N°31 / numéro 31 - Octobre 2017

Esquisse d’une psycho-sociologie cognitive du politique

Pierre-Antoine Pontoizeau

Résumé

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L’individu est-il le seul objet d’étude ?

L’individualisme méthodologique de l’économie classique, celui plus politique de Jaurès, celui de la philosophie moderne et contemporaine jusqu’à Castoriadis1 ou l’approche individuelle de la psychologie politique se concentrant sur celui qui exerce le pouvoir laisse croire que l’individu est l’unique objet d’étude. La psychologie politique s’intéresse alors légitimement à l’homme politique pour en décrire le profil et son influence sur les autres. Mais, faut-il à ce point se concentrer sur l’individu2 ? La psychologie a bien un caractère social comme la psychanalyse puisqu’elles décrivent de nombreuses relations interpersonnelles. Le transfert ou l’Œdipe sont des phénomènes nécessitant un objet réel ou symbolique avec lequel se noue cette relation. Point d’Œdipe sans une relation asymétrique et des rôles se déterminant l’un l’autre. En psychologie des comportements, l’environnement stimule et il se produit une réponse. De même, les états mentaux résultent d’interactions entre des préconstruits culturels, des intentions, des mouvements intérieurs et de nouvelles informations. Toutes ces relations à un environnement conduisent à l’examen des modifications psychologiques. Voilà pourquoi l’étude de l’individu inclut toujours celle d’un monde agissant sur le sujet tout en s’en distinguant. Ainsi, la psyché est bien examinée dans ses relations à ce qui l’affecte ou à ce qui suscite ses mouvements : le désir d’un objet ou l’adaptation d’un comportement à une situation par exemple.

C’est pourquoi la psychologie politique s’intéresse à des interactions à l’instar de la dynamique de groupe de Lewin décrivant le pouvoir du groupe et les relations de pouvoir en son sein ou bien des études de cas d’exercice du pouvoir dans la pensée groupale de Janis. Chaque étude utilise tantôt de l’analyse des comportements, de la théorie de la communication, de l’étude rhétorique, de l’analyse économique de la décision, de la logique ou des ressorts sociologiques dans des contextes historiques qui apportent de la profondeur. Cette complexité explique sans doute pour partie l’émergence des sciences cognitives qui ajoutent de la biologie ou de l’informatique. En effet, privilégier la psyché de l’individu et extrapoler à partir des connaissances psychologiques feraient prendre le risque d’une sorte d’anthropomorphisme qui prêterait à chaque groupe humain une psyché ou un inconscient collectif à la façon de Jung. Cette exposition de l’âme des peuples a eu son heure de gloire chez Le Bon ou Tarde, dans cette tradition romantique du politique. Mais il faut aussi s’intéresser à ces interactions qui révèlent des dynamiques collectives en manifestant d’autres phénomènes que ces hypothétiques monades psychologiques indépendantes des groupes ou des masses qu’elles agrègent. C’est là la différence entre une psychologie politique s’intéressant à la psychologie de quelques-uns dont l’influence serait jugée déterminante : les chefs ; une autre faisant de chaque objet étudié une unité insécable et une dernière s’attachant à des relations collectives et au jeu des influences d’une multitude d’institutions intermédiaires organisées en vertu d’interactions historiques, politiques, sociales et psychologiques. Le comportement serait ici élucidé par la psychologie et l’examen de ses composantes sociales où se jouent des relations dans leur historicité et leurs dimensions institutionnelles et politiques.

Voilà pourquoi nous souhaitons formuler une esquisse de la psycho-sociologie cognitive du politique, parce que l’individu a des relations à un environnement social, politique voire naturel. Considérons ici que l’individu n’est pas l’unique repère. Il sera l’objet d’études attentives aux relations qui guident des groupes aussi divers que des communautés d’intérêt, des organisations intermédiaires comme les associations, les syndicats, les communes ou les corporations et les entreprises, des structures complexes enfin comme les États ou les institutions internationales et pourquoi pas les sectes et les religions. Voilà pourquoi la psychologie politique est à l’intersection de nombreuses disciplines si l’intention est de comprendre le fait politique en complément des méthodes propres aux sciences politiques. C’est une première raison d’encourager une pluralité d’approches et une indéniable agilité épistémologique pour ne pas trop s’enfermer dans des arrière-plans implicites3.

Aux origines de la pluralité des points de vue et des méthodes

Nous recourrons à diverses disciplines pour exprimer ces autres objets que la seule psyché dans le but de multiplier les perspectives comme autant de vues indispensables à la constitution d’une vision tout à la fois panoramique et profonde du politique. Il se pourrait qu’en changeant de perspective et de focale, le politique ou le groupe soient premiers, selon qu’on adopte temporairement ce regard vers l’homme ou celui vers ces corpus organisant des humains. Nous nous inspirerons des mathématiques, de l’histoire et de la sociologie et même de la philosophie pour insister sur cette complémentarité et ce besoin de coopération entre des recherches qui contribuent ensemble à construire ce panorama.

Le mathématicien Grothendieck explique sa manière très créative de travailler pour faire émerger de nouvelles propositions mathématiques qui sont particulièrement fertiles : « Ainsi, le point de vue fécond n’est autre que cet "œil" qui à la fois nous fait découvrir, et nous fait reconnaître l’unité dans la multiplicité de ce qui est découvert. Et cette unité est véritablement la vie même et le souffle qui relie et anime ces choses multiples. Mais comme son nom même le suggère, un "point de vue" en lui-même reste parcellaire. Il nous révèle un des aspects d’un paysage ou d’un panorama, parmi une multiplicité d’autres également valables, également "réels". C’est dans la mesure où se conjuguent les points de vue complémentaires d’une même réalité, où se multiplient nos "yeux", que le regard pénètre plus avant dans la connaissance des choses. Plus la réalité que nous désirons connaître est riche et complexe, et plus aussi il est important de disposer de plusieurs "yeux" pour l’appréhender dans toute son ampleur et dans toute sa finesse. » … … « Et il arrive, parfois, qu’un faisceau de points de vue convergents sur un même et vaste paysage, par la vertu de cela en nous apte à saisir l’Un à travers le multiple, donne corps à une chose nouvelle ; à une chose qui dépasse chacune des perspectives partielles, de la même façon qu’un être vivant dépasse chacun de ses membres et de ses organes. Cette chose nouvelle, on peut l’appeler une vision. La vision unit les points de vue déjà connus qui l’incarnent, et elle nous en révèle d’autres jusque-là ignorés, tout comme le point de vue fécond fait découvrir et appréhender comme partie d’un même Tout, une multiplicité de questions, de notions et d’énoncés nouveaux. »4. C’est bien à cette invitation méthodologique de ce médaillé Fields réinventant la géométrie algébrique que nous voulons répondre. Son apologie du décentrage et de la pluralité des points de vue se retrouve dans les travaux des historiens et des sociologues.

L’historien Revel montre la complémentarité des méthodes en vertu de leurs caractéristiques : « Le problème n’est pas tant ici d’opposer un haut et un bas, les grands et les petits, que de reconnaître qu’une réalité sociale n’est pas la même selon le niveau d’analyse – ou, comme on le dira souvent dans ce livre, l’échelle d’observation – où l’on choisit de se situer. Des phénomènes massifs, que nous sommes habitués à penser en termes globaux, comme la croissance de l’Etat, la formation de la société industrielle, peuvent être lus en termes tout différents si l’on tente de les appréhender à travers les stratégies individuelles, les trajectoires biographiques, individuelles ou familiales, des hommes qui leur ont été confrontés. Ils n’en sont pas moins importants pour autant. Mais ils sont construits autrement. »5. Le micro et le macro, le long et le bref, le décrit et le prescrit, autant de caractères du travail de l’historien qu’il ne faut pas opposer. Ces travaux répondent à des intentions dont toute l’efficacité tient à la modestie de les savoir partiel en acceptant les limites intrinsèques de chacune de ces investigations.

Je travaille comme historien sur la longue durée qu’il n’y a pas de héros individuels ou de grands hommes. Si je me centre sur l’individu à une échelle micro-individuelle, d’un point de vue psychologique ou sociologique, il est normal de ne pas voir les classes sociales ou les institutions, mais je ne peux pas dire qu’elles n’existent pas. »6. La différence de ces points de vue manifeste des jeux d’échelle qui concentrent l’attention sur certains phénomènes bien plus que des incohérences ou des contradictions. Par exemple, les échelles de temps vont des immédiats aux historiques en passant par les biographies d’une vie. De même, les échelles de masses vont des interactions au sein des petits groupes et familles aux masses des institutions à l’instar des Etats, sans négliger les organisations intermédiaires des communautés, villages et associations. C’est l’intérêt de l’article de Grossetti où il expose une typologie des phénomènes sociaux en vertu de deux critères de masse et de durée traduisant les variations d’échelles et les objets d’étude qui s’ensuivent7 :

 

Echelles de temps

Echelles de masse

I.Temps bref de l'immédiateté ou du très court terme

II.Temps biographique (< vie humaine)

III.Temps historique (> vie humaine)

1. Interaction (quelques dizaines au plus)

interactions

histoires de vie, relations durables (réseaux, communautés, groupes, familles)

lignées familiales

2. Organisation, système d'action, réseau (quelques milliers au plus)

rassemblement collectif, spectacle, colloque, volumes sonores, ambiances

organisations, réseaux
villages/petites villes

dynastie, secte, etc.
Villages/petites villes

3. Masse

événements médiatiques, ou concernant des organisations, des institutions

genèse ou évolution des grandes entreprises, ou des institutions (école, armée, villes, infrastructures de sport)

genèse des institutions (états, marché, école, science, etc.).
Villes, infrastructures de transport

Mais n’oublions pas que certains psychologues politiques ont expliqué le besoin de cette pluralité disciplinaire et critique. Deutsch et Dorna partagent ce diagnostic d’un risque d’enfermement et d’un effacement de la pensée au profit d’une simple technique. Dorna nous dit que « la coupure épistémologique positiviste, entre une psychologie philosophique et une psychologie scientifique, est intervenue au 19e siècle, sous l’emprise d’un projet inspiré par les sciences naturelles (notamment la physiologie) dont les postulats de neutralité et d’anhistoricité, autant que la généralisation du modèle expérimental comme critère ultime de la vérité-objective. » Il en conclut qu’il existe un biais techniciste à cette façon de faire science : « le virtuel théorique est en train de remplacer le réel empirique sans véritablement l’expliquer. »8. De même Deutsch s’inquiète de cette méthode inspirée de l’aspiration à la seule neutralité axiologique : « Dans la mesure où les sciences sociales, notamment la psychologie politique, ont appliqué sans discernement une méthodologie conçue dans une perspective technique cognitive, elles ont en général négligé le fait que l’action de l’homme doit être comprise par référence aux « significations » qu’elle possède pour les acteurs et pour son public. » [9], ce qui n’est pas sans rappeler le monde de la vie de Husserl dans sa phénoménologie. Il interroge les chercheurs, leurs intentions et le type d’utilité de la psychologie politique : « L’imitation aveugle de l’orientation technique des sciences exactes et naturelles a également conduit de nombreux spécialistes des sciences sociales à refuser de voir dans quelle mesure leurs travaux théoriques et empiriques, c’est-à-dire leur activité scientifique, sont influencés par les hypothèses implicites, les positions axiologiques, les tendances idéologiques et les points de vue politiques et économiques des milieux auxquels ils appartiennent. »9. Par ces biais qui se défendent d’en être, une certaine manière de faire science construit son objet voire la société en les manipulant par ses techniques, se faisant vérité à l’œuvre donc action plus que vérité descriptive. Cette sorte de science serait une praxis auto-réalisatrice.

À cet égard et à l’instar de Deutsch et Dorna, des philosophes soulignent toute la limite d’un tel discours prescriptif dont l’universalité est toujours très relative. Signalons la contribution récente de Taguief dans le dernier Cahier de psychologie politique10. Il montre à quel point la centralité construit une vision monopolistique où se confondent le point de vue individuel et une totalité universelle niant l’altérité de la présence des autres points de vue. N’est-ce-point la condamnation du démon de Laplace et du regard panoptique qui caractérisent la prétention centrale de l’œil scientifique ? La centralité décrite par Taguief caractérise cette tentation exclusive qu’ont en partage ces pensées holistes fusionnant le particulier et le tout par confusion des termes et abolition des distinctions selon ce principe : Ma vue est La vue et Toute la vérité. Or, ceci définit l’attitude extrême de la conception classique de la science sans autres contre-points puisqu’elle réfute la diversité des méthodes, la variété des intentions, la valeur des perspectives, l’intérêt des échelles dans leurs points de vue respectifs. Le démon de Laplace est à cet égard l’expression de cette centralité décrite par le philosophe11. Notons qu’elle voisine avec le néologisme de Sfez dans Critique de la communication où celui-ci s’exprime dans un langage psychiatrique pour caractériser cette tendance au repli sur soi accompagné d’un Moi se projetant comme le seul Tout : le tautisme. Il entremêle dans son néologisme la totalité et l’isolement par un enfermement réfutant toute altérité12. Et il montre que les théoriciens de la communication ont ainsi une vision tautistique. C’est là une autre raison d’inviter à la pluralité par un partage et une succession de points de vue qu’il convient d’entreprendre dans chacun des travaux de recherche. Charge au psychologue de comprendre cette attirance pour la centralité, tendance psychologique avérée au réductionnisme par attrait de la simplicité en réduisant le monde à son propre point de vue. L’omission de l’existence des autres et de leurs positions fait l’économie de l’altérité et de son corolaire de la découverte de sa limite, soit l’angoissante révélation de sa finitude. L’attention à l’autre révèle aussi des biais cognitifs et sa singularité hic et nunc. Et, quoi de plus révoltant, détestable et haïssable que de ne pouvoir avoir raison de tout, partout ! Quoi de plus épanouissant en revanche que de reconnaître à l’autre son rôle dans une œuvre de savoir commun qui fait sortir de soi, pour très imparfaitement regarder le monde avec les yeux de l’autre et de ses prérequis. Totalité futile et stérile du génie de Laplace ou infini utile et fertile comme nous l’enseigna Levinas.

La succession des points de vue complète les limites de chaque méthode

C’est pourquoi, dans un article important de 1989, Dorna résume la situation de la psychologie politique en la considérant au carrefour de nombreuses disciplines : « la psychologie politique constitue une sorte de science, carrefour de disciplines diverses. Aucun modèle ne semble fédérateur ; aucune discipline n’est suffisamment forte pour écarter les autres. »13. Si elle est bien au carrefour, elle est certainement aussi une invitation à se rendre à ce carrefour comme on se rend à la foire pour y échanger, y partager et s’enrichir du point de vue des autres dans une succession de transactions ? Il s’agit d’une invitation au voyage pour faire advenir ce carrefour, tentant de produire une vue plus panoramique au-delà d’une œuvre individuelle. Se rendre au carrefour, c’est à la fois se décentrer de ses travaux et accepter de se recentrer sur des lieux communs14 où l’on se reconnaît sans oublier quelques pépites apportées par certains dans leur spécialité au profit de tous. Le carrefour est ce lieu commun temporaire qui n’a pas vocation à s’imposer à la façon d’une centralité définitive.

Tirons là profit des enseignements de Feyerabend à propos de la recherche et de la limite intrinsèque de chaque méthode soit leur biais cognitif inhérent à la délimitation d’un objet d’étude sous un angle qui préjuge déjà largement de sa nature et de ses conclusions. Il évoque l’écueil des limites et l’intérêt d’entendre : « Il serait dès lors absurde de considérer les idées de spécialistes comme « vraies », ou comme « réelles » – point ! – sans des études plus approfondies allant au-delà des limites du spécialiste. »15. Chaque point de vue a sa pertinence du fait de sa logique interne entre ses intentions et ses fins. Chacun est en même temps une méthode et une vérité qui s’exprime dans la pratique où le savoir est constitué en vertu de ses buts. C’est en ce sens que nous évoquons les chemins de la liberté portés par l’épistémologie critique de Feyerabend dans un article sur la pensée libertaire. Il a raison d’inviter à une grande modestie : « La seule chose dont on a besoin pour restaurer l’efficacité, la modestie, et surtout l’humanité de ceux qui exercent un métier, est d’admettre que les scientifiques sont des citoyens même à l’intérieur du domaine de leur expertise et qu’ils devraient donc être prêts à accepter les conseils et le contrôle de leurs concitoyens. »16. Il partage l’analyse de Deutsch à propos de la recherche, jamais neutre, toujours biaisée voire engagée du fait de quelques intentions ou références non-spécifiées. Ce reflet de la condition du chercheur signale qu’il n’est jamais inconditionné, ayant à se réfléchir pour mieux s’exposer.

Il est question ici d’une sorte de symétrie des attentions bien plus que d’une domination d’un point de vue sur les autres au nom d’une hiérarchie des sciences : de la psychologie vers les sciences politiques, de celles-ci vers la sociologie, etc. Tout en maintenant l’exigence d’une discipline exigeante qui conduit à la nécessaire parcellisation des recherches produisant des résultats à leur mesure, il s’agit en sus d’agir à l’émergence d’une œuvre d’intelligence politique collective de l’environnement dans lequel l’homme agit selon qu’il soit citoyen, salarié, représentant, dirigeant d’institutions ou homme d’Etat. Voilà pourquoi le choix des méthodes et des thèmes d’étude participe d’une pluralité politique et scientifique. À l’inverse, la volonté de construire une loi scientifique universelle impose de construire des règles en vertu du principe de répétition. En prédisant les enchainements d’événements, cette loi confère un pouvoir. Par cette intention, une certaine conception de la science produit des instruments et des techniques en vue d’un art de gouverner plus sûr de la corrélation entre les actes et les résultats : cela s’appelle l’efficacité par foi en la prescription.

Les fondateurs de la psychologie politique nous ont ouvert des voies

Quelques-uns dont Deutsch nous ont ouvert des voies afin de collaborer à un savoir collectif sur l’art du gouvernement. Son article de 1983 Qu’est-ce que la « psychologie politique » ? permet d’établir ce premier répertoire :

Thèmes

Définitions

Individu en tant qu'acteur politique

Etudes axées sur les déterminants et les conséquences du comportement politique des individus.

Mouvements politiques

Recherche sur les formations, organisations, communautés et groupes sociaux dans lesquels l'acteur politique n'est pas l'individu, mais un ensemble social composé d'individus et de groupes en interaction.

Politicien ou dirigeant politique

Recherche qui porte sur une catégorie spéciale d'acteurs politiques, à savoir les hommes qui jouent ou ont joué un rôle particulièrement important dans la vie politique.

Adhésions et structures politiques

Recherches qui concernent les formations, organisations et groupements sociaux qui se constituent parmi les hommes politiques.

Relations politiques intergroupes

Recherches consacrées aux structures et aux interactions à l'œuvre parmi les unités politiques et non plus parmi les hommes politiques en tant qu'individus.

Processus politiques

Thème peut-être le plus important de la psychologie politique

Connote les divers processus individuels et collectifs qui sont en jeu dans le comportement des entités politiques, influent sur ceux-ci et sont influencés par eux.

Dans son article « La psychologie politique : un carrefour pluridisciplinaire » Dorna ouvre d’autres horizons : « Elle explore d’autres domaines dont nous n’avons pas fait mention : la propagande et la publicité politique, la négociation et les conflits, les idéologies et les croyances, le pouvoir et les systèmes de gouvernement, l’identité nationale, la guerre et la violence, la socialisation, les partis politiques, la psycho-histoire, les relations internationales, les systèmes des valeurs. »17. De même des philosophes dont tout particulièrement Honneth et Luhmann étudient les sociétés contemporaines par usage de plusieurs disciplines. Le premier développe un regard phénoménologique et psychologique qui s’articule à une analyse juridique des relations transactionnelles motivées par un désir de reconnaissance, selon lui essentiel, dans l’édification des hommes et des sociétés18. Il l’examine en philosophe avec une sagacité où se rencontrent ces disciplines sous sa plume d’érudit. Le second, adversaire d’Habermas, développe une théorie des systèmes sociaux par un travail transdisciplinaire ambitieux, réunissant avec talent de nombreuses approches : juridique, économique, philosophique, littéraire, linguistique, biologique voire théologique. Il consacre par exemple une œuvre à la réduction de la complexité sociale en examinant la notion très psychologique de confiance19. À cet égard, Luhmann va de la sociologie vers la psychologie.

Ces expériences montrent la voie, même si le risque du philosophe est de maîtriser partiellement chacune des disciplines qu’il utilise. Et les psychologues politiques, tout en cherchant cette fécondité, ont parfois rétrécit leur ambition par un discours sur la méthode quelque peu restrictif voire prescriptif. Par exemple, Deutsch invite en même temps à s’éloigner d’une trop grande normalisation scientifique mais il cautionne aussi des exigences pour produire une technique reproductible et des pratiques automatisées. Il écrit : « Une psychologie politique scientifiquement fondée doit nécessairement se préoccuper de « méthodologie » et élaborer des « canons éprouvés » qui serviront à juger de la fiabilité des méthodes suivies pour collecter les données et à évaluer la validité de la preuve qui servira à vérifier les hypothèses explicatives. Elle doit également se préoccuper de mettre au point des méthodes de collecte qui produiront des données fiables et valides. »20. Toute la difficulté réside dans la coexistence de l’ambition de construire une connaissance scientifique en vertu du principe de répétition qui la commande et de l’ouverture à l’humain s’engageant dans une pratique politique émancipatrice. En effet, le risque existe de construire des techniques où l’art du gouvernement tiendrait d’une manipulation des uns par les autres du fait d’instruments de domination. Voilà pourquoi les intentions du chercheur méritent un ultime travail pour tenter de définir la discipline, voire l’éthique de la psychologique politique, c’est-à-dire la manière de la pratiquer en acceptant là encore une variété des intentions.

L’esquisse d’une psycho-sociologie cognitive du politique 

En effet, un débat sur les intentions interroge les manières de faire science en construisant des savoirs et des pratiques à la façon d’une recherche-action ou d’expérimentations sociales. Le savoir est un bien commun qui se construit en société. Les connaissances se bâtissent à plusieurs parce qu’elles sont des savoirs à mettre en action dans l’intérêt de tous ou par opposition à des courants et écoles qui ont marqué un temps tout en démontrant quelques effets collatéraux discutables. Il s’agirait donc d’assumer une multidisciplinarité propice à cette régénération réciproque, forte d’une bienveillance où l’échange sur les points de vue engendre un savoir collectif plus complexe et porteur d’une autre dimension : parlons ici de l’écologie humaine. Celle-ci articule les intentions dans leur profondeur respective sans les nier. Pour le comprendre, revenons sur ce que Deutsch exprimait dès 1983 concernant les raisons de l’avènement de la psychologie politique dans un contexte qu’i ne faut pas oublier : « La confusion politique croissante, l’irrationalité de la première guerre mondiale et son caractère destructeur, le développement des régimes totalitaires modernes avec leurs atrocités, l’importance prise par les médias et leur utilisation systématique à des fins de propagande ont suscité le besoin impérieux d’un savoir plus méthodique sur les rapports entre les processus politiques et les processus psychologiques ». Pourtant, lorsqu’il reconnaît que « Lasswell, a répondu à cet appel et ses écrits et son enseignement ont fait de lui le père fondateur américain de la psychologie politique en tant que nouvelle discipline universitaire. »21, il met en avant une psychologie politique qui a largement servi à des entreprises de manipulation dont Lasswell avait formalisé les règles en faisant l’apologie de la gestion gouvernementale des opinions organisée par des techniques de propagandes. De même de Lippmann pour qui les recherches en psychologie servent un projet de propagande nécessaire à la démocratie et à sa « fabrique du consentement »22. Force est de constater que ces recherches visent une science productrice de méthodes garantissant des effets par la connaissance de mécanismes efficaces. Elle rationalise l’art de gouverner en privilégiant un certain modèle de fonctionnement démocratique où des experts guident l’opinion dans ses choix, la psychologie politique devenant ici une science utile : une pragmatique. Cette connaissance en action est bien orientée par cette finalité : produire des techniques utiles à l’art de gouverner. Dans ce cas, elle instrumente le politique et met à sa disposition des techniques qui font peu l’objet d’un débat entre chercheurs et encore moins d’un débat public. Deutsch explicite cette intention où les recherches en psychologie politique s’avèrent être autant d’engagements politiques : « Si la psychologie politique se rattache à la tradition scientifique, elle se doit aussi d’être socialement utile et d’appliquer ce qu’elle sait et ce qu’elle comprend à l’amélioration des processus politiques et de la condition humaine. »23. Sa prise de position définit donc une intention et reconnaît que la discipline n’a rien de neutre, Deutsch d’affirmer une bonne volonté : améliorer.

Pour terminer, cette praxéologie mérite une discussion sur la méthode et les fins de la psychologie politique. L’histoire des idées et les sciences politiques nous aideront peut-être à comprendre ce qui s’est noué lorsque les régimes démocratiques se sont sentis menacés par les systèmes totalitaires et leurs puissantes propagandes idéologiques dont l’efficacité indéniable retournait l’opinion jusqu’à conquérir des nations. L’œuvre des premiers psychologues politiques paraît marquée comme l’indique Deutsch, de cet impératif d’une contre-offensive où il fallait préserver les démocraties, communiquer, éduquer mais aussi persuader, voire manipuler dans toutes les acceptions du terme. Quelques témoignages de Lasswell puis de Cialdini apportent des arguments à cette hypothèse24. C’est pourquoi nous proposons ici deux ambitions qui mériteraient un congrès de la psychologie politique pour que de nombreux chercheurs viennent témoigner de leurs pratiques et de leurs souhaits à propos de cette manière de construire une nouvelle façon de faire science qui puisse contribuer de même à l’émergence d’une nouvelle façon de faire société. La première ambition tient à la vigueur des sciences cognitives, la seconde tient à une discipline de recherche que nous qualifierons à ce stade d’écologie humaine. À cet égard, le praxéologue Skirbekk décrit très bien cette pratique de la science en commun : « En argumentant, nous nous reconnaissons les uns les autres non seulement comme rationnels, mais aussi comme finis ; c’est la raison pour laquelle nous pouvons tous apprendre de tous les autres, et par un effort commun améliorer mutuellement notre compréhension. »25.

En effet, la psychologie participe du mouvement des sciences de l’esprit. Celles-ci s’intéressent à la cognition, combinant des disciplines hier bien distinctes : informatique, logique, linguistique, biologie. Rappelons l’expression de Fodor parlant d’une « architecture modulaire de l’esprit » prolongeant l’ancienne psychologie des facultés. Les sciences cognitives s’intéressent à l’activité cérébrale et à son organisation, faisant l’hypothèse de spécialisations et de localisations. Elles cherchent à repérer les interactions entre les faits de conscience et les supports physiques qui les produisent, faisant l’hypothèse que l’esprit est produit par l’activité du système nerveux essentiellement. Surtout, elles ouvrent des horizons de transformation ou de substitution dont des instituts et des grandes entreprises se font les apologues : homme computationnel, homme augmenté, homme transformé qui renouvellent les mythes et utopies du nouvel homme. Ces orientations sont lourdes de conséquences sur la conception de l’homme, la conception de la liberté et de la société26. De fait, elle prolonge cette distance entre les savants qui construisent le monde et ceux qui en seront les instruments, voire les objets : le prescriptif l’emporte.

Orientations épistémologiques et éthiques de la discipline 

C’est pourquoi, la psychologie sociale et cognitive du politique nécessite une réflexion épistémologique à propos des limites internes de chaque discipline, légitimant cette ouverture. Elle a besoin aussi d’une introspection praxéologique concernant l’efficacité ou l’utilité de ses recherches, à penser dans des horizons de temps qui en changent la profondeur en vertu de leurs finalités, selon qu’on préfère induire des actions à effets immédiats ou des connaissances s’inscrivant dans des temps longs.

Toute l’histoire récente des sciences témoigne de ce besoin d’ouverture entre les disciplines et avec les populations en dehors du laboratoire. C’est l’avantage de la pluralité des approches sur un même objet. Elle s’appuie certes sur des travaux menés dans l’autonomie de chacune des disciplines qui y coopèrent. Mais chaque recherche reconnaît qu’elle est fondée et limitée. Elle est marquée par une imperfection cognitive du fait même des rigidités internes qui en ont fixé les méthodes, l’objet et les buts de recherche. Tout en éclairant un aspect des choses, la recherche s’est nécessairement aliénée dans son contexte propre et ses hypothèses. Cette compréhension des limites internes des approches respectives conduit à un exercice collectif d’articulation du sens par un enrichissement mutuel. L’incommensurabilité initiale se résout alors partiellement dans cette dynamique où chacun écoute les multiples manières de saisir un objet. Chacun profite ainsi d’autres recherches pour compléter ses enseignements de ces autres approches en un savoir articulé sur l’objet en question. Ceci requiert une méthode bienveillante pour ne pas dire une éthique de la connaissance dont le bénéfice est double. Premièrement, celui d’une prise en compte de savoirs constitués sur un même objet dans un contexte disciplinaire différent ; deuxièmement, celui d’une édification collective d’un savoir second par articulation des projets dans une connaissance collective27.

La praxéologie explicite aussi le sens des actions de recherche relativement à leurs intentions et leurs finalités qui peuvent diverger selon qu’on adopte une position très utilitaire à court terme : le travail efficace selon Kotarbinski ; ou qu’on admette comme Mises que les temps longs ont leur logique d’action et leurs rythmes propres. La recherche est un travail et Mises aborde à la toute fin de son œuvre cette question des raisons et des fins de la mise en action. Il évoque la satisfaction, le désir, le bonheur et la contemplation, admettant que l’ultime ouvre des horizons : « Appliquer aux fins choisies le concept de rationnel et d’irrationnel n’a point de sens. Nous pouvons qualifier d’irrationnel le donné ultime, c’est-à-dire ces choses que notre réflexion ne peut ni analyser ni réduire à d’autres aspects du donné ultime. Dans ce cas, toute fin choisie par n’importe qui est irrationnelle. Il n’est ni plus ni moins rationnel de tendre à être riche comme Crésus, ou de tendre à la pauvreté comme un moine bouddhiste. »28. Et sur ces temps longs, un auteur de l’antiquité a décrit les cycles des régimes politiques. Il a pratiqué une science politique au long-court que l’histoire semble souvent justifier. Platon décrit dans la République les effets de ces corruptions humaines et sociales dont l’avidité, la démesure du désir, la transgression des lois et l’ignorance. La décadence de l’aristocratie, celle-ci ayant sa faveur, tient à ces excès de vanité qui poussent à la discorde, la violence et la servitude : la timarchie. Celle-ci dérive en oligarchie où l’insatiable appétit de richesse divise la population entre les puissants et les pauvres, ceux que Socrate nommait les ploutocrates. Dans un mouvement dialectique, le rapport de force tourne à l’avantage des pauvres qui se révoltent par envie et obligent au partage. Platon y voit l’origine d’une égalisation à la modernité manifeste : « le gouvernement dispense une sorte d’égalité aussi bien à ce qui est égal qu’à ce qui est inégal. »29. Celle-ci dégénère en anarchie par égalisation et relativité des valeurs, les jeunes s’adonnant à tous les plaisirs sans intérêt pour la cité. Et ce désordre par trop d’excès en toute chose s’achève dans la tyrannie pour mettre un terme à ce chaos. Cette psychologie politique des temps longs décrit une évolution intergénérationnelle à la manière d’un organisme dont les évolutions, les saturations, les réactions pour ne pas dire des phénomènes allergiques produisent ces basculements politiques irréversibles sans que quiconque ne puisse s’opposer à ces mouvements, subissant l’irrépressible pression d’un flux qui emporte par la force de son mouvement. Platon parle de ce mouvement des régimes politiques à la façon d’un cycle. Y aurait-il une fatalité du mouvement psychologique entraînant des successions ou avons-nous le pouvoir de nous émanciper pour partie de ces fatalités anciennes dans l’espoir de mieux nous gouverner ? Mais comment y parvenir sans accomplir un effort de libération dont Bakounine disait qu’il consiste à faire de chacun de nous l’artisan d’une pratique et d’une science qui émancipent ? Reste à trouver la motivation d’une telle bienveillance. Si l’art de gouverner mérité une connaissance commune, le fait même d’en faire un bien commun ou une science d’expert dénote un rapport à la construction sociale ou à la prescription sociale. La recherche se confine-t-elle en quelques lieux aspirant à l’instrumentalisation ou s’agit-il de se libérer ensemble considérant que la psycho-sociologie cognitive du politique vise un bien-être commun plus que la domination des uns par les autres. Voilà pourquoi, nous devons nous réunir au carrefour comme à l’agora autrefois. L’enjeu de l’essor d’une psycho-sociologie cognitive du politique n’est rien d’autre que l’engagement en faveur d’une éthique des sciences de l’homme, voire d’une écologie humaine. C’est un projet de connaissances communes au bénéfice du développement politique de l’homme.

1  Castoriadis décrit ce droit de l’individu à s’auto-instituer du fait de son émancipation souveraine où rien ne saurait contrarier l’exercice de cette liberté de s’autodéterminer à l’infini : « Une fois que la psyché a subi la rupture de son "état" monadique, que lui imposent l’"objet", l’autre et le corps propre, elle est à jamais excentrée par rapport à elle-même, orientée par ce qu’elle n’est plus, qui n’est plus et qui ne peut plus être. La psyché est son propre objet perdu... Cette perte de soi, cette scission par rapport à soi, est le premier travail imposé à la psyché du fait de son inclusion dans le monde. » (1975, 401) Cette altération par l’altérité libère l’homme de toute nature ou condition et lui ouvre pour lui-même et en société la perspective de se construire librement : « Une société juste est une société où la question de la justice reste constamment ouverte - autrement dit, où il y a toujours possibilité socialement effective d’interrogation sur la loi et sur le fondement de la loi. C’est là une autre manière de dire qu’elle est constamment dans le mouvement de son auto-institution explicite. » (1979, introduction).

2  Commentant l’évolution de la psychologie politique américaine, Deutsch souligne cette tendance du primat de la psychologie sur le politique sans accueil d’une réciprocité de la science politique éclairant la psychologie : « En mettant fortement l’accent sur les processus psychologiques considérés en tant que déterminants des processus politiques, la psychologie politique américaine a eu tendance à négliger l’étude de l’influence des processus politiques sur les processus psychologiques. » (1983, 246). Il explique cette primauté du fait des travaux important de Lasswell qui ont très tôt orienté la discipline : « Ses premiers ouvrages … … ont aidé à définir un point de vue psychologique particulier pour la connaissance du comportement politique, de la politique et des politiciens. Ce point de vue conduit à une psychologie politique largement centrée, d’une part, sur les processus psychologiques, individuels et sociaux (motivations, conflits, perception, cognition, apprentissage, socialisation, formation des attitudes et dynamique de groupe) et, d’autre part, sur la personnalité et la psychopathologie individuelles considérées comme des facteurs causals influençant le comportement politique. » (1983, 245-246).

3  Searle décrit l’arrière-plan en ces termes : « l’ensemble des capacités non-intentionnelles ou pré-intentionnelles qui permettent aux états intentionnels de fonctionner » (1985, 169). Tout à la fois structure causale, fond et prédisposition, l’arrière-plan conditionne le comportement social et induit des répétitions qui confinent à des automatismes cognitifs collectifs.

4  (41 et 42).

5  (1996, 12).

6  (2004, 95).

7  (2011, 11).

8  (2008).

9  (1983, 248).

10  Taguief écrit : « d./ Qu’est-ce qui a empêché de sauvegarder ces autres issues ? Qu’est-ce qui s’est produit de décisif ? Pour qu’un extrémisme naisse, durcisse et s’installe sur des siècles, il faut un second illogisme. Une centralité (qui pouvait être là parmi d’autres) est soudain devenue la principale, la seule, l’unique. Un centre est devenu le centre de tout. Une centralité est devenue totalité. Dès lors, il ne peut pas y avoir de compromis sur ce qui est « tout ». On ne peut pas renoncer à ce tout sans renoncer à soi-même. e./ Le bouclage se fait sur l’assimilation « tout, soi-même, groupe ». Le tout constitué est en effet emprunté au tout de la personne et au tout du groupe déjà liés entre eux à travers la référence au même absolu. C’est dans la mesure où des humains aspirent à être ce tout au détriment de l’autre, qu’ils en viennent à croire à cette particularité comme devenue leur irréductible identité située et datée. Eux existent vraiment ainsi, pas l’autre. Cet autre sera exclu … ».

11  Pour mémoire, le démon de Laplace exprime l’apothéose d’une science achevée déjà présente dans le projet cartésien exprimé dans les Lettres à Mersenne : « Une intelligence qui, à un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome ; rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux. » (1814, 2).

12  Sfez explique cet autisme tautologique qui confond le réel et sa représentation : « Le sujet n’existe que par l’objet technique qui lui assigne ses limites et détermine ses qualités … … » (2009, 201-210). Il explique l’enfermement réalisé par les techniques de communication dont les systèmes intrusifs et globalisant absorbent toute l’attention de l’homme jusqu’à le persuader de la seule réalité de ces représentations qui se substituent aux autres réalités qui s’évanouissent.

13  (1989, 183).

14  Nicolas consacre un chapitre au désaccord où il aborde la question des topiques et des lieux communs: « Une topique est l’ensemble des « lieux» sur la base desquels un groupe quelconque se reconnaît en tant que tel. Il s’agit d’un espace d’identification qui se situe à la confluence du mental et du géographique.» (2015, 287) Il décrit ces lieux communs en ces termes:» Ils se situent dans un entre-deux; à la jonction de deux mondes. Ce ne sont ni de simples opinions, ni de pures vérités. Ils témoignent de ce que le plus grand nombre, la plupart, tient pour acquis, raisonnable, acceptable, probable, vraisemblable.» (2015, 288) Ce qui signifie qu’ils ne sont plus pensés parce qu’ « on raisonne et on argumente à partir de ces lieux sans devoir avancer des raisons et des motifs préalables pour les soutenir ou les faire accepter.» (ibid.).

15  (1989, 69).

16  (1989, 166).

17  (1989, 193).

18  Honneth est un philosophe social de la troisième génération de l’école de Francfort. Son travail sur la reconnaissance analyse des modes : affectif, juridique et culturel qui l’amène à développer un discours interdisciplinaire.

19  Luhmann étudie les systèmes sociaux en privilégiant une approche systémique avec deux attentions particulières à la communication et aux institutions. Il est l’auteur de : Politique et complexité : les contributions de la théorie générale des systèmes, 1999, Paris, Editions du Cerf et de : Systèmes sociaux : Esquisse d’une théorie générale, 2011, Québec, Presses de l’Université Laval. Il.

20  (1983, 246).

21  (1983, 245)

22  Lippmann publie son œuvre majeure Public opinion entre les deux guerres où il s’intéresse aux nouvelles méthodes de communication et à la dimension psychologique de la propagande dans les démocraties. Considérant que la société vie un progrès humain rationnel, il recherche les moyens de favoriser la participation des citoyens. Mais peu convaincu du choix de sagesse de tout à chacun, il pense que les élites ont cette mission d’éclairer par une information orientée.

23  (1983, 248).

24  Cialdini développe dans Influence et manipulation des techniques de communication depuis reprise par les stratèges en communication et relations publiques au service des candidats et partis politiques dont la preuve sociale, le principe de sympathie ou celui d’autorité.

25  (1999, 136).

26  Andler décrit avec précision les hypothèses des sciences cognitives : « Supposons que nous réussissions à montrer (i) que tout processus mental est un « geste » élémentaire relevant d’une faculté particulière, ou une combinaison réglée de tels gestes, ou encore une combinaison réglée de gestes relevant de diverses facultés ; (ii) qu’à chaque faculté correspond une zone dédiée du cerveau ; (iii) qu’à chaque combinaison de processus mentaux élémentaires correspond une transformation spécifique du substrat cérébral. Alors on pourrait considérer que (iv) il existe entre les pensées, l’ensemble des productions de l’esprit, d’une part, et les états et transformations du cerveau, de l’autre, une sorte d’isomorphisme et que (v) sur le plan strictement scientifique, cette correspondance empirique suffit pour les besoins de l’explication et de la prédiction, rendant superflues les conceptions métaphysiques irrémédiablement diverses qui sont et seront proposées pour rendre raison de cette correspondance. » (2011, 523-524).

27  Le philosophe et logicien Ladrière appelle à une articulation du sens en précisant que : « La raison porte en elle une norme, un vœu imprescriptible d’unité et de transparence, mais elle ne semble pouvoir ni se totaliser ni s’expliciter pleinement. Elle est assez lucide cependant pour reconnaître en elle cette limitation. La limitation ne nous apparait que sur le fond de l’illimité. C’est pourquoi nous devons la percevoir non pas comme un terme qui marquerait la fin d’un parcours, mais bien plutôt comme la trace d’une finitude qui porte en elle à la fois l’aveu de son impuissance et l’audace d’une espérance ouverte sur l’infini. » (1984, 49-50).

28  (2011, 1026).

29  (558b) Platon semble conduire une analyse comportementale intergénérationnelle pour expliquer les dérives successives dont celle de l’égalisation des valeurs et des êtres dans les démocraties avancées : « Le père s’accoutume à traiter son fils comme son égal et à redouter ses enfants, que le fils s’égale à son père et n’a ni respect, ni crainte pour ses parents, … Le maître craint ses disciples et les flatte, les disciples font peu de cas des maîtres et des pédagogues,… Les vieillards, de leur côté, s’abaissent aux façons des jeunes gens. » (563b).

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