N°38 / La propagande politique Janvier 2021

Activer la peur peut-il nous rendre plus influençables et changer nos opinions et nos comportements ?

Nicolas Gueguen, Sébastien Meineri

Résumé

Nombreux sont les décideurs et les responsables politiques qui pensent que l’activation de la peur dans des messages s’avère efficace pour changer les attitudes et les comportements des individus, cibles de ces messages. Cependant, la recherche en psychologie sociale montre que susciter de la frayeur dans les messages est faiblement efficace pour persuader autrui voire produit, parfois, les effets inverses. L’objectif de cette revue de la littérature est de faire une synthèse des travaux étudiant l’efficacité de l’activation de la peur sur le traitement d’un message, sa rétention, et le changement d’attitude et de comportement des individus. Les modèles théoriques à la base de ce lien possible entre peur et persuasion sont présentés ainsi que les principales situations où cette activation de la peur a été testée tout particulièrement dans les messages de prévention en matière de santé. Sur la base des plus récents travaux de la psychologie de la persuasion, une présentation des modèles alternatifs à l’activation de la peur est proposée notamment en tenant compte des connaissances acquises sur certaines caractéristiques du récepteur et sur l’efficacité persuasive d’autres formes de messages.

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DOSSIER : LA PROPAGANDE POLITIQUE AU 21e SIECLE

 

Activer la peur peut-il nous rendre plus influençables et changer nos opinions et nos comportements ?

Sébastien Meineri et Nicolas Guéguen, Université de Bretagne-Sud, Laboratoire LP3C

Sébastien Meineri est Maitre de conférences en Psychologie Sociale à l’Université Bretagne-Sud et responsable de l’axe Influence et Comportement du Laboratoire LP3C. Basées sur une méthodologie de type expérimentale, ses recherches s’intéressent principalement au changement d’attitude et de comportement dans les domaines de l’environnement, de la santé et de l’organisation. Elles visent à cerner les mécanismes psychologiques sous-jacents à l’effet de paradigmes d’influence en vue d’en améliorer l’effet et d’en concevoir de nouveaux. Ses publications récentes :

Meineri, S., Dangeard, I. et Dupré, M. (2017). Efficacité d’un feedback hebdomadaire sur la réduction du poids des ordures ménagères résiduelles. Pratiques psychologiques.

Meineri, S., Dupré, M., Guéguen, N.; Vallée, B. (2017) Experimental clues in favor of a generalized norm of reciprocity. Polish Psychological Bulletin. 48, 375-379.

Eyssartier, C., Meineri, S. Guéguen, N. (2017). Motorcyclists' intention to exceed the speed limit on a 90 km/h road: effect of the type of motorcycles. Transportation Research Part F. 45, 183-193

 

Nicolas Guéguen est Professeur des Universités en Sciences du Comportement à l'Université Bretagne-Sud à Vannes. Il est le directeur adjoint de l'Institut de Management en charge des masters et directeur du laboratoire LP3C-UBS. Ses travaux de recherche portent principalement sur les facteurs d’influence et de persuasion dans le cadre du changement comportemental des individus appliqués aux comportements de prévention en matière de santé et de consommation. Ses publications récentes :

Guéguen N. (2021). L’art de l’influence et de la manipulation au quotidien. Paris, Dunod

Guéguen N. (2018). Manipuler et séduire. Petit traité de psychologie comportementale. Paris, Belin.

Parant A., Pascual A., Jugle M., Kerroume M., Felonneau M.-L. & Guéguen, N. (2017). Raising students awareness to climate change: an illustration with binding communication. Environment and Behavior. 49(3), 339-353.

 

Sommaire

 

1. Effet de la simple activation d’un état de peur

2. Peur et persuasion

3. L’importance du récepteur

4. Modèles théoriques de la persuasion par la peur

5. Efficacité globale et variables modératrices à l’œuvre

6. Critiques et questions éthiques soulevées 

 

« Les urgences au bord de l’implosion » « La seconde vague est proche », « les décès liés au Covid 19 repartent à la hausse » « Les conséquence économiques de l’épidémie seront catastrophiques » « Désormais, aucun endroit ni aucun d’entre nous n’est à l’abri du changement climatique »

La situation sanitaire mondiale de ces derniers mois, liée à l’épidémie de coronavirus, a conduit à un matraquage d’informations suscitant la peur chez nos concitoyens. Pas un jour sans une mauvaise nouvelle, un mauvais chiffre, une menace qui plane sur nos concitoyens. Nous baignons dans un univers médiatique particulièrement anxiogène et les discours politiques s’accompagnent également des mêmes orientations : on parle ainsi d’état de guerre, de catastrophe, de tsunami… sanitaire. Celui qui cherche à échapper à cette information négative liée à l’épidémie ne trouve hélas que d’autres mauvaises nouvelles liées à la perte de la biodiversité, au réchauffement climatique et aux catastrophes futures qui surviendront.

Si la couverture des faits de l’actualité par les médias ne peut être contestée puisqu’elle consacre la liberté de la presse et le droit à l’information de chacun, la recherche en psychologie s’est intéressée depuis longtemps à l’effet que produisent les messages médias et les contenus informationnels suscitant la peur auprès de ceux qui y sont exposés. Dans le cadre des campagnes de prévention, nombreux sont les responsables qui pensent que l’activation de la peur est le moyen le plus efficace pour persuader quelqu’un qu’il doit adopter de nouveaux comportements ou changer ses comportements délétères pour lui et les autres. Cependant, si l’usage de messages ou la mise en œuvre de situations ou de faits destinés à activer la peur est d’un usage courant, une question fondamentale se pose : celle de l’efficacité réelle de cette approche. Autrement-dit, est-ce que cet emploi de l’activation d’informations suscitant la peur résulte plus d’une croyance des médias et des décideurs ou est-ce que, réellement, cette approche est étayée scientifiquement et démontre une réelle efficacité sur l’être humain.

1. Effet de la simple activation d’un état de peur

Indépendamment des messages anxiogènes et susceptibles d’activer différents gradients de peur chez l’individu, qui font l’objet de nombreuses recherches, la psychologie sociale a étudié également l’effet de la simple activation d’un état de peur sur l’individu. En effet, la peur est un état émotionnel particulier chez l’être humain dont la fonction primaire trouve son fondement dans la survie et l’adaptation de l’individu à son environnement. La peur est le précurseur de la fuite permettant à l’individu de s’extraire de la situation susceptible de compromettre son intégrité physique et celle des individus de son groupe d’appartenance. Des recherches en psychologie sociale, menées en situation naturelle, confirment d’ailleurs que cet effet d’activation de la peur nous pousse à nous montrer plus altruistes.

Dariusz Dolinski et Richard Nawrat (1998) sont les premiers à avoir étudié l’effet qu’un évènement anodin ayant la propriété d’activer de la peur, de l’appréhension ou de l’anxiété, même de très courte durée et sans aucun risque pour l’intégrité d’un individu, pouvait avoir sur notre capacité à être influencé et à nous comporter dans les quelques secondes ou minutes qui allaient suivre cette activation. Dans une première expérience qui se déroulait dans la rue, les chercheurs ont utilisé le son émis par un sifflet à roulettes, identique à celui des policiers, au moment où des passants traversaient la rue en dehors des passages protégés. Il n’y avait pas de policier et celui qui avait sifflé était caché du passant. Ce dernier s’arrêtait la plupart du temps et regardait aux alentours d’un air anxieux. Puis ne voyant rien, il poursuivait son chemin. Une vingtaine de secondes plus tard, ce même passant était abordé par une jeune femme qui lui demandait de répondre à un questionnaire qui prenait 10 minutes pour être complété. Ce questionnaire comprenait une question, parmi d’autres, qui permettait de mesurer le niveau d’anxiété du passant. Dans une autre condition, on procédait de la même manière avec des passants en dehors des passages pour piétons mais aucun coup de sifflet n'était donné. Enfin, une troisième condition expérimentale impliquant des passants ayant scrupuleusement emprunté les passages pour piétons a également été testée. Les résultats montreront que 55% des passants sifflés ont accepté de répondre contre 46% lorsqu’ils ne l’avaient pas été, tandis que les passants respectueux des règles du code la route ont été 41 % à répondre. En ce qui concerne l’anxiété mesurée, on constatera que les niveaux exprimés ont été les mêmes ce qui tendrait à prouver que les personnes sifflées auraient effectivement ressenties de l’apaisement après la phase de peur initiale. Les chercheurs, ont pour cette raison, baptisé leur protocole expérimental « peur-puis-soulagement ». Ce n’est donc pas l’anxiété qui expliquerait l’acceptation de répondre au questionnaire et donc à se montrer sociable et altruiste envers une personne (ici l’enquêtrice) mais le soulagement ressenti après une phase d’anxiété. Cela signifie donc que cet état émotionnel négatif doit avoir disparu pour influencer le comportement ce qui va à l’encontre de l’idée de la nécessité de persistance de l’état anxiogène pour que la force persuasive de cet état émotionnel négatif s’exerce. Il faut en réalité connaître le soulagement, après une phase de peur ressentie, pour que cela puisse changer le comportement de l’individu. Une telle mise en évidence va à l’encontre des situations où l’individu baigne en permanence dans un contexte informationnel qui réactive sans cesse, par de nouvelles informations, faits-divers, statistiques… l’état anxiogène de la personne. Or, pour exercer une influence, il faut que cet état disparaisse ou puisse se réduire considérablement, pour que le comportement ultérieur parvienne à changer.

Cette théorie de la nécessité de la phase de disparition de l’état de peur ou d’anxiété a été confirmée expérimentalement par Dolinski et Nawrat dans le cadre d’une autre étude menée auprès d’automobilistes ayant garé leur voiture sur une place non autorisée. Dans cette recherche, les expérimentateurs plaçaient un papier ressemblant à une contravention sur le balai d’essuie-glace ou sur la porte, collée avec un bout de ruban adhésif ce qui n’est pas le lieu et le mode opératoire classique du positionnement d’une contravention. Dans les faits, cette « fausse contravention » était une publicité présentant un nouveau médicament pour la prévention de la calvitie ou un appel à donner son sang. On laissait le conducteur lire le papier puis, l’expérimentateur s’approchait et, se présentant comme un étudiant faisant une enquête, il demandait à l’automobiliste s’il accepterait de répondre à un questionnaire sur l’aménagement du trafic urbain qui lui prendrait un quart d’heure. Les résultats montreront que lorsque la carte avait été placée sur le pare-brise, donc potentiellement perçue comme étant une contravention, 62% des personnes testées ont accepté de répondre au questionnaire contre 37%, lorsque le papier était collé sur la porte, ce qui ne constitue pas l’endroit habituel de pose des contraventions, et, enfin, 36 % dans une condition sans papier. Par conséquent, c’est bien lorsque le papier a été appliqué sur l’essuie-glace et est donc identifié en tant que contravention et qu’il suscite la peur, que l’effet d’influence sur le comportement social ultérieur opère. Vous identifiez cela comme une contravention et, soulagement, ce n’est qu’une publicité. Ce bien-être que vous vivez alors vous conduit à accepter plus favorablement la demande de l’enquêteur. Il est à noter que c’est bien ce soulagement, après une crainte, qui influence le comportement de la personne puisque, dans une autre étude, le papier sous l’essuie-glace de la voiture était soit une simple publicité pour un médicament, soit un message de la police l’informant de la violation d’une règle de stationnement et invitant l’automobiliste à prendre contact avec le commissariat. Lorsque c’était la publicité pour le médicament, 62% des gens ont répondu par la suite au questionnaire contre 32% lorsqu’il n’y avait pas de papier. Cependant, lorsque qu’il s’agissait de la note de la police, 8% seulement ont accepté. Là, l’angoisse du PV a fait chuter l’acceptation, ce qui prouve bien qu’il faut de la peur puis du soulagement pour que cette méthode s’exerce. Il faut donc susciter une situation de peur ou d’anxiété, mais pour influencer le comportement, il faut que cette sensation s’arrête sinon aucun changement de comportement ne risque de survenir.

Plusieurs études menées en situations naturelles ont mis en évidence cet effet de la peur puis du soulagement et attestent que les deux sentiments doivent se succéder pour que cela affecte positivement le comportement social (Dolinska et Dolinski, 2014). Certes, il ne s’agit pas de situations où l’on tente de persuader quelqu’un du bien-fondé d’un message en vue de changer le comportement, mais cela montre parfaitement que l’état de peur, d’anxiété ou d’angoisse qui est suscité ne peut changer le comportement si l’individu ne voit pas cet état négatif disparaître ou se réduire considérablement. Par conséquent, on peut douter, à la lecture des travaux expérimentaux de Dolinsky et Nawrat, encore une fois menés en situation naturelle, de l’efficacité de la peur lorsque celle-ci est réactivée en permanence quand l’individu se trouve dans un milieu qui ne cesse de lui transmettre des informations anxiogènes ou suscitant de la peur. La réactivation de ces états émotionnels aurait pour conséquence de nuire au traitement des événements qui surviennent dans l’environnement. La centration se ferait sur l’état interne (la peur, l’angoisse, l’anxiété) et non pas sur les éléments externes (se préoccuper des autres, faire attention…).

2. Peur et persuasion

Lorsque l’on cherche à changer certains comportements délétères pour la santé (arrêter de fumer, manger sain, se faire vacciner, faire de l’exercice…), le recours à des messages ou des images susceptibles d’activer de la peur ou de l’angoisse est souvent la voie empruntée par les communicants et les décideurs. C’est le cas, par exemple, des messages ou photographies apparaissant sur les paquets de cigarettes. Cependant, là encore, on n’apprécie pas assez l’effet boomerang susceptible de se produire avec de tels états émotionnels négatifs. Les individus sont trop perturbés par le caractère anxiogène du message et, pour se libérer de cet état interne déplaisant, en viennent à nier sa pertinence et sa véracité ce qui a pour conséquence, contrairement à l’effet attendu, à en diminuer la force persuasive.

La recherche menée par Irving L Janis et Seymour Feschbach (1953) est certainement l’une des plus célèbres et des plus citées dans la littérature étudiant l’effet de la peur sur la persuasion. Dans leur étude, ces chercheurs ont étudié le changement d’attitude et de comportement faisant suite à un message de prévention portant sur le thème de l’hygiène dentaire. Les participants recevaient un message supposé susciter une forte peur : ici il s’agissait de nombreuses photos de maladies maxillo-faciales et dentaires dues à une mauvaise hygiène des dents. Dans une autre condition expérimentale, la peur que l’on souhaitait susciter était plus modérée : des photos de maladies bucco-dentaires plus légères. Dans une troisième condition, on utilisait un message suscitant une faible peur : information portant sur des maladies dentaires bénignes. Enfin, auprès d’un dernier groupe d’individus, aucun message n’était donné. Pour toutes les personnes, après cette phase, des conseils étaient dispensés sur la façon de bien se brosser les dents et d’avoir une bonne hygiène bucco-dentaire. Après une semaine, on soumettait aux personnes un questionnaire mesurant à quel point ils se conformaient aux recommandations et conseils dispensés préalablement. Les résultats montreront que lorsqu’un fort niveau de peur avait été activé, seuls 8% ont adhéré à ce qui avait été dit précédemment contre 22% lorsque la peur suscitée était de niveau modéré et 36% lorsque le niveau de peur suscité était faible. Par conséquent, contrairement à ce que certains communicants et décideurs pensent, le recours à de l’information activant un haut niveau de peur semble produire l’effet inverse de celui escompté : plus l’information délivrée à l’individu active des hauts niveaux de peur et des états émotionnels négatifs, moins il se conforme aux recommandations. Il y aurait là un vrai paradoxe : plus on veut faire peur, moins vous respectez ce que l’on vous conseille de faire. En fait, il serait possible, qu’en raison de la forte menace ou de la peur associée au message, l’être humain développerait des résistances à l’argumentation utilisée : ce que démontre la recherche. Irving L. Janis et Robert F. Terwilliger (1962) ont exposé des fumeurs à des messages susceptibles de créer de la peur en raison des risques du tabac sur la santé (le tabac tue) ou alors un message moins menaçant (le tabac diminue le souffle). Par la suite, les personnes étaient invitées à s’exprimer sur le sujet et on mesurait à quel point elles adhéraient à la recommandation les invitant à arrêter de fumer. On constatera que 79% des personnes exposées à un argumentaire menaçant, et donc supposé susciter de la peur, ont été les plus sévèrement critiques et dubitatifs à l’égard des arguments développés alors qu’ils n’ont été que 12% dans le groupe exposé à un argumentaire faiblement menaçant. C’est un peu comme si un fumeur ne remettait pas en question que le tabac vous donne une mauvaise haleine ou diminue un peu votre souffle lorsque vous montez les escaliers (messages à faible menace) mais que vous réfutiez que cela donne le cancer, des maladies cardio-vasculaires graves ou même une mort prématurée (message à forte menace). La conséquence d’un tel mécanisme de réfutation a conduit à ce que l’adhésion à la recommandation a été moins suivie puisque dans le groupe à forte menace 36% ont estimé qu’il convenait de s’arrêter contre 68% dans le groupe faiblement menacé. Faire peur pour être plus percutant, oui, mais, pendant ce temps-là, celui qui est exposé aux arguments développe une forme de protection à l’égard de cet argumentaire et en sort encore moins convaincu. Le problème d’une telle stratégie est qu’elle suscite de la dissonance cognitive. Comme le tabac est dangereux, le sujet fumeur qui continue de fumer, se doit de réduire cette contradiction entre ce que produit le tabac (il est dangereux) et ce que fait la personne (elle fume). Afin de réduire cette contradiction tout en continuant de fumer, il faut minimiser les risques perçus de la consommation de tabac et, ainsi, diminuer ce niveau de dissonance. Ainsi rejeter les arguments, les critiquer, penser que ça ne s’applique pas à soi… constitue une des stratégies de réduction de cette dissonance.

Si, comme on le voit dans ces recherches, un message destiné à faire peur s’avère avoir une efficacité contraire à celle qui était attendue, on peut se dire que, sur le long-terme, le recours à la peur comme mode de persuasion pourrait s’avérer plus efficace. À nouveau, ce n’est pas vraiment la tendance que nous livre la recherche. Paul M. Kohn et al (1982) ont exposé des étudiants à des films portant sur les risques associés à la conduite sous l’emprise de l’alcool. Selon le cas, ces films, activaient par la force des images, un haut, un moyen ou un faible niveau de peur. Un groupe contrôle voyait quant à lui un film mais sur un thème très neutre n’ayant rien à voir avec la sécurité routière. On mesurait ensuite les attitudes des étudiants à propos de la conduite sous l’emprise de l’alcool. Cela se faisait immédiatement après le visionnage des films et 6 mois après. Conformément à ce qui a été observé dans les précédentes expériences, on observera qu’en condition de peur, les attitudes à l’égard de la conduite sous emprise éthylique étaient moins critiques qu’en condition contrôle ce qui, encore une fois, n’était pas le but recherché. Heureusement, 6 mois après, ces attitudes ne se sont pas maintenues mais, hélas, on n’a pas observé non plus l’effet inverse. Dans les 4 groupes, les attitudes à l’égard de ce comportement étaient les mêmes ce qui tend à prouver que, à court terme, les messages fondés sur la peur et la menace conduisent à obtenir les effets inverses à ceux attendus et, qu’à long-terme, ils n’ont pas d’efficacité. En d’autres mots, à long-terme, aucun effet de changement de comportement ne s’observerait auprès des personnes exposées à des messages à haut niveau d’anxiété ou de peur. À court-terme, le recours à de l’information suscitant de la peur s’avère contre-productif en orientant les attitudes et les comportements de l’individu dans le sens inverse de celui attendu. Ces derniers effets ne sont guère encourageants puisque dans un contexte comme celui lié à la crise du COVID-19 que la France a connu en 2020, les individus baignaient en permanence, pendant des semaines et des mois, dans un flux d’informations qui sans cesse réactivaient un niveau élevé de peur. Cela a pour conséquence de susciter à chaque fois des niveaux élevés de dissonance que l’individu cherche à réduire en n’adhérant pas à la pertinence et à la véracité de l’information délivrée et aux recommandations sanitaires. Or, comme cela a été montré, pour espérer qu’un effet s’obtienne, il ne faut pas que ces niveaux élevés de peur persistent dans le temps (Shen, 2016).

3. L’importance du récepteur

Si, à la lecture de ces recherches, on se dit que faire peur à l’aide d’un message ou de photographies dans une campagne de prévention s’avère peu efficace voire conduit à obtenir les effets contraires à ceux attendus, on pourrait en conclure qu’il faut bannir cette approche de la prévention. En fait, il convient de nuancer cela. Tout dépendrait de la cible et de la façon dont l’individu s’approprie l’information qu’on lui adresse.

Pour certains chercheurs, cela pourrait provenir de la façon dont on suscite la peur. Irving L Janis et Leon Mann (1965) ont demandé à des jeunes-femmes, fumeuses, de tenir un rôle fictif où un médecin leur annonçait qu’elles étaient atteintes d’un cancer du poumon. Un autre groupe de fumeuses écoutaient cette situation mais n’étaient pas impliquées activement. On mesurait 15 jours après la consommation de tabac estimée de ces personnes. On observera que l’implication active dans le jeu de rôle a conduit à diminuer la consommation de cigarettes comparativement à la situation où le rôle était simplement passif. Or, ce rôle passif d’écoute ressemble étrangement à la situation où, dans notre vie quotidienne, nous sommes exposés à un message ou des photos. Avec cette méthodologie de jeu de rôle actif, Irving L Janis montrera un effet de persistance dans le temps puisqu’une autre étude a mis en évidence que l’effet de réduction de la consommation se maintenait après un an et demi. Cela tendrait à montrer que ce n’est pas tant la peur qui est incompatible avec la prévention mais surtout la façon dont la situation suscitant la peur s’applique aux personnes. Les résultats d’une telle étude, montrent également que la passivité de l’individu, considéré comme un simple récepteur d’informations qu’on lui diffuse, ne suffit pas et que faire de la prévention devrait conduire à trouver d’autres formes de démarches préventives notamment en matière de santé. Par exemple, impliquer des acteurs importants de ces différentes démarches, comme les enseignants, les éducateurs, le médecin de famille… pourrait permettre de rendre le récepteur plus actif ce qui aurait pour effet de renforcer l’efficacité de la prévention.

Outre l’implication de l’individu dans le process d’intégration de l’information via une démarche plus pro-active d’analyse de celle-ci, des recherches ont montré que les individus, selon le lien personnel qu’ils ont avec le comportement que le message veut changer ou créer, n’auront pas la même réactivité au message. Insko, Arkoff et Insko (1965) ont soumis des étudiants, dont on savait qu’ils fumaient régulièrement, occasionnellement ou qui n’avaient jamais été tentés de fumer, à des messages de prévention du tabagisme accompagnés de photos qui suscitaient ou pas un haut ou un faible niveau de peur. On mesurait ensuite le jugement qu’ils avaient sur les risques associés à la consommation régulière de tabac (risque de faire un infarctus) et également la probabilité de devenir un fumeur régulier à l’avenir. Les résultats montreront que susciter de la peur a été efficace auprès des non-fumeurs, tandis que l’effet inverse s’est observé auprès des fumeurs. Autrement dit, si on veut prévenir l’entrée dans le comportement tabagique, utiliser des messages et des photos suscitant la peur serait un bon moyen mais, auprès des gens installés dans ce comportement, cette méthodologie serait inefficace voire contre-productive. Les fumeurs rationnalisent et se protègent de la peur en se disant que c’est exagéré, que cela ne les concerne pas car eux ils ne fument pas tant que ça, ils font du sport et donc diminuent les effets négatifs du tabac, ils connaissent même quelqu’un qui fume depuis 50 ans et est en bonne santé... Bref, ils rationnalisent pour se protéger de la peur. Pour les non-fumeurs, les messages et photos confirmeraient simplement ce qu’ils pensent depuis longtemps du tabac et qui explique la raison pour laquelle ils ne fument pas : ce n’est pas bon pour la santé, cela rend dépendant… Avec ce type de personnes, les messages confirment leurs craintes voire les accentuent, entrainant des attitudes encore plus négatives vis-à-vis du tabac.

Cette étude menée dans la cadre de la prévention de la consommation de tabac a également été observée dans des recherches plus récentes (Milhabet et Priolo, 2008) et portant sur d’autres comportements à risques tels que la consommation d’alcool. Girandola et Michelik (2000) ont ainsi montré que ce sont plutôt les consommateurs occasionnels d’alcool qui se montreront encore moins favorables envers la consommation d’alcool après avoir été exposés à des messages fortement menaçant à propos des risques de l’alcool. Les buveurs plus réguliers semblent résister à ce type de menace. On assiste, à nouveau, à un véritable paradoxe de l’efficacité d’une campagne utilisant la peur. La cible privilégiée d’une campagne de prévention en matière de santé notamment liés aux comportements addictifs est constituée par les personnes qui adoptent déjà ces comportements et non pas celles qui ne les adoptent pas ou qui les adoptent peu. En d’autres mots, le message ne touche pas sa cible.

4. Modèles théoriques de la persuasion par la peur

Le modèle théorique sous-jacent aux premières recherches, dit de : Réduction de la pulsion motivante (Janis, 1967) et selon lequel, l’efficacité du message serait fonction du niveau de peur mobilisé : ni trop faible au risque de ne pas motiver l’individu à agir, ni trop fort au risque de le paralyser dans sa peur et le voir s’engager dans une activité défensive contre-productive, a rapidement été abandonné au profit de modèles plus cognitifs, envisageant que le niveau de peur, et l’effet du message soient fonction non des éléments présentés dans celui-ci mais, de l’évaluation que les individus en feraient.

                   Le modèle de Motivation à la protection de Rogers (1973) puis Maddux et Rogers (1983) est le premier à clairement distinguer deux composantes dans les messages d’appel à la peur : la menace et les recommandations. L’évaluation par les individus de ces deux composantes les motiveraient ou non à se protéger du danger. Plus en détails, les individus exposés à de tels messages ressentiraient de la peur en fonction du degré de sévérité perçue de la menace et de leur degré de vulnérabilité perçue. Le niveau de peur résultant de cette évaluation constituerait une première motivation à se protéger, accompagnée ou freinée, selon le cas, par d’autres évaluations. Ces évaluations complémentaires seraient relatives, d’une part, aux bénéfices associés à la poursuite du comportement problématique (à quoi l’individu devra t’il renoncer pour se protéger ?) ; et d’autre part, aux recommandations, en termes d’efficacité perçue (les recommandations permettent-elles de se prémunir totalement de la menace ?), d’auto-efficacité à les mettre en œuvre (l’individu se sent-il  capable de les mettre en œuvre ?) et enfin de coût de mise en œuvre (les recommandations sont-elles longues, difficiles, financièrement coûteuses à mettre en œuvre ?). Ainsi, ce modèle propose qu’une menace très sévère face à laquelle l’individu se sent très vulnérable le motiverait à se protéger. Toutefois, si les bénéfices à poursuivre le comportement sont élevés, que les recommandations ne présentent pas une efficacité totale, sont difficiles à mettre en œuvre ou encore sont coûteuses, les individus n’adhéreront pas au message. Dans une recherche visant à tester ce modèle, Rippetoe et Rogers (1987) montrent que des participantes exposées à un message de prévention du cancer du sein, fortement menaçant (les dimensions vulnérabilité et sévérité de la menace étaient travaillées de sorte à être perçues comme particulièrement élevées) présentent des niveaux d’intention de pratiquer l’autopalpation (principale recommandation proposée) si celle-ci est décrite comme efficace : permettant de détecter une tumeur suffisamment tôt ; et à la portée de toutes.  D’autres mesures étaient également effectuées, qui révélaient que dans les conditions présentant une faible efficacité des recommandations et/ou induisant un faible sentiment d’auto-efficacité personnelle, les participantes adhéraient significativement moins à des propositions relatives à une gestion rationnelle du problème telle que de chercher à « en savoir plus sur le lien entre l'auto-examen des seins et les chances de survie », et adhéraient davantage à des propositions faisant référence à la foi religieuse : « Je pense qu'il vaut mieux prier et remettre le problème entre les mains de Dieu » ; à la fatalité : « Si vous êtes destinée à mourir d'un cancer du sein, vous ne pouvez pas vraiment y faire grand-chose » ; ou encore à l’évitement : « J'essaie de ne pas penser à la possibilité de développer un cancer du sein ».

 

L’adhésion des participantes à ce type de propositions est spécifiquement décrite dans le Modèle étendu des processus parallèles proposé par Witte (1992). Développé sur la base du précédent, il conserve les composantes Menace et Recommandations, et propose deux voies de contrôle : l’une ciblant le danger et donnant lieu à la production de comportements adaptés (adhésion aux recommandations, adoption des comportements préventifs proposés) et l’autre ciblant la peur, et donnant lieu à l’inverse, à un rejet des recommandations et à l’adoption de comportements ou de croyances inadaptés (déni, discrédit de la source, minimisation  des risques, déresponsabilisation, poursuite du comportement). L’orientation de l’individu dans l’une ou l’autre des voies de contrôle dépendrait du rapport établi entre l’évaluation de la menace et l’évaluation des recommandations. Si ce rapport est en faveur des recommandations, l’individu sera motivé à se protéger du danger. Si, à l’inverse, le rapport est en faveur de la menace, l’individu sera motivé à se défendre de la peur. Les participantes de l’expérience de Rippetoe et Rogers (1987), pensant ne pas pouvoir lutter efficacement contre la menace, luttent contre le sentiment de peur suscité par le message. Le modèle de Witte (1992, 1994 ; Witte et Allen, 2000), du fait de son aspect synthétique et intégratif des autres modèles est celui qui a connu le plus de succès dans la littérature, et fait l’objet du plus grand nombre de validations empiriques à ce jour.

 

Plus récemment, Das, deWitt et Stroebe (2003) et Blondé et Girandola (2019) ont proposé un nouveau modèle, intégrant à défaut des précédents, les développements théoriques de la communication persuasive, et plus particulièrement le traitement cognitif que les individus réservent à un message persuasif. Selon Eagly et Chaiken (1993) ou encore Petty et Cacioppo (1986), un message persuasif (ne recourant pas nécessairement à la peur) peut faire l’objet d’un traitement cognitif superficiel (dit heuristique ou périphérique) ou profond (dit central ou systématique), selon que les individus se sentent plus ou moins concernés par celui-ci, disposent de plus ou moins de temps, ou encore de plus ou moins de capacités cognitives. Les individus les moins concernés par le message, ne lui accorderont que peu de ressources cognitives. Ils s’intéresseront à la crédibilité de la source, sa sympathie, son attrait, sa proximité ; ils dénombreront les arguments présentés, et adopteront une position, favorable ou défavorable en référence à la seule présence de ces éléments. Cette position sera fragile, instable dans le temps et peu prédictive des comportements à suivre mais le traitement cognitif aura été rapide et économe en ressources. A l’inverse, les individus les plus concernés par le message focaliseront leur attention sur les éléments les plus complexes de celui-ci : les arguments présentés. En fonction de leur teneur et de leur pertinence, ils y adhéreront ou les critiqueront mentalement. Ce traitement profond du message nécessitera davantage de ressources cognitives, mais la position, favorable ou défavorable adoptée in fine sera solide, stable dans le temps et prédictive du ou des comportements à suivre. Les messages basés sur l’appel à la peur ont été développés en faisant le postulat de leur caractère impliquant pour les récepteurs. Le Modèle par étapes du traitement des communications éveillant la peur, nuance ce postulat en précisant les conditions de cette implication et complète les modèles précédents en envisageant deux étapes consécutives de traitement. La menace, et plus spécifiquement la sévérité et la vulnérabilité perçue seraient évaluées en premier lieu. Cette évaluation conditionnerait la profondeur du traitement de la menace mais également son objectivité et le traitement ou non des recommandations. L’individu évaluant la menace comme faiblement sévère et se pensant peu vulnérable ne s’intéressera qu’aux éléments superficiels du message, ne traitera pas les recommandations et ne changera pas de comportement. A l’inverse, une menace évaluée à un niveau modéré ou élevé, du fait d’une forte sévérité perçue, d’une forte vulnérabilité perçue ou encore des deux, fera l’objet d’un traitement profond. Dans le cas où la menace est perçue à un niveau modéré, du fait que l’individu se sente faiblement vulnérable ou perçoive la menace comme peu sévère, le traitement sera profond et objectif ; l’individu cherchant à s’assurer qu’il peut poursuivre, pour le moment du moins, son comportement sans encourir de risques importants. Cependant, et comme précédemment, les recommandations ne feront pas l’objet d’un traitement spécifique et aucun changement de comportement ne sera observé. Le cas où l’individu se sent vulnérable face à une menace évaluée comme sévère, constitue la réelle plus-value de ce modèle. Dans ce cas, la menace ainsi que les recommandations seront traitées en profondeur, mais de manière biaisée, pour permettre à l’individu de se défendre de la peur ressentie. Celui-ci scrutera soigneusement les éléments présentés concernant la menace, afin d’en minorer la sévérité, de discréditer la source, ou encore d’envisager des exceptions. Néanmoins, motivé à se protéger, il portera ensuite son attention sur les recommandations et évaluera soigneusement leur efficacité et sa capacité à les mettre en œuvre. In fine, il adhérera à celles-ci et mettra en œuvre des comportements adéquats s’il les perçoit comme efficaces et faciles à mettre en œuvre, et les rejettera dans le cas inverse. Il poursuivra alors son contrôle de la peur en s’engageant dans des comportements contre-productifs, et en adhérant à des croyances non pertinentes.

Ce modèle, à ce jour, le plus complet de la littérature, est le seul à envisager qu’une réaction défensive de l’individu face au message ne soit pas le signe d’un échec de l’intervention, mais au contraire permette le traitement ultérieur des recommandations, et le cas échéant, l’adhésion à celles-ci. Dans la recherche de Blondé et Girandola (2016) en appui à ce modèle, les auteurs invitaient des participants à visionner un spot de prévention sur la conduite en état d’ébriété. Selon la condition, le spot induisait un niveau de peur faible ou élevé, présentait des recommandations efficaces et pertinentes, et des éléments propices à un traitement superficiel dans un sens favorable ou défavorable au message. Suite à l’exposition, les participants étaient invités à écrire chacune des pensées leur ayant traversé l’esprit lors du visionnage puis à les classer, selon que celles-ci étaient favorables, défavorables ou neutres à l’égard du message. Enfin, ils répondaient à un questionnaire, permettant d’évaluer leur position à l’égard de l’alcool au volant, et leur réaction défensive au message au moyen d’une mesure d’optimisme comparatif (le fait de se percevoir comme plus ou moins susceptible d’être touché qu’autrui). Conformément au modèle, les résultats révèlent que les individus ressentant le plus fort niveau de peur sont ceux qui utilisent le moins les éléments propices à un traitement superficiel du message ; génèrent le plus de pensées positives à l’égard du message ; se perçoivent comme les moins susceptibles de causer un tel accident ; et manifestent la position la plus favorable au message. Les analyses complémentaires révèlent que l’effet de la peur sur l’adhésion au message est totalement médiatisé par la réaction défensive. Une autre recherche de Hall, Mendel, Noar, et Brewer (2018) à partir de messages anti-tabac sur des paquets de cigarette donnent lieu aux mêmes conclusions. En comparaison à un message faiblement menaçant, le message suscitant une forte peur induit de l’évitement mais également une adhésion aux recommandations, si celles-ci sont efficaces et que l’individu est en capacité de les mettre en œuvre.

L’effet des messages de prévention utilisant la peur comme levier n’est, de fait, pas aussi simple que cela était envisagé initialement et, vraisemblablement, aujourd’hui encore par certains concepteurs de tels messages. Le message doit susciter un niveau élevé de peur (en sachant que celui-ci fera néanmoins l’objet d’une évaluation) afin d’impliquer l’individu dans le traitement du message et le motiver à se protéger. Il doit consécutivement proposer des recommandations hautement efficaces et adaptées (en sachant que celles-ci feront également l’objet d’une évaluation), afin que l’individu ne s’engage pas seulement dans un contrôle de la peur ressentie mais poursuive par un contrôle du danger. 

5. Efficacité globale et variables modératrices à l’œuvre

Plus de soixante années de recherches sur l’appel à la peur ont permis la collecte de nombreuses données et la réalisation de 10 méta-analyses. De la première d’entre- elles, réalisée par Sutton (1982) à la plus récente de Tannenbaum et al. (2015), celles-ci présentent, systématiquement, un effet positif, faible mais statistiquement significatif, des messages persuasifs induisant un niveau de peur élevé en comparaison à celles induisant un niveau faible ; et ne font pas état, au niveau global d’un effet boomerang. Plus spécifiquement, un effet modéré est observé entre le niveau de peur induit et le niveau de peur ressentie, et un effet faible est observé entre le niveau de peur induit et le changement d’attitude d’une part, et le changement de comportement d’autre part. Si ces résultats semblent en faveur du recours à l’appel à la peur, il est à noter qu’ils ne permettent pas de conclure sur l’effet d’une intervention basée sur l’appel à la peur en comparaison à une intervention basée sur un autre levier. Par ailleurs, la littérature scientifique favorisant la publication de résultats confortant l’hypothèse testée, les chances de voir apparaitre un effet global dans l’agrégat de toutes les recherches, se trouve de fait, artificiellement accru. Ce type de recherches permet cependant d’évaluer, outre l’effet global d’une procédure, l’effet modérateur d’autres variables susceptibles d’interagir avec celle-ci. La méta-analyse de Tannenbaum et al. (2015), ainsi que les précédentes, se sont intéressées à plusieurs d’entre elles, en lien avec le message en lui-même, le comportement ciblé ou encore les caractéristiques des récepteurs. 

Concernant le message, les résultats sont conformes aux méta-analyses précédentes (Dehoog, et al. 2007 ; Witte et Allen 2000) et révèlent, en s’intéressant aux recherches ayant spécifiquement manipulées trois niveaux de peur : faible, modéré, et fort ; l’existence d’un plafond, au-delà duquel, augmenter la peur au moyen par exemple d’images inspirant le dégoût et/ou d’une bande sonore (musiques ou bruits d’ambiance) anxiogène ne produit pas davantage d’effet. Le niveau de peur ressentie apparait surtout lié à la description de la sévérité de la menace et de la vulnérabilité des individus face à celle-ci. Ces variables, prises indépendamment comme conjointement, augmentent significativement l’efficacité des messages. Plus précisément, mentionner la vulnérabilité des individus à la menace produit un effet sur leur intention de se protéger, ainsi que sur leur comportement de protection, et mentionner la sévérité de la menace produit, en outre un effet sur leur attitude. La mention conjointe des deux produit un effet significatif sur les trois variables considérées. S’agissant des recommandations, les résultats révèlent que le message reste efficace en l’absence de celles-ci et ne produit pas d’effet délétère sur les variables mesurées. Cependant, le niveau d’efficacité de l’intervention se trouve significativement accru lorsque des recommandations sont présentées. Les méta-analyses de Witte et Allen (2000) ; Dehoog et al. (2007) ; Peters, Ruiters et Kok (2013) ayant plus précisément étudié cette composante complètent ces résultats en montrant que la présence de recommandations et la mention d’une capacité des individus à les mettre en œuvre, produisent d’autant plus d’effet qu’elles sont perçues comme efficaces et suscitent un fort sentiment d’auto-efficacité. Elle pourrait même produire un effet délétère dans le cas inverse (Peters et al., 2013).

Le type de comportement promu dans les messages a également été étudié et les auteurs ont envisagé qu’un comportement unique tel que se faire vacciner serait plus aisé à obtenir qu’un comportement nécessitant d’être répété comme par exemple :  pratiquer de l’exercice physique. Les résultats confortent cette hypothèse, mais révèlent que l’appel à la peur se trouve efficace sur les deux types de comportement. Par ailleurs, des recherches se sont intéressées à l’effet que pouvait produire une intervention sur un comportement de dépistage en comparaison à un comportement de prévention. Le comportement de dépistage, étant en lui-même anxiogène, pourrait donner lieu à davantage de réactions défensives qu’un comportement de prévention. Pourtant observé ou discuté dans certaines recherches (Leventhal, 1970 ; Millar et Millar, 1996, Girandola, 2000), les analyses menées dans le cadre de la méta-analyse de Tannenbaum et al. (2015) ne présentent pas de différence significative sur cette variable. D’autres variables, telles que : le fait de mentionner ou non la mort dans le message, de cibler des comportements de prévention qui pourraient augmenter ou réduire le niveau d’estime personnelle (par exemple pratiquer une activité physique versus ne pas s’exposer au soleil) ne présentent pas non plus d’effet significatif, que la mesure soit effectuée consécutivement à l’exposition, ou encore dans un délai, inférieur ou supérieur à 15 jours. Concernant la mention de la mort dans le message, une recherche de Shehryar & Hunt (2005) portant sur l’alcool au volant observait néanmoins une interaction négative entre le niveau d’engagement des individus dans l’alcool et la mention ou non de la mort comme conséquence du comportement à risque. Les individus percevant la consommation d’alcool comme faisant partie intégrante d’eux-mêmes rejettent davantage le message lorsque le risque mentionné est la mort, en comparaison à une simple contravention.

Enfin, concernant les caractéristiques des récepteurs, la méta-analyse de Tannenbaum et al. (2015) s’est intéressée à l’effet du genre des participants, de leur culture d’orientation collectiviste ou individualiste, ou encore du stade (avancé ou non) auquel se situait l’individu dans sa progression vers un changement de comportement. Les résultats ne révèlent qu’un effet du genre, montrant que les femmes sont plus sensibles aux interventions basées sur l’appel à la peur que ne le sont les hommes. Pour leur part, Boster et Mangeau (1984) avaient observé dans leur méta-analyse, une corrélation modérée et positive entre l’âge et la sensibilité à l’appel à la peur. Witte et Allen (2000) échouant, dans leur méta-analyse à mettre en évidence un effet des personnalités sensibles à l’anxiété, concluent en indiquant que les différences individuelles semblent n’avoir que peu d’influence sur le traitement des appels à la peur, et que l’effet produit, lorsque cela est le cas, est de type principal plutôt que d’interaction.

Deux interprétations complémentaires, qui touchent aux limites de ce type de recherche, pourraient également être avancées pour rendre compte de l’absence d’effet observé. D’une part, la variété des caractéristiques individuelles est telle que le nombre de recherches expérimentales spécifiquement réalisées sur l’une d’entre elles n’est généralement pas suffisant pour que celle-ci puisse être intégrée dans ce type de recherches, ou le cas échéant, ne puisse mettre en évidence un effet. D’autre part, il n’est pas exclu que l’effet des caractéristiques personnelles soit capté, et de fait confondu avec celui du niveau d’auto-efficacité manifesté par les individus. Certaines recherches expérimentales ont pu montrer, indépendamment, des effets d’interaction entre le niveau de peur induit et certaines caractéristiques des récepteurs telles que l’anxiété (Janis et Feshbach, 1954), la dépression (Self et Rogers, 1990), la recherche de sensation (Witte et Morrison (1995) (citées dans Girandola, 2000), ou encore comme vu précédemment le niveau d’engagement dans le comportement à risque (Insko, Arkoff et Insko, 1965 ; Girandola et Michelik, 2000 ; Milhabet et Priolo, 2008). Les individus présentant des niveaux élevés sur ces dimensions ont tendance à contrôler exclusivement leur peur (et non le danger), de la même façon que le font les individus présentant un faible niveau d’auto-efficacité.

6. Critiques et questions éthiques soulevées  

               L’utilisation de la peur dans les campagnes de prévention a fait l’objet d’un vif débat dans les publications de la revue Health Psychology Review de l’année 2018.  A l’origine de celui-ci, un article de Kok, Peters, Kessels, ten Hoor, et Ruiter (2017) pointait les limites de cette approche, le manque de rigueur des responsables politiques et concepteurs de telles campagnes dans la lecture de la littérature scientifique, et plaidait pour la mise en œuvre d’approches alternatives.

Selon les auteurs, les résultats des recherches sur l’appel à la peur sont surtout établis sur la base de déclarations d’intentions comportementales, voire sur des comportements auto-rapportés, et très peu sur des comportements effectifs observés in situ. Si un écart est classiquement observé entre ces trois types de mesures, il se révèle accru dans le domaine de la santé. Par ailleurs, les résultats positifs de recherches sur l’appel à la peur, observés dans les méta-analyses, sont, pour partie, issus de recherches de terrain, dans lesquelles le contrôle des variables parasites est moindre, et la probabilité de survenue de faux positifs, accrue. En ne considérant que les essais randomisés de laboratoire manipulant différents niveaux de peur et d’efficacité (Peters, Ruiter, et Kok, 2013), les auteurs observent un effet délétère du recours à la peur lorsque l’efficacité (induite par le message ou inhérente aux participants) est de niveau faible. Ainsi, concernant le message en lui-même, les auteurs déplorent que l’efficacité des recommandations et l’auto-efficacité des individus à les mettre en œuvre, pourtant déterminants dans les modèles théoriques élaborés ne soient pas suffisamment distinguées du reste du message, entretenant, de fait, un recours intuitif au principe selon lequel « faire peur suffit ». Enfin, l’efficacité des messages basés sur la peur n’est démontrée qu’en comparaison à une absence d’intervention, ou à une intervention induisant un faible niveau de peur. Sur ce dernier point, les quelques recherches menées récemment pour comparer l’effet de messages basés sur la peur à des messages basés sur l’empathie (Shen, 2015 sur le tabac) ou sur l’humour (Lee, 2017 ; Skurka, Niederdeppe, Romero-Canyas et Acup, 2018 ; Zhao, Roditis et Alexander, 2019 ; respectivement sur le tabac, l’alcool et le changement climatique) donnent du crédit à la position des auteurs. Zhao et al. (2019) observant une efficacité équivalente de la peur et de l’humour en termes d’attention attirée et d’intention, proposent de manier alternativement les deux afin de réactiver l’attention des récepteurs. Les résultats de Skurka et al. (2018) présentent une intention équivalente de prendre part à des actions de défense de l’environnement dans les deux conditions, mais néanmoins, un effet accru de la peur sur la perception de risques. Lee (2017) observe, pour sa part, un effet supérieur de l’humour sur les consommateurs réguliers d’alcool, que celui observé sur les non consommateurs, et le pattern inverse de résultats en ce qui concerne la peur. Enfin, les résultats de Shen (2015) comparant des messages basés sur la peur à des messages basés sur l’empathie (i.e. : réalistes, chargés d’affects et dépeignant la souffrance de personnages dans les difficultés de leurs relations interpersonnelles) vont dans le même sens, et témoignent d’un effet d’interaction entre le caractère régulier ou non du comportement et le type d’approche. Les fumeurs réguliers sont ainsi plus réceptifs aux messages basés sur l’empathie tandis que les fumeurs occasionnels sont plus réceptifs à ceux basés sur la peur. 

Sept articles ont été publiés en réponse à l’article initial de Kok et al. (2017), ainsi qu’un article de réponse finale par les auteurs à l’origine du débat. Majoritairement signés par des chercheurs impliqués dans la lutte contre le tabagisme, et dont les résultats de recherches sont en faveur de l’utilisation de messages menaçants sur les paquets de cigarettes, les arguments présentés en défense ont trait à l’intérêt des recherches de terrain, dont les résultats sont souvent établis sur des cohortes nationales. Selon eux, l’observation d’une efficacité de cette approche, malgré la présence de variables confondues qui de surcroit varient d’une étude à l’autre, en confirme la validité et l’intérêt. Les auteurs mentionnent en outre, l’ambition irréaliste d’englober toute la complexité du phénomène à l’aide de recherches contrôlées de laboratoire ; pointent le faible nombre de recherches de laboratoire cités en appui par les auteurs (Niederdeppe et Kemp 2018) et réaffirment la consistance du lien entre intention et comportement à moyen terme sur ce type de comportement (Peters et Shoots-Reinhard, 2018). L’argument de l’absence ou du peu de recommandations sur les paquets de cigarettes notamment, est pour sa part réfuté en référence au cheminement que suit le fumeur se libérant du tabac. Selon Borland (2018) et Maalouf (2018), la présentation de recommandations ne doit pas nécessairement être simultanée. Le fumeur, à mesure de sa progression vers l’arrêt du tabac augmenterait, seul, son niveau d’auto-efficacité, faisant qu’à un certain moment du processus, le message produira sur lui l’effet attendu. En lien avec la nécessité de présenter simultanément des recommandations, So, Kuang et Cho (2016) exposaient des participants à un message menaçant sur la méningite et l’intérêt d’une vaccination et, selon la condition, permettaient ou ne permettaient pas aux participants de rechercher de l’information sur le web. Les participants ayant recherché, seuls, de l’information voient leur niveau d’auto-efficacité et d’efficacité perçue des recommandations augmenter. Cette recherche d’information apparait également comme un relai entre le niveau de peur induite et l’intention d’appliquer les recommandations. Aussi, si l’efficacité de la peur sur les fumeurs n’est pas immédiate, son utilisation serait néanmoins justifiée par celui observé sur les non-fumeurs (Roberto, Mongeau et Liu, 2018) et le fait que la réactance ressentie par les fumeurs lors des premières expositions s’estomperait avec le temps, mais non la motivation comportementale et l’attention sur les risques encourus (Borland, 2018 ; Brewer, Hall et Noar, 2018).

L’article de Peters, Ruiters, ten Hoor, Kessels et Kok (2018) qui clôture le débat, liste les points de consensus, tels que : l’urgence d’agir auprès des populations vulnérables, le caractère déterminant de l’auto-efficacité des récepteurs sur l’effet des campagnes, et propose de systématiser le choix d’une approche préventive en fonction de sa capacité à cibler et agir, selon les populations et les comportements, sur les déterminants psychologiques spécifiques. Les auteurs n’excluent pas que la peur constitue quelquefois l’approche la plus adaptée, mais se montrent néanmoins sceptiques.     

Quelques années plus tôt, un autre article, critique également, était publié par Hastings, Stead, et Webb (2004). Si les reproches étaient globalement identiques à ceux présentés plus haut, les auteurs listaient en outre les dommages collatéraux susceptibles d’être causés par ce type de message, sur les individus d’une part mais, également, sur les institutions à l’initiative du message ou encore œuvrant dans le domaine, et s’interrogeaient sur l’aspect éthique de leur utilisation. Selon ces auteurs, l’appel à la peur, parce qu’il suscite, au mieux dans un premier temps, des réactions défensives visant à contrôler le sentiment de peur (traitement biaisé de l’information, contre argumentation, évitement, réponses comportementales inadaptées) peut, à titre d’exemples : amener à éviter ou à traiter de manière biaisée des informations sanitaires importantes contenues dans le message, à développer à force de contre-argumentations un sentiment d’invulnérabilité, à encourager ou renforcer le fatalisme, voire à induire, par un effet pervers, le comportement inverse à celui ciblé : des personnes tabaco- ou alcoolo-dépendantes amenées par le message à consommer pour tenter de réduire le mal-être causé par celui-ci. Par ailleurs, les messages basés sur la peur étant diffusés via les médias de masse, des adultes particulièrement sensibles au sujet abordé ou sujet à l’anxiété, ou encore des enfants peuvent y être malencontreusement exposés, occasionnant des complications à court, moyen et long terme telles que : réactiver la détresse ressentie par la perte d’un proche dans les conditions citées ; générer une anxiété chronique, ou encore concernant les enfants, altérer leur développement émotionnel et cognitif. Des dommages collatéraux de ce type d’approche sont également susceptibles d’être observés sur les institutions à l’initiative du message, ou œuvrant dans le domaine. En effet, si le message menaçant est perçu comme exagéré eu égard aux croyances et/ou expériences personnelles des récepteurs, ces derniers peuvent durablement discréditer la source du message, et potentiellement d’autres y étant associées. En outre, en mettant l’accent sur la menace sans mentionner d’autres aspects contextuels tel que cela est souvent le cas, la source peut, également, être perçue comme hypocrite. A titre d’exemple, la facilité d’accès en France au tabac et à l’alcool, et l’argent que leur vente rapporte à l’État sous la forme de taxes, sont souvent mentionnés comme inconsistants avec les campagnes de prévention réalisées.

Enfin, et outre les dommages collatéraux exposés, l’utilisation exclusive de la peur soulève la question éthique de l’égalité de traitement réservé aux individus. Du fait du caractère déterminant du sentiment d’auto-efficacité dans la voie empruntée de contrôle du danger ou de la peur, et du fait que les personnes les plus engagés dans un comportement à risque, soient également celles dont le niveau d’auto-efficacité pour faire face à la menace est le plus faible, les campagnes de prévention ayant recours à la peur ne bénéficieraient qu’aux personnes étant déjà les mieux équipées psychologiquement et socialement. En l’absence de campagnes alternatives ciblant spécifiquement les plus démunis face à la menace, ceux-ci seraient de fait, écartés de toute communication préventive. Snipes, La tour et Bliss (1999) ; Arthur et Quester (2003) ou encore Saadellaoui et Gharbi (2012) se sont intéressés à la perception du caractère éthique ou non des messages de prévention basés sur la peur en fonction du sentiment d’auto-efficacité faible ou élevé des individus pour faire face à la menace présentée. Les résultats révèlent que les participants ont tendance à juger comme non éthique de tels messages si leur auto-efficacité perçue, mesurée consécutivement à l’exposition, est de niveau faible. Snipes et al. (1999) observent en outre, un lien positif entre la perception du caractère éthique du message et son efficacité.

L’utilisation de la peur en prévention n’est pas anodine, et les considérations présentées précédemment, ont conduit Brown et Whiting (2014) à formuler des recommandations à l’adresse des concepteurs de telles campagnes. Selon les auteurs, ceux-ci devraient en amont se questionner sur l’efficacité de leur approche ; la proportionnalité de celle-ci et sa nécessité. En ce qui concerne l’efficacité, les concepteurs devraient préalablement définir les moyens d’évaluer une telle campagne ; présenter un fondement théorique clair en faveur de l’utilisation de la peur dans le contexte spécifique ; définir préalablement les groupes ciblés par le message, et inclure systématiquement des éléments d'intervention, tels que l'amélioration de l'auto-efficacité, susceptibles de donner lieu à la plus grande efficacité. La proportionnalité fait référence à l’examen préalable des réactions des individus aux campagnes précédentes ; au test préalable des matériaux susceptibles de causer de la détresse et à l’évaluation des avantages présumés par rapport aux coûts moraux probables. Les concepteurs devraient enfin s’interroger sur la nécessité de cette approche, en s’assurant que d’autres, potentiellement moins nocives ne seraient pas tout aussi efficaces.

Comme nous l’avons vu précédemment, l’humour ou encore l’empathie sont susceptibles de donner lieu à une efficacité comparable à la peur, voire supérieure en ce qui concerne les individus les plus engagés dans le comportement à risque. Hastings et al. (2014) citent pour leur part, des exemples prometteurs de campagnes de prévention dite postmodernistes, basées sur le relativisme, le surréalisme, l’ironie, l’autodérision et l’hédonisme. Des possibilités alternatives de prévention semblent donc exister, et il appartient désormais aux décideurs de les prendre en considération.

 

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Usages et gratification : (re)voir la propagande autrement

Bertrand Labasse

Par un curieux retournement, l’une des perspectives théoriques qui pourraient compter parmi les plus éclairantes pour appréhender la multiplicité contemporaine des voies de la propagande politique pourrait justement être celle qui tournait le plus résolument le dos à l’étude de la propagande. Selon le manifeste d’Elihu Katz (1959), le courant des usages et gratifications entendait en effet dépasser la problématique descendante de l’influence pour se consacrer, dans une perspective remontante, aux utilités et satisfactions que les individus retiraient ou non...

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N°39 / 2021

De la propagande d’Etat aux fake-news des réseaux : Quand le faux nous influence !

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