N°43 / Identités et Appartenances, - Juillet 2023

Le primat de la croyance dans le leadership personnel ou groupal source du conformisme social

Pierre-Antoine Pontoizeau

Résumé

L’exercice du leadership est toujours un acte politique car il cherche à influencer autrui. Nous voulons ici faire l’hypothèse qu’il y aurait, à la source de ces leaderships, le rôle de la confiance et de la croyance, du fait de cette dépendance à l’information relayée par autrui, sans contrôle possible par soi-même le plus souvent. Il y a aussi cette croyance en soi ou à sa cause révélant la nature intrinsèquement prosélyte du leadership, comme si vivre consistait à croitre pour soi, mais par contagion, à diffuser autour de soi son credo de soi, même chez le chercheur. Et les groupes, au-delà des relations interpersonnelles, décupleraient ce même stratagème de la diffusion du soi-groupal par militantisme, enseignement, mission mais aussi négativement par conflit, assujettissement, alinéation, soumission, voire plus radicalement persécution et extermination.

Nous voudrions vérifier ce qui ressort de la croyance dans la création du conformisme social émanant du leader ou du groupe. Il nous faudra repérer les stratagèmes du faire croire d’où ce terme souvent usité dans les travaux sur l’influence sociale : la conversion, mot au combien connoté de sa charge religieuse. Le leader serait l’acteur de la conversion et le porteur ou médiateur d’une croyance. Et cette conversion serait le signe d’une attirance comme d’une aspiration à la tranquillité dans le groupe constitué dans ses rites : ses croyances communes instituées.

 

 

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Le primat de la croyance dans le leadership personnel ou groupal source du conformisme social

 

Introduction

Nous concluions notre article sur le leadership chez Kurt Lewin en notant l’importance de deux phénomènes sous-jacents à l’exercice du leadership : exercer une influence sur autrui et l’amener à la conformité sociale dont le leader est le modèle. De très nombreux aspects sont alors à prendre en compte pour comprendre comment s’exerce ce leadership et sur quoi il prend appui :

1) ceux de la psychologie : suggestion, obéissance, estime de soi, reconnaissance et souffrance ;

2) ceux de la sociologie : normes, stéréotypes, influence et conformisme, dépendance et dissidence :

3) ceux plus épistémologiques et cognitifs du rapport au réel et à l’expérience fait de confiance et de croyance qui renvoient à la construction de sa conviction, par l’accès à la connaissance ou à l’information, le plus souvent intermédiées par un tiers.

Nous pourrions aussi mentionner l’économie, voire la science politique et l’étude des intérêts à agir qui font de certaines institutions et de leur leader les acteurs d’un jeu d’influence que nous avons, pour partie décrit, dans notre précédent article : le temps des illusionnistes 1 : les subversions institutionnelles [1].

L’exercice du leadership est toujours un acte politique car il cherche à influencer autrui. Nous voulons ici faire l’hypothèse qu’il y aurait, à la source de ces leaderships, le rôle de la confiance et de la croyance [2], du fait de cette dépendance à l’information relayée par autrui, sans contrôle possible par soi-même le plus souvent. Il y a aussi cette croyance en soi ou à sa cause révélant la nature intrinsèquement prosélyte du leadership, comme si vivre consistait à croitre pour soi, mais par contagion, à diffuser autour de soi son credo de soi, même chez le chercheur. Et les groupes, au-delà des relations interpersonnelles, décupleraient ce même stratagème de la diffusion du soi-groupal par militantisme, enseignement, mission mais aussi négativement par conflit, assujettissement, alinéation, soumission, voire plus radicalement persécution et extermination.

Nous voudrions vérifier ce qui ressort de la croyance [3] dans la création du conformisme social émanant du leader ou du groupe. Il nous faudra repérer les stratagèmes du faire croire d’où ce terme souvent usité dans les travaux sur l’influence sociale : la conversion, mot au combien connoté de sa charge religieuse. Le leader serait l’acteur de la conversion et le porteur ou médiateur d’une croyance. Et cette conversion serait le signe d’une attirance comme d’une aspiration à la tranquillité dans le groupe constitué dans ses rites : ses croyances communes instituées.

1. Ce que nous disent les recherches en psychologie

Plusieurs aspects sont à prendre en compte dans cette relation, selon qu’on soit dans la position d’exercer ce leadership ou dans celle d’y répondre. Nous examinerons pour ces deux positions, ce qu’il en est de (1.1.) la suggestion et la suggestibilité, de (1.2.) l’obéissance, de (1.3.) l’estime de soi, de (1.4.) la reconnaissance, et de ce qui peut advenir dans une relation conduisant à (1.5.) la souffrance. Nou avons bien ici l’objectif de repérer ce qui ressort d’une croyance : croyance en des idéaux, croyance en l’autre, croyance en soi, etc., c’est-à-dire des déclinaisons de cette confiance croyante (avoir foi en, se fier à, ...) [4].

1.1. La suggestion

On doit au psychologue français Alfred Binet [5] les premiers travaux à ce sujet, dont Germaine de Montmollin résume bien le couple conceptuel qui émerge à cette époque entre suggestion et suggestibilité, l’intérêt se portant sur les conditions psychologiques de la suggestibilité :

« Le terme de suggestion, proposé en 1866 par Liébeault, sert à désigner une classe de phénomènes qui sont caractérisés par le fait que la conduite d'un individu est identique à ce qu'une autre personne veut qu'elle soit, la volonté de cette dernière s'exprimant verbalement par des ordres directs ou indirects, ce qui suppose, chez l'individu cible, une limitation du champ de l'attention ou de la conscience, une occultation des facultés critiques :l'idée est implantée dans l'esprit vide du sujet et la conduite évoquée se manifeste automatiquement. Sur ce point, il y a recouvrement, au XIXe siècle, entre suggestion et imitation. La notion de suggestion suppose également un certain rapport entre suggestionneur et suggestionné, du type dominance-soumission » (1977, 15)

Il faut bien un suggestionneur pour qu’il y ait un suggestionné. Nous sommes donc d’emblée dans l’entre-deux de la psychologie et de la sociologie comme le rappelle à juste titre Solomon Asch :

« la suggestion présuppose une relation sociale préétablie avec la personne qui prend l'initiative. Cette relation est une relation de confiance, le sujet se place lui-même dans les mains de l'expérimentateur dont il ne questionne pas la compétence et les intentions. Et même plus, il y a une relation de coopération avant n'importe quelle suggestion, le sujet a accepté de suivre les instructions. » (1952, 411)

Cette description montre bien la dimension sociale de la suggestion et l’existence de représentations sociales antérieurement fixées où s’insinue la confiance réciproque dans la relation, soit cette croyance en l’autre dans la situation que nous voulons examiner ici. Et, très loin de simplifier la psychologie de celui qui subit la suggestion à un automatisme de la personne hypnotisée par exemple, qu’on retrouve aussi chez Milgram dans sa notion d’état agentique passif, la suggestion décrite par Binet interroge ses conditions d’influence, soit la psychologie de celui qui accepte la suggestion. En ce sens, Binet est plus ouvert à cet examen psychologique que le sera Milgram plus tard, en se référant à des études menées par lui-même et son collègue Henri, il précise alors des catégories :

« On peut diviser les élèves en trois catégories :  1° ceux qui exercent une suggestion ; 2° ceux qui la subissent ; 3° ceux qui se tiennent à l'écart et n'exerçant pas la suggestion et ne la subissant pas. » (1898, 84)

L’examen des conditions d’acceptation de la suggestion renvoie aux conditions de l’obéissance, à l’estime de soi qui s’ensuit du fait du regard de l’autre en termes d’assentiment et de reconnaissance qui la renforcent ou non. Binet mesure bien l’alternative obligeant à rendre compte d’une influence qui obtient la conformité à l’attendu de celui qui exerce la suggestion ou le risque de non-conformité qui se traduira par la désobéissance, la résistance et la dissidence. Binet fait justement ce lien :

« Les suggestions d'actes ; ces dernières sont toujours difficiles à réaliser, car elles impliquent d'une part commandement et d'autre part obéissance, et il est bien vrai qu'un ordre donné sur un ton autoritaire a quelque chose d'offensant qui excite un sujet à la résistance. » (1898, 92)

Les termes de l’influence du leader, pour obtenir la conformité à ses attendus, sont bien posés par sa mesure des risques de l’excès d’autorité. Notons que sur cette question, les glissements sémantiques opérés par les chercheurs eux-mêmes, selon les époques, témoignent bien d’une ambiguïté des sources identifiées pour expliquer cette relation d’influence sociale. En effet, comme le souligne très bien Stéphane Laurens et ses collègues dans leur article [6] : 

« … la possession ne résiste pas à la laïcisation de la société et laisse place au magnétisme ; le magnétisme discrédité changera de nom pour devenir somnambulisme, ce dernier disqualifié réapparaîtra rebaptisé en hypnotisme pour faire science au 19e ; l'hypnose qui après avoir été adorée sera délaissée puis remplacée par la suggestion au début du 20e et finalement la suggestion sera elle-même remplacée par l'influence. » (2018, 30).

Ils décrivent l’histoire des générations successives de médecins et de psychologues, étudiant des phénomènes assez semblables, mais cherchant les causes dans des domaines très différents. Cela manifeste l’influence du contexte religieux et philosophiques de chacune de ces époques sur les auteurs, tant dans la représentation que dans ses possibles causalités. Le conformisme du temps pèserait aussi sur les hommes de science. C’est bien la raison de notre investigation sur la croyance aux sources du leadership et du conformisme qui s’ensuit. Elle était là dans les recherches, prenant la forme de l’inspiration religieuse, de phénomènes physiques mais aussi paranormaux avant d’en rester à des interactions sociales plus récemment. Mais elle paraît inhérente à cette croyance du temps chez les scientifiques eux-mêmes selon leur cadre de pensée ou épistémologie. Leur croyance opère sous la forme de la suggestion à autrui et de la suggestion du temps sur leur « représentations scientifiques ».

1.2. L’obéissance

Celle-ci mérite une prise de distance historique sur les psychologues eux-mêmes pour comprendre que notre conception de l’obéissance charrie les croyances fondamentales d’une période. En effet, Binet relate des expériences qui témoignent de l’importance de l’obéissance, comme étant le signe manifeste de la capacité d’apprentissage de l’enfant. Son obéissance le rend réceptif aux suggestions et il apprendra pour se conformer à ce que l’on attend de lui, en retour, dans la restitution de l’appris, par la maîtrise d’exercices qui en témoigneront. Lorsqu’il relate une expérience, préfiguratrice de celle de Asch sur la reconnaissance d’une ligne de quatre centimètres, l’enfant la recherche parmi plusieurs par comparaison ou par mémoire, puis le maître l’interroge en insinuant un doute : « En êtes-vous bien sûr ? N’est-ce pas la ligne d’à côté ? ». L’enseignement est édifiant :

« Les enfants qui se sont trompés une première fois font en général une désignation plus exacte grâce à la suggestion ; ainsi, si l'on compte ceux dont la seconde désignation se rapproche plus du modèle que la première on en trouve 81%, tandis que ceux qui s'en éloignent davantage forment une petite minorité de 19%. Quant aux enfants qui ont vu juste la première fois, ils sont remarquables par la fermeté avec laquelle ils résistent à la suggestion, qui, dans leur cas, est perturbatrice ; 56% seulement abandonnent leur première option tandis que dans le cas d'une réponse inexacte, il y en a 72% qui changent de désignation. » (1898, 96)

Mais, à cette époque, l’obéissance est corrélée à l’intelligence de l’enfant. Il comprend le contexte et les bienfaits de son obéissance. Ceci conduit à considérer l’enfant désobéissant comme un asocial, un malade. Les propos de Philippe Tissié [7] rapporté par Binet, qui en ajoute en ce sens, sont durs, pour ne pas dire violents :

« Les rétifs, quatrième catégorie, que Tissié ne donne pas, mais que les instituteurs m’ont indiquée, car elle existe dans les écoles, et elle n'est point aimée des maîtres ; ce sont des ultra-volontaires, des indisciplinés ; probablement cette catégorie est formée pour une bonne part de nerveux et de dégénérés. Un auteur italien, Vitali, assure que les incorrigibles des écoles présentent un plus grand nombre de stigmates physiques de dégénérescence que les élèves normaux. » (1898, 85)

Binet rajoute ici une catégorie aux passifs de Tissié. Et rendant compte des travaux de Bolton, il décrit les contrariants en ses termes :

« C'est l'espèce détestable, le désespoir des expérimentateurs. Ce sont des gens qui poussent l'esprit de contradiction jusqu'à la mauvaise foi ; ils critiquent tout, le but de l'expérience, les conditions où l'on opère ; ils sont subtils ; ils refusent de donner leur opinion, tant qu'ils ne connaissent pas celle des autres sujets ou celle de l'expérimentateur ; dès qu'ils la connaissent, ils s'empressent d'en prendre le contre-pied, avec un grand entrain d ergotage. Si on ne livra nos critiques aucune opinion, ils refusent de dire la leur et se renferment dans un silence dédaigneux. » (1898, 85)

Ces auteurs expriment leur aversion à la désobéissance. Asch et Milgram glisseront ensuite de l’étude de l’obéissance à celle du conformisme et de la soumission à l’autorité, testant les limites de l’obéissance en soumission aveugle. Sous l’influence de la psychologie de l’éducation, dont l’œuvre de Piaget [8], d’autres véhiculeront plus un rejet de l’obéissance, la comprenant comme le premier signe d’une inintelligence critique. Le développement de l’enfant se jouera en dehors de l’obéissance. Les psychologues ont ici des points de vue très opposés sur l’obéissance, d’abord signe de l’intelligence et de l’éveil de l’enfant au début du 20e siècle, puis signe de la passivité, et d’une servilité troublante au milieu du siècle que les régimes totalitaires ont mis en œuvre, et aussi contestée jusque dans ses fondements pour préférer la liberté, avant de devenir une obéissance plus raisonnée au début du 21e siècle chez quelques auteurs.

Or, l’obéissance, soit la suggestibilité librement consentie exige une participation bien plus qu’une passivité. En effet, ne désigne-t-elle pas l’acceptation du suivi d’une instruction par un tiers ? Elle est une relation entre le suggestionneur et le suggestionné. Dans un cas, le leader souhaite dominer pour asservir jusqu’à obtenir le conformisme total attendu, soit le prolongement de soi par la totale imitation passive ou son instrumentalisation. Dans un autre sas, le leader-suggestionneur peut contribuer à une relation moins asymétrique, faisant de l’obéissance le véhicule d’une intelligence réciproque. L’enfant accepte de faire confiance : il a foi en son maître ou ses parents, s’en remettant à l’autre pour apprendre, sans pour autant se soumettre sans discernement. Cette participation active fait de l’exercice de l’autorité et de l’obéissance un couple où l’influence s’exerce dans les limites du respect de la personne suggestionnée. Cette obéissance intelligente [9] signifie que la relation se fonde sur un dialogue et sur une complicité sans mot, soit cette confiance réciproque : je crois en toi, tu crois en moi [10].

Cette obéissance intelligente vise l’émancipation progressive de l’enfant, par l’apprentissage libérateur qui se traduit par des autonomies croissantes, jusqu’à son indépendance s’exprimant par autant de transgressions relativement aux conditions de l’obéissance initiale. Et du côté du suggestionneur, cela signifie qu’il a la capacité de discerner entre l’excès d’autorité, la fabrication de la soumission qui induira la passivité ou le respect mutuel dans le but de cette libération de son autorité toute transitoire. Ce rapport à l’autorité concerne les deux parties, ce qui signifie que l’obéissance fabrique des autorisations, elle négocie les conventions d’obéissance et d’indépendance. A travers elle, se joue alors l’estime de soi, tant du suggestionneur-leader que du suggestionné. L’obéissance serait ici évolutive.

1.3. L’estime de soi

Cette relation d’obéissance plus ou moins dominatrice ou émancipatrice suppose pour les deux acteurs de croire en soi, de s’aimer soi-même, d’avoir cette confiance, tant pour désirer exercer son leadership sur l’enfant ou autrui que pour l’enfant ou autrui d’accepter de suivre en confiance, avec l’estime de soi qui revient au sentiment de se grandir soi-même en suivant l’autre, ce que nous dénommons ici complicité.

Ainsi, cette perception de sa propre valeur appartient bien à la psychologie comme à la sociologie, raison pour laquelle nous nous attarderons aux stéréotypes, qui joueront autant pour le suggestionneur que pour le suggestionné. Les psychologues de la génération de Binet pointent ce défaut de confiance en soi lié à ce degré d’estime de soi. Même si c’est une affaire de psychologie parce qu’elle revêt des aspects comportementaux, cognitifs et émotionnels, ce regard porté sur soi dépend bien du regard d’autres, ou du moins du regard que l’on va prêter aux autres à propos de ce que l’on est ou de ce que l’on a fait. Lorsque l’on examine les traits de l’estime de soi chez l’enfant [11], les dimensions mentionnées par le psychiatre renvoient toute à une évaluation de soi qui inclut nécessairement une dimension sociale lié à l’appréciation des autres et à une connaissance des critères et stéréotypes vers lesquels il faut tendre ; et qui agissent comme autant de facteurs d’une conformité à la norme ; soit être avec et comme les autres, être un semblable pour appartenir au groupe dont l’enfant tire alors son estime de soi. Quand André mentionne l’aspect physique, il l’associe tout de suite à la question du plaire aux autres, soit de potentiels stéréotypes. Pour la réussite scolaire, il interroge la question du bon élève. Pour les performances athlétiques, il renvoie à la force, la vitesse, le talent. Pour la conformité comportementale elle inclut la question de l’appréciation des adultes en dehors du cercle familial et pour la popularité il s’agit de la reconnaissance, voire de l’amour des autres pour soi.

L’estime de soi prolongent l’obéissance, parce qu’il s’agit de faire bien, de plaire, d’obtenir le bon résultat, de s’aimer parce que l’on se sait aimé. Ici, le conformisme serait presqu’une affaire de santé mentale, pour se sentir bien par soi-même, au milieu d’autres. La comparaison sociale suppose l’exercice d’évaluation de soi qui renforce ou affaiblit cette estime de soi bien dépendante d’autres. A ce titre, la définition de Martine Bouvard montre les liens entre estime et croyances [12] :

« Il peut se définir comme l’appréciation positive ou négative de l’individu sur lui-même issue du système de valeurs personnelles ou imposée par l’extérieur. Ainsi, les perceptions, idées et croyances que l’on a sur soi participeraient à l’estime de soi. » (1999, 165).

L’estime de soi, dont nous verrons que négativement elle conduira à des reconstructions dans la dissidence revendiquée, serait le résultat d’une quête d’identité et d’appartenance, parce que le reflet proposé par les autres contribuerait à exister positivement au milieu du groupe familial, scolaire puis associatif, sportif ou professionnel. C’est en ces termes que Khamzina [13] explique le conformisme qui se nourrit bien de ce que nous venons d’exposer :

« Les êtres humains sont systématiquement motivés pour partager leurs états mentaux internes ainsi que pour comprendre ceux des autres. De plus, les individus perçoivent leurs opinions ou attitudes comme étant valides une fois qu'elles sont partagées par d'autres individus. La congruence entre l'état mental d'un individu et celui d'autrui est une source d'auto-validation pour le premier en lui indiquant que son attitude est socialement correcte et appropriée. » (2019, 39)

De même, cela se traduit dans les expériences de Asch, qui conduisent à la recherche de l’assentiment d’autres par imitation, afin d’éviter toute dissonance, inconfort ou conflit. A propos du sujet naïf de l’expérience de Asch, Maryla Zalenska [14] explique que :

« leurs comportements nous semblent dus, en grande partie, à la faible probabilité qu'ils attribuent à une convergence des erreurs. Ainsi confronté à un groupe unanime, l'individu est-il susceptible, selon nous, de douter tout d'abord de sa propre réponse. » (1974, 533)

Cette estime de soi dépend bien de la reconnaissance d’autrui qui affecte positivement ou non la personne, ce qui laisse présager que le conformisme se joue aussi dans cette recherche de la reconnaissance qui vient soutenir son estime de soi [15].

1.4. La reconnaissance

Le leader obtient la conformité à ce qu’il prescrit parce que le suggestionné sait qu’il obtiendra une contrepartie sous forme de reconnaissance, utile à son estime de soi. Sans même évoquer toute sorte de transactions intéressées ou symboliques, le suggestionné espère et croit en cette reconnaissance, cette valorisation étant la récompense qui sera le signe d’une réussite conforme à l’attente de l’autre. Là encore, cette relation est double car le suggestionné reconnaît le leader et son autorité pour faire comme il demande en croyant bien faire et en espérant être reconnu. De même, le leader reconnaît le suggestionné parce qu’il se reconnaît dans sa capacité à faire à l’instar de son enseignement dont l’imitation signe la reconnaissance de son enseignement. A cet égard, le discrédit de Binet à l’encontre des enfants indisciplinés peut aussi se comprendre comme une blessure morale [16] imposée par l’enfant au leader dont l’autorité ou l’enseignement ne sont pas reconnues. Ce défaut de reconnaissance est perçu comme une désobéissance. Le maître y oppose sa révolte, réciproque de la désobéissance de l’enfant, en dévaluant brutalement les enfants, sans aucune autocritique de son culte de l’obéissance. Nous verrons plus tard que ce schéma vaut pour le leader comme pour le suggestionné dans une dissidence, voire un rejet mutuel par l’exclusion de l’autre.

C’est l’intérêt des recherches de notre collègue Jeanine Mudryck-Cros [17] sur la reconnaissance et l’humiliation. En effet, l’échec de cette relation de croyance mutuelle tient autant au suggestionneur échouant à obtenir les signes d’assentiment et de conformité qu’il espère de son suggestionné qu’au suggestionné parfois blessé dans son amour propre par la manière dont s’exerce l’influence du leader à son endroit, soit l’excès d’autorité déjà repéré par Binet en son temps. L’absence de reconnaissance produit chez les deux cette blessure morale, cette vexation, jusqu’au sentiment d’humiliation incitant à la révolte contre l’autre. Et le leader n’échappe pas à cette relation, étant lui aussi blessé, déconsidéré, par l’insubordination des membres du groupe. Nous verrons plus tard que la dissidence concerne les deux : suggestionneur et suggestionné.

Cette reconnaissance mutuelle entre le leader et son élève est la première des dimensions sociales sur laquelle nous reviendrons dans la deuxième partie. La recherche de la reconnaissance est aussi celle du groupe conduisant à se conformer à ce qui semble ressortir des avis des autres membres, dont on recherche l’assentiment, soit cette forme de reconnaissance qui fait préserver la cohésion du groupe, par identité de vue et appartenance à ce corps social. La métaphore du corps social retiendra notre attention ultérieurement pour voir que se conformer aux autres est une manière de faire corps, pour préserver son inclusion sociale ; et ce, afin d’éviter la dissidence, la marginalisation, voire l’exclusion, source de mésestime de soi jusqu’à l’humiliation. Le poids du groupe sur la croyance commune se traduit dans la règle du plus grand nombre, comme le rappelle Zaleska dans ses travaux :

« La plupart des individus accordent d'autant plus de confiance aux affirmations de la majorité qu'elle est numériquement plus importante. Ainsi, la plupart, se déclarent plus convaincus par une majorité de 16 contre 12 ou de 8 contre 6. » (1974, 534)

La reconnaissance groupale pèse d’autant que le nombre constitue une menace potentielle à l’expression d’une opposition qui dépasse le cadre d’une relation interpersonnelle, s’agissant d’affronter le groupe. Alors, si l’humiliation pointe, si l’exclusion par le leader ou le groupe peut advenir, il est alors question de santé mentale et de souffrance psychique.

1.5. La souffrance

Le conformisme dans une relation à un leader ou au groupe tiendrait aussi de l’évitement de la souffrance par la recherche d’une bonne santé personnelle, en fait largement dépendante des interactions sociales. Suggérer, obéir, estimer ou s’estimer, reconnaître ou se reconnaître contribueraient à cette santé mentale, soit la tranquillité d’être parmi ses semblables, sans subir les aléas des dissonances cognitives qui préfigureraient des tensions, des conflits et des souffrances. Khamzina développe bien cet aspect, car elle aborde cette question de la souffrance, dès lors qu’il y a une suggestion douloureuse, une obéissance contraignante, une estime de soi abîmée et un défaut de consentement ou de reconnaissance. Le conformisme tient aussi de l’évitement de la souffrance par crainte du déchirement, de l’isolement ou de l’exclusion qui affectent la santé mentale de celui qui diverge de la conformité, voire qui choisit délibérément de s’y opposer. Il y a bien un coût psychique à la non-conformité. Khaminza note qu’il y a lacune, à ce jour, dans la recherche sur ce sujet :  

« Nous proposons donc de combler cette lacune et d'examiner la santé mentale en fonction du niveau de congruence (versus incongruence) entre ce que l'individu pense personnellement et ce qu'il perçoit comme étant une norme majoritaire sur une problématique sociale actuelle. » (2019, 38)

Si Festinger pointe les tensions psychologiques dans la dissonance cognitive dont chacun cherche à se libérer car elle induit une souffrance, Khaminza montre que la santé mentale est en cause quand il est question d’entrer en dissidence. Outre le problème de la justesse de sa perception relativement à celle du groupe étudié par Asch, les recherches de la psychologue insiste sur cette santé mentale [18]. Sa principale conclusion vient étayer ce procès que nous déroulons progressivement dans cette partie. La psychologue conclut :

« Une divergence importante entre soi et autrui tel que représentée par un décalage entre ses attitudes personnelles et celles des autres a donc un impact sur le bien-être psychologique des personnes pour qui l’interdépendance et l’harmonie avec les autres fait partie intégrante de la définition de soi. » (2019, 193) [19].

Dès lors que la relation au groupe ou au leader engendre une tension, celle-ci produit un désordre psychologique, voire sa somatisation. Cette conflictualité émergente induit une disharmonie en termes de confiance et d’estime, car il y a un hiatus entre soi et les autres.  Les communs font l’appartenance au groupe social mais leur absence conduit à un doute, voire une remis en cause du groupe ou de soi, soit l’amorce de la résistance et de la dissidence, par sa séparation qui abîme son identité et ses relations d’appartenance au groupe. Il est donc important d’avoir un regard sur les recherches en sociologie avec quelques autres dimensions, parce que le conformisme et l’influence du leader tiennent bien à l’édification d’une réalité partagée, dans ses pratiques, ses conventions, ses normes et représentations [20], d’où les deux parties suivantes, car il y a bien deux dimensions : sociale et épistémologique.

2. Ce que nous disent les recherches en sociologie

Plusieurs aspects sont à prendre en compte dans cette relation au leader ou au groupe, comme phénomène de leadership collectif. Nous examinerons ici successivement la part (2.1.) des normes et (2.2.) des stéréotypes, les phénomènes (2.3.) d’influence, (2.4.) de conformisme et (2.5.) de dépendance, sans oublier les réactions sociales (2.6.) du militant et du dissident, en cherchant encore la part de croyance.

2.1. Les normes

La première des normes est explicitée par Binet, faisant résumé de nombreuses études de lui-même et de ses collègues avec des élèves. Et l’enjeu de la croyance y apparait comme la première norme, celle de la confiance, sous la forme de la croyance en l’autre :

« Les élèves ne sont point habitués à des expériences de mensonge, et ils ne songent pas à se méfier de ce qu'on leur dit. C'est donc de la suggestion dans le sens de confiance plutôt que dans le sens d'obéissance. » (1898, 98)

Cette première norme sociale détermine en fait un rapport à l’instrument d’intermédiation par excellence : le langage, où le locuteur dit vrai sans aucune intention de mentir ou d’exercer une emprise. Les interlocuteurs ne se mentent pas. Ici, l’obéissance comme l’estime de soi dépendent de la permanence du respect de cette norme primordiale d’une relation fondée sur cette foi réciproque en l’autre : la confiance. Si les membres partagent ces normes, ils se conforment aux choix du groupe, ce que Khamzina décrit fort bien :

« Les perceptions intersubjectives ou les normes perçues étant partagées par tous les membres du groupe représentent des solutions conventionnelles afin de résoudre les problèmes de coordination sociale. Elles aident ainsi les individus à répondre aux contraintes de leur environnement. » (2019, 25-26)

Et, Khamzina souligne négativement l’émergence d’une contestation, si l’individu entrevoit le dévoiement de cette norme relativement à ses propres croyances, la norme renvoyant bien à ce qui en fonde l’autorité, soit croire en la valeur de la norme :

« Les individus percevant une forte base morale sous-jacente à leur attitude s'opposent plus facilement à la norme majoritaire. Il en découle que lorsque les valeurs personnelles ou la moralité sont en jeu les individus ne vont pas forcément se conformer à la norme. Bien au contraire, ils semblent avoir tendance à prôner leur propre norme en s'opposant à la norme prédominante. » (2019, 199)

Ainsi, dans un contexte social élargi aux groupes sociaux et politiques, ces différentes normes, subjectives, injonctives, prescriptives [21] agissent sur les membres qui s’y conforment plus ou moins. A cet égard, les expériences sur l’influence du groupe introduisent un « biais scientifique ». Les chercheurs dont Milgram mettent en scène la norme scientifique pour éprouver son autorité entrant en conflit avec les valeurs de chacun :engendrant un conflit des normes, un conflit des valeurs et un conflit de loyauté à l’une des autorités : c’est une partie du drame d’Antigone Ces chercheurs glissent une intention seconde, celle de l’expérience inconnue des membres vivant l’expérience, ce qui n’est pas la réalité du vécu quotidien, sauf dans les situations de manipulation ou d’initiation où le membre consent, mais méconnaît les conséquences de son obéissance. En cela, la norme du protocole expérimental teste bien plus l’autorité en laboratoire de « la science » comme instance symbolique normative soumettant les membres dans ce contexte très artificialisé, ce que Zaleska note bien, montrant que le chercheur, surtout Milgram, s’abstrait de sa norme, oubliant ce qui en fait un « stéréotype scientifique », comme source d’influence normative :

« L'expérience de Asch porterait sur la tentative d'introduction d'une norme nouvelle par un groupe minoritaire dans des conditions d'isolement social de l'individu, plutôt que sur le conformisme au sens habituel de ce terme. La situation des sujets « naïfs » au cours de cette expérience ne devrait pas alors être comparée à celle d'individus « déviants », confrontés à une norme dominante, mais plutôt à certaines situations où des individus isolés sont soumis à la pression de groupes dont les normes sont totalement différentes de celles de leur milieu habituel. » (1974, 532-533)

C’est en cela que les normes sociales expriment des stéréotypes, à commencer par celui de l’expérimentateur, tant mis en avant dans l’expérience de Milgram et dont l’influence est manifeste [22]. Croire en la norme est bien ici en jeu.

2.2. Les stéréotypes

Continuons sur les stéréotypes des hommes de science eux-mêmes. Revenons aux propos de Tissié et Bolton, rapportés par Binet, dans son célèbre article, qui ont tout du stéréotype. A l’époque de Binet, la culture de l’obéissance traduit, à leurs yeux, le consentement d’un enfant intelligent comprenant naturellement que le maître est là pour l’enseigner et qu’il peut avoir foi en lui pour l’élever et lui apprendre. Cette docilité est valorisée dans leur commentaire. A l’inverse, il est très intéressant de relire leur interprétation des comportements rebelles qui contestent en fait le leadership du savant et du maître qu’ils sont chacun d’eux. (cf. nos citations dans 1.2. obéissance (1898, 85). Cela témoigne d’un jugement, où le scientifique exclut tout décentrage quant aux stéréotypes et influences de sa croyance, exposé à une relation humaine déceptive, où l’insubordination vient interroger sa blessure morale d’être en échec dans l’exercice de son leadership de maître.

Tissié, Bolton et Binet, mais plus tard Milgram colportent ainsi les croyances scientifiques et celles d’une époque concernant les vertus intrinsèques d’une obéissance ou de sa négative. A cet égard, les stéréotypes d’une première époque s’appuient sur ceux d’une autre pour les dévoiler, voire les critiquer, au nom d’autres normes et icônes, même si ce jeu des analyses des stéréotypes prétend s’émanciper d’une époque, alors qu’elle reconstruit nécessairement négativement de nouveaux stéréotypes qui ne manqueront pas de subir, quelques temps après, le même sort que les précédents. Cette dialectique négative caractérise la généalogie des stéréotypes qui évoluent au fil des négations et dénégations, d’une génération à une autre dans une histoire sans fin des stéréotypes qui demeurent dans leur fonction de normes sociales quel qu’en soit le contenu. Et à l’intérieure d’une époque, les groupes se constituent autour de signes distinctifs. Ils sont accessibles, observables, identitaires. Françoise Bernard décrit bien l’effet de séparation induit par les stéréotypes, fussent-ils prétendument négatifs ou émancipateurs des précédents. L’effet clivant et exclusif est toujours-là avec une charge de rejet du groupe :

« Les stéréotypes sont le résultat de processus de catégorisation sociale qui conduisent à diviser l'espace social en deux groupes : l’endogroupe et l'exogroupe. Les chercheurs soulignent que trois facteurs sont essentiels : l'accessibilité cognitive (Blanz, 1999), la perception de similarité (Stangor et Ford, 1992), les attentes au sens où notre perception de la réalité s'organise selon ce qu'on attend à y observer. » (2015, 52)

Par ces stéréotypes, se joue bien une influence sociale par la pression du leader ou du groupe pesant sur les choix et attitudes individuelles. Comme il s’agit de se fier, de se confier à son groupe d’appartenance, le stéréotype agit bien comme un canon pour que chacun cherche à être comme son semblable. Le stéréotype incite à exhiber et manifester sa part de semblable poussant à l’imitation-reproduction des éléments de langage : codes vestimentaires, sémantiques, rhétoriques ; les gestes : signes et attitudes ritualisées qui témoignent d’une appartenance qui sont autant de mimétismes sociaux convenus et répétés. En cela, le stéréotype doit être désirable ou à l’inverse répulsif, selon qu’on veuille exclure des attitudes ou les promouvoir dans le groupe. Et le stéréotype est bien l’instrument de convergence sociale par l’influence qu’il exerce par attirance, répulsion, voire risque de sanction à y déroger.

2.3. L’influence

Celle-ci s’apprécie à l’aune du faire faire ou faire penser autrement qu’antérieurement par la personne influencée. La définition de Bernard est suffisante pour traduire ce consentement, parfois partiellement conscient et raisonné, de faire, non plus selon ses croyances, mais selon celles inculquer par d’autres :

« L’influence rend compte des processus ordinaires par lesquels un individu ou un groupe parvient à faire accepter des manières de faire, de ressentir et de penser qui font norme et qui agissent sur les attitudes et les comportements d'autres individus et groupes. » (2015, 47)

Mais attention à ne pas adopter une acception d’emblée négative où nous penserions à des situations de manipulations, visant à l’instrumentalisation d’autrui, lui extorquant des manières de faire qu’il aurait précédemment réprouvées. L’influence, sans doute par contagion de notions, comme le trafic d’influence, a trop vite cette connotation négative. Soulignons avec Asch que les relations sociales s’exercent dans un souci d’élargissement du champ des possibles et des complémentarités, où la coopération interpersonnelle s’appuie sur une confiance réciproque en vue d’un nouveau commun :

« Il est évident, mais nécessaire de dire, que nous ne sommes pas simplement victimes les uns des autres, que les autres peuvent nous aider à penser plus intelligemment et à ressentir davantage, qu'il existe des façons judicieuses de s'appuyer sur d'autres. » (1952, 411)

Or, bien loin de résulter d’une seule relation bilatérale entre le maître et l’élève, même si cette relation relève bien de l’influence, la classe est l’institution sociale où l’exercice de l’influence a très vite été construit comme le résultat d’une multitude de relations sociales entre pairs, soit la régulation du groupe à côté de l’autorité du maître. C’est le sens des propos de Montmollin qui sort l’influence de la relation interpersonnelle pour en faire un phénomène social :

« L'influence sociale cesse d'être considérée comme un phénomène de psychologie individuelle, pour être placée dans la perspective des interactions sociales. L'étude de Sherif (1935) montre que, lorsqu'un stimulus perceptif n'est pas objectivement structuré, les estimations individuelles d'un groupe de personnes convergent les unes vers les autres ; il se dégage peu à peu un cadre de référence commun, une « norme », qui assure aux jugements, en l’absence de coordonnées objectives, stabilité et structure. » (1977, 17)

Et dans ses travaux, cette dernière rappelle à juste titre une aspect précieux des influences sociales qu’il s’agira d’éclairer dans notre dernière partie consacrée à l’épistémologie. En effet, en reprenant les expériences antérieures de Morton Deutsch et Harold Benjamin Gérard de 1955, elle souligne l’importance de l’influence normative qui amène à se conformer aux attentes des autres dans le groupe et de l’influence informative qui amène à accepter l’information émanant d’autrui comme vraie, preuve de la réalité des faits mentionnés par le locuteur. C’est la confiance en l’autre qui me dit vrai car il me veut du bien : confiance et sincérité.

En cela, le phénomène d’influence renvoie aux raisons de se conformer à la convention sociale présente dans la norme explicite ou non comme à l’autorité du locuteur. Et ce conformisme fait immédiatement interroger les raisons de sa négative qui conduit à l’anti-conformisme où la personne déjoue l’influence pour ne pas se conformer à l’influence du groupe ou du locuteur.

2.4. Le conformisme

Dès l’expérience de Asch, la question est bien de dédire le groupe ou soi-même dans ses perceptions pour trancher la question du qui croire pour fonder sa réponse : se conformer à soi, se conformer au groupe. C’est croire sa perception ou croire par procuration comme le groupe, que son seul avis ne saurait contredire. Dans cette expérience très manichéenne dans le choix à effectuer, la personne renonce à croire pour croire plus en elle-même ou elle s’en remet au groupe. Précisons ici deux aspects du conformisme, son aspect social, construisant la conformité au sein du groupe et son aspect sentimental, pour ne pas dire de santé mentale comme Khamzina l’étudie.

Le conformisme social a fait l’objet d’expériences nombreuses très bien relatées par Montmollin en des termes très précis sur lesquels nous allons nous appuyer :

« R1 représente l'estimation initiale de l'individu, RA, la réponse des autres participants ; R2 (1), R2 (2), R2 (3), et représentent différentes réponses possibles après communication de RA. Non seulement les réponses R1, RA et R2 sont ordonnées, mais on peut, de plus, calculer la distance qui les sépare : ainsi, dans une tâche à réponses continues, on peut non seulement savoir si un sujet a changé, mais encore de combien il a changé et de combien il s'est rapproché ou éloigné de RA. R2 (1) et R2 (5) s'éloignent à la fois de la réponse initiale et de la réponse communiquée. R2(1) correspond à un effet inverse de la réponse communiquée quant à la direction du changement : elle représente soit une réponse anticonformiste, soit une simple variabilité intra-individuelle. R2 (2) représente une réponse indépendante (pas de changement de réponse) et R2 (4) une réponse conformiste. R2 (3) présente un exemple de réponse qui se situe entre R1 et RA, réponse de compromis qui converge vers RA. » (1977, 25)

Ces travaux attestent de ces phénomènes d’écoute en confiance qui conduisent à des glissements de position. Ils sont autant de conversions partielles par approbation et reconnaissance mutuelle. Ces consentements réciproques sont tout à la fois des renoncements à des positions initiales et des actes de foi et de reconnaissance d’autres positions où les participants fabriquent ensemble leur position collective. A cet égard le processus de création des normes obéit lui aussi à cette convention mutuelle d’une écoute loyale et honnête en confiance de chaque expert dans le but de créer la norme, par ces conversions partielles de bonne foi. Ces processus mettent en avant l’exposé des experts, réputés de bonne foi, la recherche du consensus et l’approbation [23].

« La convergence des estimations individuelles dans une marge commune entraîne une normalisation : les réponses extrêmes tendent à disparaître. Il, faut donc donner au terme de normalisation un sens statistique. Dans un article postérieur de 1961, Sherif s'est élevé contre l'analogie qui a été faite par beaucoup entre la « norme », c'est-à-dire la valeur autour de laquelle se groupent les réponses, et les « normes » sociales contraignantes et sanctionnées. » (1977, 27)

Le conformisme sentimental tient plus de la tranquillité, du désir d’être bien avec les autres, fuyant les potentielles divergences et conflictualités, préférant le consensus au sein du groupe pour ne pas introduire de dissonance. C’est le sens donné par Bernard à cette partie du conformisme :

« Dans les phénomènes de conformisme le besoin d'être accepté et le désir d'approbation sociale conduisent le sujet à repérer ce qui plaît dans un groupe et à adopter le point de vue de ceux qui font référence pour lui, c'est-à-dire qu'ils font en fait référence dans son groupe d'appartenance. » (2015, 49)

Il montre qu’il y a une dépendance au groupe ou au leader, parce que sa santé mentale est en jeu, avec une préservation de soi, du fait de la souffrance présente dans les dissensions, les dissonances et les désaccords.

2.5. La dépendance

Cette dimension de santé mentale permet de comprendre une part des raisons de la dépendance. A l’inverse, l’exclusion sociale trouble bien les comportements et elle perturbe la physiologie des personnes victimes de ces brimades sociales. En interrogeant de très nombreuses personnes sur les désagréments des tensions relationnelles ou des conflits, la première des réponses est toujours celle des troubles du sommeil, une perte de confiance en soi et une perturbation de l’humeur pouvant affecter l’appétit en plus du sommeil. Norbert Elias étudiant le réseau social explique qu’il s’agit en fait d’un réseau de dépendances comme le rappelle Bernard :

« Elias substitue la thèse de « l'homme ouvert » à partir du constat évident de l'état de dépendance physique et surtout affective de l'individu tout au long de son existence. Il invite à intégrer à la théorie sociologique, les interdépendances personnelles et surtout les liaisons émotionnelles des hommes comme facteur de liaison sociale. » (2015, 50)

La dépendance au groupe ou au leader traduit cette soumission par crainte de la souffrance psychique, parce que la personne recherche d’abord la reconnaissance, l’assentiment, l’affection qui viennent renforcer son estime de soi et son bien-être. A l’inverse, il y a une fuite de la réprobation sociale, de la réprimande personnelle, signes d’une désaffection jusqu’au désamour qui blesse la personne exposée à l’agressivité et au rejet jusqu’au conflit verbal et affectif. Et Khaminza rappelle justement la théorie de la spirale du silence :

« La théorie de la spirale du silence développer dans le domaine de la communication par Noelle-Neumann (1977) … postule que lorsque les individus pensent détenir une opinion minoritaire ils ne l'exprimeront pas par peur d'être rejeté de leur groupe. » (2019, 198)

Il y a donc un coût cognitif et affectif à la dissidence et au militantisme opposé à la règle sociale dominante du moment. Mais comment émerge cette marginalité difficile du fait d’une dissension souvent difficile à assumer, soit le divorce des croyances entre l’intime et le collectif, entre l’attirance pour un groupe en cours de construction dans ses croyances et ses pratiques au détriment du social institué ?

2.6. Le militant et le dissident

A ce sujet, indiquons ici deux aspects qui mériteront de futurs articles, celui de l’émergence de cette dissidence contre le leader ou le groupe constitué, celui de l’intérêt plus général des phénomènes d’interpellation du groupe ou du leader, remis en cause par une dissidence minoritaire. Dans son article de 2016 : Militantisme identitaire et double ignorance, David Vachon analyse avec subtilité ce qui met à l’épreuve le militant dissident des opinions dominantes :

« Le militant est doublement conformiste, car il ignore qu’il se conforme, croyant plutôt s’émanciper par son identification idéologique, alors qu’elle n’est qu’une forme plus raffinée, et plus profonde, de conformisme. » (2016, 54)

Son analyse introduit magistralement le propos de notre dernière partie sur la dimension épistémologique des croyances qui font le leadership et l’influence sociale du groupe sur chacun. Au lieu de lire la dissidence du militant au regard de son opposition à la majorité installée, Vachon décrypte, selon nous, avec justesse, les mécanismes de construction de nouveaux stéréotypes et normes qui aspirent à se substituer aux précédents. Mais rien ne diverge en fait dans les jeux psychologiques et sociaux qui sont à l’œuvre :

« Le mécanisme de soumission conformiste du militantisme opère principalement à travers ce que nous nommons la pathologie caractérielle d'identification instrumentale. […] Ainsi, c'est la finalité elle-même qui se voit transformée, ne relevant plus de l'analyse du réel, mais simplement d'une consolidation identitaire. Autrement dit, loin d'assurer l'émancipation du sujet, le militantisme sape les fondements d'une analyse objective du monde, condition effective d'une émancipation réelle par la connaissance, au profit d'un emprisonnement symbolique et codifié du sujet dans la double ignorance du conformisme militant dont le relativisme épistémique en représente l'achèvement heuristique nécessaire. » (2016, 54)

Et ce qui nous intéresse ici, c’est la part de croyance qui vient soutenir l’effort de dissidence. Elle se fait au prix d’un divorce consommé avec la tranquillité sociale d’une soumission librement consentie bien décrite en son temps par Joule et Beauvois. Vachon dévoile bien le pouvoir des contre-valeurs et croyances constituées en idéologie qui viennent motiver les dissidents dans leurs actes militants, se forgeant une contre-société avec ses rites, ses normes, ses stéréotypes, ses leaders, sa confiance, d’autant plus présents qu’il s’agit de préserver cette fameuse santé mentale par l’assentiment fort des dissidents entre eux, qui viennent déjouer, contredire les croyances du plus grand nombre :

« Les acteurs ne traitent plus de phénomènes extérieurs entre eux par l’entremise d'instruments d'analyse, mais plutôt des conditions de leur subjectivité propre. Inutile d'ajouter que cette identification aux outils méthodologiques (lorsque la théorie devient une doctrine identitaire) rend obsolète tout discours rationnel en nivelant le débat autour des simples techniques de renforcement et de consolidation identitaire, par la surenchère de mécanismes de défense irrationnels, créant littéralement un éclatement du dialogue au profit d'une sempiternelle lutte et émotivo-identitaire aussi absurde que superficielle... » (2016, 59)

Mais cette contre-culture militante n’a-t-elle pas une valeur sociale, venant tout à la fois d’une minorité arbitrant entre le confort du conformisme et l’inconfort d’un anti-conformisme temporaire ? Khamzina rappelle à juste titre que la dissidence agit comme une complémentarité, une ouverture, une alerte, une réaction critique à une situation dont une partie du corps social ressent dans ses croyances une menace, tant pour chacun que pour le corps social dans son ensemble :

« En effet, la dissidence a été dépeinte négativement à l'époque en renvoyant aux comportements fortement indésirables pour le groupe qui entravent les relations harmonieuses intragroupes en mettant en péril les valeurs du groupe. De nombreuses recherches, notamment celles de Charlan-Nemeth, ont montré que la dissidence, au lieu d'avoir des effets délétères sur le groupe … à des effets plutôt bénéfiques pour l'endogroupe. La dissidence permet notamment au groupe d'avoir une meilleure performance cognitive, une plus grande créativité ainsi que des décisions de meilleure qualité. De même, dans l'optique interactionniste de l'innovation de Moscovici la déviance représente une fonction adaptative car elle est la source de l'innovation qui est essentielle pour le maintien du système social. » (2019, 206)

C’est pourquoi, pour terminer cet article, il nous semble indispensable d’étudier la confiance elle-même et de voir le rapport qu’entretiennent les groupes sociaux à la vérité intermédiée ou expérimentée en toute sincérité mutuelle.

3. Ce que nous disent les recherches épistémologiques

La science elle-même pose maintenant question et l’exercice de l’influence sociale du savant n’est pas en dehors de notre étude. Il est un leader, il est dans des groupes sociaux, des communautés scientifiques. Pour cette dernière partie, nous approfondirons (3.1.) la confiance comme économie sociale en nous appuyant sur les travaux du sociologue Niklas Luhmann énonçant que la confiance est un mécanisme de réduction de la complexité sociale et (3.2.) la véracité comme source de la croyance sociale en reprenant les travaux trop méconnus en France de Bernard Williams [24] sur la croyance fondatrice de la vérité par la recherche de la sincérité et de de l’exactitude. Ce qui est vrai de toute personne, l’est encore plus là où la complexité des savoirs n’exclut pas la critique, le doute, la controverse, mais où une part de confiance, de sincérité et d’honnêteté sont indispensables aussi.

3.1. La confiance

Elle requiert une histoire commune et de la familiarité. Or, la science ne se présente pas selon ses règles sociales. Elle cherche justement à s’en affranchir pour se parer d’une autre autorité se défendant d’être une partie du jeu social. Luhmann explique bien ce divorce entre le discours des auteurs scientifiques et la simple vie sociale :

« Les sciences positives réduisent le savoir susceptible de vérité à la fonction de mise en ordre de la relation entre la perception et le concept dans l’hypothèse que les perceptions tout comme les concepts, mais avant tout l’accord entre les deux, pourront être ramenés à une certitude intersubjective univoque et ainsi garantis contre l’arbitraire de l’alter ego. On en est arrivé ainsi à une recherche scientifique extrêmement riche en résultats qui se contente de plus en plus de légitimer sa méthode par ses succès, sans se questionner sur ce qu’il advient de ces domaines de savoir dans lesquels cette certitude intersubjective ne peut être atteinte ni sur le sens général qu’il y a à prendre pour critère de vérité la certitude intersubjective, en remplacement de l’évidence que procure une longue familiarité. » (2006, 23)

En cela, la science a brisé la confiance première qui lie les personnes et les groupes sociaux dans leurs relations et connaissances communes. Elle s’est substituée à cette familiarité qui renvoie à l’expérience vécue des objets et de la nature, où s’éprouvent des vérités simples issues de l’expérience concrète. Mais Luhmann montre surtout que la confiance est indispensable dans une société complexe qui développe des connaissances et des relations intermédiées où l’accès à l’expérience initiale, le contrôle par soi-même de la connaissance devient impossible [25]. Il faut alors faire confiance à des tiers, c’est toute l’économie sociale résultant de la réduction de la complexité. Les interdépendances sociales sont positives et mettent en œuvre une économie cognitive collective où chacun ne vérifie pas ce qu’il en est, en acceptant de faire confiance :

« Il semble donc que les systèmes sociaux, qui, par leur structure d’interdépendances internes, dépendent dans une certaine mesure de la confiance réciproque, créent en même temps des conditions plus favorables à l’émergence de la confiance. … les possibilités de sanction possèdent une fonction latente essentielle à la formation de la confiance : elles structurent l’imputation de la faute et, partant, le risque de réprobation sociale et de condamnation. »

Luhmann (2006, 41)

Comme nous l’avons vu depuis le début de cet article, elle est là, préalable à toute attention consentie dans une relation bilatérale ou au sein d’un groupe. Et se faire confiance existe aussi dans la communauté scientifique où on invoque aussi l’honnêteté intellectuelle, soit l’intention d’exposer loyalement ses travaux à ses pairs, en confiance, tant dans leur présentation que dans leur réception. En cela, elle introduit un des aspects étudiés par Williams, la sincérité des intentions des leaders dans leur relation aux membres du groupe, qu’ils fussent des élèves, des citoyens ou tout autre corps social. Et Williams d’aborder la question de cette honnêteté [26] aussi, qui dit une part de sa croyance.

3.2. La véracité

Graduellement, les propos de Williams viennent soutenir ceux de Luhmann. La langue est le véhicule par lequel une foi commune se partage, celle de s’accorder mutuellement crédit dans ses intentions. Toute l’étude de Williams sur la sincérité et l’exactitude montre bien que l’assertion a autorité par la foi qu’on lui accorde, tant chez celui qui l’exprime que chez celui qui la reçoit :

« Les assertions jouent un rôle dans la transmission du savoir simplement parce qu'elles sont considérées comme des expressions directes de la croyance et que les locuteurs sont considérés comme dignes de foi. En vertu de quoi, dans les situations de confiance, où le destinataire s'en remet au locuteur, il considère que l'assertion du locuteur lui donne l'information en question. » (2006, 100-101)

Et cette confiance dans l’exercice de bonne foi de l’interlocution est présent dès l’origine, dans l’acte d’apprentissage du langage :

« L'apprentissage du langage doit, au premier chef, se faire dans un climat d'ouverture pré-réflexif ou, pour le dire autrement, de confiance primitive. Ce n'est pas un hasard si dans un contexte sociopolitique plus développé, cet apprentissage commence au sein de la famille. » (2006, 68)

Cette vérité patente des premiers échanges langagiers précède toute tentative de tromperie. Celle-ci s’acquière ultérieurement, comme négation. En cela, l’échange entre pair ou celui du leader correspondent bien à cette double intention de foi mutuelle décrite par Williams :

« Les liens entre la croyance et la vérité expliquent pourquoi, dans le cas d'une assertion sincère, l'intention qu'à un locuteur d'informer son destinataire de la vérité et celle de l'informer des croyances du locuteur vont naturellement de pair. Ce sont les deux faces de la même intention. Le locuteur qui produit une assertion insincère n'a aucune de ces deux intentions. »   (2006, 97)

Et les travaux de Williams mettent magistralement en évidence que l’échange vrai tient à cette relation de confiance. En son absence, la communication deviendra prudente, partielle, intentionnellement polysémique, pour se protéger, sans franchise, jusqu’à envisager la dissimulation, voire une duplicité protectrice. Et Williams de faire le lien entre l’intention de tromper et l’atteinte à la liberté et à la dignité de l’autre, d’où son propos qui introduit une forme de dissidence sociale, dès lors que la personne ou le groupe se méfient du trompeur qui abuse de la confiance, faussant l’usage sincère du langage, pour se défausser ou fausser le regard d’autrui, à son avantage et au détriment du trompé :

« Un individu qui a de tels projets ne mérite pas la vérité, qu’il n’y a aucunement droit et que la manière dont je le trompe n’a aucune importance morale. Comprendre cela fait partie d’une approche correcte de la sincérité. » (2006, 141-142)

En synthèse de cette dernière partie, il ressort que la confiance est très intermédiée dans un monde où l’expérience par soi-même est devenue minime, loin de la nature et des expériences patentes du quotidien. Il appartient alors à ses sociétés complexes de garantir la confiance pour que le conformisme social résulte d’un consentement mutuelle positif, à l’instar d’une obéissance intelligente et libre de se reprendre. Ainsi, la confiance de Luhmann, comme réduction de la complexité sociale et la sincérité, condition de la vérité chez Williams montrent que le leadership et les influences au sein des groupes relèvent bien d’une foi partagée : cette attitude croyante des uns vis-à-vis des autres.   

Conclusion   

Ainsi, dans un monde fait massivement d’intermédiations sociales, techniques et médiatiques comme le précisait déjà Montmollin dans ses travaux sur l’influence sociale, la complexité sociale oblige à se confier à des tiers de confiance, autant de médiateurs, sources d’une vie commune. Mais tout aussi massivement, s’en sont retirés l’expérience et ce vécu qui font foi des vérités communes pour soi et son voisinage par sa propre expérience et son aptitude à témoigner de bonne foi. C’est bien la raison de l’extrême fragilité des sociétés contemporaines au sein desquelles la défiance est le pire poison, celui d’une dissolution des liens sociaux et politiques, faute d’avoir foi en l’autre.

La confiance-croyance est bien à la source du leadership et des relations sociales donc de la pérennité des institutions sociales. J’ai le souvenir de ce banquier me disant que la banque est le tiers de confiance, sa valeur cardinale n’étant pas sa fortune mais le fait qu’il inspire confiance en évitant le piège mortel de la méfiance et de la défiance. Il doit croire celui qui lui demande crédit et être crédible pour celui qui lui confie son argent. Et cette confiance est la valeur suprême, car elle n’a pas de prix, elle est un acte de foi réciproque.

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[1] In Les cahiers de psychologie politique, n° 42, janvier 2022

[2] La personne comme le groupe sont exposés à la croyance par procuration dont Germaine de Montmollin notait déjà : « Le nombre d'informations que chacun peut acquérir directement au contact des choses et par expérience personnelle a nettement diminué par rapport au nombre de celles que l'on recueille indirectement par médiation sociale. L'horizon intellectuel s'est si largement ouvert, l'échelle à laquelle vivent beaucoup d'hommes est devenue si grande que sont largement dépassées les capacités individuelles d'observer, d'expérimenter et de conclure. Il faut donc s'appuyer sur les connaissances acquises par les prédécesseurs et par les contemporains et qu'on ne peut soi-même atteindre. L'importance des relais de connaissances, le rôle des moyens de diffusion et de transmission du savoir et les opinions ne font que croître, rendant chaque individu de plus en plus dépendant des autres. » (1977, 9) Germaine de Montmollin (1923-2020) était professeur de psychologie sociale à Paris V. Elle publia une œuvre importante pour notre thème en 1977 : L’influence sociale, phénomènes, facteurs et théories aux PUF auquel nous nous référons.

[3] Dans sa thèse, Kamilla Khamzina résume bien la prépondérance de la croyance dans les théories de l’action raisonnée et du comportement planifié de Ajzen et Fishbein. Nous soulignons la fréquence de croyance. : « L'attitude personnelle est considérée comme étant dépendante des croyances comportementales concernant les conséquences du comportement à effectuer : « se convertir au bio est un moyen de protéger la terre et des eaux » et de leur évaluation : « il est important de protéger la nature. ». La norme subjective, quant à elle, est définie comme une pression sociale perçue par l'individu à effectuer ou non un comportement. Les auteurs précisent que cette pression est reçue principalement de la part d'autrui, individu(s) ou groupe(s) des individus proches (famille, amis, conjoints, etc.) et relève ainsi d'une composante cognitive. A son tour, la norme subjective dépend des croyances normatives ou de ce que les personnes proches pensent à ce sujet, ainsi que de la motivation à se conformer à ce que ces personnes pensent. » (2019, 20)

[4] Nous nous référerons à l’œuvre majeure du sociologue Niklas Luhmann , spécialiste de ce qu’il nomme les systèmes sociaux et auteur de : La confiance, un mécanisme de réduction de la complexité sociale, 2006, Editions Economica qui analyse l’économie de la confiance, car confier, c’est faire crédit à un interlocuteur crédible, soit digne de foi, terme ainsi commun aux relations humaines et aux relations d’affaires et qui prolonge positivement la dépendance mise en évidence par Montmollin (cf. note 2)

[5] Alfred Binet (1857-1911), pédagogue, psychologue, auteur d’un test demandé par le gouvernement Français pour évaluer l’intelligence des enfants qu’il développe avec Théodore Simon ; il est un spécialiste de la psychométrie. Il publie La suggestibilité au point de vue de la psychologie individuelle dans L’année psychologique en 1898, revue qu’il a fondée en 1894. C’est, à nos yeux, un des textes fondateurs des travaux sur l’influence sociale, certes en milieu éducatif.

[6] Je fais référence à l’excellent article de 2018 : Solomon Asch, critique de la doctrine de la suggestion et des influences arbitraires aliénantes, in Les cahiers internationaux de Psychologie, Numéro 117-118, p. 25-45 de Stéphane Laurens, Mickael Ballot et Anna Saenco. Notons en effet que les scientifiques se passionnent pour le magnétisme au 19e siècle, au-delà des phénomènes physiques et des travaux d’Ampère et de Faraday, les médecins et psychologues s’intéressent au magnétiseur, aux troubles mentaux. Laurens y consacre un article dans Les cahiers internationaux de psychologie sociale : La réciprocité masquée par une domination imaginaire, en 2018, n° 119-120, p. 235-251. On parlera plus tard du magnétisme des leaders politiques. Par exemple, le livre de Christa Schroeder, secrétaire d’Hitler : 12 ans auprès d’Hitler, évoque bien son magnétisme, ses intuitions et son exaltation.

[7] Binet fait référence à Philippe Tissié (1852-1935), médecin et un des premiers neuropsychiatres, auteur d’une taxonomie des humains en trois classes, les passifs, les affectifs et les affirmatifs, les premiers étant des dégénérés, les seconds en manque de confiance en soi, les troisièmes des personnes aptes au commandement, par foi en eux-mêmes : la confiance en soi qui produit la hardiesse à faire.

[8] Nous pensons à la théorie du développement moral de Lawrence Kohlberg (1927-1987) dont la thèse The Development of Modes of Thinking and Choices in Years 10 to 16 publiée en 1958 (Université de Chicago) s’inspire des travaux de Jean Piaget sur le développement cognitif en paliers successifs d’acquisition.

[9] Nous faisons référence au travail de Daniel Marcelli, pédopsychiatre, professeur à la faculté de médecine, est chef du service psychiatrie infanto-juvénile du CHU de Poitiers : Il est permis d’obéir, l’obéissance n’est pas la soumission, publié chez Albin Michel en 2009.

[10] A cet égard, le modèle de Kolhberg est intéressant, quoique critiqué, car il mentionne une succession de systèmes de croyances où se joue un rapport à la convention, soit une forme de conformisme social. La moralité préconventionnelle renvoie à un rapport narcissique assorti d’une perception des punitions et récompenses inductrices de son conformisme à l’autorité. Elle débute par l’évitement de la punition vécue comme souffrance et se poursuit par l’attirance pour la récompense personnelle. La moralité conventionnelle accepte la norme sociale avec graduellement la recherche d’approbation, forme évoluée de récompense symbolique puis une participation à l’expression de la contrainte, se faisant solidaire de la sanction à l’encontre de l’insoumis à la convention. Enfin, la moralité postconventionnelle autorise la transgression de la convention, s’affranchissant des règles. A chaque stade, la croyance change d’objet : croire ce qui est expérimenté, croire ce qui est ritualisé, croire ce qui est désiré.

 

[11] Nous nous référons aux travaux de Christophe André, médecin, psychiatre à l’hôpital Sainte Anne et auteur de L’estime de soi, s’aimer pour mieux vivre avec les autres publié chez Odile Jacob en 1999.

[12] Dans l’article collectif : Étude psychométrique de l’inventaire d’estime de soi sociale, publié en 1999 dans la revue européenne de psychologie appliquée.

[13] Nous faisons référence à la très belle thèse de Kamilla Khamzina : Conformisme ou dissidence ? Les implications psychologiques de l’incongruence entre les attitudes personnelles et la norme collective, soutenue à l’université de Clermont Auvergne

[14] Maryla Zaleska (1927-1982) psycho-sociologue auteur de l’article : L’influence de l’erreur unanime du groupe sur la réponse de l’individu in Bulletin de psychologie

[15] La définition de l’estime de soi inclut bien ce conformisme avec la bonne perception d’autres, la réussite comme critère de reconnaissance sociale, etc : « L’estime de soi se développe grâce à la consolidation de cinq éléments, le sentiment de sécurité, le sentiment d’identité, le sentiment d’appartenance, le sentiment de direction et le sentiment de compétence. Le sentiment de sécurité se définit comme le sentiment d’être protégé, d’être capable de faire confiance aux autres, de connaître ses limites et de pouvoir prédire des événements à partir d’expériences antérieures. Le sentiment d’identité fait référence à la capacité d’auto-observation et à la connaissance de soi. L’adulte normal à de lu une connaissance suffisante pour prévoir ce dont il est capable et ce dont il n’est pas capable. Le sentiment d’appartenance fait appel au sentiment de se sentir semblable aux autres et d’appartenir à un groupe d’individus. Le sentiment de direction se définit par la capacité de se fixer des buts et de résoudre efficacement les problèmes rencontrés. Enfin le sentiment de compétence provient de la croyance qu’il est possible d’atteindre ses buts, de surmonter les problèmes rencontrés et de réussir dans ses entreprises personnelles. » Martine Bouvard et coll. (1996, 166)  

[16] Expression que nous empruntons à Axel Honneth, sociologue spécialiste de la reconnaissance, auteur de La lutte pour la reconnaissance pour qui la négation de la reconnaissance provoque une blessure affective.

[17] Nous invitons à la lecture de l’article de notre collègue Jeanine Mudryck-Cros : La lutte pour la reconnaissance :

De l’indifférence à l’irrespect en passant par le mépris, l’invisibilité figurative et l’humiliation, in Les cahiers de psychologie, n° 35, juillet 2019

 

[18] Khamzina précise que toutes les recherches de sa thèse visent à confirmer que : « ce décalage entre ce que les individus pensent et ce qu’ils perçoivent comme étant la norme majoritaire peut être considéré comme une absence de partage social. Etant donné l’évidence selon laquelle l’inadéquation entre autrui et soi-même peut influencer divers attributs psychologiques, nous allons donc tester l’hypothèse selon laquelle le fait de percevoir d’avoir des attitudes incongruentes avec celles des autres membres du groupe aurait des effets néfastes sur la santé mentale. » (2019, 39)

[19] Plusieurs recherches vont dans ce sens dont celles de Gerald Echterhoff, professeur à l’université de Münster dont son article : Réalité partagée : faire l’expérience de points communs avec les états intérieurs des autres sur le monde où il développe la thèse selon laquelle : « les humains ont un besoin fondamental de faire l’expérience d’une réalité partagée avec les autres. Nous présentons une nouvelle conceptualisation de la réalité partagée basée sur quatre conditions. Nous postulons (a) que la réalité partagée implique une communauté (subjectivement perçue) des états intérieurs des individus (pas seulement des comportements observables); b) que la réalité partagée concerne un référent cible; c) que, pour qu’une réalité commune se produise, la communauté des états intérieurs doit être motivée de manière appropriée; et d) que la réalité partagée implique l’expérience d’une connexion réussie avec les états intérieurs d’autres personnes. » (traduction de l’auteur, résumé de l’article)

[20] A ce sujet, les travaux de Hardin et Higgins, antérieurs à ceux d’Echterhoff développaient déjà un schéma voisin : « Suggérer qu’en l’absence de vérification sociale, l’expérience est transitoire, aléatoire et éphémère, une fois reconnue par d’autres et partagée dans un processus continu de vérification sociale appelé « réalité partagée », l’expérience n’est plus une simple subjectivité capricieuse, mais atteint plutôt le statut phénoménologique de réalité objective, en d’autres termes, l’expérience est établie comme valide et fiable dans la mesure où elle est partagée avec d’autres… Les auteurs suggèrent que plusieurs implications de l’hypothèse pour des sujets tels que les stéréotypes, le soi, le langage, les attitudes et la persuasion suggérant que (1) l’individu crée et maintient l’expérience de la réalité ou du sens en la partageant avec d’autres dans un processus de vérification sociale; (2) l’interaction sociale dépend de la réalisation de la réalité partagée et est régulée par celle-ci; et (3) la réalité partagée qui est établie dans l’interaction sociale fonctionne à son tour pour réguler le soi, fermant le cercle dialogique. » (traduction de l’auteur, résumé de l’article)

[21] Khamzina écrit à ce sujet : « La norme subjective ferait plutôt référence à la norme injonctive ou prescriptive. La norme injonctive désigne la mesure dans laquelle les individus perçoivent que des personnes importantes veulent qu'ils effectuent un comportement particulier. En cas de non-réalisation de ce comportement, les sanctions de la part de ces personnes auront lieu. En d'autres termes, les normes descriptives se réfèrent aux perceptions individuelles de ce que font ou pensent la plupart des membres d'un collectif dans une situation donnée. Les normes prescriptives, quant à elle, indiquent ce qu'il faut faire ou penser et ne pas faire ou ne pas penser dans une situation donnée. » (2019, 29)

[22] Nous invitons le lecteur à consulter notre article : L’expérience scientifique comme instrument de propagande et de manipulation : les expériences de Milgram, in les cahiers de psychologie politique, n°38, janvier 2021

[23] Le lecteur peut se reporter au processus de création des normes dans le domaine de la santé  :

Les sept étapes du processus d’élaboration des normes - HSO Health Standards Organization,

 

[24] Bernard Williams (1929-2003), philosophe, professeur à l’université de Cambridge, il s’intéresse à la philosophie morale et il réalise un travail inédit sur la question de la vérité, au croisement de la logique, de la morale, de la linguistique et de la psychologie sociale, dont nous nous inspirons ici, car elle fait place à la croyance, comme source des relations sociales.

[25] « Celui qui fait confiance se décharge par là de la complexité qu’il ne peut supporter. Celui qui veut faire mauvaise usage de cette confiance doit assumer lui-même cette complexité. Il doit prendre sur lui de complexes exigences comportementales, il doit s’assurer de maîtriser dans une large mesure les informations pertinentes et d’avoir un contrôle sans faille sur les informations auxquelles a accès celui qui lui fait confiance. »

Luhmann (2006, 75). C’est le fait de crouler sous la complexité.

[26] Abordant la question de la fiabilité du discours, comme élément de sa vérité, Williams introduit la notion d’honnêteté qui introduit bien cette foi en soi, pour se reconnaître et s’estimer digne de foi, pour soi-même, soit avoir la hardiesse et l’aplomb de sa confiance en soi : « Le mot Truth [vérité] et ses antécédents dans le haut et moyen anglais signifiaient à l’origine fidélité, loyauté ou respect des engagements. (D’une manière assez analogue, dans l’anglais moderne, le sens premier d’honesty [honnêteté] peut se gloser par « le fait de ne pas mentir, de ne pas voler, de tenir ses promesses ».) La véracité est une sorte de fiabilité, celle qui se rapporte plus spécialement au discours. « Véracité », comme l’allemand Wahrhafligkeit, peut renvoyer à la fois à la sincérité et à l’exactitude, et c’est tout à fait normal. Si on doit se fier à ce que les autres nous disent, autant qu’ils ne soient pas seulement sincères mais encore exacts ; en outre (en sens inverse, pour ainsi dire), si nous nous soucions de parler vrai, nous avons besoin d’être honnêtes avec nous-mêmes. » (2006, 117-118) 

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