Docteure en psychologie, Fanny Guénéchault s’intéresse aux questions d’identité, de citoyenneté et d’interculturalité. Elle a travaillé auprès de réfugiés politiques et de migrants et depuis dix elle intervient dans le secteur du handicap. Elle est également consultante formatrice.
Le « séisme » des élections présidentielles de 2002 a mis en lumière l’évolution de l’espace politique français. Il l’a révélé par l’évènement qu’il fut, l’arrivée du représentant du Front National en position de présidentiable, parti habituellement marginalisé en raison de ses idées. Il l’a révélé également par la mobilisation du second tour contre ce candidat, donnant à penser qu’il s’agissait d’un vote de protestation citoyenne envers la classe politique dans son ensemble. Depuis le début des années 2000, se constate une évolution des courants politiques. De nouvelles formes d’expression politique et citoyenne sont apparues, chacune redéfinissant à leur manière la dynamique politique.
Souhaitant se démarquer des références politiques traditionnelles, Emmanuel Macron a créé le mouvement de « La République En Marche ». Ce mouvement a, par son positionnement politique hybride, le « en même temps », posé la question des idéologies et de leur catégorisation. Il a permis à son fondateur d’accéder à la Présidence de la République Française en se démarquant des partis politiques qui structuraient traditionnellement l’espace politique français.
Du côté des citoyens, un mouvement dit « des Gilets Jaunes » s’est développé à partir de l’automne 2018. Si les manifestations font partie des formes d’expression utilisées par les citoyens, ce mouvement présente certaines particularités. Il s’est organisé en mouvement intermittent, un jour par semaine, le samedi. Il a réuni des citoyens aux attaches politiques diverses, voire antagonistes, autour de revendications à priori communes. Et, bien qu’ayant perdu de sa vigueur, il se réactive de manière sporadique comme vecteur de revendications citoyennes. Cette dynamique signe bien l’intérêt porté aux affaires publiques par le citoyen. Elle s’oppose à l’idée que l’augmentation des scores de l’abstention au fil des élections exprime un désintérêt des citoyens pour l’action politique.
Parmi les évolutions de l’espace politique, on remarque que les questions d’identité et de citoyenneté deviennent plus prégnantes. De même, des idées politiques radicales, extrémistes, polémiques, dans la lignée de celles de l’ex-FN devenu Rassemblement National s’affirment et semblent trouver écho auprès des citoyens. Est-ce à dire qu’elles correspondent pleinement à leurs attentes ? Ils expriment un sentiment de décalage, de rupture avec ceux qui les gouvernent ou qui y prétendent, le sentiment de ne pas vivre dans la même société. Ils brandissent le souhait d’une démocratie plus participative. Ces phénomènes posent la question de la réelle possibilité donnée à chacun, à tout citoyen de se faire entendre et pose aussi la problématique du sentiment d’appartenance à un espace commun de vie.
La psychologie politique a clairement un rôle à jouer dans cette réflexion car elle « s’est dès ses origines caractérisée par une double vocation : être une connaissance et être une technique » (Dorna, 1989). Il s’agit en effet aujourd’hui de comprendre le citoyen et de proposer des pistes d’action pour que la participation citoyenne individuelle devienne effective, que s’atténue le sentiment d’exclusion de l’espace public. Ce sentiment n’est pas ressenti seulement par certains groupes définis comme minoritaires sociologiquement. Il s’est diffusé dans la société tout entière. Le mouvement des « Gilets Jaunes » a donné à voir, du fait de sa composition sociale hétérogène, cet aspect du ressenti citoyen. A ses débuts, ce mouvement né spontanément, réunissait des personnes d’horizons divers, mus par le même sentiment de lassitude face à l’absence d’écoute et de considération de la classe dirigeante. Il ne semblait pas y avoir une aspiration au pouvoir politique mais l’envie d’être entendu comme acteur politique. La tentative de constitution en mouvement politique a échoué et amené à son délitement du fait de l’absence de ligne politique et idéologique fédératrice.
Les problématiques actuelles de la société française nécessitent une approche nouvelle qui s’intéresse au plus près à ceux qui la composent, qui la fondent, qui y vivent, qui y participent dans toutes ses dimensions, une approche qui se recentre sur la composante initiale d’une société : le citoyen. Or la notion centrale de la psychologie politique c’est précisément le citoyen. Mais cette discipline rencontre des difficultés à s’émanciper et à se définir comme autonome par rapport à d’autres disciplines.
Nous traiterons dans un premier temps les rapports que la psychologie politique entretient avec d’autres disciplines. Nous aborderons ensuite les limites de modèles d’analyse sociologiques à travers l’exemple de trois phénomènes d’expression citoyennes. Enfin nous essaierons de démontrer la perspective de réflexion novatrice que pourrait apporter la psychologie politique, en tant que grille de lecture différenciée et complémentaire.
1. La psychologie politique et les autres disciplines
La philosophie s’intéresse à la politique depuis la Grèce Antique. Les Grecs considéraient que la politique ne relevait pas seulement de l’action mais aussi du savoir. Les philosophes ont réfléchi au meilleur régime avec des approches différentes : Platon vise l’édification d’un idéal, Aristote manifeste un souci du réel avec une approche plus pragmatique. Au Moyen-Age, la réflexion sur la politique est absorbée par la théologie. A la Renaissance, c’est une révolution qui s’effectue, des penseurs tels que Machiavel affirment que la politique est indépendante de la morale et de la religion. La réflexion politique prend alors deux voies. La première se recentre sur les conditions de fonctionnement de la société, elle interroge des notions telles que celle de l’Etat ou l’Individu. C’est la voie idéaliste. La seconde interroge le réel, ce qui existe. C’est la voie réaliste qui introduit des catégories de la pensée moderne comme celle de la société civile.
La philosophie politique domine l’analyse jusqu’au milieu du XIXe siècle. Puis les courants théoriques du scientisme ou du positivisme marquent une nouvelle évolution. Ils proposent une réflexion principalement axée sur une analyse des faits, se déprenant de la philosophie jugée trop spéculative. C’est à cette période que la sociologie nait en tant que discipline universitaire. Issue de la psychologie sociale, elle s’intéresse à la régulation des phénomènes de société. Les pères fondateurs de l’approche sociologique, tels que Durkheim, Weber ou Marx, accordent une grande importance à l’historicité des faits sociaux. Ils voulaient comprendre la société en appliquant l’esprit scientifique à la connaissance de la société. L’objectif était donc une réflexion sur la société en elle-même et non la recherche du meilleur régime politique. La sociologie politique apparait dans les années 1950 lorsque des chercheurs de droit public investissent la méthode sociologique. Elle prend son envol dans le contexte intellectuel et politique de mai 1968. De cette démarche reste une forte prégnance de la sociologie sur la science politique, certains auteurs confondant sociologie politique et science politique.
De son côté, la psychologie politique est issue elle aussi de la tradition gréco-latine mais son histoire et son développement ne sont pas linéaires dans le temps. A la fin du XIXe siècle, des chercheurs français abordent dans leurs travaux les conséquences sociales et politiques de l’industrialisation. Ces recherches ont des thèmes divers tels que les foules, la violence ou les nationalismes. Après une période de latence, d’autres chercheurs comme Adorno ou Fromm, face à la montée du fascisme et de l’autoritarisme, utilisent cette orientation pour leurs recherches. Mais cela ne dure pas, en raison, pour Dorna (2006) de l’orientation des sciences humaines vers la recherche qualitative et la normalisation des sciences sociales, ce qui ne permettait pas la transversalité et l’interdisciplinarité nécessaire aux études de cette discipline. Le retour de la psychologie politique serait lié aux problématiques et aux crises traversées par la société moderne. Elle peine cependant à se définir comme discipline à part entière car elle ne présente pas de paradigme fédérateur.
Jean-Louis Marie (2005) interroge le sens des relations entre psychologie et politique à partir de deux points. Le premier concerne l’utilisation même de la psychologie pour l’analyse des objets politiques. Il questionne l’objectif de cette démarche : s’agit-il de l’utilisation d’outils des psychologies ou s’agit-il d’une politisation des objets psychologiques. Dans les deux cas, la possibilité d’un objet propre à la psychologie politique est évacuée.
Le second point qu’il aborde est celui de la multiplicité des psychologies utilisées ce qui le rend perplexe. De son analyse ressort le fait qu’il faut envisager l’utilisation de la psychologie en science politique lorsque certains ont une dimension psychologique comme les comportements. Ainsi certains travaux de science politique utilisent la psychologie en abordant leurs objets soit sous l’angle de l’influence sociale soit en abordant les hommes politiques sous l’angle de l’étude de la personnalité ou du leadership.
Stizensthul (2015) considère lui aussi l’utilité de la psychologie politique dans l’analyse de la politique étrangère du fait de la compréhension qu’elle donne de la personnalité, de la vision portée par un homme politique d’état et qui exerce une influence concrète sur les décisions politiques. La psychologie politique est donc référencée comme une branche de la science politique. Gouin (2018) parle d’une « science politique psychologique ».
Par ailleurs, elle entretient des liens avec d’autres disciplines de la psychologie. Elle tend à être confondue pour Moscovici ou Rouquette avec la psychologie sociale. Dans son article « la psychologie politique : un carrefour disciplinaire », Dorna énumère les différents axes de recherche explorés par la psychologie politique. On y retrouve notamment l’influence sociale, la leadership, l’étude de la personnalité. Il évoque le fait que « la question politique est posée en termes de structures sociales ». Il appuie ainsi l’apport de la psychologie sociale car cette discipline aborde les liens entre individu et société. Il aborde un peu plus loin l’apport de la psychologie cognitive grâce à l’étude des mécanismes et des processus à l’œuvre par exemple dans le phénomène de l’influence sociale. De fait, en considérant la psychologie politique par le prisme des différents apports dont elle bénéficie il est alors difficile de ne pas la considérer comme une discipline annexe ou une branche d’une autre discipline.
2. Les limites de modèles d’analyse sociologiques
Les nouvelles expressions citoyennes apparues depuis le début des années 2000 renvoient les analyses sociologiques classiques à leurs propres limites interprétatives comme nous allons le voir en prenant trois exemples de participation politique des citoyens. La participation politique peut prendre trois formes d’action : le vote, l’abstention et la manifestation. Chacune de ces actions est une expression citoyenne.
Tout d’abord, prenons un exemple de vote électoral. Le résultat du premier tour des élections présidentielles de 2002 a été un coup de tonnerre dans l’espace politique français. La presse étrangère a également très vivement réagi à ces résultats. The Daily Telegraph a rappelé que la France s’était permise d’appeler à des sanctions contre l’Autriche quand Jörg Haider était arrivé au second tour des élections nationales. Die Welt a utilisé des mots forts « (…) la France est une terre de symboles : c’est pourquoi la participation du leader de l’extrême droite du second tour des Présidentielles marque une césure historique. » Ce résultat ne s’étant pas concrétisé au second tour par une forte mobilisation du vote contre ce candidat, sa symbolique aurait pu être considérée comme un épiphénomène. Cependant force est de constater que le vote pour les extrêmes, sans nécessaire concrétisation d’accès au pouvoir présidentiel, reste présent au fil des élections comme une forme d’expression citoyenne forte et significative d’un message.
Ensuite, un deuxième phénomène est observable depuis la fin des années 1990. Il s’agit de l’affaiblissement de la participation électorale. Dans son étude, Muxel note que, paradoxalement, l’attachement des Français à la participation électorale. Pour 79% d’entre eux, celle-ci est le signe d’un bon dynamisme démocratique. Et pour autant, elle n’est pas toujours soutenue. Par exemple, l’abstention était estimée à 25,3% aux élections présidentielles de 2017, la plus forte abstention depuis 1969. Elle est de plus en plus considérée comme une réponse électorale à part entière par les citoyens à une offre politique qui ne les satisfait pas. Cette étude révèle également que les modèles sociologiques classiques, basés sur le rôle joué par le diplôme, le statut socio-économique et les conditions d’insertion sociale ne permettent pas de comprendre ce phénomène. L’abstention gagne l’ensemble du tissu social. Elle « s’inscrit dans une évolution plus globale de redéfinition d’un nouveau modèle de citoyenneté et d’expression démocratique. » (Muxel, 2008)
Enfin le troisième phénomène significatif est celui de la manifestation comme expression citoyenne au travers de l’exemple du mouvement dit des « Gilets Jaunes ». Ce mouvement social inédit et protéiforme a généré une réflexion transdisciplinaire. En sciences politiques, Paugam et Laferte (2018) l’ont analysé sous l’angle de la spatialité. Pour eux il doit se lire sous le prisme des classes sociales redéfinies par le territoire, le lieu de résidence étant devenu « une variable sociale décisive ». Spécialiste d’histoire visuelle, Gunthert (2019) l’aborde sous l’angle de l’accès à l’information comme élément constitutif de la construction de la pensée politique individuelle. Il souligne précisément que le mouvement des Gilets Jaunes dépasse les critères de classe sociale, d’âge et d’engagement politique. L’utilisation des nouvelles technologies et des nouveaux canaux de communication dont les réseaux sociaux a aidé à la constitution et à la mobilisation du mouvement. L’utilisation des vidéos filmées par les protagonistes du mouvements, diffusées sur les réseaux sociaux démontre la « volonté du grand public de construire sa propre vision des évènements à travers une activité collective ». Il compare les réseaux sociaux à une agora moderne et grâce à ce canal médiatique, se distinguant des médias classiques, chacun peut construire sa vision, son analyse de l’information en s’écartant des références dites classiques.
Ces trois phénomènes d’expression citoyenne symbolisent la recherche de participation plus active à la vie politique des citoyens indépendamment des cadres classiques tel que celui des partis politiques. Or, d’une part, il apparait que les modèles classiques d’analyse sociologique semblent limités dans leur possibilité d’interprétation. D’autre part, la construction et l’évolution de ces phénomènes semblent aussi liées aux nouvelles formes de diffusion de l’information qui impactent la réflexion du citoyen. Les progrès technologiques ont permis au fil des siècles son expansion et la création d’internet et des réseaux sociaux depuis le début des années 2000 a généré une mutation plus importante, encore en multipliant les sources d’informations et en permettant de s’affranchir des « experts », de « ceux qui détiennent le savoir ».
3. la perspective de réflexion novatrice
C’est à cet endroit que la psychologie politique peut proposer de nouvelles perspectives d’analyse de cette évolution et de ces phénomènes en abordant la singularité du citoyen. Dorna affirme que la notion centrale de la psychologie politique est le citoyen. Effectivement la connaissance des mécanismes cognitifs tels que le traitement de l’information peut amener à anticiper des comportements politiques de type vote électoral. Mais si les apports de la psychologie cognitive sont indéniables pour la compréhension des comportements humains, par cette définition de l’objectif de la psychologie politique nait à nouveau une confusion dans ce qu’est la psychologie politique qui peut alors être confondue avec une psychologie cognitives appliquée à la politique.
Rouquette (1988), quant à lui, décrit le citoyen comme un « théoricien politique [qui]se forme une image du passé, interprète ce qui lui offre le présent et se projette plus ou moins dans l’avenir ». Il précise également que « le citoyen isolé n’existe pas, non plus que le vide social, mais chaque citoyen traite, à sa manière et depuis le contexte qu’il investit l’information qui lui parvient. » Dans cette définition Rouquette évoque deux éléments importants : l’accès à l’information et la singularité du positionnement politique du citoyen.
Concernant l’accès à l’information, Gunthert dans son analyse du mouvement des Gilets Jaunes, évoque le fait que l’utilisation des réseaux de communication, a permis la création d’un agora moderne. La pensée politique s’individualise de plus en plus. Ce monde en réseaux multiples permet l’essor de la socialité, de la communicabilité et amène à la multiplication d’un mode d’échange rare jusqu’à présent. Guillaume (1998) qualifie ce monde de « monde spectral ». La spectralité n’est ni la destruction du sujet ni sa disparition mais sa dispersion qui ouvre à l’expérience de la diversité des « autrui » et à l’expérience de la diversité de ses composantes internes. Les réseaux sociaux permettent des échanges d’informations, des espaces de discussion entre personnes qui ne se seraient peut-être jamais rencontrées. Cette expérience de la diversité renvoie chacun à sa propre place dans le monde, à l’altérité et de fait à sa propre identité. La vision du monde développé par le sujet citoyen intègre ces éléments auxquels il n’avait pas accès jusque-là. Cette expérience de la diversité renvoie à la question de sa place dans le monde, de son rapport au monde et de sa définition identitaire y compris dans son aspect géographique, territorial, citoyen.
L’idée de l’influence du rapport au monde dans les choix de politique étrangère d’une personnalité politique évoquée par Sitzensthul comme un objet d’étude de la psychologie politique mérite d’être abordée, à notre sens, chez le sujet citoyen. La psychologie politique est une psychologie qui met le sujet en posture de citoyen au centre de sa réflexion. Il s’agit donc d’effectuer un décentrement disciplinaire du prisme sociologique au prisme de l’intrapsychique, au prisme du sujet. L’anthropologie a effectué ce décentrement en s’appropriant la notion de sujet car cette notion « permet de dépasser les sens clivés qu’on attribue aux notions de personne et d’individu tout en s’y adossant ».
Ainsi, la conception de l’identité a évolué, d’une conception où primait la cohérence, l’unité et la continuité, nous abordons à présent l’identité comme se définissant en réseau, dynamique, sans cesse en évolution et en involution. Le sujet réagit à la logique de la société dans laquelle il vit grâce à des réorganisations identitaires. Il s’agit donc bien pour la psychologie politique de s’intéresser au sujet citoyen en situation.
Il s’agit bien sûr aussi de circonscrire la notion même de ce sujet de la psychologie politique. Le terme de citoyen est à priori simple d’accès mais la notion de citoyenneté est une notion complexe. En France la citoyenneté se distingue de la nationalité alors même qu’elles sont intrinsèquement liées. Oblet (1998) rappelle que « la citoyenneté exprime une appartenance politique qui n’impose en soi ni pratiques culturelles ni modèle d’organisation mais une exigence de solidarité et donc également de communication entre les concitoyens. » La nationalité possède deux dimensions : une politique et une culturelle. La première donne un statut juridique en cela qu’elle définit les droits et les devoirs dus aux autres membres de la société. Ce statut rattache la personne à un espace territorial donné et défini (Canivez, 1995). Cependant seule la personne détermine la nature et les caractéristiques de ce lien, signifiant ainsi la place qu’elle occupe dans la société. La subjectivité de ce lien apparait plus fortement lorsque des bouleversements contextuels d’ordre historique, social apparaissent, interrogeant le sentiment d’appartenance. Sayad (1991) souligne cette subjectivité présente dans l’acquisition de la nationalité par naturalisation « c’est tout le vocabulaire de l’honneur utilisant des termes de dignité, de privilège, de mérite, d’obligeance et d’obligation (…) qui se retrouve constamment et abondamment cité dans tout ce qui est dit de la nationalité et de la naturalisation. » La naturalisation révèle la symbolique de la nationalité. Cette subjectivité teinte le rapport à l’appartenance nationale de chaque citoyen, elle s’élabore par le mode d’acquisition de la nationalité mais aussi par le rapport que le sujet citoyen entretient avec celle-ci. Or, lorsque le citoyen décide d’agir, que ce soit par son choix électoral ou en allant manifester, ce rapport singulier à son espace de vie joue un rôle dans sa posture.
La société française est traversée par des problématiques identitaires fortes. Les positions extrémistes y trouvent résonance car elles traitent de ces questions et semblent donner le sentiment à certains citoyens d’être enfin reconnus de manière singulière. Cela ne veut pas pour autant dire que les propositions politiques qui y sont rattachées, le projet de vie qui y est associé correspondent pleinement à leurs aspirations. Cependant l’aspect identitaire ne peut pas être négligé. Ces problématiques nécessitent une approche nouvelle qui s’intéresse au plus près de ceux qui la composent, qui la fondent, qui y vivent, une approche qui se recentre sur la composante initiale d’une société, le citoyen et de ce qui l’anime et de ce à quoi il aspire. Il s’agit donc bien pour la psychologie politique de s’intéresser au sujet citoyen, qui évolue dans une autre temporalité et une autre historicité que celles qui composent les institutions et les hommes politiques qui la dirigent.
Bibliographie
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Camilleri, C., Kastersztein, J., Lipiansky, E-M. (2002). Stratégies identitaires. Paris : PUF, 4è édition
Courrier International (2002). Le Pen et les droites extrêmes en Occident : malaise dans la civilisation. N°599, p15-29
Dorna, A. (1998). Fondements de la psychologie politique. Paris : PUF
Dorna, A. (1989). La psychologie politique : un carrefour disciplinaire. CNRS Editions, « Hermès, la Revue ». 1989/2 n°5-6, p. 181 à 199
Dorna, A. (2006). Citoyenneté : l’enjeu démocratique. Les Cahiers de psychologie politique, n°9
Gouin, R. (2018). Psychologie politique : (encore) une exception française !. The Conversation
Gunthert, A. (2019). Gilets Jaunes : un mouvement qui s’écrit en vidéo. Médiapart, 17/01/2019
Guillaume (1998) in Gabilliet, Ph. (1999). Savoir anticiper les outils pour maitriser son futur. Issy-Les-Moulineaux : ESF
Marie, J-L. (2005). L’ouverture croissante de la science politique à la psychologie sociale. CNRS Editions, « Hermès, la Revue », 2005/1 n°41, p.141 à 149
Muxel, A. (2008). Abstention : défaillance citoyenne ou expression démocratique ? Cahiers du Conseil Constitutionnel n°23, Dossier : la citoyenneté, février 2008
Oblet, Th. (1998). La portée symbolique du droit de vote des étrangers aux élections locales. Hommes et Migrations, « Vers une politique migratoire européenne », n°1216, p.108
Paugam,S., Laferté, G. (2018). Après les gilets jaunes, repenser les classes sociales. Libération, Tribune du 20/12/2018
Rouquette, M-L. (1988). La psychologie politique. Paris : PUF
Sayad, A. (1991). L’immigration ou les paradoxes de l’altérité. De Boeck Université
Sitzensthul, C. (2015).Redécouvrir l’individu dans la prise de décision : de l’utilité de la psychologie politique dans l’analyse de la politique étrangère. Congrès AFSP, Aix 2015