu’ils sont obligés de bouger et de se déplacer constamment. Le nomade et le sédentaire occuperaient donc l’espace de manière différente (Deleuze & Guattari, 1980). Dans l’organisation nomade c’est la gestion d’un espace ouvert, sans clôture, lisse. Tandis que dans l’organisation sédentaire c’est la gestion d’un espace cadastré, réparti en petites propriétés privées. Que ce soit le nomade ou le sédentaire, chacun occupe un territoire, y vit, y habite. Or, le sentiment d’appartenance ou pas à l’humanité serait tributaire de l’appartenance à son organisation (Arendt, 1961) ; il est donc essentiel pour le nomade comme pour le sédentaire de réfléchir à l’organisation de la société, d’en définir les règles, et d’en promouvoir les divers artéfacts sociétaux. Le sentiment d’appartenance à une communauté, et l’instinct grégaire qui s’y rattache, répondraient à un besoin vital, peut-être même supérieur aux autres besoins de l’être humain. Heidegger (1933) défend quant à lui l’attachement de la pensée à ce qui la fonde, c'est-à-dire à un territoire dans lequel la pensée se déploie. Pour rappel, ses arguments pour refuser la chaire de philosophie à l’université de Berlin étaient fondés sur le fait que pour le philosophe son travail était intimement lié à la Forêt-Noire et à ceux qui l’habitent et que rien ne pouvait l’arracher de son enracinement et de sa relation intime avec la nature. Le philosophe-sédentaire exprime donc le besoin vital d’un cadre, d’avoir un espace de travail : il vit et travaille dans un chalet de ski de six mètres sur sept à 1 150 mètres d’altitude. Pour l’auteur, au lieu de s’étourdir en passant d’un phénomène à un autre, ou en collectionnant frénétiquement des cartes postales (maladie de la bougeotte actionnée par la fée électricité) …, le défi est d’atteindre par la pensée les secrets d’un seul phénomène. Ce qu’Heidegger tâche de mettre en mots, c’est sa présence au monde. Voyager, comme déménager, viendraient donc perturber cette tâche3. Ainsi, c’est la pensée qui impose son besoin impérieux d’avoir un cadre pour créer et se déployer, et qui se révèle sous la pression des forces en présence (comme la tempête, la neige, ou le vent qui font rage à l’extérieur du chalet). La pensée enracinée qui s’articule dans son rapport au monde (aux autres, à la nature) prévaut ici sur toute autre considération. La sédentarité enracinée que s’impose Heidegger à lui-même ne répond qu’à son besoin vital d’écrire et révèle son rapport quasi-mystique et fusionnel avec la Forêt-Noire. C’est sa façon de concevoir le monde qui détermine l’organisation de son travail et l’attachement à un territoire, à un lieu particulier.

Si Heidegger rattache la pensée à un territoire, lors de fouilles archéologiques des paléontologues ont rattaché l’âme d’un peuple partageant une même foi, les mêmes croyances, les mêmes rites à un territoire sacré. La religion étant un espace de dialogue et de communication de l’homme avec le Ciel, elle relie l’homme à Dieu, et elle rassemble et unit les hommes venant de différents horizons. Le site de Göbekli Tepe, qui daterait de 12 000 ans avant J.C et qui aurait été abandonné en 8 000 avant J.C., témoigne du fait religieux comme socle fondateur d’une civilisation, pour l’instant la plus ancienne jamais découverte jusqu’à ce jour.

Harari (2015) relate que des paléontologues supposent que l’agriculture et l’élevage sont apparus pour la première fois dans les alentours de Göbekli Tepe situé en Turquie près de la frontière syrienne et ce, non pas pour répondre à une pression démographique ou écologique, mais en fait pour nourrir ceux qui construisaient le temple et y célébraient leur rites (Cauvin, 1998). On a constaté que le temple a d’abord été construit et qu’un village s’est ensuite développé autour, et qu’ils sont le fruit des efforts combinés de plusieurs tribus (de chasseurs-cueilleurs ?). Dans un rayon de 200 kilomètres autour de GöbekliTepe, on a découvert des édifices et stèles similaires mais de taille inférieure. Ceux-ci pourraient être des lieux-satellites décentralisés. Ces constructions, qui sont antérieures à l’apparition de l’agriculture, exprimeraient le besoin de spiritualité de l’être humain, lequel inspirerait la capacité d’inventer, d’expérimenter l’agriculture (Schwarz, 2015). Göbekli Tepe est peut-être le site où s’est déroulée la transition d’une organisation nomade (chasse et cueillette, mythe de l’abondance du Jardin d’Eden qui serait situé dans la région du Croissant fertile) à une organisation sédentaire (culture spécifique pour les rituels dans un premier temps puis émergence d’une agriculture nourricière), laquelle a été fortement inspirée puis structurées et galvanisée par les rites religieux (Cox, 2009 ; Schmidt, 2015).

C’est pourquoi, pour Cauvin (1998) la sédentarisation (et la nouvelle organisation sociale qu’elle nécessite), n’est pas la conséquence d’une pénurie alimentaire et ne relève pas non plus d’une nécessité économique, mais celle-ci répondrait à un changement et à une évolution des mentalités basés sur des traces de rites et d’objets religieux, laissant supposer que les représentations du monde et de l’existence humaine ont changé. La sédentarisation répondrait alors à l’impératif des hommes de pouvoir se consacrer à leurs rites religieux. Ainsi, la notion de travail n’y est donc ni la cause, ni le socle fondateur de ce changement de mode de vie sédentaire. Le travail ne s’étant formalisé et organisé que lorsque l’agriculture et l’élevage se sont développés. Dans cette analyse anthropologique, le travail n’est donc qu’une des conséquences de la sédentarisation.

Comme l’explique Dubois (1988), la physiologie comme l’exigence de calorie n’ont pas changé depuis des millénaires. Ce qui a changé, c’est le milieu. Tant que l’homme a accepté son milieu sans trop chercher à le transformer ses besoins sont restés limités et relativement faciles à satisfaire. C’est, poussés par un désir d’autre chose et par notre appétit de puissance, que nous avons entrepris de changer de milieu naturel comme le milieu social auquel nous étions adaptés. Dans ces nouveaux milieux, l’homme a redécouvert l’inadaptation, la rareté, le manque, c’est-à-dire le besoin, reprenant à zéro la lutte pour la survie. Prisonnier de cette loi des besoins, ce n’est pas la nature qui dicte sa loi, c’est notre milieu, c’est-à-dire notre culture, notre société. C’est elle qui nous dit comment vivre pour être un être humain « normal », qui nous dicte comment il faut se nourrir, se vêtir, pour lui être adapté, lui convenir. C’est elle qui définit encore les normes du confort, ce qu’il est nécessaire que nous ayons, ce qu’il est interdit de ne pas avoir, sous peine de redescendre à un niveau infra-humain. Dubois (1988) en déduit que tant que l’homme s’obstinera à voir dans les besoins une contrainte naturelle alors qu’ils ne sont rien d’autre qu’une contrainte sociale, le travail restera, comme aujourd’hui, vécu comme une fatalité. Par une accumulation des biens au-delà de nos besoins, on s’identifie dorénavant à l’avoir, au paraître. Si c’est la sédentarité qui portait en son sein la compétition, la comparaison et la jalousie (de Poliniac, 2017), c’est la société moderne qui elle, a littéralement inventé le travail-nécessité-pour-tous-les-hommes, c’est même elle, qui lui a donné cette extension quasi universelle. L’explication de la sédentarisation, répondant à une « logique » des besoins biologiques et du travail-nécessité-pour-tous-les-hommes, s’inscrit dans le mythe darwiniste de l’évolution athéiste au service des théories néo-libérales.

Or, Sarnin (2010) souligne le fait que dans beaucoup de civilisations il n’y a pas de mot équivalent au mot « travail », à cette activité d’effort, et il n’est pas distingué en tant que tel pour assurer la survie. La notion de travail n’est donc pas si spécifique, ni naturelle, ni typique de l’être humain. Elle ne revêt pas un caractère universel, mais dans les sociétés où elle est fortement valorisée, elle s’intègre dans la volonté de s’affirmer, de « montrer sa puissance ». Elle s’épanouit donc plus particulièrement dans un contexte social et économique de compétition et de domination.

Dubois (1988) rappelle quant à lui que d’autres sociétés ont permis aux individus de constituer des communautés solidaires et de se reconnaître mutuellement dans des relations d’échange réciproque et ce, sans les obliger à noyer leur identité dans les structures « conformisantes » des organisations de production.

De la « révolution industrieuse » à la convergence vers une centralité sociétale du travail

Au Moyen-Age, on utilise opus qui a donné œuvre pour un usage neutre, ars pour insister sur l’habileté, et labor pour se référer à l’effort ou à la condamnation biblique (Le Goff, 1957/2014). Au XVIe siècle, le mot travail acquiert quant à lui un sens neutre d’activité productive.

Dès les derniers siècles du Moyen-Age, il existe des formes de production concentrée où des manufactures font l’objet d’expérimentation d’une production surveillée et rationalisée et ce, bien avant l’apparition des machines (Maitte, 2009 ; Terrier, & Wallart, 2009). Parallèlement à ces manufactures, l’acculturation au travail industriel a été initiée par l’essaimage des activités de transformation dans les campagnes d’Europe occidentale dès le XVIe siècle.

Au XVIe et XVIIIe siècles, cette mobilisation proto-industrielle des campagnes s’intensifie, dans le secteur textile principalement et autres secteurs divers. Hommes, femmes et enfants alternent le travail des champs et fabrications artisanales. La petite production artisanale et la pluriactivité des ruraux constituent alors un ressort essentiel de la croissance du XIXe siècle et ce, dans un dialogue constant entre ville et campagne (Maitte, 2001).

À l’instar du démographe japonais Akira Hayami, l’historien Jan de Vries a développé l’idée d’une « révolution industrieuse » qui se serait opérée en Europe bien avant les premières machines : l’augmentation de l’offre de travail salarié au sein des familles occidentales (hommes, femmes, enfants) aurait permis l’accroissement des productions. Cette longue acculturation au travail aurait entraîné la hausse progressive des temps de travail qui atteignent leur niveau maximal vers 1840 (Terrier & Maitte, 2014).

Les réformes de 1774-1784, concernant la volonté d’abrogation des communautés de métiers et des corps de marchands mise en œuvre en février 1776 par le très libéral ministre Turgot, engendrèrent un profond mécontentement dont témoignent les cahiers de doléances de 1789. Ces réformes ont provoqué une véritable cacophonie et a rendu défectueux le système de communication entre le roi et ses sujets. En effet, la stabilité sociale, garantie par les communautés de métiers et les corps de marchands, permettait au roi de les solliciter efficacement (Kaplan & Minard, 2004). Or, l’agitation et les troubles provoqués par ces réformes furent tels que Turgot fut renvoyé et remplacé par Necker rapidement. Dès août 1776, un nouvel édit rétablissait certes les communautés d’art et métiers mais avec de profondes modifications. Kaplan (2004)observe que les édits de Turgot puis de Necker ont engendré de grands bouleversement qui ont duré jusqu’à la Révolution française. En 1791 Pierre d’Allarde supprime les communautés de métiers et instaure la patente. En prenant un tournant libéral et voulant abroger les privilèges en général en supprimant les corporations, cela a abouti à une grande désorganisation sociale, engendrant une déliaison sociale, des émeutes, une grande confusion générale, et de nouvelles ponctions fiscales. Perte donc de repères, perte de liens et pertes de protections. L’abolition des corporations de 1791 par la loi Le Chapelier est alors suivie d’une désincorporation des métiers. Comme l’analyse Houssay (2012), on assiste à une longue dénégation des besoins d’organisation collective, où le citoyen désincarné souffre d’un « déficit originaire de figuration » (Rosanvallon, 1998) et où la matérialité des identités sociales, par un individualisme libéral radicalisé, est niée. Afin de limiter les risques de guerre civile dans lesquels la révolution a plongé le pays, on ne trouve rien de mieux que d’interdire tout regroupement intermédiaire dans le cadre du travail. Du coup, lors de la période d’industrialisation des années 1880, les blocages et les conflits sociaux vont donner lieu à des revendications résurgentes d’un corporatisme identitaire et protecteur :

  • le besoin de se rassembler autour du métier et d’en définir les différents artéfacts qui s’y rattachent : l’autorisation à nouveau de regroupements de travailleurs au sein de mutuelles (pour davantage de protection sociale) et de syndicats (pour défendre des droits) ;

  • les risques et les abus de la dérégulation libérale sans morale, sans éthique, du sacrifice des ouvriers sur l’autel de l’Argent-Roi : les théories sociales de l’Eglise catholique, encouragées par l’encyclique de Léon XIII Recum novarum de 1891, pose le problème de la condition de misère des ouvriers et la lie aux effets néfastes de la destruction des « corporations anciennes qui étaient pour eux une protection », et au fait que « des sentiments religieux du passé ont disparu des lois » (Dubourguier, 1907).

Au milieu du XIXe siècle, c’est l’usine qui apparaît comme une nouvelle forme d’organisation du travail qui peut imposer jusqu’à 79 heures de travail hebdomadaire. Jusque dans les années 1960, le travail domestique n’a rien à envier au travail en usine, avec jusqu’à 16 heures de travail journalier. Au XXIe siècle, le culte de la performance et de l’initiative relève de davantage de l’imaginaire social que de l’idéal du moi. Pour Dejours (2016) c’est de l’idéologie. Pour l’auteur, le culte de la performance ne renvoie pas à l’émancipation ni à l’autonomie, mais à la servitude et à la domination. Et la tension entre le moi et l’imaginaire social conduit surtout à la soumission. Dorénavant le monde du travail, à cause de l’évaluation individualisée, présente une augmentation constante de la charge de travail générant une fatigue effective, méfiance et peur ayant également un coût en termes de fatigue, solitude et destruction du « vivre ensemble ».

Ainsi, c’est au cours des XVIIIe et XIXesiècle que le travail est séparé de l’ensemble des activités humaines, qu’on le transforme en une marchandise, un objet que l’on peut louer et acheter (Sarnin, 2007/2010). Un basculement s’est opéré au XVIIIesiècle où l’on promeut le travail et la production. Méda (1995/1998, 2000, 2013) essaie de comprendre comment des économistes, de Malthus (1798/1963) aux créateurs de la comptabilité nationale au XXesiècle ont imposé l’idée du Produit Intérieur Brut (PIB) et de la croissance, réduisant ainsi la richesse à l’activité, au travail qui produit quelque chose en échange d’une contrepartie monétaire. On assiste à une marchandisation du travail et au « morcellement » de l’individu. Le risque pour la société de ne se fixer comme seul objectif que des taux toujours plus élevés de croissance et de marchandisation, est alors d’occulter la dégradation du tissu social et des écosystèmes. Au XIXesiècle avec le développement des grandes usines, des mines et de la sidérurgie, est apparu le travail salarié de masse où l’individu ne possède pas d’outils de travail mais loue sa force de travail contre un salaire. La formation est alors séparée de l’emploi : des écoles professionnelles sont créées où l’on apprend dorénavant certaines compétences à l’école pour ensuite les vendre dans les entreprises. Le travail salarié apparaît comme une nouvelle forme de travail, représentant aujourd’hui la grande majorité des travailleurs.

Adam Smith considérait le travail comme la source de toute richesse, un socle fondateur pour le développement de la société et de l’économie. Adam Smith (1776) relate la course effrénée à réaliser le maximum de production et les changements sociétaux dus à une nouvelle organisation du travail (division du travail de différentes manières) et à son rendement. Quant à Marx (1867), il considère le travail à partir de sa fonction sociale laquelle ne pouvant être séparée de l’activité ; le travail doit être valorisé car l’individu est défini en tant que travailleur. La vision libérale d’Adam Smith comme la vision marxiste, tout en étant opposées, aboutissent à faire du travail une valeur centrale pour l’individu et pour la société. Quant à l’influence religieuse protestante, celle-ci affirme que le travail est, face au Jugement Dernier, l’instrument de mesure de la valeur de l’individu. Comme l'analyse Pesqueux (2004), il n’est pas établi de corrélation entre le développement du capitalisme et le protestantisme mais on assiste de facto à un développement de la conception des obligations du travail dans les organisations capitalistes du même type que celui des obligations calvinistes concernant les devoirs du Chrétien sur terre. Il s’agit d’une sécularisation des valeurs religieuses en système de valeurs du profane (Bonnafous Boucher, 1999 ; Weber, 2004). Le travail fructification se substitue alors au travail thésaurisation de « droits » futurs (à la rédemption) et libère l’activité marchande de la suspicion qui dominait jusque-là dans le christianisme (Bonin, 1992 ; Forestier, 2013 ; Mary Laville & Leneveu, 2015). Cette sécularisation des valeurs conduit également à une dégénérescence de l’ascétisme initial en conduisant de l’accumulation à la gloire de Dieu à l’obligation de travailler (Pesqueux, 2004, p. 181). Ainsi, ces courants de pensée concourent en fait à la centralité du travail dans la société anglo-saxonne alors qu’elles revendiquent des concepts sensés s’opposer et fondent le postulat que la « valeur » de l’individu est fonction du travail qu’il occupe. Pour Dubois (1988), qu’il s’agisse, dans une perspective religieuse de prolonger l’œuvre du Créateur, ou que cela relève d’une ambition prométhéenne, est finalement secondaire par rapport au consensus fondamental qui fait du travail le moyen privilégié de la réalisation personnelle et collective. « Dis-moi le travail que tu fais et je te dirai qui tu es, et la valeur que tu as dans la société » ou encore « je travaille donc je suis », telles sont les maximes scandées depuis trois siècles.

Crises économiques et financières, Crise de la dette : une possible remise en cause du travail ?

La valeur travail dans son acception actuelle a opéré sa mutation à l’ère industrielle, où elle est devenue centrale dans nos sociétés contemporaines et ce, même pendant les périodes de crises économiques et financières, comme pendant la Grande Dépression où l’industrialisation a imposé des conditions de travail insoutenables et aliénantes sous l’impératif de gains d’efficacité, illustré notamment dans « Les Temps modernes » (Chaplin, 1936, U.S.A.). A chaque crise économique et financière, des réformes sont mises en place pour sauver le capitalisme et pour le faire évoluer (du néo-capitalisme au turbo-capitalisme) impactant directement la société qui se rigidifie et se cristallise encore davantage autour du travail et du risque (et de la peur) de sa pénurie.

Lors de la révolution de 1848, la IIe République fait une percée décisive en promettant de garantir à chacun « le droit au travail ». C’est un enjeu politique majeur qui se voit inscrit dans la Constitution française, après la chute de Louis-Philippe laquelle a été précipitée suite à un soulèvement populaire mû par la crise économique, la montée du chômage et la misère. On manipule les foules pour rester au pouvoir quitte à promettre n’importe quoi … l’essentiel étant de gagner du temps.

Ainsi, même en période de crise, le travail ne saurait être remis en question ; et l’ensemble des politiques présente le travail comme une quasi-religion d’Etat ; une idéologie à laquelle chacun doit adhérer. Cette idéologie implique une définition « arbitraire » de la richesse : elle se réduit par toujours plus de croissance et de travail. L’idéologie du travail se trouvant associée à l’idéologie du progrès, nous sommes convaincus que demain sera toujours mieux qu’hier ; mais les « purges » cycliques, imposées par un capitalisme devenu cannibale, nous rappellent les limites de cette civilisation du travail. Retenons qu’il ne s’agit pas de dévaloriser le travail mais celui-ci doit faire l’objet d’une dévaluation car, si le travail a de la valeur, il ne peut être LA valeur. Le travail doit cesser de structurer l’existence personnelle comme la vie sociale et sociétale (Coignard & Gubert, 2014 ; Dubois, 1988 ; Robbins, 1935). Il faut donc entamer la construction d’une autre société fondée sur d’autres valeurs lesquelles doivent être hiérarchisées, pondérées (Mary Laville & Leneveu, 2011, Mary Laville, Leneveu & Cadet, 2013). Nous considérons la société comme un système complexe dont il faut ré-évaluer les « valeurs » qui le composent et ce, pour empêcher cette société du post-modernisme d’évoluer vers la configuration d’un système chaotique, oscillant en fin de course entre césarisme et anarchie.

En outre, notre rapport à l’argent, la défiance que nous avons à son égard, ainsi que notre façon d’appréhender les crises qui lui sont inhérents, sont tributaires de notre culture d’appartenance (Mary Laville & Leneveu, 2015). Comme l’observe le chroniqueur en économie Lenglet (2012), la crise de la dette, que traversent actuellement les pays européens, est clivée entre deux conceptions religieuses et leur rapport à l’argent : d’une part, les pays à culture protestante pour lesquels il est important d’appliquer la règle (et donc optent pour l’application de la rigueur), et d’autre part, les pays comme la France à culture catholique pour qui le plus important c’est l’unité (via l’altérité), l’union des nations et des peuples. La crise de la dette révèle d’une part, l’impuissance et l’anéantissement des nations face au triptyque Travail/Argent/Profit, piliers de l’idéologie de la mondialisation ; et d’autre part met en lumière des conceptions culturelles diamétralement différentes sur les valeurs dominantes à préserver et à protéger. Ainsi, les moyens et les solutions proposés seront diversifiés et difficilement compatibles, et des compromis insatisfaisants s’imposeront.

Conclusion

La puissance des mythes nourrit les représentations collectives, elle participe à l’élaboration du « roman national » dont les politiques d’hier et d’aujourd’hui détricotent et reconfigurent suivant leurs besoins du moment. Les mythes, même s’ils ont la puissance que l’on veut bien leur accorder, ont au demeurant un grand pouvoir de suggestion et de manipulation des consciences. C’est pourquoi, force nous est de constater que le mythe du travail-nécessité-pour-tous-les-hommes n’est ni universel ni naturel ni typique de l’être humain. La centralité du travail dans nos sociétés modernes est le fruit d’idéologies très diverses aux concepts pourtant sensés s’opposer, lesquels ont engendré le monstre de la mondialisation et de l’aliénation au travail. Ces idéologies ont fait émerger le mythe du travail-nécessité-pour-tous-les-hommes, et ont rendu possible l’application de ce mythe par l’imposition de nouveaux modes de production concentrationnaires et aliénants, dans un contexte de désorganisation sociale propice à la misère et au désespoir. C’est l’esclavage moderne où l’on attend de la victime qu’elle soit consentante, soumise, qu’elle adhère à l’idéologie et in fine qu’elle réalise le mythe.

Un recul historique permet une réflexion anthropologique de la notion de travail, devenue centrale dans nos civilisations modernes. Cette réflexion anthropologique peut apporter un éclairage d’une part sur le travail et sa centralité sociétale et d’autre part sur le travail et sa valeur politique (un idéal de société porté par les groupes politico-financiers). La notion de travail, de par sa forte valorisation, a muté en valeur idéologique dans le discours des politiques. Or, en utilisant le mot valeur, dont le curseur est flexible (contrairement aux vertus), négociable, on finit par se positionner sur le plus petit dénominateur commun, lequel ne rassemble ni l’ensemble des individus (la valeur travail fait écho aux seules revendications politico-financières du turbo-capitalisme), ni ne répond à l’aspiration au bonheur de l’individu, ni à l’immense idéal de vie dans sa quête de sens, d’altérité et de liberté. Or, qu’est-ce qui est commun aux sociétés humaines depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours ? C’est l’altérité, le « vivre ensemble », la nécessité de réfléchir à l’organisation de la Cité pour le bien commun de tous dans un idéal de quête d’Absolu. Il en va ainsi pour les citoyens de la Grèce Antique, comme pour l’homme qui se pense nomade ou sédentaire, comme pour la France dont l’altérité et le lien social sont les socles fondateurs. Tout changement, toute « évolution » des mentalités (il y a 12 000 ans avant J.C. comme aujourd’hui) sont tributaires des croyances, du fait religieux et des manifestations des secrets de l’univers. Ce qui est premier chez l’homme, c’est l’expression de son âme. Se manifeste dans sa pensée enracinée une façon (partagée avec ses pairs) de concevoir le monde, déterminant l’attachement à un territoire dans un dialogue mystique et fusionnel avec un territoire devenu médiateur et sacré, avec le Ciel.

Or, en faisant du mythe du travail-nécessité-pour-tous-les-hommes, le nouveau socle fondateur de nos sociétés modernes et la finalité de l’existence, le triptyque travail/argent/profit a redéfini le temps et l’espace et a fait de l’homme un déraciné. Simone Weil a eu cette pensée véritablement profonde qu’un peuple sans passé est incapable de surnaturel. « Le déracinement est de loin la plus dangereuse maladie des sociétés humaines ». « Des êtres, ajoute-t-elle, vraiment déracinés n’ont guère que deux comportements possibles : ou ils tombent dans une inertie de l’âme presque équivalente à la mort … ou ils se jettent dans la violence »4. Avec la centralité sociétale du travail, l’homme a perdu le sens de sa vie, il a oublié qui il était, il a oublié qu’il appartenait à la famille humaine avec qui il partageait une histoire, des croyances, le confirmant dans son identité et de sa place dans l’organisation de la Cité. Nous sommes donc à un carrefour de notre histoire où l’on doit redonner du sens au travail, et reconquérir notre liberté usurpée par l’utopie politique de l’homme nouveau. Pour ce faire, il nous faut réemprunter les chemins philosophiques à la recherche du Paradis perdu (Milton, 1667/1995) et aller à la rencontre des mythes fondateurs et des croyances (et des rites) bimillénaires, afin de davantage appréhender les représentations collectives de la notion de travail, et ainsi se saisir des aspirations qui les sous-tendent. C’est donc par une meilleure connaissance socio-anthropologique de notre civilisation que l’on découvrira sûrement les possibles, les solutions innovantes, de nouvelles trajectoires à imaginer et à réaliser pour sortir de l’égarement des théories libérales qui nous ont conduits à cette impasse.

1  Dossier Travail, je t’aime moi non plus, de Martin Duru, p.54, Philosophie magazine n°109 Mai 2017).

2 La France catholique n’a pas dit son dernier mot, de Jean Sévilla, propos recueillis par Jean-Christophe Buisson, p. 42 à 43, Le Figaro Magazine, Supplément Figaro,  30 et 31 octobre 2015, N°22153 et22154.

3  Dossier Nomades contre sédentaires. Conseillers d’orientation, d’Alexandre Lacroix, p.52 à 53, Philosophie magazine n°99 Mai 2016).

4 Simone Weil (1909-1943) comme l’apercevait Dom Aubourg (1887-1967), Correspondance de Daniel Artur à Mireille Mary Laville, le 7 mars 2016.

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Jacques Le Bourgeois

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