La citoyenneté et la politique sont des termes étroitement associés dans les processus sociaux. Ainsi, la psychologie politique est fortement interpellée lorsqu’elle s’inscrit dans le cadre large et ouvert de la psychologie politique.
Inutile de chercher une vision unique pour rendre compte de ces questions. Les cadres rigides de la recherche classique ne conviennent pas aux questions posées ni aux besoins de débat et de dialogue actuel.
Faute d’offrir un paradigme fédérateur, la psychologie politique reste un carrefour au sein des SHS.
L’absence de connaissance dans ces domaines n’est pas le résultat d’un hasard ou l’apathie apolitique des universitaires. Elle se trouve plutôt dans le poids trop grand des approches des sciences naturelles imposées nolens volens aux SHS à la fin du XIX siècle, dont nous vivons les conséquences ultimes.
Comment ne pas s'apercevoir que les savoirs en sciences humaines et sociales tournent en rond et laissent sans réponse les grandes questions de société du XX siècles ?
Certes, la question n'est pas nouvelle.
Deux faits sont à souligner :
L’un est l’inconfortable crise de l’application des méthodes des sciences naturelles aux SHS et l’écartement progressif de la culture scientifique et de la culture humaniste.
L'autre est la prolifération en SHS du syndrome des « micro-théories ». Plus elles se multiplient (via les expériences de laboratoire), moins on dispose d'une théorie explicative compatible avec les postulats de la méthode des sciences naturelles.
En conséquence, la connaissance s'émiette, se fragmente et finit par se transformer en connaissance de rien. Il y a là, à coup sûr, des idées reçues, des polémiques mal perçues, et des problèmes inattendus.
Certainement, je ne peux pas m’étendre ici sur ce sujet, bien qu’il me semble essentiel pour la compréhension de ce dont nous allons parler.
Je me limite donc juste à souligner sa pertinence.
Reprenons la question : La psychologie politique offre un cadre heuristique à ces questions. Elle puise son renouveau dans la profonde crise sociétale qui ne cesse de s’approfondir. Ajoutons que le blocage de la société moderne (dont le diagnostic de Crozier date des années 70) est le produit d'un véritable télescopage des crises dans tous les domaines.
Aussi, il faut convenir qu’un grand séisme épistémologique secoue toutes les disciplines scientifiques « dures » et, par un double ricochet (épistémologique et politique) les SHS se trouvent au cœur de la tempête. La fragmentation du savoir est devenue une situation de stand-by théorique et une reproduction des micro-theories issus des expériences de laboratoire, de l’hyperspécialisation et de la volonté de normalisation des expertises techniques.
Dans le domaine politique le syndrome « oligarchique », durablement installé au sein de démocraties modernes, s’accompagne d’une passivité certaine des citoyens et d’un conformisme assumé des élites.
Dans un ouvrage fort suggestif, Sartori (1979) exprime deux remarques qui nous semblent fort pertinentes :
La pratique « horizontal » de la notion grecque de politique a pratiquement disparu. L’espace de la délibération citoyenne se réduit de plus en plus, jusqu’au point que le parlement n’est qu’une caisse d’enregistrement de la volonté d’un exécutif fortement personnalisé.
Par conséquent, c’est la pratique verticale qui s’impose. Certes d’une manière sournoise dans la tradition de la « verticalité » princière, voire étatique, proposée par les modernes selon formes mise en évidence par Machiavel.
Faut-il rappeler que la démocratie et la citoyenneté ne sont pas des objets « naturels » d’étude en psychologie ; curieusement, même en psychologie sociale peu de monde s’y intéresse véritablement. Pourtant la question de la démocratie possède un fond psychologique que les spécialistes n’ignorent point, d’autant que la citoyenneté est une pratique comportementale fortement liée aux attitudes et croyances.
C’est pourquoi, nous pensons indispensable de réintroduit dans ce domaine trois exigences, à notre avis négligées par la psychologie sociale et les sciences humaines et sociales, si nous voulons répondre aux questions sociétales posées par la psychologie politique.
A savoir :
La première exigence consiste à analyser conjointement les aspects psychologiques et politiques et à les saisir dans dynamique des processus historiques.
La seconde exigence relève d'un besoin de retour à une perspective de synthèse des faits rationnels et émotionnels, car l'analyse du « logos » et du « pathos » séparés ne sont que deux parties d'une unité, scindée arbitrairement par la vulgate rationaliste.
La troisième exigence est plus un vœu qu'une réalité tangible : le souci d'intégrer, autant que possible, et de manière transversale, les diverses visions imbriquées dans les sciences humaines et sociales, afin de reconnaître les diverses faces de l'objet sous des prismes différents.
Cela nous Ces éléments que nous appelons « antécédents » sont le levier de la situation hic et nunc, permettant ainsi de mieux envisager le processus psychologique des changements politiques.