Déjà, les maîtres de la Renaissance exprimaient cette ambivalence de l’humanisme, tantôt bienveillant et altruiste chez Erasme ou Montaigne, tantôt prométhéen chez Pic de la Mirandole ou Marsile Ficin1. Et cette ambivalence demeure dans l’intention des Droits de l’homme. Ils affichent la bonne volonté d’une humanité réconciliée avec une éthique universelle protectrice des méfaits et des injustices ; mais ils sont aussi abstraits, intrusifs et ordonnateurs d’une nouvelle humanité. Cette double face mérite un examen parce qu’il se pourrait bien que cette intention illustre la maxime populaire d’un enfer pavé de bonnes intentions, bien proche de l’avertissement pascalien quant à ce Prométhée présomptueux : qui veut faire l’ange fait la bête. Et cette ambivalence serait liée à une promesse d’universalité, au risque de réduire à néant les libertés et la variété du vivant. Plus encore, cet universalisme érigé en vérité absolue par le pouvoir du droit serait in fine de circonstance2. En effet, quand l’universalisme est en question, il n’est pas partagé ni démontré. Or, la crise de la philosophie occidentale annoncée en son temps par Soloviev, la crise des fondements de l’arithmétique et ses conclusions chez Gödel sans oublier la crise des sciences européennes examinée par Husserl ont mis un terme à cette rationalité conquérante et universaliste de l’époque aujourd’hui révolue de la physique classique3. Si même les évidences commodes de l’arithmétique sont discutables, les certitudes des auteurs de cette déclaration n’en sont plus. C’est pourquoi, il est temps non de les contester, mais de penser autrement l’ère d’après.
Nous nous intéresserons à l’article premier. Son examen aura pour but d’en libérer la profondeur au-delà des premières impressions. Son étude logique et celle de quelques textes fondateurs révélera ses différentes significations. Ces droits de l’homme actent la suprématie de l’âge du droit. Ceux-ci ont le pouvoir d’instituer et de créer en vertu du pouvoir ontologique conféré au contrat, si bien décrit par Rousseau. Les choses existent par le droit. Cet âge du droit a été un projet politique et il révèle l’emprise de la convention rationnelle se substituant aux usages et qui conduit à la fin des sociétés dans leur diversité, au nom même de la souveraineté absolue des droits de l’individu et de ses volontés ou désirs, comme si le politique était au service exclusif de ce projet d’émancipation de l’individu.
C’est pourquoi nous examinerons cette philosophie qui fait du droit l’instrument d’une ontologie politique où tout est créé par le pouvoir du texte dont les assertions universelles instituent et créent. Pourtant ce texte a une histoire. Il débute par une aspiration à l’émancipation, il développe une politique de l’égalisation et se poursuit jusque dans la totalisation d’une humanité égale dans les sociétés du 20e siècle. Ces significations sont toujours plus extensives révélant le projet de l’article 1er. Elles se sont révélées au fil du temps jusqu’ à ce sens plus juridique, logique et conventionnel relayé dans les orientations contemporaines des institutions en charge de sa promotion, dont la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) pour laquelle les droits de l’individu imposent des obligations à toutes les sociétés, oubliant in fine que ces sociétés sont aussi des agrégats d’individus qui pourraient ne pas accepter leur soumission à ses injonctions. Ses décisions sont d’ailleurs de plus en plus contestées4 définissant toujours plus littéralement le texte jusqu’à constituer une véritable doctrine universelle des droits de l’individu. Il se pourrait même que cela produise la révolte des individus faisant société contre l’individu !
Enfin, il y a quelques raisons de penser que l’altérité des différences humaines et sociales, des pluralités politiques et historiques, mais plus encore des variétés du vivant et des natures qui nous environnement appellent une nouvelle ère bien au-delà de ce droit universel infondable. Il sera ici question d’un nouvel âge des reconnaissances au lieu et place de l’affirmation de ces séparations prométhéennes. Pour commencer, revenons à l’origine de cette quête d’émancipation.
1. L’émancipation et la création de l’individu séparé
L’article 1er dit : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » (ONU, 1948, article 1). La naissance était la source d’une inégalité et constitutive des lignées aristocratiques. Leur dignité et leurs droits différaient et l’assujettissement des uns vis-à-vis des autres maintenait une différence permanente. C’est pourquoi la déclaration commence par l’affirmation de cette égalité de naissance contre ces lignées et leurs privilèges. La déclaration libère d’une relation de sujétion par l’égalité émancipatrice des populations. Ce sens historique met un terme à une société ancienne en magnifiant une nouvelle conception de la justice par des droits égaux.
L’article promeut l’individu égal. Il s’agit bien de l’individu puisqu’en affirmant l’égalité de naissance, l’article dit aussi que la naissance ne compte pas. « Etre fils de » ne veut plus rien dire. L’égalité s’impose à tous. Les mérites des anciens, les métiers hérités d’une lignée d’artisans, les terres transmises entre paysans sont tout aussi contestables. A chaque fois, il est question d’une transmission qui fausse l’égalité de naissance. La Révolution va successivement briser ces inégalités. La loi Le Chapelier détruira les corporations et le législateur révolutionnaire envisagera de supprimer les héritages par des droits de succession restaurant à chaque naissance une égalité parfaite5. L’émancipation légitime donc de briser les chaines des servitudes traditionnelles. Mais cette égalité contredit toutes les réalités observées dont celles des organisations traditionnelles avec leurs charges et fonctions aux attributs inégaux : les parentés, les hiérarchies, les corps et les rites. Le projet est donc nécessairement révolutionnaire pour faire table rase, manière d’égaliser en arasant.
L’application de l’article 1er induit donc des réformes qui vont d’un changement libéral à une révolution radicale. L’émancipation consiste bien à séparer l’individu de ce qui l’engendre. Combien d’ethnies se considèrent par différence à leurs voisines, par leurs mœurs, leurs dieux, leurs chefs, leurs territoires ou leurs métiers de prédilection ? Combien de paysans s’identifient à leur terre : plaines, marécages, bocages, savanes, forêts, vallées, rives et montagnes ? L’égalité de naissance pose à l’inverse un principe de droit abstrait qui sépare chaque individu au motif que ces circonstances sont aliénantes. Si l’égalité abstraite en vue de la justice se comprend, l’égalité en toute chose semble contredire les faits et les sociétés, sauf à les transformer.
Cette volonté de transformation trouve ses motivations dans les ressorts psychologiques de l’émancipation dont le sentiment d’injustice lié à l’incompréhension des situations inégales et le manque de reconnaissance. S’émanciper revient à renoncer à ses liens pour s’en affranchir en existant seul. Toute la modernité affirme cette prééminence de l’individu s’émancipant de ces subordinations. L’élève se libère du maître, le fils de ses parents, le peuple de ses oppresseurs, la conscience de ses jougs matériels, les ouvriers de l’ordre bourgeois, etc. Et cette émancipation qui fait de l’unique sa propriété n’a pas d’autre cause que sa marche vers une libération. Il faut absolument relire Stirner, ce jeune hégélien qui met toute la dialectique au service de l’apologie d’un individu libre, expression égotique d’une totalité première. Il décrit cet individu propriétaire de lui-même, sans lien et séparé des autres6. Et très étonnamment, sa description de l’idéal de l’individu égoïste deviendra ultérieurement l’homo œconomicus de la science économique libérale professant qu’il est seul et premier7. Le libertaire inspire les libéraux.
2. L’égalisation et la négation de l’altérité
De plus, la loi égalise en corrigeant des inégalités concrètes par des mesures proportionnées dont le but est l’instauration d’égalités. En ce sens, le législateur s’autorise des inégalités de traitement dans le but d’égaliser ce qui ne l’est pas. En agissant par ces différences de traitement, il concrétise cette logique selon laquelle, à des choses inégales leur traitement inégal est logiquement requis pour établir l’égalité : « Le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que la loi établisse des règles non identiques à l’égard de catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes, mais il ne peut en être ainsi que lorsque cette non-identité est justifiée par la différence de situation et n’est pas incompatible avec la finalité de la loi. » (81-132 DC 16-01-1982 – France)
L’égalisation se concrétise dans des luttes contre des inégalités d’abord admises à certaines époques, combattues pendant une période, abolies par la suite. Le processus d’égalisation opère ainsi par extensions successives de l’ensemble des bénéficiaires. L’extension du corps électoral l’illustre. Du suffrage censitaire moderne aux hommes majeurs, puis de ceux-là à l’inclusion des femmes et de cet ensemble étendu à des plus jeunes par abaissement de la majorité, l’ensemble des égaux s’accroît logiquement parce que les anciens critères discriminants sont abandonnés. Or cette démarche d’égalisation habite toute la littérature des institutions internationales actant cette préférence pour la disparition des altérités. C’est pourquoi le droit favorable à une réalisation de l’égalité de fait s’attaque aux origines mêmes de l’inégalité dans les représentations du réel qui les observent, les constatent et pourraient les accepter. Le devoir d’égalisation enjoint de condamner celui même qui décrit des inégalités, et ce, au nom d’une éthique universelle condamnant la distinction par crainte d’entériner l’altérité qui entretiendrait, voire légitimerait des inégalités.
En cela, l’égalité juridique devient l’instrument d’une égalisation contraignante. Et la pratique révolutionnaire a usé de cette suprême autorité de l’égalité en étendant indéfiniment son champ d’application. La réalisation des égalités sociales, économiques et culturelles a légitimé la destruction des différences, des histoires, des patrimoines et des langues au profit de la construction d’une catégorie sociale unique, d’une économie unifiée et d’une culture univoque.
3. La totalisation et l’extension universelle
L’univoque fait alors totalité du fait de son extension illimitée. L’article totalise : « Tous les êtres humains ». En effet, l’assertion s’intéresse à tous sans aucune considération justifiant des distinctions. Elle fait fi des organisations sociales et politiques par sa posture en surplomb. L’élément de base de ce droit universel n’est pas la tribu, le village ou l’Etat. Toutes ces organisations ont disparu au seul profit de l’atome individuel. Ainsi, le texte anonyme s’adresse au genre humain comme s’il constituait un ensemble politique universel sans intermédiation. Il manifeste ce projet universel où la rencontre de la déclaration des droits et des individus constitue les deux seuls composants de cette société universelle. Mais cela se fait au nom d’une anthropologie exclusive implicite. Pour en comprendre l’exclusive, raisonnons a contrario. Toute société qui envisagerait par ses traditions et ses mœurs de préserver une inégalité quel qu’en soit ses motivations ne saurait perdurer dans ses usages sans contredire la règle universelle. Le texte s’arroge le pouvoir de s’étendre et de réduire à néant toute autre sorte de conception de l’homme. A cet égard, deux textes attestent de cette extension universelle.
Le premier subordonne la diversité culturelle des « peuples autochtones » au respect de la norme qu’ils ne sauraient remettre en cause. Le texte est explicite : « Article 4 - Les droits de l'homme, garants de la diversité culturelle : la défense de la diversité culturelle est un impératif éthique, inséparable du respect de la dignité de la personne humaine. Elle implique l'engagement de respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales, en particulier les droits des personnes appartenant à des minorités et ceux des peuples autochtones. Nul ne peut invoquer la diversité culturelle pour porter atteinte aux droits de l'homme garantis par le droit international, ni pour en limiter la portée. » (Déclaration universelle sur la diversité culturelle, UNESCO, 2001, article 4)
La seconde contraint ces peuples qui n’ont pas la liberté de contester la portée universelle de l’individualisme méthodologique dont ils se doivent d’être les promoteurs zélés : « L'Assemblée générale proclame la présente Déclaration Universelle des droits de l'Homme comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les populations des États membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction. » (Prémbule, ONU, 1948)
L’universalisme est bien extensif et destructeur de la pluralité des anthropologies et des sociétés. Il prétend dire la totalité de la vérité dans une construction opposant les droits de l’individu à tout autre ordre social qui viendrait proposer une alternative. Elle vise un absolu où cette société universelle serait l’ultime accomplissement d’une histoire politique où l’individu s’y instituerait librement. Et cette extension concrétise une méthode. Il s’agit de réduire l’humain à des critères mesurables, puis de considérer ces dimensions calculables afin d’imposer l’égalisation par réduction des écarts. Si l’égalisation corrige des inégalités concrètes, il faut évaluer, contrôler et corriger. Le système égalitaire met alors en place un procédé d’évaluation et de contrôle, de planification et d’administration. Il suffit de relire Sauvy : « Pour la bonne administration d’un pays, il serait évidemment désirable d’avoir, sur l’état de la population, des renseignements mis à jour d’une manière continue. Cela reviendrait à disposer, pour l’ensemble des habitants, d’une “situation journalière” tenant compte automatiquement de tous les mouvements, et analogue à celle qui est dressée dans les corps de troupe. »8.
Cette exclusion des altérités s’avère aussi totalisante du fait du refus des liens sociaux. En effet, la revendication d’un désir d’appartenance à une organisation spécifique est nécessairement rétrograde et synonyme d’une aliénation. Etre d’un lieu, d’un village, se sentir d’une société et d’une culture avec ses modes de vie, c’est à l’évidence braver la déclaration, plus encore si cette société s’organise en des relations asymétriques où des humains tiennent des rôles et des fonctions distinctes. L’universel des droits de l’homme asservit l’individu à sa définition d’une unique histoire d’émancipation. Ils oublient ou occultent que la personne humaine peut librement adopter, par exemple, la position d’Aristote enseignant que l’homme entretient des relations asymétriques et d’autres égales. Les premières sont distributives entre inégaux du fait d’obligations liées aux fonctions : la parenté par l’obéissance et l’autorité, l’éducation par l’enseignement et l’apprentissage. Les secondes sont commutatives entre citoyens par exemple. Faut-il interdire Aristote ?
4. La limitation et la finitude de l’ego
L’égalisation et la totalisation ont très vite inspirées et justifiées des actions d’endoctrinement, voire de terreur. Des révolutionnaires ont très vite exécuté l’égalité afin d’émanciper leur peuple de leurs servitudes. Ces libérateurs jugent alors les faits et gestes des sociétés antérieures, sans mesurer que leur manière de faire société conduit à une massification autoritaire, dont quelques-uns disent qu’il s’agit de l’homme indifférencié, de « l’homme jetable » ou de « l’homme superflu »9. L’individu obligé de s’émanciper ne fait alors plus société puisque rien d’autres que les conditions de son émancipation deviennent les lois d’une société existant pour paradoxalement se dissoudre dans ce seul projet de l’avènement de l’individu.
Or, ce risque de dissolution fut très tôt identifié par ses opposants. La déclaration fut l’objet de vives critiques dès son origine dans des controverses très étayées. Les opposants étaient pour la plupart des conservateurs, mais leur argumentation développe des critiques qui soulignent les ambivalences internes de la déclaration. Burke, Maistre ou Bonald10 contestent l’argumentation philosophique et la prétention universelle de la déclaration, arguant d’une multitude de préexistences, celles des sociétés, des familles, des cultures, des arts, histoires, sciences et métiers, usages et institutions humaines ancestrales sans autre fondement que leur antériorité admise par tous comme l’expliquait déjà Aristote11.
Burke considère que l’ordre social prime l’individu. La société préexiste aux conventions qui prétendent la fonder. Adversaire des abstractions françaises, il préfère le constat pragmatique des réalités sociales dont la longue histoire de la jurisprudence. Les principes abstraits lui paraissent excessifs et dangereux, annonçant leurs dérives violentes et la Terreur. Sa position libérale héritée de Locke lui fait considérer l’importance des bonnes mœurs, le rôle de la religion et la tradition des institutions. A ses yeux, l’exigence de l’égalité et ses conséquences sont irrespectueuses des traditions des pays et par trop exclusives.
Maistre critique Rousseau et il lui paraît insoutenable de fonder la société sur l’hypothèse d’un homme abstrait incapable de créer le contrat social. La société est un organisme et les hommes ne fondent pas l’organisme dont ils sont une partie. Outre l’opposition à l’hypothèse individualiste, Maistre critique l’universalisme dont l’impérialisme menace les nations dès lors qu’elles n’adoptent pas ces droits. Il est le premier à pointer leur caractère totalitaire. Maistre évoque « la guerre civile du genre humain » du fait de l’universalisme de la déclaration qui exclut de tolérer des Etats qui se soustrairaient à son application et il expose les termes de l’ingérence belliqueuse et doctrinaire12.
Bonald conteste au droit le pouvoir de décomposer la société en faisant primer l’individu sur la famille dont il est nécessairement issu. Dans cet esprit il fait voter l’abolition du divorce en 1816. L’humain est une « personne sociale » qui s’insère dans le flux vivant d’une collectivité. Il a une place dans une famille située dans un groupe lui-même ordonné à des usages politiques. Bonald développe sa conception d’un homme profondément social : « L’homme isolé, considéré en lui-même et indépendamment de la société dont il fait partie, est et a été toujours et partout le même, sujet aux mêmes besoins, livré aux mêmes passions, doué des mêmes facultés, mais l’homme social est incontestablement devenu plus parfait, et l’on ne doit considérer l’homme que dans la société. »13. Et ces critiques sociales, pour d’autres raisons, ont été reprises et prolongées chez Marx, puis durant le 20e siècle par des auteurs infiniment moins suspectés de complicité avec le régime contesté par la Révolution.
Des contemporains dont Lyotard s’amusent de la prétention à l’universel qui impose sa méthode telle une règle usurpant l’universel que ce dernier dénonce non sans dérision : « Pourquoi l’affirmation de l’instance normative universelle aurait-elle une valeur universelle si c’est une instance singulière qui la déclare ? »14. Soulignons qu’affirmer l’universalité d’une proposition en prouve le défaut. Du fait même de cette nécessaire assertion, la prétention devient relative à une époque ou à une région du monde. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes que de promouvoir la liberté en pensant que sa conception est unique, indiscutable jusqu’à l’intransigeance.
Cassirer conteste aussi le mouvement d’émancipation de l’individu au nom de la coexistence entre les faits hétéronomes et autonomes parce que l’homme n’est pas plus le résultat de son inconditionnalité dans ses droits que de son épanouissement dans l’accomplissement de ses obligations et de ses libertés dans la lignée d’une tradition dont il se fait un interprète et un passeur. Il souligne que l’homme social est une part de l’homme à la suite d’Aristote et de son animal politique. Sa vocation ou sa condition sont sa relation aux autres qui le révèle à lui-même : « L’homme ne peut se connaître lui-même, il ne peut prendre conscience de lui-même comme individu que par l’intermédiaire de la vie sociale. Mais cet intermédiaire n’est pas pour l’homme qu’une force contraignante extérieure. »15
Feyerabend conteste la rationalité de cette position se prétendant objective et universelle et s’exclame : « J’affirme qu’il n’existe aucune raison « objective » pour préférer la science et le rationalisme occidental à d’autres traditions. »16, se faisant là héritier des limites de la démontrabilité des sciences. Malheureusement, cet universalisme a motivé quelques destructions de civilisations et de populations à tel point que pour sa défense, certains contemporains opèrent une ultime distinction subtile entre l’extensif et l’intensif, tentant de dédouaner la déclaration des manœuvres d’ingérences et de prise de pouvoir accompagné d’une extension d’un modèle universel au mépris des choix collectifs des individus qui sont conscients des biens communs qu’ils veulent partager, organiser et préserver17. Dans les deux cas, la violence y est, qu’elle soit directe (extensive) ou moins visible et plus subversive (intensive). Si les moyens diffèrent, l’intention et le but demeurent inchangés.
Très nombreux, donc, sont ceux qui contestent la déclaration car elle fait fi de la finitude de l’égo. En cela, elle exerce un pouvoir de négation où apparaît un message de révolte, une invitation à égaliser d’autorité. La promesse de libération produit dans l’histoire moderne et contemporaine une succession d’aliénations tragiques. L’ambivalence est donc manifeste pour au moins deux raisons. Première raison, la question n’est plus d’avoir raison contre des auteurs mais de constater le désaccord. Des premiers conservateurs qui annoncèrent les conséquences du texte dont ils eurent immédiatement une lecture très critique à la multiplication des nouvelles critiques émanant d’autres traditions philosophiques : marxistes ou existentialistes par exemple ; il serait déraisonnable de ne pas reconnaître l’altérité des points de vue au nom même de cette liberté de se concevoir, sauf à préjuger que la liberté élimineraient les libertés au nom d’une vérité démontrable. La seconde raison tient à l’histoire où la lutte contre la finitude de l’ego conduit à faire l’apologie d’abstractions18 voulant que celles-ci se substituent aux réalités qu’ils s’agissaient de soumettre. Jaurès est exemplaire de cette position d’un socialisme transformateur de la société, au seul service de l’avènement d’un individu. Mais ce choix politique aurait-il valeur de dogme ?
5. La libération et la révélation des reconnaissances
Mais, la théorie de l’émancipation est-elle la voie unique de la libération ? Est-ce bien se libérer que de se délier ? Est-ce la seule conception possible du destin humain et du politique ? L’exemple de la question québécoise l’illustre bien. Une société a-t-elle le droit de motiver et encourager l’apprentissage d’une langue au nom de sa défense de la culture et de ses biens communs au détriment de la liberté individuelle de faire apprendre la langue de son choix à des enfants ? Les peuples qui se battent pour leur culture sont alors soupçonnés d’aliéner les individus qui les composent. A cet égard, l’individualisme de l’article 1erse développe dans la théorie de la démocratie de Benhabib où l’individu est libre contre son groupe d’appartenance. Elle pose le principe de « réciprocité égalitaire »où chacun à un droit égal d’initier des questions dont les présupposés de la discussion elle-même. Plus encore, elle expose « l’assentiment volontaire » où elle affirme que l’Etat est garant que les membres d’une communauté puissent choisir d’y appartenir ou de la quitter. Sauf que cette règle exclut que le membre puisse quitter l’Etat en question pour lui préférer l’appartenance à une communauté réfutant ce principe. Elle inspire les institutions, dont la CEDH qui ont adopté cette philosophie et leurs rapports regorgent de jugements qui opposent les droits des individus contre les Etats, niant que ces Etats ont aussi leur droit, des droits et leurs libertés politiques au nom d’autres individus.
Ces institutions ont ainsi réduit le politique à l’émancipation, mais est-elle la seule exigence qu’une personne puisse se fixer pour orienter ses relations, sans ne jamais en accepter aucune qui lui serait donnée ? Et le droit est-il le seul instrument fixant l’horizon de ces relations humaines ? Il est temps de considérer qu’à cet âge du droit positif et universaliste succède celui pluriel des reconnaissances. Prenons trois exemples : Weil, Watsuji et Jonas. La philosophe Weil critiquait elle aussi cette déclaration. Elle ouvre la voie à des reconnaissances. Il s’agit de reconnaître toutes les altérités. A l’inverse de la conception égoïste de Stirner, elle évoque le devoir envers les autres. A l’égoïsme des droits de l’homme comme absolu politique, elle propose une autre libération à laquelle il s’agit de réfléchir et qui tient d’une découverte des altérités. Là où l’émancipation procède par des éloignements, des renoncements et un isolement quand l’homme se délie des autres et du monde, se retirant en lui-même dans son égoïsme, il s’agit de méditer ses relations aux altérités. Voilà pourquoi elle constate que ces émancipations successives conduisent à une extranéation, soit un devenir étranger et tragique au monde. Comme le décrit si bien Stirner, s’émanciper consiste à se détacher des relations humaines par leur réification. Dès lors les relations changent. Il est question de transaction et d’une froide exploitation, d’une instrumentalisation soumise à ses projets égoïstes. La relation humaine y devient une prise de possession dénuée de sentiment. En fait, l’émancipation commence par une apparente libération, en contestant les aliénations commises à son endroit par les autres du fait de leur appropriation excessive des biens ou de l’exercice d’une autorité abusive. Mais elle se prolonge dans une aliénation de soi ou l’indifférence et la méfiance produisent au final cette extranéation. A l’opposé, les solidarités privilégient le partage et le don. Là, Weil évoque l’inspiration intérieure qui fait émerger le sens de ses obligations saisissant l’être plus qu’elles ne se raisonnent : » Il y a hors de cet univers, au-delà de ce que les facultés humaines peuvent saisir, une réalité à laquelle correspond dans le cœur humain l'exigence de bien total qui se trouve en tout homme. De cette réalité découle tout ce qui est bien ici-bas. C'est d'elle que procède toute obligation. »19. Là où le droit impose dans ses textes en oubliant le sens, Weil rappelle le sens perçu dans cette reconnaissance intérieure qui constitue, pour elle, l’essentiel de l’humanisme.
Là où la reconnaissance est intérieure chez Weil, elle est spatiale chez Watsuji. Le philosophe japonais critique la conception dualiste des occidentaux et il précise l’indissociabilité de l’homme et de son milieu critiquant la pensée occidentale contemporaine fascinée par l’histoire et le temps, ayant étudié Heidegger en Allemagne, le jugeant stérile quant à l’étude de la présence de l’homme à l’espace. La nature et l’homme participent d’un dynamisme vital qui se crée sans séparation du sujet et de l’objet. Il n’y a pas d’extériorité mais un corps dans la nature plus qu’un sujet regardant la nature d’où la différence entre la subjectivité occidentale distinguant le sujet regardant l’objet et la subjectité japonaise manifestant cette intimité de l’homme à son espace20. D’autres sagesses ou philosophies partagent ce refus du dualisme qui voudrait que l’individu existe avant d’être dans un monde de relations qui le font advenir. C’est pourquoi la conception universelle de l’individu et de ses droits est nécessairement une agression politico-philosophique à l’encontre de ces autres qui pensent autrement leur rapport au monde.
Jonas reconnaît quant à lui le futur. Il découvre cette responsabilité vis-à-vis de ce qui n’est pas encore. Bien au-delà du droit, nous sommes collectivement comptables des actes qui engagent nos héritiers dans le futur. Les hommes sont en relation avec les techniques qu’ils produisent, ils sont en relation avec le futur du fait de leurs projets qui ont une influence dans la durée. L’âge du droit de l’individu devient alors dérisoire face aux enjeux dévoilés par Jonas qu’il formalise en quelques impératifs exposés dans Le principe de responsabilité21. Ces derniers dépassent radicalement l’émancipation des modernes. L’agir humain ne consiste pas à se libérer des entraves, mais à méditer sur les conséquences de ses actions solidairement avec ses contemporains et plus encore avec la descendance de l’humanité toute entière. La responsabilité introduit la transmission, soit la relation à l’ultime altérité de ceux qui n’ont pas de voix car ils ne sont pas encore là. Jonas change de perspective, et ce ne sont pas des articles obsédés par l’individu qui peuvent occuper les esprits quand le politique a pour objet la survie de l’humanité dans la complexité de ses relations avec la technique et les rapports de l’homme à la nature.
Ainsi, Weil, Watsuji et Jonas sont ici trois exemples parmi tant d’autres qui motivent ce changement d’ère. La politique des reconnaissances développe alors une liberté de penser par l’accueil des altérités. Reconnaître son intériorité comme y invite Weil, reconnaître son environnement comme le montre Watsuji, reconnaître sa dette sociale comme l’explique Jonas, reconnaître la pluralité des régimes de vérité comme l’enseigne les critiques épistémologiques dont Feyeraband, etc. Leur re-connaissance manifeste la conscience de la connaissance. Leur reconnaissance exprime la compréhension de la connaissance. Elle exprime la continuité de la perception de l’altérité soit cette attention où l’homme fait acte de mémoire en prenant une distance. Il se décentre et se découvre dans ses interactions et ses contributions à de multiples relations dans de nombreuses institutions, à commencer par cette institution de soi-même reconnaissant l’autre et par là, se reconnaissant soi-même dans sa permanence d’être.
Pour terminer, le politique peut-il seulement servir un tel préambule de la constitution ? Le politique est aussi en charge des institutions qui régulent les biens communs comme le montre l’économiste Ostrom22 dans son œuvre magistrale La gouvernance des biens communs. Les sociétés conscientes des limites de l’ego et des contraintes des ressources sur leurs territoires, comme le montre Watsuji, ont alors la mission d’entretenir des intermédiations. La politique des reconnaissances proposent donc d’autres notions. Elle met en exergue de multiples intermédiations au sens de Platon : μεταξύ (metaxu). Et ces intermédiaires ne sont pas des aliénations. Elles sont des séparations qui relient mais aussi des liens qui distinguent et séparent en respectant des niveaux d’altérité. Ces intermédiations articulent des modalités d’insertion de l’homme dans un dispositif social et environnemental où chaque institution interagit en vue de son accomplissement propre. Elles composent sans cesse entre des mouvements d’autonomie pour leur épanouissement et d’autres d’hétéronomie pour leur adaptation, voire leur résilience. L’altérité est certes interindividuelle, mais aussi sociale et plus encore reconnaissance d’une relation de l’homme à ce qui le constitue : l’air ou l’eau par exemple. L’âge des reconnaissances n’institue rien. Il n’instaure pas. Il invite à reconnaitre ce qui est donné et à prendre la mesure qu’il y a à faire. Et ces usages ont à émerger, à s’épanouir et s’éprouver. L’âge des reconnaissances sera donc pluriel, par l’art de s’adapter en abandonnant le dogme de l’universel et des terreurs qui s’ensuivent. Il est temps de nous reconnaître.
1 Pic de la Mirandole et Marsile Ficin appartiennent à l’école néoplatonicienne médicéenne fondée par Cosme de Médicis à Florence, Ficin, traducteur de Plotin ou d’Hermès Trismégiste est l’auteur d’œuvres hétérodoxes empreinte d’occultisme dont Les trois Livres de la vie.
2 Cet article s’inscrit dans cette reconnaissance des limites de l’universalisme occidental si bien décrite par Vachon : « La paix est un symbole universel, mais il y a autant de cultures de la paix qu'il y a de mythes et de concepts de la paix. Les Droits de l'Homme, le Droit lui-même et l'Ordre (même négocié) ne constituent qu'une culture de la paix parmi d'autres et pas nécessairement plus valable que d'autres. Reconnaître ce fait dans la pratique, ne pas substituer cette culture de la paix à celle des autres, ne pas en faire nécessairement le point de référence universel, me paraît de prime importance, sinon on tombe dans le colonialisme et le totalitarisme du Droit, des Droits de l'Homme et de ‘l'Ordre négocié’. Il faut donc se poser des questions sérieuses et délicates par rapport aux notions d'interculturalisation et d'universalisation des droits de l'Homme, du Droit et de l'Ordre négocié. » (2000, 9)
3 [3] Dès 1875, Soloviev constate les limites intrinsèques du positivisme pour lesquelles Gödel démontrera en 1931 les limites de la théorie de la démonstration dans ses célèbres théorèmes d’incomplétude tandis qu’Husserl acte du manque des mathématiques, oublieuses du monde de la vie en 1935 dans la Krisis, ne pouvant se comprendre elles-mêmes.
4 La CEDH interdit par exemple l’expulsion de terroristes étrangers du fait des risques de maltraitance dégradantes ou de tortures dans leurs pays d’origine. Affaire Boutagni c. France (Requête no 42360/08), Arrêt Strasbourg 18 novembre 2010, en contradiction avec les droits nationaux envisageant légalement ces dispositions. Ce conflit de règle interroge la hiérarchie et la légitimité des institutions nationales élues et supranationales non-élues.
5 La loi Le Chapelier promulguée le 14 juin 1791 proscrit les organisations ouvrières, les corporations des métiers, les rassemblements paysans et le compagnonnage. L’abolition du droit d’aînesse en 1792 établit l’égalité des fratries. Bonald ne manquera pas de signaler que cette égalité au sein de la fratrie détruit la société puisque des individus abstraits se substituent à la réalité des « personnes sociales » dans leur ordre naturel de naissance : aîné, cadet, benjamin.
6 Stirner commence L’unique et sa propriété par cette maxime : « J'ai basé ma cause sur rien ». Il écrit : «« Personne n'est pour Moi un objet de respect ; mon prochain, comme tous les autres êtres, est un objet pour lequel j'ai ou je n'ai pas de sympathie, un objet qui m'intéresse ou ne m'intéresse pas, dont je puis ou dont je ne puis pas me servir. S'il peut m'être utile, je consens à m'entendre avec lui, à m'associer avec lui pour que cet accord augmente ma force, pour que nos puissances réunies produisent plus que l'une d'elles ne pourrait faire isolément. Mais je ne vois dans cette réunion rien d'autre qu'une augmentation de ma force, et je ne la conserve que tant qu'elle est ma force multipliée. » (1900, 382)
7 L’homo œconomicus est celui qui maximise sa satisfaction par la meilleure utilisation des ressources.
8 Sauvy, (1936, 232)
9 Ogilvie en fait un livre : L’homme jetable. Essai sur l’exterminisme et la violence extrême.
10 Edmund Burke (1729-1797) publie son pamphlet Réflexions sur la Révolution Française en 1790, Joseph de Maistre (1753-1821) publie De l'État de nature ou Examen d'un écrit de Jean-Jacques Rousseau sur l'inégalité des conditions en 1795 et Louis de Bonald (1754-1840) publie la Théorie du pouvoir politique et religieux en 1796.
11 Aristote distingue dans l’éthique à Nicomaque une juste politique inspirée de la nature et qui « possède en tout lieu même valeur et qui ne dépend en rien du fait que l’opinion publique lui accorde ou lui refuse cette valeur » (V, ch. VII, 1134 b 19) d’une politique conventionnelle « qui, à l’origine, peut-être indifféremment fait de telle ou telle façon, mais qui ne le peut plus une fois que l‘on a posé qu’il faut agir de telle façon déterminée. » (V, ch. VII, 1134 b 20). Chaque cité à ses lois particulières et des lois communes qui «semblent être reconnues par le consentement universel » (I, 10, 1368 b 7) ce qu’il le souligne dans la Rhétorique.
12 « Il y a dans la Déclaration des droits de l’homme de quoi faire la guerre à tout le monde, pendant la durée de tout le monde. » proclame Péguy dans L’Argent. Levi-Strauss dénonce aussi le caractère universel et entropique, voire décadent des normes faisant l’apologie du primat des individus sur les sociétés conduisant inéluctablement à la disparition des sociétés dans leurs spécificités : « Au moment où elles se défont, toutes les sociétés convergent… Il y a des cultures mélanésiennes, africaines, américaines ; la décadence n’a qu’un visage. » (1940-1948, 335).
13 (2014, 87).
14 (1988, 75).
15 (1975, 311).
16 (1998, 338).
17 Balibar explique cette distinction : « Alors qu’un universalisme extensif est une idéologie de dominants, l’universalisme intensif ou qualitatif est un universalisme de libération, de non-discrimination, c’est fondamentalement, me semble-t-il, une idéologie de dominés. Ce n’est donc pas, par nature au moins, une idéologie étatique, une idéologie d’appareil ; mais c’est fondamentalement l’expression d’une revendication d’égalité qui commence, par la force des choses, par l’expression d’une révolte. Révolte contre la discrimination, révolte contre les inégalités, révolte contre les interdits, révolte contre les obstacles qui s’opposent à la liberté d’expression, ou à d’autres libertés, individuelles ou collectives. » Il constate la brutalité de l’universalisme extensif et tente de dédouaner la pratique intensive à l’initiative des individus : « Et il ne faut pas craindre, sur ce point, d’évoquer des phénomènes historiques qui sont profondément ambivalents, car ils présentent à la fois une face d’extrême violence ou d’extrême oppression et une face d’ouverture, et à certains égards de libération, en tout cas ils ont contribué à généraliser l’idée de libération et d’indépendance dans le monde moderne. » (1993).
18 Jaurès défend cette égalité absolue à effectuer par la suppression de toutes les sources d’inégalités d’où sa volonté de supprimer l’héritage dans Socialisme et liberté. Il écrit : « Le socialisme est l’affirmation suprême du droit individuel. Rien n’est au-dessus de l’individu ». Il précise : « Le socialisme est l’individualisme logique et complet. Il continue, en l’agrandissant, l’individualisme révolutionnaire. La Révolution avait proclamé les droits de l’individu, les droits de la personne. Et, pour les garantir, elle avait brisé le despotisme monarchique et le privilège féodal. Elle avait brisé aussi les organisations corporatives et disséminé les propriétés ecclésiastiques, afin qu’il n’y eût pas un bloc de propriété réservée et inabordable et que la propriété dispersée allât à tous les individus ». (1898).
19 (2014, 468).
20 Watsuji, considéré comme l’une des plus grande figure de la philosophie japonaise contemporaine développe le concept de médiance qui décrit ce rapport intime de l’homme à la/sa nature où il défie Heidegger et le primat de la relation au temps pour lui opposer cette présence de l’espace.
21 Jonas formule le principe de plusieurs manières : « « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre », ou pour l’exprimer négativement : « Agis de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d’une telle vie » ; ou simplement : « ne compromets pas les conditions pour la survie indéfinie de l’humanité sur terre » ; ou encore, formulé de nouveau positivement : » Inclus dans ton choix actuel l’intégrité future de l’homme comme objet secondaire de ton vouloir. » » (1979, 31).
22 Ostrom étudie les institutions gestionnaires de communs, séculaires ou multiséculaires dont elle témoigne de l’efficience en vue de la résilience des biens communs et des populations qui les gèrent dans l’œuvre qui lui valut le prix de la banque de Suède en hommage à Nobel : La gouvernance des biens communs.
Balibar, Etienne, Quel universalisme aujourd’hui ?, 3 déc. 1993, in http://www.cerclegramsci.org/.
Baudrillard, Jean, La guerre du Golfe n’a pas eu lieu, 1991, Paris, Editions Galilée.
Benhabib, Seyla, The Rights of Others, 2000, Cambridge University Press.
Bonald, Louis de, Théorie du pouvoir politique et religieux, 2014,CCC, FB Editions.
Burke, Edmund, Réflexion sur la Révolution Française, 2016, Paris, Les Belles Lettres.
Cassirer, Ernst, Essai sur l’homme, 1975, Paris, Editions de Minuit.
Castoriadis, Cornelius, Le contenu du socialisme, 1979, Paris, Editions 10/18.
Eberhard, Christoph, Au-delà d’une anthropologie des droits de l’homme : les horizons du dialogue interculturel et du royaume de Shambala ? Revue interdisciplinaire d'études juridiques 2009/2 (Volume 63), p. 155-200.
Feyerabend, Paul, Adieu la raison, 1998, Paris, Edition du Seuil.
Foucault, Michel, L’herméneutique du sujet, cours au Collège de France, 1981-1982, 2001, Paris, Editions Gallimard/Seuil.
Gauchet, Marcel, La Révolution des droits de l’homme, 1989, Paris, Editions Gallimard
Gödel, Kurt, Sur les propositions formellement indécidables des Principia Mathematica et des systèmes apparentés, 1989, Paris, Édition du Seuil.
Hunt, Lynn, L’invention des droits de l’homme, histoire, psychologie et politique, 2013, Genève, Éditions Markus Haller.
Husserl, Edmond, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, 1976, Paris, Editions Gallimard.
Jaures, Jean, Socialisme et liberté, 1898, Paris, Revue de Paris du 1er décembre.
Jonas, Hans, Le principe de responsabilité, Une éthique pour la civilisation technologique, 1979, Paris, Edition du Cerf.
Latour, Bruno,Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, 1999, Paris, Edition La Découverte.
Levi-Strauss, Claude, L’année sociologique, 1940-48, Paris.
Lefort, Claude, L’invention démocratique, 1981, Paris, Edition Fayard.
Lyotard, Jean-François, Le Postmoderne expliqué aux enfants, 1988, Paris, Edition Galilée/Le livre de poche.
Maistre, Joseph de, Contre Rousseau, de l’Etat de nature, 2008, Paris, Editions Mille et une nuits.
Ogilvie, Bertrand, L'Homme jetable : Essai sur l'exterminisme et la violence extrême, 2012, Paris, Editions Amsterdam.
Ostrom, Elinor, La gouvernance des biens communs : pour une nouvelle approche des ressources naturelles, 2010, Bruxelles, Editions de Boeck.
Pontoizeau, Pierre-Antoine, Libérer la parole politique, 2014, Paris, Edition Embrasure
Pranchere, Jean-Yves et Lacroix, Justine, Le procès des droits de l’homme, 2016, Editions du Seuil.
Rawls, John, Le droit des gens, 1996, Paris, Editions Esprits.
Sauvy, Alfred et Halbwachs, Maurice, Le point de vue du nombre, 1936-2005, Paris, Edition INED.
Soloviev, Vladimir, Crise de la philosophie occidentale, 1947, Paris, Editions Aubier Montaigne.
Stirner, Max, L’unique et sa propriété, 1900, Paris, Edition Stock.
Torrance, John et Treves, Eddy, Aliénation-extranéation et rapports de propriété, 1979, Paris, L’homme et la société, n° 51-54, p. 179-201.
Vachon, Robert, Au-delà de l’universalisation et de l’interculturalisation des droits de l’homme, du droit et de l’ordre négocié, 2000, Bulletin de liaison du Laboratoire d’Anthropologie Juridique de Paris, n° 25, p. 9-19.
Watsuji, Tetsurô, Fûdo, le milieu humain, 2011, Paris CNRS Editions.
Weil, Simone, L’enracinement. Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain, 2014, Paris, Edition Flammarion.