N°43 / Identités et Appartenances, - Juillet 2023

Le hooliganisme ukrainien : la face dévoyée des relations entre sport et nationalisme radical

Adrien Nonjon

Résumé

Le football constitue en Ukraine un bastion privilégié du nationalisme ; et les hooligans en sont souvent les ambassadeurs les plus radicaux. Actifs bien avant 2014 et l’émergence de nouveaux mouvements ultra-nationalistes comme Azov, les hooligans avaient déjà bâti dans les tribunes une représentation nationaliste forte de l’Ukraine indivisible et souveraine, charpentée autour d’un activisme violent et accru. Par leur implication directe dans la révolution du Maïdan puis la guerre dans le Donbass, ces supporters radicaux de clubs comme le Dynamo Kyiv ont été le vecteur de de la renaissance de l’esprit national ukrainien en prenant appui sur les mouvements nationalistes en plein essor quand le Chakhtar Donetsk pouvait parfois donner une réplique pro-russe. Cet article se propose de dégager autant que ce peut les différents processus d’engagement et de socialisation politique au sein du hooliganisme, et ce en faveur de l’extrême droite nationaliste ukrainienne.

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Le hooliganisme ukrainien : la face dévoyée des relations entre sport et nationalisme radical

 

Adrien Nonjon est doctorant au Centre de Recherche Europe-Eurasie (CREE) de l’INALCO à Paris. Il est titulaire d'une maîtrise en géopolitique et en sciences politiques. Spécialisé dans l’histoire et la géopolitique de l’Europe centrale et orientale aux XXe et XXIe siècles, ses recherches ont tout d’abord porté sur la montée en puissance et les spécificités idéologiques de l’extrême droite ukrainienne à partir du Maïdan avec pour principal cas d’étude le mouvement Azov. Chercheur associé aux programmes de recherches « Illiberalism » et « Transnational History of the Far Right » de l'Institute for European, Russian and Eurasian Studies à la George Washington University de 2019 à 2021, son intérêt porte sur l’histoire politique et culturelle de l’Ukraine et de l’espace baltique-mer noire. Son champ d’étude comprend celui des « imaginaires » (G.Toal) et doctrines géographiques (Intermarium, Troisième Voie, Paneuropéisme, Antemurale Christianitatis) ; des mouvements et courants politiques radicaux (nouvelles droites, nationalistes-révolutionnaires, éco-nationalistes, conservateurs, traditionalistes, anti-communistes…) ou des cultures et contre-cultures (néo-paganisme, musiques extrêmes, sport…).

 

« Pratiquer avec sérieux le sport n’a rien avoir avec le fair play il déborde de jalousie haineuse de bestialité du mépris de toutes règles de plaisir sadique et de violence en d’autres mots c’est la guerre sans les fusils … » 

 

George Orwell

 

Introduction : Le hooliganisme gestionnaire des stades 

Paradoxalement, c’est d’abord au niveau du hooliganisme que se nouent les rapports entre sport et nationalisme sans que ce soit une spécificité ukrainienne[1]. Paul Dietschy dans son Histoire du football s’en fait l’observateur attentif au niveau des tifosis italiens, expression dérivée de « typhus », et évoquant la passion pathologique du football et qui exalte d’autres valeurs que le seul soutien à l’équipe locale déifiée[2]. Apparu formellement en Grande Bretagne, le terme de hooligan renvoie, avant de faire référence aux rapports conflictuels entre les supporters et la police dès la fin du XIXème[3], à un type de vie (Famille Hooligan vivant en marge, à es comportements isolés et violents ; un ivrogne irlandais impliqué dans des bagarres) ou à des gangs organisés comme celui du quartier de Islington appelé Hooley… Progressivement il s’est identifié à ceux qui sont en marge (c’est le sens que donnera le pouvoir communiste en URSS en désignant comme khuligan ceux qui dérogeaient à la règle fixée par le parti et s’opposant à certaines réformes dans les années 1960. De manière générale, le hooligan incarne progressivement une volonté sur les stades de dénoncer l’ordre établi et d’exalter toute subversion au service de la performance d’un ordre nouveau épuré ; de là des connotations racistes et ultra chauvines[4]. Bien qu’arrivé tard dans le monde russe, à partir de 1990, le hooliganisme plus communément appelé dans la région « footballisme ultra » a défrayé les chroniques spécialisées aussi bien par sa ferveur spectaculaire que par sa violence[5]. Autrefois cantonné aux enceintes sportives, le hooliganisme ukrainien est devenu au même titre que ses pairs européens un véritable phénomène de société, avec ses labels de vêtements, ses lieux de vie et ses codes culturels[6]. Avant 2013 une douzaine de groupes officiels à la périphérie des clubs de football étaient identifiés Toutefois, il ne s’agit pas pour les hooligans de simplement paraître et de se distinguer, pour en pas dire se communautariser. Très vite ce milieu s’inscrit dans une démarche militante. Surfant sur les effets négatifs de la chute de l’URSS  comme le chômage et la disparition des  repères « naturels » de la société soviétique, le « supportérisme » a débouché par réaction sur l’affirmation d’une nouvelle identité affirmée[7]. Il s’est adressé principalement à ceux qui aspirent à une nouvelle vie sociale, un leadership réel, à ceux qui sont animés d’un esprit de camaraderie et de corps. Le supportérisme radical ukrainien plus que tout autre se revendique ainsi d’un nationalisme à forte cohérence, ainsi que d'une communauté hypermasculine capable de générer de nouvelles solidarités collectives comme dans l’armée nationale et de la cohésion identitaire et ce malgré les différences sociales accrues depuis la ruine de l’économie soviétique en Ukraine.


Phénomène à la fois underground et élitiste relevant de plusieurs cultures et prêts à porter idéologiques, le hooliganisme constitue un champ d’étude large, souvent mal borné et encore mal défini[8]. Certains chercheurs en sciences sociales comme Laurent Falacho ont tenté de formuler une définition cohérente de ce milieu dans ses actions plus que dans ses structures ou son spectre social. Ce milieu « concernerait toutes les formes de violences physiques ou de dégradations de biens commises par des supporters à l’occasion des rencontres de football, ces faits pouvant être perpétrés dans le stade, aux abords de celui-ci ou sur l’itinéraire emprunté pour gagner le site du match »[9]. Une telle approche du hooliganisme est rapide et incomplète tout en étant très stigmatisante, dans la mesure où elle ne rend pas compte, comme le souligne Christian Civardi, de l’évolution historique du milieu (origines sociales, âge, sexe, origine géographique, mobilités) et des enjeux socio-politiques promus autour du football[10]. Ces données sont néanmoins cruciales pour comprendre, comme le montre Christian Bromberger, l’ensemble des attitudes partisanes de ces groupes et les menus arrangements qui peuvent exister avec des ensembles politiques[11].

Depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991, les mouvements nationalistes comme par exemple du Pravy Sektor (Secteur Droit) ont vu dans les groupes de supporters radicaux un important vivier d’électeurs leur permettant de renforcer leur assises politiques dans les stades mais aussi de grossir leurs rangs comme service de sécurité ou comme « muscles de rue », autrement dit comme phalanges de chocs pour entreprendre des actions violentes à l’encontre du pouvoir dans une perspective d’opposition radicale[12]. La révolution du Maïdan en 2014 a consacré l’émergence d’une société civile alerte et dynamique en Ukraine[13], mais rapidement la fluidité populaire retrouvée a dérivé sur des confrontations, et un sectarisme affirmé. Ces évènements ont largement contribué à la revitalisation de ces nationalismes, aussi bien libéraux et émancipateurs, qu’ethniques et radicaux[14]. Loin de s’inscrire dans la mystique biaisée et surexploitée du narratif « bandériste » ou « fascisant » de la révolution ukrainienne de 2014, il convient cependant d’admettre que les supporters de football ultra ont su saisir certaines opportunités pour revenir au coeur du jeu politique ukrainien[15].  Aujourd’hui, les partis nationalistes ukrainiens et leurs milices comptent une large majorité d’individus issus des groupes hooligans dont certains sont au sommet de la hiérarchie et intègrent leur expérience de la violence aux revendications politiques. Afin de déterminer l’importance du sport comme objet politique ultranationaliste et de contestation en Ukraine, nous proposons dans cet article de dégager autant que ce peut les différents processus d’engagement et de socialisation politique au sein du hooliganisme, et ce en faveur de l’extrême-droite nationaliste ukrainienne.

1. La violence hooligan caisse de résonance de l’identité nationale ? 
            

Par son histoire jalonnée de crises et son territoire mosaïque, l’Europe post-soviétique a pour principale ligne directrice dans ses politiques et sociétés la préservation et le développement d’une identité nationale forte et autonome. En effet, la chute de l’URSS en 1991 a laissé un vide économique, politique et identitaire important, obligeant les jeunes États nés de cet éclatement à rebâtir un système de zéro sur la base d’un  héritage national laminé  qu’ils n’avaient pu préserver  que très difficilement. Si la diffusion de nouvelles valeurs idéologiques et politiques au service de l’autodétermination nationale doit beaucoup à une certaine élite intellectuelle, les « professionnels de l’imagination » pour Olga Ruzhelnyk, la post-modernité qui caractérise les années 1990-2000 contribue à étendre le processus d’auto-détermination de la nation ukrainienne à d’autres acteurs dont les hooligans[16]. Bien que considérés en général comme des sujets périphériques, ou en marge de l’ordre politique existant[17], les formations hooligans ont bel et bien construit à travers leur mouvement et leur culture collective une identité ukrainienne.

Phénomène à facettes multiples, le hooliganisme ukrainien permet de comprendre l’émergence du sentiment national en Ukraine et plus encore la captation de ce milieu par essence révolutionnaire et radical par l’extrême-droite nationaliste. En effet, nos entretiens avec des hooligans des White Boys du Dynamo Kyiv ont fait émerger des similitudes frappantes entre la construction des identités hooligans et les représentations nationales ukrainiennes. Il s’agit non pas d’une simple convergence mais d’une véritable identification comme le montre le simple rappel des caractères du mouvement hooligan :

 1) L’enthousiasme et l’excitation émotionnelle lié au collectif et à des phénomènes de foule  ; 2) l’éloge de la masculinité propre au phénomène de construction nationale décrit par Benedict Anderson, les hommes en étant les porte-drapeaux et surtout les meilleurs élèves des sports martiaux; 3) l’identification  territoriale, car le club représente une ville, un quartier, un espace délimité et défendu ; 4) un sens de la solidarité et d’appartenance commun ; 5) une représentations de la souveraineté et de l'autonomie car le club vit de ses propres apports de l’assiduité de ses supporters plus que d’apports extérieurs et il répond à ses propres règles[18].

Mises bout à bout, ces caractéristiques constituent un corpus qui permet  de mieux comprendre la manière dont les identités collectives générées par le milieu hooligan ont pu accompagner celles générées par la société ukrainienne dans le processus d’auto-détermination ukrainien. De plus, l’utilisation de la violence, du sensationnel pour porter ces idéaux[19] renforce le lien entre nationalisme(s) ukrainien(s) et traditions hooliganes. Identifier ces thèmes nous permet de relier ces différentes traditions du hooliganisme et l’émergence du phénomène révolutionnaire et nationaliste ukrainien à partir de 2014. S’il y a des spécificités chez certains clubs de supporters propre au localisme dont il sont issus, l’itinéraire tracé par les hooligans se veut globalement en résonance avec les révolutions de terrain observées à partir de 2014. Ainsi, nous avons pu établir qu’au cours des manifestations pro-européennes la place Maïdan est devenue le théâtre d’un affrontement violent entre les manifestants et les forces de sécurité mandatées par le président alors en exercice Viktor Ianoukovitch pour mettre en fin au soulèvement. Jusqu’alors considérés comme des « parias » reliés à un milieu méconnus underground, les Ultras du Dynamo de Kyiv ont quitté les gradins et sont devenus des acteurs de l’insurrection. Beaucoup de ceux rencontrés ont confirmé avoir décidé de prendre les armes contre la police, puis d’organiser ensuite l’opposition publique  selon leur propre modèle d’organisation. Ancien membre d’un groupe de supporters de la ville de Dniepro du Dynamo de Kyiv club phare du championnat ukrainien, ayant pris avec son groupe une part active au Maïdan, « Radion » se justifie :

«  Au départ ce qui se passait sur le Maïdan nous était lointain. On voyait des gens manifester, se réunir pour défendre cette question européenne qui ne nous intéressait pas. Mais lorsque Ianoukovitch a fait donner la charge contre les manifestants et que nous avons vu sur internet le déferlement de violence nous avons compris. Le pouvoir était en train de faire passer le peuple ukrainien pour des marginaux. Il les traitait avec la même férocité que celle à notre encontre. Cela nous était insupportable, d’autant plus que la majorité des manifestants n’avaient aucun moyen réel de se défendre. C’est pourquoi nous avons avec les autres clubs décidés de signer une trêve et de rejoindre Kyiv. »[20].
 

Cet exemple n’est pas anecdotique sans qu’on puisse vraiment en quantifier précisément l’importance. Mais l’orientation du combat politique des supporters de football ukrainien ne fait aucun doute même si elle peut surprendre. En dépit de leurs différences et du caractère parfois « tribal » de certains groupes de supporters[21], la révolution du Maïdan et ses répercutions a défini un cadre d’interaction et de convergence des mouvements radicaux et des hooligans[22]. Rassemblant plusieurs centaines de manifestants et essuyant les assauts des forces de l’ordre, la place de Maïdan est devenue le lieu privilégié de coopérations permettant de comprendre comment la violence hooligan a été instrumentalisée pour défendre « l’avenir radieux de l’Ukraine »[23] ; thématique aussi exaltante pour les supporters que défendre dans le passé Oleg Blokhine ailier gauche mythique de l’équipe ukrainienne. Ce qui est impliqué dans la coopération entre les formations de hooligans et les manifestants révolutionnaires n’est pas dû à un simple concours de circonstance. Ces mouvements partagent en effet la volonté de s’engager dans une confrontation politique qui dépasse de très loin leurs antagonismes interclubs, mais qui est perçue comme essentielle. Il s’agit avant tout de porter la révolution nationale, rallier des groupes issus du même milieu plutôt que d’être adversaires sur les terrains de football. C’est justement parce qu’ils sont différents qu’ils ont une pratique de la violence et qu’ils ont connu toutes les trajectoires de la marginalité, qu’ils peuvent se donner pour objectif d’intervenir pour que les manifestants ne subissent pas le même sort. Comme le montrait Sigmund Freud dans son article « Le narcissisme des différences mineures»[24], lorsque les individus se ressemblent à bien des égards, c’est précisément les différences mineures qui serviront de base et de justification à l’aversion pour l’altérité. Pour les hooligans, la violence et la volonté de s’opposer aux forces de l’ordre, de « jouer »[25] pour défendre les manifestants constituent la forme la plus convaincante de relation sociale à partir de laquelle leur groupe est issu[26].  Mais cela signifie-t-il pour autant qu’une identité commune existe entre ces formations ?  Peut-on aller jusqu’à définir le hooliganisme ukrainien et sa violence comme une sorte de proto-communauté nationaliste ukrainienne, ou comme l’appelle Benedict Anderson de « communauté imaginaire »[27] ?

2. Le Hooliganisme : un sens de la solidarité et de l'appartenance  


L’appartenance au hooliganisme et à son environnement violent offre la possibilité de ressentir immédiatement des sensations fortes, une excitation agréable où très vite des règles peuvent être transgressées, une poussée d’adrénaline qui libère des contingences[28]. Âgé de 23 ans et figure majeure des « Ultras » du Dynamo Kyiv puis tête jusqu’en 2020 de la branche kyivienne du parti ultra-nationaliste d’Azov, Corps National,  Serhiy Filimonov raconte non sans  émotion, et nostalgie :

« Ce qui m’a attiré dans le hooliganisme ce n’est pas le supporterisme normal que l’on peut voir ailleurs dans les stades. D’ailleurs pour beaucoup d’entre nous, lorsque nous avons débuté, nous n’avions pas l’argent pour payer les billets et les abonnements. Regarder un match pendant 90mn ne m’intéressait pas plus que ça. Ce que j’aime dans le mode de vie ultra ce sont les combats avec les autres groupes de supporters. La violence prend ici un tout autre sens. Ça n’a rien avoir avec les embrouilles que tu peux avoir dans la rue avec n’importe qui. Ici on est habités par une sorte de sentiment de toute puissance, une puissance qui… Comment dire… est millimétrée ou organisée. C’est une sorte d’exutoire addictif que tu ne trouves pas ailleurs dans la vie normale. C’est pourquoi beaucoup de gars sont attirés par elle en premier lieu et pourquoi certains d’entre eux restent impliqués tout au long de leur vie dans cette démarche de confrontation »[29].

Une telle fascination pour la violence et le milieu hooligan peut s’expliquer pour Dunning dans son article « The Roots of Football Hooliganism ». Les affrontements sont une source importante sinon majeure d’identité[30]. L’engagement physique aux côtés d’autres supporters est une validation d’une présence qui ne saurait être passive contemplative. C’est une forme d’engagement, de rupture avec le quotidien dans le relatif confort du groupe et dans une « excitation émotionnelle agréable parce que partagée »[31]. Si cette violence séduit comme nous avons pu le constater, en premier lieu les classes les plus pauvres en Ukraine[32](la marginalisation économique est un sauf conduit pour des bagarres), elle ne doit pas pour autant être comprise comme un comportement typé, lié à une classe sociale au regard de la diversité des situations[33]. Elle est plutôt l’expression radicale, souvent théâtralisée, d’une jeunesse dans l’impasse, d’adolescents de sexe masculin en recherche de sensations et d’une identité forte.
Leur défi est de surmonter la peur à travers un groupe : c’est du moins la raison la plus citée par les quelques anciens hooligans (8 vétérans, supporters du Dynamo) que nous avons pu rencontrer lors de notre terrain. En effet ils nous ont révélés que c’est pour pouvoir surmonter une peur profonde et polymorphe (quotidien, avenir, menaces extérieures, déclassement social, ou subordination excessive) qu’ils ont décidé de rejoindre les groupes hooligans afin de développer une discipline suffisante pour être efficace et surmonter toutes ces craintes[34]. Mais à la base il y a tout simplement la peur même des autres car les affrontements organisés entre groupes de supporters, les Stenka na Stenku (Mur contre Mur) impliquent souvent des batailles rangées aux effectifs disparates. Dans ces rixes, le seul moyen de dépasser la peur est de l’oublier (excitation émotionnelle) et de se sentir solidaire et en même temps d’appartenir à un groupe clairement défini[35].

La participation au hooliganisme et ses confrontations violentes permet à certains d’acquérir un prestige au regard de leurs pairs. Il y a d’ailleurs un itinéraire des hooligans qui montre que rien n’est dû au hasard et que la méritocratie promeut les activistes du mouvement[36]. La « carrière » était plus ou moins calquée sur celles des joueurs de football. Les jeunes hooligans débutent dans un club de seconde division, sans nom ni statut[37]. S'ils parviennent à se distinguer, ils sont directement accueillis par des groupes de première division. Chaque groupe est composé de 6 à 15 garçons, où ils arrêtent de se battre à l'âge de 20 ans[38]. Les plus vieux s'occupaient de planifier les combats, de répartir l'argent et de gérer l'administration.et de gérer la promotion de là leur rencontre possible sur mon terrain.  Au sein des formations de hooligans, les réputations individuelles et collectives s’établissent principalement en démontrant une volonté de « jouer » et d’être capable de dégager une aura hypermasculine[39]. La violence est ici cruciale pour la construction d’un sentiment d'appartenance, d’une solidarité et une amitié fortes qui ne sont pas sans romantisme par leurs exagérations et leurs formulations. Un ancien membre du groupe hooligan anti-fasciste « Arsenalna Kyiv » en témoigne  :

« On caricature souvent le milieu des Ultras en Ukraine… et ailleurs je pense, comme une simple horde de fans dégénérés unis dans le seul but de casser la gueule à quiconque ne porte pas les mêmes couleurs. C’est complètement faux ! S'il ne s'agissait que de violence, vous pouvez frapper n'importe qui dans la rue. Nous sommes surtout des amis animés par un sentiment commun et un esprit d’aventure. Tout le reste de ce qui peut être montré dans les médias n’est que la surface de notre culture »[40].

Les récits des hooligans révèlent ainsi comment les membres prétendent « s’entraider » et « se serrer les coudes »[41]. Les groupes de hooligans sont souvent clos, et ghettoïsés dans leur relative militarisation surtout dans les conjonctures difficiles que l’Ukraine a vécues depuis 2014. Arrêté à la fin 2013 par la police à Donetsk suite à une vague de répression organisée par le pouvoir local à l’encontre des groupes hooligans, Artëm explique que son groupe de hooligans supporters du Chakhtar de Donestk apporta à lui et ses proches un soutien inestimable qu’il n’aurait pu trouver ailleurs :


« J’ai été incarcéré à la prison de Donetsk environ 1 ans. J’étais à ce moment-là marié et père d’une petite fille de 2 ans seulement. J’étais le seul à pouvoir subvenir aux besoins de ma famille. Alors que je purgeais ma peine, les camarades de mon groupe se sont occupés de ma famille. Ils déposaient ma fille à l’école, se cotisaient pour pouvoir acheter de quoi vivre et manger à ma femme. Ils les ont même protégées de la police ou de certains autres groupes qui voulaient profiter de mon absence pour se venger. Je ne l’oublierai jamais tu sais. Ce sont mes vrais amis pour ne pas dire mes frères »[42].

Une vraie solidarité de commando et de guerriers ! Ainsi la combinaison de l'appartenance, de la reconnaissance et de la réputation permet aux hooligans de développer un ensemble de valeurs et de caractéristiques identitaires communes qui n’ont rien d’occasionnels. Il s’agit ici d’un phénomène de socialisation mais situé en dehors des sentiers classiques. L’exemple d’Artëm pendant son emprisonnement montre donc que le groupe peut parfois jouer le rôle de substitut à la famille. Serhiy Filimonov dans son interview le confirme :
  « J’ai toujours pensé que les gars du Dynamo étaient ma famille plus que ma famille d'origine. Je suis issu d’une famille pauvre composée de 6 frères et sœurs, personne à la maison avait le temps de s’occuper de nous. Peut-être que j’ai finalement trouvé dans mon groupe une famille que je n’aurais jamais eu chez moi »[43].

L'affection que peut éprouver un individu pour son groupe tend à être plus forte lorsqu’il s’agit d’un petit groupe formé à la même date, dans une même conjoncture et regroupant des personnes issues de la même génération[44].
Ce sentiment est d’autant plus fort que le hooliganisme est confronté à un environnement instable, complexe où la cause footballistique disparaît souvent au profit d’événements périphériques au ballon rond. Face à l’imprévisibilité des actions et des réactions, il y a quelque rassurance du supporter à considérer son groupe comme une source de protection non officielle et de recours en cas de conflit. Notre entretien avec Serhiy Filimonov a été éclairant. Nous recevant dans les bureaux de son « entreprise » situés dans le centre-ville de Kyiv, nous avions été frappé par les individus présents à ses côtés lors de l’entretien. Tel un rappeur américain, Serhiy vivait constamment avec une garde rapprochée, une escouade de serviteurs zélés autour de lui. Il suffit qu’un bruit suspect interrompe notre entretien, pour que Serhiy envoie un de ses hommes vérifier au balcon. Voyant notre surprise il nous a expliqué sa situation :

« Depuis que je fais de la politique, je reçois des menaces de l’extérieur. Anti-fa, police et même service secrets, tout le monde veut ma peau depuis que je milite en parallèle de mes activités hooligans. Avec le temps j’ai appris à ne faire confiance à personne. Je ne peux que compter sur ces gars que tu vois ici. Ils voyagent avec moi, ils travaillent avec moi et me protègent. On se connait depuis l’adolescence et nos débuts chez les Ultras du Dynamo Kyiv. Je sais que je peux compter sur eux »[45].

Les hooligans d’un même groupe sont ainsi, de manière caractéristique, mus par une volonté de protection plus que de concurrence violente entre eux. Si un conflit venait à se déclarer au sein d’un groupe, il serait normalement moins grave et moins important qu’un conflit avec un groupe ennemi. On fonctionne de bloc à bloc. Le plus souvent ces tensions sont liées à des rivalités entre sous-groupes ou a des tensions entre « anciennes » et « nouvelles » générations de hooligans[46]. Bien qu’appartenant au même club et à la même mouvance, ces groupes fonctionnent de manière autonome et ne fusionnent qu’en prévision d’une grosse confrontation avec des concurrents de longue date comme les fans de Saint-Etienne ou d’équipes russes[47].    

Le hooliganisme contemporain dans le football ukrainien, se caractérise par un niveau élevé de conflits intra-groupes[48]. Malgré leur allégeance à un même club de football, les membres de groupes hooligans ont évolué et pris position sur l’indépendance menacée du pays et ont fait état d’allégeances politiques pour construire leur identité collective. Au risque de voir leur spécificité disparaître face à des groupes extérieurs au monde du football, la prise en compte d’idéaux politiques a finalement débouché en Ukraine sur une fragmentation puis un déclin de la formation initiale de hooligans en faveur de nouveaux sous-groupes politisés et en concurrence pour le contrôle des espaces publics. Observateur de ce phénomène Aleksey Korenkov, ancien hooligan désormais repenti explique cette reconfiguration du hooliganisme :


« Juste avant la révolution du Maïdan qui a mis entre parenthèse la concurrence entre les groupes, je me rappelle que les hooligans du Dynamo Kyiv invoquaient de plus en plus les divergences politiques de type Anti-Fascistes/Néo-nazis pour provoquer des affrontements. Ce phénomène est assez nouveau quand on regarde de plus près. Des années 1980 jusqu’aux années 1990 on était surtout dans une confrontation entre les quartiers ou si on raisonne plus globalement entre les Ukrainiens et les Russes. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque il n’y avait qu’un championnat de football à l’échelle de toute l’URSS. Donc quand le Dynamo de Kyiv jouait contre celui de Moscou, c’est comme si tu assistais à Ukraine-Russie au mondial de football ! »[49].

Ainsi, le spectre du hooliganisme s’élargit et par là se fragmente. Les engagements de chaque groupe de supporters peuvent se faire sur des bases locales régionales mais aussi sur des causes différentes (rapports aux sécessionnistes rapports avec l’URSS d’hier. Rapport au pouvoir, rapport aux oligarques les différences entre sous-groupes deviennent de plus en plus accentuées, l’identité collective s’efface progressivement pour laisser la place aux identités d’opposition naissantes[50]. Ceci a pour conséquence d’entraîner des hostilités et des confrontations multiples, puis, finalement, la montée de nouvelles identités de fans. Ce phénomène de recomposition ponctuel met ainsi en évidence le caractère dynamique et relationnel des identités collectives dans les sous-cultures de supporters de football.

Outre les avantages liés à l'adhésion à un groupe, il existe également au sein du hooliganisme des devoirs et des intérêts communs[51]. En effet les intérêts individuels sont liés à ceux du groupe de hooligans dans son ensemble. Il y a une interdépendance entre l'action individuelle et le destin de groupe. Les supporters doivent protéger l’honneur du groupe, même au risque de blessures, si elles veulent bénéficier des avantages découlant de l’appartenance au groupe. L’anecdote rapportée par Serhiy Filimonov, débouche sur plus d’enseignements qu’il n’y paraît :
« Je me souviens très bien d'un incident avec les hooligans du Karpaty Lviv », raconte t’il « A l’issue de notre confrontation avec eux j’ai appris par un ami qu’un membre du Karpaty avait été interrogé par d'autres membres du groupe sur l'endroit où il se trouvait pendant le combat, car ils soupçonnait qu’il s’était défilé comme un lâche… Ce dernier a affirmé avoir été frappé pendant le match (et donc avant la confrontation ndlr) par le bâton d'un policier anti-émeute et avoir subi une commotion cérébrale. Cette histoire a été confirmée par d'autres membres du groupe qui ont assisté à l’incident je crois qu’on l’a cru mais depuis il est surveillé par son groupe ».  Serhiy surenchérit : « C’est parfaitement normal que le groupe agisse ainsi avec les gens qui n’assument pas d’aller au charbon. Parmi les nouvelles recrues, il y a trop de gars qui disent vouloir se battre mais se qui chient dessus au dernier moment… Ces gars-là sont inutiles, on ne peut pas compter sur eux »[52].

Les hooligans cherchent donc à présenter une forme idéalisée de soi collectif comme seul capable de « prendre soin de soi »[53]. Cette présentation du soi des hooligans en tant que groupes souverains et solidaires est étroitement liée à leur notion romancée d’autonomie, qui est leur capacité perçue à prendre leurs propres décisions sur ce qu’il faut faire plutôt que d’être influencée par quelqu'un d'autre ou de se faire dire quoi faire. Dans leurs objectifs, les groupes hooligans souhaitent donc avant tout tisser des liens de qualité entres leurs membres et se présenter comme des communautés indépendantes et idéales[54]. Ils apparaissent ainsi comme des groupes sociaux fraternels et dynamiques capables de faire oublier les plaies d’une période post-soviétique particulièrement sombre où l’individualisme primait, question de survie ou de profit !  Par leurs aspects organisationnels et normatifs les mouvements de hooligans se sont naturellement inscrits dans la lignée des discours nationalistes et des symboles d’une Ukraine indépendante. Ils ont apporté leur mobilisation, leur cohésion relative leur rigueur et bien sûr leur enthousiasme au service de l’identité ukrainienne. De manière sous-jacente cette contribution est devenue effective et le football s’est fait le porte-voix de l’affirmation de la souveraineté ukrainienne face aux menaces.

3. Le Hooliganisme : une exaltation du territoire ? 

L’« excitation agréable »[55] (doux euphémisme fédérateur) associée au patriotisme (exaltation sans réserve ) est l’épicentre du hooliganisme ukrainien. Les récits recueillis révèlent à quel point les hooligans subissent une « montée d’adrénaline »[56] d’autant plus forte qu’ils parviennent à vaincre ou écraser des clubs étrangers. Leur recherche d'aventure, d’excitation et de frissons côtoient ainsi les valeurs chauvines et démonstratives du nationalisme ukrainien[57]. Une simple recherche et compilation des vidéos sur les plateformes en ligne permet de l’attester. Dans une mer de drapeaux aux couleurs nationales bleue et jaune, le stade Olimpiski résonne des chansons nationales ukrainiennes tandis qu’une banderole se déploie dans le virage des White Boys et des Ultras. Dessus, figure le portrait dessiné d’un cosaque en armes, le regard dominateur. Nul doute que le stade soit plus que jamais le lieu de démonstration de l’identité ukrainienne et que l’on dépasse souvent le cadre local pour exalter le cadre national.

Alors que pour la plupart des spectateurs sportifs, l'excitation émotionnelle d'un match sportif suffit[58], les hooligans chérissent les démonstrations identitaires associées à la violence symbolique et physique du sport. Loin d’être une simple pratique de soutien, ces démonstrations ne sont qu’un moyen d’expression supplémentaire par lequel les hooligans peuvent se distinguer des autres catégories de supporter[59]. Comparables à des performances où sont déployés des symboles nationaux de tout type et où est mise en scène la fierté politique et identitaire, le soutien des hooligans exprime une volonté de s’affirmer par rapport au camp adverse. Il s’agit ici d’une « acculturation antagoniste »[60]. Fustigé, conspué, voire avili et déshumanisé, le camp adverse sert de défouloir aux hooligans. Ces vociférations, ces litanies d’imprécations à l’égard des ennemis   permettent aux hooligans de construire leur identité par rassemblement et opposition tout en participant au match par leurs encouragements. D’essence partisane, cette construction par la raillerie n’est pas sans risques de dérapages. Le football sert de point d’ancrage de nouvelles idéologies extrémistes exaltant le particularisme et la fierté identitaire ukrainienne.
Le football de « people game »  devient « country game »[61]. Comment ne le serait-il pas dans l’Ukraine post-Maidan quand après la victoire de 1998 en France l’historien Jean Pierre Rious dans la France d’un siècle à l’autre évoque « l’échappée bleue » comme un des 16 événements qui ont fait la France du XXème siècle.

 

Catalyseurs des frustrations et de la ferveur patriotique qui entoure un match et ses enjeux, le stade est devenu plus que jamais en Ukraine le lieu d’expression décomplexé du nationalisme[62]. A travers leurs pratiques, les supporters ukrainiens transposent leurs litiges historiques et mémoriels dans les tribunes. Dans l’univers du football est-européen ces rengaines sont ritualisées et savamment mises en scènes au niveau des représentations afin qu’elles s’accordent parfaitement avec l’équipe adverse. Le match de football est une violence festive comme le montrent certains slogans déployés : « Gloire à l’Ukraine ! Gloire aux Héros ! », « Un bon Moskal est un Moskal mort ! » ou encore « Poutine va crever »[63]. Si cette violence extrême relève plus du verbe que du geste, elle assume néanmoins une certaine dimension territoriale qui s’accorde parfaitement avec l’état d’esprit nationaliste. Radion exprime ainsi clairement ce que représente le stade pour les Ultras :

« Lors d’un match, notamment contre des équipes étrangères tu dois bien faire comprendre aux autres supporters qu’ici c’est Kyiv et l’Ukraine. On est pas ici pour échanger des politesses et communier autour de l’amour du football. Le stade et ses environs sont notre territoire, notre Ukraine. Si un autre groupe pense qu’il est ici chez lui on se fait généralement un plaisir de lui rappeler avec nos méthodes qui commande ici. »[64].

L’appartenance au territoire national et sa défense est donc l’un des principaux arguments invoqués par les Ultras du Dynamo Kyiv lors des confrontations avec des clubs étrangers. Pour le chercheur Manuel Veth spécialiste du football post-soviétique « les supporters ukrainiens sont unis par la volonté de préserver l’Etat ukrainien »[65]. Pendant des rencontres récentes entre Dynamo de Kiev et Chakhtar de Donetsk de nombreux drapeaux ukrainiens étaient brandis et il note que les groupes de supporters du club de Crimée SC Tavriya de Simferopol  étaient majoritairement opposés à l'annexion de la Crimée par la Russie. Finalement cette politisation des stades ukrainiens est un peu à sens unique. Comment ne pas y voir l’instrumentalisation du football et souvent des supporters par des oligarques. Pour Manuel Veth : « En Ukraine, le football est une manière de cimenter son influence politique. Ce processus est appelé "Berlusconisation", un terme qui décrit les liens entre le football, de grands holdings médiatiques et une politique populaire. Les oligarques ont toujours utilisé le football, en connexion avec de grandes entreprises médiatiques, pour gagner en crédit politique et s'assurer le soutien d'une large part de la population »[66]. Le système mis en place pendant l’ère soviétique est encore bien en place aujourd'hui même s’il a changé de cap politique. 

4. Hooliganisme et combats politiques : un engagement en faveur de l’extrême-droite ukrainienne 

 Cette position de force des hooligans localisée reste bien sur limité à quelques stades emblématiques comme le stade kyivien d’Olimpiski et ses environs. En effet hors de ces lieux, les supporters du Dynamo Kyiv et leurs activités violentes sont beaucoup plus réprimées que de coutume. Le hooligan est ainsi renvoyé dans ses représentations communes : un délinquant[67]. Si la première décennie de l’Ukraine indépendante élude les connivences entre partis nationalistes et groupes de supporters hooligans l’irruption de la révolution du Maïdan puis de la guerre va accentuer le phénomène non seulement en les faisant combattre ensemble sur le front mais aussi en les associant autour d’un même combat idéologique[68]. Suivant cette logique, l’ensemble des Ultras ukrainiens s’engagent dans la lutte contre les forces de l’ordre du président Ianoukovitch pendant le Maïdan, puis contre les séparatistes pro-russes dans l’Est du pays. C’est à travers la mobilisation d’un discours patriotique et xénophobe à l’encontre de la Russie et une expérience de combat commune sur le champ de bataille par le biais des bataillons de volontaires que la filiation se fait[69].
Cette transformation des paradigmes du hooliganisme à la faveur de la guerre et de la révolution a de quoi séduire l’extrême-droite nationaliste qui y voit un potentiel terreau pour alimenter ses rangs de nouvelles recrues et diffuser son message au sein de la société ukrainienne. On assiste dès lors à la conversion d’une contestation sociale en capital politique et en militants[70]. Autrefois lieu de loisir et de décompression de la société, le stade de football en Ukraine s’est peu a peu transformé sous l’impulsion de l’extrême-droite nationaliste. On exhibe aujourd’hui dans les virages des croix gammées, on chante à la gloire du nazisme et des collaborateurs ukrainiens de la seconde guerre mondiale et l’on appelle au meurtre. La grande tolérance des principaux clubs de football ukrainiens vis- à-vis du public hooligan[71] explique grandement cette stratégie de conquête par l’extrême-droite. Bien que distincts, les groupes hooligans et les nationalistes appartiennent au même univers. Il s’agit de groupes violents, masculins, chauvins et patriotes.
Ce processus de transformation n’est pas sans rappeler les travaux sur les « sociétés primitives » de Norbert Elias et Eric Dunning. Pour les deux anthropologues « la persistance des logiques segmentaires serait la preuve que le processus de civilisation resterait inabouti dans les classes populaires »[72]. L’affiliation des hooligans aux groupes d’extrême-droite ukrainiens présente à ce titre des analogies avec les processus d’identification étudiés en sociologie. Cette affiliation est d’autant plus logique qu’elle est une conséquence directe de la révolution et du regain de légitimité des factions et mouvances nationalistes à travers le pays et qui se présentent comme les nouveaux garants de l’ordre ukrainien fasse à un pays de plus en plus menacé. Sous l’influence de ces partis, la violence raciste est à présent banalisée. Le stade devient plus que jamais un sanctuaire de l’extrême droite  depuis longtemps voit dans le football 3 missions salvatrices :

1) compléter ou donner une formation quasi paramilitaire rigoureuse car le football est un jeu d’opposition tactique. Il exprime une volonté une obéissance au capitaine, un esprit de corps.

2) divertir les masses dans un cadre fermé.

3) renforcer le sentiment national, en choisissant ses ennemis extérieurs, souvent la Russie quand ce n’est pas le footballeur étranger caricaturalement. La fascisation de la culture du football n’est pas loin.

En octobre 2013[73] à la veille de la commémoration nationale des défenseurs de l’Ukraine, les supporters du Dynamo Kyiv ont exhibé une banderole glorifiant Stepan Bandera, chef de l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens connue pour avoir collaboré avec l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que des drapeaux arborant la croix celtique, symbole fortement répandu dans les organisations skinheads et militantes d’extrême droite. La fête du football est ainsi réagencée autour de l’esthétique et le discours ultranationaliste afin de légitimer un nouvel ordre politique sur lequel l’Ukraine jugée agonisante doit renaitre. En l’occurrence il s’agit d’un ordre charpenté autour de l’exaltation de la virilité de la pureté raciale et la réaction conservatrice[74]. À travers le sport, on explique aux hooligans que les minorités sexuelles doivent être opprimées et que la nation est prioritaire. 


Avec le renforcement des fractures identitaires et sociales en Ukraine puis l’émergence de l’extrême droite sous la forme de nouveaux partis politiques beaucoup plus jeunes et élargis au sein des idées comme le Corps National d’Azov, les groupes hooligans ont dépassé le simple activisme sportif localisé dans les stades et leurs périphéries pour investir la rue dans le cadre d’un combat politique. Lors des manifestations auxquelles nous avons pu assister les samedis 9 et 16 mars sur la place Maïdan à Kyiv, il n’était pas rare de voir des militants du Corps National arborer des survêtements ou des badges aux couleurs du Dynamo Kyiv ou encore d’utiliser des fumigènes et de grandes banderoles comme lors des matchs de foot. Les connivences existantes et visibles entre les mondes du hooliganisme et du nationalisme ukrainien s’avèrent plus qu’heuristiques pour saisir les nouveaux enjeux de la communication politique en Ukraine. Depuis le déclenchement du conflit à l’Est du pays, les différents partis politiques démocrates ukrainiens se sont emparés du discours nationaliste avec pour but de fédérer et mobiliser le peuple et les électeurs autour de l’effort de guerre[75]. Jusqu’alors monopole des partis d’extrême-droite comme Svoboda et Pravy Sektor, ce discours est ainsi devenu le fonds de commerce des partis traditionnels ukrainiens avec un risque permanent de dénaturation des idéaux et de surenchères, en témoigne la campagne du président Poroshenko intitulée « Langue, Foi, Armée ». Seul critère capable de différencier les partis nationalistes de leurs concurrents, la radicalité d’action permet aujourd’hui de s’affirmer sur le terrain public. On comprend dès lors pourquoi les hooligans sont devenus des acteurs clés à mobiliser. En provoquant aussi bien la police que l’opinion politique par la violence, les hooligans permettant aux partis d’extrême droite de s’affirmer au-delà de leur capacités politiques réelles.

Comme nous avons pu le montrer, le hooliganisme est une mise en scène de l’émotion s’appuyant sur des comportements déviants comme la violence et la haine. Cette mise en scène spectaculaire faisant de la politique et de la violence générée une fête participe donc à la conquête de l’espace publique et politique. Fort de cette illusion de la violence autant capable d’impression que d’influencer[76], les hooligans acquièrent au contact de l’extrême droite une nouvelle visibilité pour ne pas dire un nouveau statut. En effet parmi les rangs du Corps National, nombreux sont ceux qui autrefois hooligans sont désormais membres de la hiérarchie (comme Serhiy Fillimonov ou Radion). Cette interpénétration vaut consécration. En Ukraine appartenir à un groupe hooligan permet d’accéder plus rapidement à un statut politique.

Le hooliganisme dans le football est un phénomène hétérogène indissociable des différents contextes sociaux et historiques[77]. Les spécificités culturelles, sociales et historiques sont d'une importance cruciale pour comprendre pleinement la nature et la dynamique de la violence dans le football et sa captation par l’extrême-droite nationaliste. Il aurait été intéressant de pouvoir accéder à des fichiers de supporters comme il en existe dans les associations des virages nord et sud ; comme il en existe pour des clubs comme ou l’Olympique de Marseille et le Paris Saint-Germain en France. Il aurait également été fructueux de pouvoir connaître et interroger la hiérarchie de ces mouvements de supporters ; or ce qui frappe c’est leur opacité, leur caractère plus kaléidoscopique que bordé, et les hiérarchies très mouvantes qui les structurent à l’inverse de nos champs d’étude précédent comme le régiment Azov par exemple. Nous avons eu quelque peine à dépasser le cadre d’une généralisation théorique sur les caractéristiques fondamentales et les mécanismes sous-jacents du phénomène hooligan en Ukraine. Mais conscients de ces difficultés, nous avons pu néanmoins identifier quelques points communs frappants dans les constructions identitaires des formations de hooligans du football dans le contexte de l’Ukraine post-révolutionnaire. Identifier ces points communs nous a permis de développer une approche qui transcende la vision plaquée de manifestations uniques cloisonnées du hooliganisme et révèle les caractéristiques et les mécanismes sociaux qui sont au cœur de ces mouvements radicaux. Les caractéristiques du hooliganisme ukrainien décrites dans ce texte sont générales. Une analyse comparative plus spécifique avec d’autres groupes et parcours aurait inévitablement pu permettre d’aborder de manière plus approfondie les diverses circonstances terreaux sociaux culturels et historiques dont se nourrissent ces mouvements dont l’importance numérique et la force du message suscite parfois des craintes de clubs étrangers en déplacement sur le sol ukrainien. Les formations de hooligans sont une partie des groupes masculins organisés autour de, par, et pour la la violence (régiments brigades de volontaires organisation d’autodéfense, comités de quartiers) dans la voie de l’autodétermination qui désormais est la quête de l’Ukraine. Ces groupes généralement de jeunes gens jouent des rôles essentiels. C’est pour cette raison que nous plaidons pour une fertilisation croisée des recherches sur le hooliganisme et des études sur la délinquance juvénile et la culture des jeunes.

Ainsi, les quelques rencontres effectuées autour du stade mythique Olimpiski, de clubs capés (Dynamo de Kyiv), de groupes de supporters reconnus (les White Boys) nous ont permis de définir la violence post-Maidan, sa récupération politique sans augurer de ses lendemains. La répression qui sporadiquement les frappe montre que comme en Grande Bretagne dans les années 1980 les autorités ukrainiennes assimilent souvent ces groupes à une violence spontanée, destructrice sans autre référence que la délinquance[78]. Puissions-nous avoir pu montrer que le phénomène est plus complexe et que ses liens avec la politique n’en sont pas aussi ténus que certains veulent bien le sous-entendre. Le fait qu’ils perdurent, qu’ils sont souvent des recours pour les manifestations de groupe comme Azov ou le Corps National, leur écho à l’extérieur du territoire ukrainien montre qu’ils sont autre chose que l’inévitable paysage des stades de football. En définitive, notre premier chapitre tente de montrer de quelle manière la violence politique investit le sport, mais également comment la violence sportive contamine le champ politique à mesure que le contexte post-révolutionnaire et ses acteurs radicaux donnent au sport une importance accrue. L’enjeu de la victoire se pare d’une charge symbolique surdéterminée. Relayée aussi bien par des discours, chants et symboles jusqu’alors inédits en Ukraine en dehors des matchs de football, cette prise de position radicale en faveur de l’identité a su très rapidement attiser les convoitises des mouvements d’oppositions nationalistes. Les ultra-nationalistes ukrainiens trouvent dans le sport un champ d’action où ils peuvent aisément faire valoir leurs spécificités pour asseoir leur domination dans le débat des idées et modeler l’opinion publique. La thématique du sport fait donc depuis quelques années partie intégrante de leur corpus idéologique. Elle s’inscrit dans un continuum de revendications et d’initiatives conditionnées par les exigences de l’actualité ukrainienne. Elle fait écho à leur idéologie. Le football en Ukraine n’a rien à envier à l’Italie qui aujourd’hui défie les instances dirigeantes du football international par ses ultras aux noms si évocateurs : les Fighters de la Juventus de Turin, les Boys de l’Inter de Milan et de la Roma, les Brigades Rossonere du Milan AC qui arborent soit l'étoile à cinq branches des brigades rouges marxistes, soit l’effigie de Che Guevara ou les symboles du fascisme. Dans les recompositions géopolitiques et politiques qu’elle traverse, l’Ukraine politique d’aujourd’hui est bien celle de ses supporters de football pour partie.

Conclusion 

Au départ marginal, et développé dans un milieu où il ne pouvait que se limiter à l’affirmation d’un particularisme national, le sport dans l’espace post-soviétique et plus particulièrement dans l’Ukraine des années 2000 est in fine capable de dépasser les seuls terrains de football pour porter les revendications ou bâtir les  succès ultérieurs  des mouvements radicaux nationalistes. Au cœur de la propagande, des manifestations et du recrutement, le sport est devenu un visa pour les conquêtes électorales. Le football et ses hooligans restent la première expression de cette démarche En effet, c’est parce qu’ils partagent l’idée d’un fort sentiment d’appartenance national qu’ils défendent et subliment au cours d’un match et de rivalités avec les autres groupes, les hooligans sont de fait l’expression locale d’une identité fondamentalement associée au nationalisme. Toutefois cette attitude ne s’est pas limitée aux stades. Avec la révolution ukrainienne, son romantisme national et la violence de ses échauffourées, le hooliganisme ukrainien propulsé sur la scène politique a connu une ascension fulgurante confirmée par la guerre à l’Est. 
            

L’entrée en politique des sportifs et hooligans dans ce contexte a dès lors changé la donne pour l’extrême-droite nationaliste. Par leur expérience de la violence, les mouvements nationalistes ont pu rapidement élargir leurs soutiens, bâtir de nouvelles méthodes militantes, et changer de logiciel d’action, pour se transformer en de puissants mouvements. Pragmatique, le milieu hooligan a su surfer sur l’onde de choc du Maïdan et de la guerre pour légitimer ses actions et sortir de la marginalisation dans laquelle il était confiné. Il a pu revêtir aujourd’hui le visage d’une alternative politique « juste », profondément investie dans la défense de la révolution et du pays. Ces groupes de supporters en lien avec l’extrême-droite nationaliste, sont des groupes d’activistes cultivant l’image d’action qui par leur force et leur occupation totale de l’espace veulent montrer que le combat n’est pas terminé. On comprend l’intérêt pour l’extrême-droite de canaliser et s’approprier la violence hooligan en la transformant en levier d’action politique. Loin de n’être que des vociférations radicales, et communautaristes, les débordements des hooligans s’inscrivent dans une perspective plus aboutie de transformation du jeu politique et militant.


 

Bibliographie

 

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Autre Sources :

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Entretiens :

Entretien avec Aleksey Korenkov, Kyiv, mars 2019.

Entretien avec Serhiy Filimonov, Kyiv, mars 2019.

Entretien avec « Artëm », Kyiv, mars 2019.

Entretien avec « Radion », Kyiv, mars 2019.

Entretien avec « Konstantin », Kyiv, mars 2019.

Entretien avec « Smoke », Kyiv, mars 2019.

 

[1] DEMATTEO, Lyndia, « Le Stade, terrain de jeu de l’extrême-droite italienne : soupape de sécurité ou fabrique de consensus », l’Homme & la Société, 2015, n°195-196, janvier, p. 147-174.
 

[2] DIETSCHY, Paul, Histoire du football, 2014, Paris, Perrin.

[3] BODIN, Dominique, ROBÈNE, Luc, HEAS Stéphane, « Le hooliganisme entre genèse et modernité », Vingtième Siècle, 2005, n°85, janvier, p. 61-83.

[4] BODIN, Dominique, ROBÈNE, Luc, HEAS, Stéphane, SEMPE Gaëlle, « Le football à l’épreuve du racisme et de l’extrémisme : un état des lieux en Europe », Cultures & Conflits, 2011, n° 81‑82, septembre, p. 195‑209.

[5] LOUIS, Sébastien, Ultras : les autres protagonistes du football, 2017, Paris, Mare & Martin.
 

[6] Ibid.

[7] RUZHELNYK, Olga, « Quand les fans de foot font de la politique », Revue Esprit, 2016, n° 7, juillet-août, p. 22-26.

[8] NTONFO, André, « Football et identité », Présence Africaine, 1998, n°158, février, p. 117-135.

[9] FALACHO, Laurent, « Les mesures prises pour lutter contre le hooliganisme à l’épreuve des libertés publiques », Revue de Droit public, 2001, n°2, op.cit p. 433.

[10] CIVARDI, Christian, « Des tribus de gredins sur les gradins des tribunes. Le football hooliganisme en Grande-Bretagne », in WAHL, Alfred (ed.), Des jeux et des sports : Actes du colloque de Metz, 1986, Metz, pp. 163-174.

[11] BROMBERGER Christian, Le match de football. Ethnologie d'une passion partisane à Marseille, Naples et Turin, Paris, 1995, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme.

[12] DEMATTEO, Lyndia, « Le Stade, terrain de jeu de l’extrême-droite italienne : soupape de sécurité ou fabrique de consensus », l’Homme & la Société, 2015, n°195-196, janvier, p. 147-174.

[13] COLIN LEBEDEV, Anna, « Les Ukrainiens au tournant de l’histoire européenne », Revue Comparative Est-Ouest, 2015, n°3, mars, p. 7‑18.

[14] SHEKHOVTSOV Anton., « The Ukrainian Far Right and the Ukrainian Revolution », New Europe College Black Sea Link Program Yearbook 2014-2015, 2016, p. 215‑237.

[15] DEMATTEO, Lyndia, « Le Stade, terrain de jeu de l’extrême-droite italienne : soupape de sécurité ou fabrique de consensus », l’Homme & la Société, 2015, n°195-196, janvier, p. 147-174.
 

[16] TRÉGOURÈS, Loïc, « Les supporters comme acteurs politiques, une comparaison Serbie-Croatie », Revue Comparative Est-Ouest, 2018, n° 3, mars, p. 5-32.

[17] NUYTENS William, « Le supporter de football et la règle : entre la faire et la défaire », Déviance et Société, 2005, vol.29, n°2, p. 155-166.

[18] LOUIS, Sébastien, Ultras : les autres protagonistes du football, 2017, Paris, Mare & Martin,.

[19] SOMMIER, Isabelle, La Violence Révolutionnaire, 2008, Paris, Science-Po : Les Presses.
 

[20] Entretien avec « Radion », Kyiv, mars 2019.

[21] BODIN, Dominique, ROBÈNE, Luc, HEAS, Stéphane, « Le hooliganisme entre genèse et modernité », Vingtième Siècle, 2005, n° 85, janvier, p. 61-83.

[22] DEMATTEO, Lyndia, « Le Stade, terrain de jeu de l’extrême-droite italienne : soupape de sécurité ou fabrique de consensus », l’Homme & la Société, 2015, n°195-196, janvier, p. 147-174.

[23] Entretien avec « Radion », Kyiv, mars 2019.

[24] VIGNEAULT, Jacques, « Pour introduire la notion freudienne de narcissisme des petites différences dans l'individuel et le collectif », Topique, 2012, vol.4, n°121, p. 37-50.

[25] Entretien avec « Radion », Kyiv, mars 2019.

[26] ROBÈNE, Luc, BODIN Dominique, Sport et violence : repenser Nobert Elias, 2018, Montréal, Presses Universitaires Septentrion.

[27] ANDERSON Benedict, Imagined communities : reflection on the origin and the spread of nationalism, 2006,  Londres, Verso.

[28] SOMMIER, Isabelle, « Sentiments, affects et émotions dans l’engagement à haut risque »,Terrains/Théories, 2015, n°2, p. 29-40.

[29] Entretien avec Serhiy Filimonov, Kyiv, mars 2019

[30] SOMMIER, Isabelle, « Engagement radical, désengagement et déradicalisation. Continuum et lignes de fracture », Lien social et Politiques, 2012, n° 68, p. 15‑35.

[31] RUZHELNYK Olga, « Quand les fans de foot font de la politique », Revue Esprit, 2016, n°7, juillet-août, p. 22-26.

[32] Entretien avec Serhiy Filimonov, Kyiv, mars 2019

[33] FILLIEULE, Olivier, AGRIKOLIANSKY, Éric, SOMMIER, Isabelle (éds.), Penser les mouvements sociaux: conflits sociaux et contestation dans les sociétés contemporaines, 2010 Paris, La Découverte.

[34] Entretien avec « Konstantin », Kyiv, mars 2019.

[35] Entretien avec Serhiy Fillimonov, Kyiv, mars 2019.

[36] LOUIS, Sébastien, Ultras : les autres protagonistes du football, 2017, Paris, Mare & Martin.

[37] Entretien avec Serhiy Filimonov, Kyiv, mars 2019

[38] Ibid

[39] MCKAY, Jim, LABERGE, Suzanne, « Sport et masculinités », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, 2006, n° 23, p. 33-49.
 

[40] Entretien avec « Smoke », Kyiv, mars 2019.

[41] Ibid

[42] Entretien avec « Artëm », Kyiv, mars 2019.

[43] Entretien avec Serhiy Filimonov, mars 2019.

[44] FRANQUEVILLE, Bertrand, « Partir combattre : une sociologie de l’engagement au sein du régiment Azov », Mémoire de Master 2, 2017, Université Paris I Sorbonne.

[45] Entretien avec Serhiy Filimonov, Kyiv, mars 2019

[46] BERNACHE-ASSOLLANT, Iouri, « Stratégies de gestion identitaire et supporterisme Ultra : une revue critique selon la perspective de l’identité sociale » , Movement & Sport Sciences, 2010, n° 69, janvier, p. 3-22.

[47] Entretien avec « Artëm », Kyiv, mars 2019

[48] DEMATTEO, Lyndia, « Le Stade, terrain de jeu de l’extrême-droite italienne : soupape de sécurité ou fabrique de consensus », l’Homme & la Société, 2015, n°195-196, janvier, p. 147-174.

[49] Entretien avec Aleksey Korenkov, Kyiv, mars 2019.

[50] LOUIS, Sébastien, Ultras : les autres protagonistes du football, 2017, Paris, Mare & Martin.

[51] Ibid

[52] Entretien avec Serhiy Fillimonov, Kyiv, mars 2019

[53] BERNACHE-ASSOLLANT, Iouri, « Stratégies de gestion identitaire et supporterisme Ultra : une revue critique selon la perspective de l’identité sociale », Movement & Sport Sciences, 2010, n° 69, janvier, p. 3-22.

[54] Ibid

[55] ELLIAS, Nobert, DUNNING, Eric, Sport et Civilisation : la violence maitrisée, 1994, Paris, Fayard.

[56] Entretien avec « Konstantin », Kyiv, mars 2019.

[57] DEMATTEO, Lyndia, « Le Stade, terrain de jeu de l’extrême-droite italienne : soupape de sécurité ou fabrique de consensus », l’Homme & la Société, 2015, n°195-196, janvier, p. 147-174.

[58] BROHM, Jean-Marie, Sociologie politique du sport, 1992, Nancy, Presses Universitaires de Nancy.

[59] EICHBERG, Henning, Body cultures : Essays on sport, space and identity, 1997, Londres, Routledge.

[60] BODIN, Dominique, ROBÈNE, Luc, HEAS Stéphane, « Racisme, Xénophobie et Idéologies politiques dans les stades de football, Raisons politiques, 2008, n° 29, janvier, p. 147-167.


 

[61] DIETSCHY, Paul, Histoire du football, 2014, Paris, Perrin.

[62] BODIN, Dominique, ROBÈNE, Luc, HEAS Stéphane, « Racisme, Xénophobie et Idéologies politiques dans les stades de football, Raisons politiques, 2008, n° 29, janvier, p. 147-167.
 

[63] Ultras Dynamo Kyiv TV,  « PutinHuilo »,   https://www.youtube.com/watch?v=2_Rl_idM0eI&list=PL_wap5YiGhzyzhHkknE2OllzE-xXMWcYx&index=2, consulté le 13 Août 2019

[64] Entretien avec « Radion », Kyiv, mars 2019.

[65] Les Cahiers du football, «Les stades ont toujours été très politisés en Ukraine », http://www.cahiersdufootball.net/mobile/article-les-stades-ont-toujours-ete-tres-politises-en-ukraine-5269, consulté le 29 aout 2019

[66] Ibid

[67] NUYTENS William, « Le supporter de football et la règle : entre la faire et la défaire », Déviance et Société, 2005, vol.29, n°2, p. 155-166.
 

[68] RUZHELNYK Olga, « Quand les fans de foot font de la politique », Revue Esprit, 2016, n°7, juillet-août, p. 22-26.

[69] DEMATTEO, Lyndia, « Le Stade, terrain de jeu de l’extrême-droite italienne : soupape de sécurité ou fabrique de consensus », l’Homme & la Société, 2015, n°195-196, janvier, p. 147-174.

[70] SOMMIER, Isabelle, La Violence Révolutionnaire, 2008, Paris, Science-Po : Les Presses.

[71] Entretien avec Serhiy Filimonov, Kyiv, mars 2019

[72] ELLIAS, Nobert, Dunning, Eric, Sport et Civilisation : la violence maitrisée, 1994, Paris, Fayard., op.cit.p 266

[73] The Ukrainian Week, « Bandera Non Grata », https://ukrainianweek.com/Politics/90836, consulté le 16 avril 2019

[74] BODIN, Dominique, ROBÈNE, Luc, HEAS Stéphane, « Racisme, Xénophobie et Idéologies politiques dans les stades de football, Raisons politiques, 2008, n° 29, janvier, p. 147-167.

 

[75] NONJON, Adrien, L’Ukraine d’Azov : représentations géopolitiques et stratégie de propagande d’un régiment ultranationaliste ukrainien, 2017, Mémoire de Master 1, Institut Français de Géopolitique.

[76] BODIN, Dominique, ROBÈNE, Luc, HEAS, Stéphane, « Le hooliganisme entre genèse et modernité », Vingtième Siècle, 2005, n° 85, janvier, p. 61-83.

[77] LOUIS, Sébastien, Ultras : les autres protagonistes du football, 2017, Paris, Mare & Martin.
 

[78] BODIN, Dominique, ROBÈNE, Luc, HEAS, Stéphane, « Le hooliganisme entre genèse et modernité », Vingtième Siècle, 2005, n° 85, janvier, p. 61-83.

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Religion à usage privé, arrangements, stratégies identitaires et organisation sociale chez les Gitans de Berriac (Aude).

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