N°34 / Avenir de la démocratie Janvier 2019

Editorial

Alexandre Dorna, Alain Deniau, Pierre-Antoine Pontoizeau

Résumé

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Lorsque nous avons publié notre appel à communication, il y a maintenant plus de six mois, nous avions noté que les démocraties sont contestées par des pouvoirs autoritaires, nous avions mentionné les nouveaux usages des techniques qui modifient le débat démocratique, nous indiquions que le rapport à l’efficacité et à l’immédiateté créait une autre relation aux institutions et au rythme politique. Nous propositions d’étudier le populisme mais aussi la crise de la représentation et ses conflits de loyauté entre la fidélité aux engagements pris lors des élections et les visées des partis, sans oublier le poids des contraintes des institutions supranationales. Or, ces sujets ont pris un relief nouveau depuis le mouvement des « gilets jaunes » en France ou antérieurement lors de l’opposition wallonne à l’accord CETA. Ce sont des événements récents qui témoignent de l’ampleur de ces phénomènes.

L’avenir de la démocratie parait d’autant plus en jeu que les politiques occidentaux semblent se crisper ; jusqu’à contredire les pratiques politiques qui les ont amenés au pouvoir. Le grand débat initié par Emmanuel Macron relève-t-il encore de la pratique démocratique, dans sa forme et dans son questionnement dirigé et orienté. Cette opération inédite, certes, mais bien aventureuse dans sa méthode s’inspire en effet des consultations des collaborateurs en entreprise ; comme si le citoyen était un salarié qu’on invite à dire ; sans autre précision sur les suites, alors qu’il est le souverain ? En ces premiers jours de janvier, le classement des pays par indice de démocratie 2019 produit chaque année par The Economist classe la France au 29e rang, ce qui ne nous honore pas. Il distingue les démocraties pleines, qui ont un indice supérieur à 8, les démocraties imparfaites dont nous sommes, avec un indice compris entre 6 et 8, les régimes hybrides compris entre 4 et 6 et les régimes autoritaires inférieurs à 4. Deux monarchies parlementaires et une république constituent le trio de tête : Norvège (9,87/10), Islande (9,58) et Suède (9,39). Ces pays excellent dans toutes les dimensions d’une démocratie pleine. Avec une note de (7,8) et de (5,63) sur la faible culture politique des citoyens, la France révèle sans doute là son ambigüité dont les « gilets jaunes » sont un symptôme. Avec une telle note, nous sommes au niveau de la Biélorussie, du Mali et du Nicaragua ! La formation des citoyens, l’exercice effectif de la démocratie locale : participative ou collaborative butent sur le dirigisme, la centralisation, la certitude que la technostructure sait mieux que le citoyen ; avec cette défiance voire cet « élitisme » implicite d’une société politique française qui s’éloigne peu à peu du cercle des démocraties pleines ! Notons que la France recule de 2014 à 2018 de 8,04 à 7,8 à l’instar des Etats-Unis qui passe aussi d’une démocratie pleine à une imparfaite, de 8,11 à 7,96.

Voilà pourquoi, d’autres thèmes ne manqueront pas de se cristalliser lors des prochaines élections européennes ; tout particulièrement les revendications identitaires, les conséquences politiques du Brexit en Irlande, les indépendantismes et demandes d’autonomie régionale, les mouvements citoyens, la création et la distribution des richesses. Nous serions tentés de dire que l’invasion sémantique du terme de populisme traduit peut-être bien plus l’impuissance de penser les choses : mot totem, mot tabou, mot chamanique qui nomme le plus souvent avec mépris pour rejeter bien plus que pour comprendre les tensions psychologiques et sociales qui traversent nos sociétés. C’est la raison de notre appel à communication pour que notre numéro de juillet 2019 poursuive ce travail de compréhension des mouvements contemporains.

Nous tenons enfin ici à remercier nos contributeurs francophones de Suisse, Belgique et de France ainsi que nos amis brésiliens et espagnols qui concourent tous ensemble à donner aux Cahiers de psychologie politique cette tonalité internationale.

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Démocratie et communauté politique

Jean-Paul Nassaux

DOSSIER : L'AVENIR DE LA DEMOCRATIE On s’identifie aujourd’hui largement à la démocratie. Et pourtant, nos régimes occidentaux présentent des symptômes inquiétants. S’attaquer à ceux-ci implique préalablement une réflexion sur la communauté politique : où se situe-t-elle actuellement ? Comment envisager son évolution ?

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