N°45 / Normes et normalités - Juillet 2024

La normalisation de la pensée par la suggestion métaphorique

Pierre-Antoine Pontoizeau

Résumé

Partir de la rhétorique classique et de son enseignement sur les vertus d’éloquence de la métaphore puis en examiner les ressorts psychologiques et sociaux entre le locuteur, l’auditeur et le groupe. Faire l’hypothèse que la métaphore insinue un champ sémantique et cognitif à la façon d’un intrus qui opère grâce à cette suggestion insidieuse jusqu’à normaliser la pensée par le champ cognitif dont est extrait la métaphore qui devient le guide d’une réduction épistémologique d’un champ de connaissance à un autre qui le subvertit en aliénant ses spécificités.

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La normalisation de la pensée par la suggestion métaphorique

 

Introduction

Si normer c’est bien instituer une règle qui s’applique à tous explicitement, la normalisation sociale s’obtient de manière plus insidieuse par l’exhibition de modèles et de stéréotypes désirables qui font office de normes. La norme n’y est pas exposée avec l’autorité d’une obligation comme dans un processus de fabrication ; elle est exhibée jusqu’à convaincre, séduire et obtenir un comportement conforme à la norme.

En matière de discipline de la pensée collective, la normalisation s’obtient de mille manières, mais nous voulons ici mieux expliquer ce registre particulier de la communication politique, voire scientifique, où la métaphore joue un rôle suggestif, produisant un alignement des esprits, une normalisation de l’ambiance générale, par l’infiltration d’un champ cognitif et sémantique dans un autre, du fait de l’intrusion de la métaphore. Ce sera notre hypothèse, que cette figure de rhétorique influente et poétique a été détournée par nos contemporains dans des usages intentionnels et subversifs, du fait des opportunités amplificatrices des médias et des réseaux sociaux, qui visent à contourner les résistances mentales, à suggérer un climat, à créer les conditions d’une normalisation de la pensée.

Pour se faire, nous reviendrons très rapidement sur son origine classique, mais nous examinerons surtout en quoi elle est l’instrument d’une suggestion insidieuse en vue de cette normalisation des jugements et des perceptions.

1. La métaphore à l’époque classique

Aristote dit qu’elle est source de plaisir mais aussi un instrument de connaissance du fait de l’élargissement soudain du champ de perception et de compréhension [1]. Pour Aristote, elle est une figure qui ouvre des horizons. Elle exprime une vivacité d’esprit, une habileté à sortir d’un premier registre pour lui adjoindre un second avec finesse. Il rappelle qu’elle associe des mots simples et connus de tous, dont l’orateur à l’art de les rapprocher, là où personne, avant lui, n’avait pensé associer ces mots pour évoquer une réalité sous un angle inédit. En cela, elle n’est pas une analogie habituelle.

Cicéron est un orateur et un politique romain, maître praticien de la rhétorique [2]. Il y voit le signe de l’élégance, de la noblesse et de l’éclat. Il y va de l’art, du plaisir, d’une aisance qui impressionne et d’un trait de langage qui émerveille. Elle donne de l’éclat en transportant le mot de son sens propre à un sens figuré. Elle apporte un relief et elle fait l’économie d’un long raisonnement par une expression d’une grande concision. Mais déjà, l’habile rhétoricien romain instille l’idée que derrière l’élégance, se joue une influence pour amener l’auditoire à l’adoption de sa pensée. Elle dirige la pensée vers un imaginaire très bien circonscrit par l’auteur. Cicéron dit qu’elle « conduit vers un autre objet et cependant ne s’égare pas, ce qui est le plaisir le plus charmant » (1930, 63). Elle guide, et négativement n’ouvre pas un horizon indéfini, car justement, elle offre un voyage de l’esprit selon une direction que la métaphore insinue. Les termes de Cicéron montrent bien qu’il y a un détournement manipulatoire de l’auditoire par un langage fait d’une subversion de la langue. Il précise : « Vous voyez bien tous les aspects de cette figure, qui, en détournant un mot de son sens, en se servant d’un autre mot, exprime la même idée d’une façon plus brillante. » (1930, 67).

2. La métaphore examinée par les linguistes contemporains

Commençons par Chaïm Perelman et son Traité de l’argumentation : la nouvelle rhétorique, paru en 1958, rédigé avec Lucie Olbrechts-Tyteca, mêlant deux disciplines, celle du philosophe du langage et celle de la sociologue. Précisons pour le lecteur toute l’importance de cette œuvre qui réhabilite la rhétorique, critiquant la position ancestrale héritée de Platon concernant la seule qualité du langage rationnel : le Logos. Et Perelman s’autorise cette réhabilitation dans un contexte philosophique particulier où la pensée scientifique est en crise, où les tentatives de construire des langages universels et logiques ont échoué, où la quête d’un langage codifié, normé, établissant des liens univoques entre des termes univoques s’avèrent impossibles [3]. L’utopie d’un langage universel normé est un échec définitif et la rhétorique a donc toute sa place, c’est l’échec de la philosophie analytique et du positivisme logique de Ludwig Wittgenstein, de Rudolp Carnap, etc.

C’est dans ce contexte encore trop méconnu que paraît ce traité magistral où la métaphore est étudiée par les auteurs. La figure de style y devient un argument, c’est-à-dire une manière de convaincre. Et, comme chez Cicéron, l’influence est là afin : « de provoquer ou d'accroître l’adhésion des esprits aux thèses qu’on présente à leur assentiment » (2008, 5). La métaphore est analysée comme la relation entre le phore et le thème. Elle n’est pas une simple analogie. Perelman dit qu’elle est une « analogie condensée », rapprochant des mots relevant du phore à d’autres relevant du thème. Rappelons que le thème, aussi nommé le comparé est le sujet dont on parle et le phore, soit le porteur en grec ou comparant est le terme mis en relation avec ce sujet qui transporte un sens qui lui est applicable.

Perelman parle d’une contamination de l’un sur l’autre, le comparant essaimant le comparé de cette ressemblance qui les rapproche. Cette ressemblance illumine le thème-comparé du phore-comparant dont la familiarité introduit une perception plus manifeste du thème à mieux découvrir. C’est par exemple la fameuse formule pascalienne : « L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser ; une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le touer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue puisqu’il sait qu’il meurt et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. » (Pascal, Pensées, Paris : Gallimard, 2004, 175).

Ces métaphores sont créatrices d’une fiction. Ces figures rhétoriques fabriquées ponctuellement par un auteur, donnent à voir une comparaison. Deux mondes cognitifs distincts sont ainsi rapprochés. C’est le cas dans la célèbre formule de Karl Marx : « La religion est l’opium du peuple » ou celle ancienne attribuée à Thomas Hobbes [4] : « L’homme est un loup pour l’homme. ». L’élève de Perelman, Michel Meyer indique que la métaphore sème un doute, elle expose un dilemme car ces propositions n’ont pas de sens, littéralement. Ces propositions ne relèvent pas du logos univoque et rationnel, elles n’expliquent pas, ne décrivent pas, mais problématisent pour suggérer une réponse à saisir par soi-même, faute d’un langage explicite. Il s’agit d’une réponse problématologique : qui pose un problème. En effet, il convient de chercher le lien qui unit l’homme et le roseau, l’homme et le loup, la religion et l’opium. La ressemblance tient à un élément commun qui produit une identité fictionnelle, soit une figuration à saisir. Meyer le résume ainsi : « La différence éclate comme une question, ce qui pousse alors l’auditoire en à rechercher la solution comme étant l’autre sens qui rend compte de l’identité figurale entre A et B. Cette identité figurale dégage ainsi un espace de problématisation auquel se trouve confronté l’auditoire... une question qui est celle de savoir de quoi, au juste, il est question dans ce qui est dit, mais qui n’est pas dit tel quel. » (1993, 103).

Or, pour aller chercher le sens caché de la métaphore, il faut que le lecteur fasse l’hypothèse que le locuteur a intentionnellement logé un tel sens dans cette figure. Celle-ci n’est pas un accident langagier. Le lecteur ou l’auditoire doivent donc créer une relation particulière : avoir confiance dans l’intention supposée du locuteur-orateur qui a soumis à son attention une métaphore, cette unité discursive insensée à la lettre, mais sensée au figuré. Là où le logos donne le sentiment d’un texte livré à la sagacité intellectuelle et au libre consentement du fait des arguments exposés explicitement, la métaphore crée un lien de dépendance, et de prime abord de confiance, entre le locuteur et l’auditeur. Elle tisse un lien invisible, une intimité entre l’émetteur et le récepteur.

3. L’intention du locuteur : la suggestion insidieuse

Mais alors, qu’est-ce que la métaphore dit des intentions de son auteur ? N’y a-t-il pas une suggestion, soit une relation asymétrique et un recours à l’image pour ancrer quelque chose, à l’insu d’un consentement éclairé du lecteur ? Elle déplace l’usage du langage, introduisant autre chose que la seule rationalité d’un logos, réputé neutre.

Elle a plusieurs atouts sur le plan psychologique. Elle est suggestive, surprenante, miraculeuse, voire choquante. Elle suggère bien plus qu’elle ne démontre, ce qui dénote l’intention de contourner l’épreuve de la démonstration plus laborieuse et documentée qui ne convaincra pas nécessairement. Elle contourne alors l’esprit critique par la qualité de cette suggestion qui brise les résistances, au profit d’un assentiment obtenu par le charme de l’intelligence métaphorique flattant l’esprit. En se dispensant du labeur de la démonstration, le locuteur entend persuader par la seule ressemblance. La religion est l’opium du peuple est ainsi devenue un slogan vrai. Elle s’expose et elle asserte. La suggestion réussie ce que les psychologues appellent un ancrage, soit une croyance posée dans l’esprit de l’interlocuteur par l’évidence de la ressemblance L’auteur prend donc l’ascendant sur le lecteur par l’effet de surprise. La métaphore rompt l’usage rationnel de la langue qui précède et succède cette incise dans le texte. La relation est bien asymétrique, car l’un décide de l’opportunité de rompre son propos par l’intrusion de la métaphore quand l’autre subit l’effet rhétorique.

En ne donnant pas prise à une lecture délibérative où le lecteur examine le pour et le contre des arguments, elle capte l’attention et emporte une adhésion parce qu’elle insinue bien plus qu’elle n’explique. Le locuteur a donc cette intention malicieuse de semer son intuition dans l’esprit de son lecteur, laissant planer quelques incertitudes sur l’extension des ressemblances dont il ne parle pas. Le lecteur est mis en situation de s’approprier le rapprochement jusqu’à lui-même imaginer d’autres termes communs induits du premier : religion et opium permettant d’évoquer par transposition et ressemblances successives : drogue, aliénation, manipulation, mensonge et paradis artificiels, commerces illicites, dépendance aussi, etc. La métaphore flatte le lecteur qui s’empare de la ressemblance pour s’en inventer d’autres, ce que le locuteur sait bien, en étendant, même abusivement, le champ initial de la création métaphorique, par absence d’explicitation, dans ce champ cognitif et sémantique issu de la métaphore. Cette suggestion invite l’esprit à vagabonder au-delà de l’invention initiale.

Elle perturbe donc intentionnellement et fait perdre la capacité d’analyse rationnelle des arguments au profit d’un détour qui impacte et ancre une association à décrypter. La surprise est, répétons-le, désarmante, et l’assertivité persuasive sans autre preuve que la suggestion même. La métaphore fait changer de plan, elle fait passer d’une démonstration à une analogie, soit une figure où le jeu du langage prévaut sur l’adéquation des descriptions ou la cohérence logique des arguments. Le jeu de la langue prime le rapport immédiat au réel.

4.  Les effets sur l’auditeur/lecteur

Les effets sur le lecteur sont-ils le reflet des intentions dont la suggestion insidieuse présentée ci-dessus ? Si tout se passe comme le locuteur le souhaite, oui ; mais est-ce bien toujours le cas ? Revenons un instant sur l’ancrage et la suggestion insidieuse que la psychologie connait bien.

4.1. L’ancrage

L’ancrage est une technique de manipulation bien connue des psychologues. Elle est considérée comme un biais de l’esprit. Elle consiste à introduire un jugement sans discussion, une information sans contrôle qui pénètre l’esprit. L’association d’idées implicite à la métaphore s’ancre elle aussi. L’homme est un roseau ne laisse pas le choix de méditer en dehors de cette ressemblance. La métaphore ouvre des horizons de comparaisons, mais paradoxalement elle enferme aussi par l’ancrage qu’elle invente et expose incidemment au détour d’une prose non-métaphorique. La métaphore devient même une formule consacrée, transmise de générations en générations, une ritournelle ancrée durablement. Est-il possible de contredire Marx sur la religion en sortant de l’enfermement métaphorique qui en fait cet opium toxique ? Difficile de contrecarrer l’évidence métaphorique qui s’impose. S’y joue par la suite, une crédulité, une paresse intellectuelle, parce que la métaphore est répétée, embellie, estimée, exhibée même, dispensant de penser de nouveau au-delà de ce qu’elle a rapproché, jusqu’à le souder, l’intuition fermant l’esprit critique. Elle ancre aussi par sa poésie séduisante, son pouvoir d’envoutement, son esthétique charme au sens où elle abuse de l’esprit par la faiblesse de celui qui se laisse séduire. L’ancrage est donc insidieux d’autant que la figure est d’abord énigmatique, provoquant une extrême attention pour la saisir : fascination et obsession sont à l’œuvre.

4.2. La suggestion insidieuse

La suggestion insidieuse met en cause la relation entre le suggestionneur, le suggestionné et la suggestion. Les psychologues s’intéressent au 19e siècle puis au début du 20e siècle à l’hypnose et au magnétisme, techniques qui prennent l’ascendant sur le suggestionné. Ce dernier voit son champ d’attention rétrécir, ses facultés critiques embuées ou occultées, se trouvant sous l’emprise de la suggestion. On va jusqu’à évoquer la dominance-soumission. Or, la métaphore exerce bien cette suggestion. Elle focalise l’attention sur ce qu’elle suggère et veut faire deviner, ouvrant et enfermant à la fois ; privant le lecteur ou l’auditeur du libre arbitre qui consisterait à contester la pertinence de la ressemblance, car celle-ci ne s’expose pas en arguments soumis à la critique. Elle est justement suggérée par la figure de rhétorique. Le propos de Solomon Asch est alors très pertinent et il s’applique parfaitement à la suggestion métaphorique : « La suggestion présuppose une relation sociale préétablie avec la personne qui prend l'initiative. Cette relation est une relation de confiance, le sujet se place lui-même dans les mains de l'expérimentateur dont il ne questionne pas la compétence et les intentions. Et même plus, il y a une relation de coopération avant n'importe quelle suggestion, le sujet a accepté de suivre les instructions. » (1952, 411)

La suggestion dépend toutefois aussi de sa réceptivité. Et cette dernière met en évidence la résistance ou la vulnérabilité du lecteur soumis à cette suggestion, car la métaphore est bien intrusive, son choc cognitif n’obtenant pas le même effet en vertu de l’obéissance ou l’insubordination du public qui ne ferait pas confiance pour reprendre le terme de Asch. Les effets sont donc divers. Résumons. L’écoute obéissante favorisera la curiosité pour une compréhension de la ressemblance. Cette discipline accordera à l’auteur une estime, une considération, un respect même qui conduiront à un assentiment bienveillant. Cette obéissance s’inscrira dans la suggestion pour en saisir les subtilités et la finesse de la ressemblance. A l’inverse, l’écoute critique tiendra à une relation plus distante avec l’orateur ou l’auteur. Son autorité ne sera pas reconnue d’emblée. Une sorte d’insoumission, voire d’indiscipline conduiront à une écoute distraite, voire ironique de la métaphore, jugée déplacée, inconvenante, inadaptée. Bref, la résistance mentale sera tout de suite à l’œuvre.

Aussi, la première interaction sociale tient à la possibilité pour l’auditeur ou le lecteur de vérifier sa juste compréhension du sens de la métaphore. Se loge ici une ambiguïté persistante ; faute de pouvoir valider par soi-même l’authenticité de sa compréhension. Il faut relire Björn Larsson mentionnant la communauté de sens. Elle a une portée épistémologique, historique, sociale et elle met en œuvre des phénomènes sociaux d’appartenance, de reconnaissance, de conformisme et d’estime de soi dans une relation qui crée une communauté de sens engageant les personnes dans leur vécu, au-delà de la stricte approche linguistique de la notion de sens [5].  

Voilà pourquoi la métaphore introduit un doute sur sa correcte compréhension, car le sens n’est pas inhérent à la figure, il est implicite, car la figure fait ellipse en ceci qu’il y a omission d’une explicitation. Or cette omission crée une discontinuité interpellative dont la résolution n’est pas que lexicale. Ai-je bien pensé comme l’autre, l’auteur ou un autre lecteur ? Persiste alors un doute, une insidieuse suspicion sur sa clarté d’esprit personnelle. La métaphore prend le pouvoir par la frustration qu’elle engendre ; sauf à se réconcilier dans le sens commun dont Larsson rappelle à juste titre que : « Il ne suffit pas simplement que deux êtres partagent « objectivement » une même cognition ou qu’ils conceptualisent de la même manière leurs perceptions pour qu’il y ait sens et compréhension. Il faut en plus que la cognition et la conceptualisation communes soient constatées et reconnues comme étant communes par les deux parties. » (1997, 283)

Pour ces raisons, des esprits soucieux de leur liberté procèdent par un rejet, pour se prémunir de ce choc cognitif et de cet impératif d’une relation de dépendance. Il serait donc excessif de prêter à une figure de rhétorique une succession d’effets automatiques, sans s’attarder sur la pluralité des réceptions : accueillantes, sceptiques ou pleine de ressentiments. L’analyse des perceptions et des expériences possibles, selon des caractères psychologiques plus ou moins réceptifs montrent que, certains détestent la poésie, les aphorismes, quand d’autres les adorent. A l’échelle du groupe, cela prend encore plus de relief, par-delà cette première interaction. Il faut avoir partie liée avec l’auteur et cette complicité est-elle une contrainte ou consentie ? Certains la perçoivent bien comme une contrainte, voire une obligation.

5. Les interactions induites dans un groupe

Voyons comment la métaphore peut séduire ou rencontrer des résistances selon l’acceptabilité sociale et son écart au conformisme social. En effet, nous imaginons trop souvent la relation bilatérale entre l’auteur et le lecteur, sans s’intéresser à l’effet d’une figure de rhétorique au sein d’un groupe. N’oublions jamais que l’art oratoire s’exerçait devant des publics qui pouvaient interagir tout en écoutant l’orateur. Et les lecteurs partagent leurs lectures.

En cela, l’usage oral ou écrit parait important à distinguer, le premier étant éphémère et permettant des échanges, l’autre favorisant la rumination solitaire par la relecture ; voire dans un second temps une discussion entre lecteurs. Dans ces cas d’interlocutions entre des membres, le débat, voire une délibération s’ensuivent. L’effet de surprise peut alors susciter deux réactions antagonistes et une infinité de variantes dans le groupe. C’est l’adhésion ou le rejet inconditionnels. Deux facteurs jouent, ici, un rôle important dans l’acceptation de la ressemblance : premier facteur, l’écart au conformisme social et second facteur, les représentations sociales et les croyances partagées, pour ne pas dire le cadre épistémologique du lieu et du temps.

5.1. L’écart au conformisme social

L’écart au conformisme social a été étudié pour comprendre la réception des arguments et la manière dont un groupe va se faire un avis sur ce qui lui est suggéré. Faut-il se rappeler le schéma des préconstruits situationnels et culturels de la logique naturelle de Jean-Blaise Grize [6] ? Son approche de psycholinguiste est primordiale pour comprendre que l’interlocution est toujours inscrite dans des préconstruits qui déterminent la réception du message. Sa thèse est ainsi décrite : « Un auditoire, ou éventuellement un auditeur, appartient nécessairement à un certain milieu socioculturel. Déterminer sa nature particulière n’est pas l’affaire du logicien. Il doit en revanche lui faire sa place dans le cadre théorique et reconnaître, pour cela, que par le biais des langues naturelles, un discours quelconque prend toujours ancrage et dans un préconstruit culturel et dans un préconstruit situationnel. »   (1978, 47)

Or, si ce conformisme social est aussi nommé idéologie dominante [7] chez certains, nous lui préférons la notion de conformisme en situation, qui dépendra conjoncturellement du groupe, ce dernier pouvant être en marge de cette idéologie, cas des groupes minoritaires et dissidents par exemple. L’écart à ce conformisme en situation a un effet sur l’acceptation de la ressemblance. Dans le cas de Marx, l’opium et la religion pourront être reçus, selon le conformisme du groupe, comme une agression, une incongruité, une comparaison fallacieuse ou partiellement justifiée jusqu’à, pour d’autres, une évidence lumineuse, une audace courageuse, une vérité inavouable, à son époque ; voire maintenant, une platitude communément admise sans aucune critique, quelques générations plus tard.

Les études de sémantique discursive tentent d’expliquer ces processus qui président à la construction et la compréhension des textes. Ce sont les travaux de Michel Pêcheux et ses successeurs. Il existe des déterminants historiques et idéologiques identifiables par le chercheur, mais pleinement vécus par l’auditeur ou le lecteur. Ces travaux de sociolinguistique ont l’intérêt d’étudier : « le fonctionnement du langage dans une formation sociale. » (Marandin, 1993, 166). En cela, la métaphore agit dans un milieu social qui la reçoit ou la rend possible, cette sorte d’ambiance que le savant dénommera : « topique sociale » [8]. Ces multiples arrière-plans : linguistiques, sociaux, psychologiques, historiques constituent ce réceptacle mais aussi le milieu d’émergence où l’auteur produit sa métaphore.

Cet écart au conformisme du lieu et du moment s’explique alors par le terreau d’accueil constitué de ces préconstruits situationnels et culturels. Et l’acceptation du parallèle envisagé entre l’illusion et la toxicité de l’opium et le rôle de la religion dans la société dépendra de cette sensibilité à la religion. Ce terme comparé, relativement à son comparant, apparaîtra plus ou moins scandaleux ou justifié en fonction de ce qui est prêté au terme comparé ici : la religion. Un premier groupe religieux y verra une caricature malveillante, une subversion impardonnable. La métaphore n’opérera pas. Un second groupe plus distant à la chose religieuse y verra une représentation entendable, pour partie fondée quand elle décrit des « ultras », mais excessive pour qualifier la religion dans son ensemble. Un troisième groupe plus agnostique et critique y verra bien entendu une intuition dénonciatrice très juste. La métaphore opérera. Ce conformisme social tient à un jugement antérieur qui filtre la ressemblance en la soumettant aux préjugements de la conformité au groupe. Et celle-ci renvoie à une dimension de la psychologie sociale : les représentations si bien étudiées par Serge Moscovici et Denise Jodelet [9].

5.2. Les représentations sociales et les croyances

Les représentations sociales et les croyances mettent à mal l’hypothèse d’un universalisme de la rhétorique. C’est d’ailleurs tout le sens de notre travail ici, de faire la part entre l’effet réputé probable et souhaité par l’auteur connaissant l’usage des figures de rhétoriques et la réalité de leur réception qui en nuance la portée, dévoilant les préjugés de la rhétorique, discipline qui s’inscrit, souvent, implicitement, dans l’imaginaire d’une relation interindividuelle et universaliste. Nous faisons notre cette critique de Vincent Nyckees : « L’écrasement de la dimension historique semble bien témoigner de la persistance d’un cadre de pensée essentiellement innéiste…, universaliste, fondamentalement individualiste et strictement mentaliste, consacrant l’occultation du rôle cognitif du langage, pensé comme le reflet d’opérations mentales qui lui préexistent. » (1998, 56-57)

Nous voyons bien que le hic et nunc des préconstruits culturels et situationnels transforme grandement la réception du message. Prenons quelques métaphores obsolètes, ou en cours d’obsolescence pour l’illustrer. « Le soleil s’est couvert d’un crêpe. » (Charles Baudelaire, Le possédé) ou « Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées. » (C. Baudelaire, Les fleurs du mal) et deux plus populaires : « cette chanteuse crève l’écran. » ou : « Grand-père est un puits de sagesse. » La crêpe de Baudelaire renvoie à un usage situé, de plus en plus oublié, de ce tissu de soie chinois qui laisse imparfaitement passer la lumière, loin de la crêpe alimentaire. Le comparant est de moins en moins connu, donc la métaphore est de façon croissante inopérante. De même du vieux boudoir, lieu inexistant aujourd’hui éloignant le lecteur contemporain de la ressemblance, faute de saisir le terme. En cours d’obsolescence, l’écran crevé fait référence à la toile des salles de cinéma et les jeunes générations ne connaissent plus cet objet. Encore un peu de temps et la métaphore sera obsolète. Quant au puits, il sera aussi largement méconnu, ou même compris comme le trou sans fond plus que pour le puits source d’eau. Bref, de très nombreuses métaphores dépendent d’un contexte où le phore ne peut plus jouer son rôle. En ce sens, les recherches de Vincent Nyckees sont éclairantes [10], car l’histoire et la sociologie des langues révèlent les limites temporelles et sociales des pratiques langagières, prolongeant les travaux de Jean-Blaise Grize sur le schéma des préconstruits.

Les expériences collectives produisent ainsi des glissements où l’intention du locuteur se voit défigurée par une succession de reconstructions qui s’empilent dans une généalogie qui fait l’histoire de la réception sociale et culturelle du texte. Et la métaphore est d’autant plus vulnérable que ses implicites peuvent ne plus fonctionner, entrer en dissonance, voire résonner à l’envers de l’intention de l’auteur. Ces archéologies sémantiques, pour reprendre l’expression de Vincent Nyckees agissent comme un fond d’arrière-plans : idéologie peut-être, mais représentations sociales et croyances à l’œuvre pour se saisir de la métaphore ou la produire. Ce sont les prédiscours définit par Marie-Anne Paveau en ces termes : « comme ensemble de savoirs et de croyances qui fournissent des instructions pour la production des discours. » (2006, 84). La création de la métaphore se fait donc au sein d’un groupe social et historique au sein duquel chacun peut s’attendre à voir émerger un type de métaphores.

Toutes les métaphores technicistes faisant allusion aux ressemblances entre l’homme et la machine, l’homme et l’ordinateur ou l’homme automatisé proviennent bien de ce contexte bien différent des métaphores urbaines ou rurales pour ne pas dire champêtres des périodes précédentes. Les « instructions pour la production des discours » sont-là, dans ce champ limité des investigations analogiques où les associations d’idées dépendent de l’univers quotidien des auteurs et des lecteurs.  Il en est de même dans les milieux académiques où les métaphores proviennent du champ cognitif d’une discipline rayonnante dont les concepts envahissent toutes les disciplines. Ce sont tout à la fois les croyances ou le cadre épistémologique d’un temps, mais aussi la réalité expérimentale dans le temps et l’espace de cette communauté humaine. En ignorant par exemple les attributs qu’on accorde à l’éléphant, comment comprendre la comparaison entre la femme sage et l’éléphante, au féminin s’il vous plait ? On pensera à la mémoire. Sauf à être du pays des éléphants, sauf à être érudit de la chose, la métaphore ne fonctionnera pas. La femme sage est comme l’éléphante … fait écho à la capacité de celle-ci d’espacer ses naissances en fonction du degré de détérioration des conditions vitales de son environnement [11]. Faut-il alors une vulgarisation, une exposition, une médiatisation pour que la métaphore érudite devienne une figure accessible, au risque de quelques autres difficultés, sinon personne ne comprend le lien, trop savant en la circonstance.

6. La métaphore médiatisée : la normalisation insidieuse

Que reste-t-il de la métaphore médiatisée, sous la pression d’une telle amplification des médias et des effets dit viraux dans les réseaux sociaux ? Concentrons-nous sur quelques aspects : la dissimulation, l’émotion et la subversion.

6.1. La dissimulation

Le premier effet est celui paradoxal de la dissimulation. En focalisant l’attention sur la compréhension de la relation qui lie deux termes dans une identité fictionnelle, la mobilisation de l’imaginaire en quête du sens caché élimine toute autre activité d’intellection ou d’exercice critique en société. Elle dissimule bien d’autres aspects pour concentrer l’attention sur le lien. L’identité fictionnelle développe dans le public une activité obsessionnelle de quête de l’identité et de sa confirmation sociale. Dans l’espace médiatique, l’effet se mesure par la communication induite dont le seul objet est le débat autour du sens de la formule qui éloigne tout à la fois de la critique du propos ou de sa juste correspondance avec des faits. Ce débat élude alors deux fonctions du langage : décrire des réalités et dire des vérités. La métaphore détourne l’attention, voire distord les fonctions primitives du langage en société, produisant bien cette attention distrayante, au sens où il s’agit de distraire l’attention du public, afin de dissimuler les faits ou des responsabilités. La communication devient à elle-même l’objet d’une nouvelle communication. Il y a alors comme l’énonce Michel Pêcheux, une illusion, un effet de masquage, voire d’occultation. En voulant révéler un lien entre des termes pour ouvrir un champ de perception, le recours à cette stratégie de discours induit le bruit médiatique du commentaire indéfini qui se focalise, voire s’acharne à décrypter la métaphore, la commenter, l’évaluer, oubliant le reste au bonheur des auteurs qui ont ainsi atteint leur but d’une dissimulation.

6.2. L’émotion

La médiatisation relaie aussi l’émotion qui produit un effet de résonance dans les réseaux d’échange déséquilibrant les trois fonctions sémantiques de la métaphore repérées par Michel Le Guern dans Sémantique de la métaphore et métonymie en 1973. Ce dernier revient aux : docere : transmettre une information, placere : orner et plaire et movere : émouvoir et persuader expliqué par Aristote dans La Poétique. Or, la métaphore fait prévaloir le placere et le movere aristotélicien. La médiatisation accentue cette charge émotionnelle qui a un rôle sélectif. La métaphore médiatisée émeut bien plus qu’elle ne fait méditer ou réfléchir. C’est l’émotion qui fait décider et non l’inverse [12], et la médiatisation dépend de ces gestes impulsifs, compulsifs où l’émotion l’emporte sur la raison. Les réseaux sociaux sont ainsi plein d’une publicité : tweets, likes, renvois, commentaires où la métaphore peut faire le buzz comme il se dit aujourd’hui. La métaphore fera l’objet d’un soutien massif, d’une quasi-propagande ou à l’inverse, elle suscitera une révolte massive, contre une comparaison polémique jugée intolérable. Cette viralité de la métaphore est donc avant tout le fruit d’une émotion. A propos, la viralité est elle-même une métaphore pour décrire un phénomène social médiatisé [13].  Mettons la métaphore dans cette mise en abyme.

6.3. La viralité ou la subversion invasive

Cette mise en abyme va nous montrer que la métaphore véhicule une subversion intrusive et invasive qui manipule un registre implicite au phore dont le choix peut relever d’une intention philosophique, pour ne pas dire idéologique de classifier le thème dans le champ cognitif particulier du phore. Ce sont les subversions métaphoriques. C’est la question d’Ugo Roux qui s’est fait la spécialité de saisir les raisons de l’usage du terme de viralité pour métaphoriser la diffusion massive dans les réseaux sociaux. Cette viralité cherche à imager la propagation, la vitesse, la concentration, la focalisation de l’attention. Il y a une connotation à ce recours à la virologie par l’image de la viralité. Et cette métaphore a été efficace, jugée évidente, car compréhensible, prise dans l’évocation de l’image et le sentiment d’une nouveauté éclairante, but du phore relativement au thème, du comparant resituant le comparé sous un autre regard. Mais cette valeur cognitive est-elle simplement esthétique, rhétorique, ou beaucoup plus idéologique par une manœuvre de subversion épistémologique d’un champ cognitif dans un autre ? En fait, elle rend acceptable les raisonnements et les concepts d’une autre science, la virologie, déclinable dans le champ social de la communication. Elle peut engendrer une confusion entre des champs de connaissance, entre lesquels tout ne serait pas transposable par le jeu ponctuel de la métaphore. Or, le risque est réel de dériver de la sorte.

La viralité viendrait d’une autre métaphore informatique faisant usage du terme de virus pour parler de lignes de codes informatiques introduites de façon accidentelle ou malveillante. Jeffrey Rayport titre en 1996 un article The virus of marketing dans lequel il introduit cette notion de viralité, prolongeant ce champ métaphorique. Ugo Roux note à juste titre dans son effort de généalogie les propos du sociologue Michel Maffesoli [14]. Il résume la motivation de Jeffrey Rayport en des termes qui témoignent d’une métaphore quelque peu subversive : « Les premiers arguments qu’il avance pour justifier la comparaison aux virus biologiques sont la vitesse de propagation élevée de « l’infection » et les moyens minimum pour arriver à des effets maximums. Cette « optimisation du rendement de la contamination » qui correspond aux attentes de tous les marketeurs fonde l’argument principal qui justifie selon lui le recours à la métaphore épidémiologique. L’argument suivant est l’autosuffisance des virus à se perpétuer et à se propager. » (2016, 63)

Seulement, la viralité suggère de manière insidieuse un jugement moral du fait du transfert. La connotation en est négative, la propagation est subie. Elle renvoie à l’épidémie de Michel Maffesoli, à la maladie et aux désordres du virus, etc. Ce sociobiologisme colporte une représentation morale dénoncée par des auteurs critiques [15]. La métaphore de la viralité diffuse insidieusement une suggestion que ces activités sociales sont dangereuses, maladives, compulsives, invasives, du simple fait de la métaphore qui fait le lien, non plus ponctuellement avec un attribut commun, mais avec un champ cognitif, ses représentations, ses croyances, ses réflexes implicites. Et, la métaphore virale peut très vite glisser dans un autre champ métaphorique plus militaire celui-là : attaque, défense, stratégie, force, impact, menace ; la guerre contre le virus ou la viralité s’induisant de la première métaphorisation. La subversion opère là par une extension de la métaphore ponctuelle, parce que l’identité fictionnelle recours à un imaginaire qui peut sortir de ces limites.

6.4. Les cas des métaphores de l’organisme et de guerre

Cette métaphore médiatique de subversion envahit l’espace public, parfois d’abord dans des milieux qui structurent et partagent les enjeux idéologiques de la métaphorisation en vue de subversion intellectuelle des esprits, illustrant magistralement l’enjeu d’enfermement et de délimitation de la pensée par le conditionnement induit, voire la confusion jusqu’à l’assimilation du comparé à son comparant. Pour finir, prenons le succès de deux métaphores, celle de l’organisme et celle de la guerre, la première magistralement étudiée en son temps par Judith Schlanger et la seconde plus récemment dans la thèse de doctorat de Charlotte Dilks [16].

Les métaphores de l’organisme. Résumons ici rapidement la thèse connue de Judith Schlanger. Dire de l’Etat qu’il est un organisme ou dire du social qu’il est un corps, c’est faire d’emblée primer l’Etat sur ses membres qui lui appartiennent. Il y a d’emblée inversion du rapport entre les personnes et l’Etat avec des enjeux de disposition, de sacrifice, de soumission, d’impossibilité de s’en séparer, etc. Judith Schlanger démontre que nous sommes très souvent dans ces rationalités imaginatives qui développent une métaphore jusqu’à subvertir tout un champ d’observation d’un schème intellectuel préexistant dans un autre champ. Il y a une projection interprétative, une paresse intellectuelle aussi, mais surtout une transposition abusive qui dénature l’objet par cette métaphorisation globalisante, privant de l’esprit critique quant aux enjeux d’un tel abus d’une transposition quelque peu fallacieuse.

Henri Bergson use fréquemment de cette métaphore mais il en délimite l’usage, voyant parfaitement que faire de la société des hommes un strict reflet de l’organisme, c’est en effet prendre le risque d’une confusion où l’Etat deviendrait à lui seul le corps constitué légitime à abuser de chacune des cellules que nous sommes, celles-ci devenant des objets secondaires à tous égards d’un grand corps constitué omnipotent et omniscient : « Nous la comparerions à un organisme dont les cellules, unies par d’invisibles liens, se subordonnent les unes aux autres dans une hiérarchie savante et se plient naturellement, pour le plus grand bien du tout, à une discipline qui pourra exiger le sacrifice de la partie. Ce ne sera d’ailleurs là qu’une comparaison, car autre chose est un organisme soumis à des lois nécessaires, autre chose une société constituée par des volontés libres. » [17]

En résumé, la métaphore insinue des transferts de raisonnement par une sorte de placage d’un champ cognitif dans un autre, agissant tel un virus porteur d’une logique s’introduisant subrepticement dans un autre champ, ce transfert n’ayant pas d’autre légitimité que la suggestion produite par la métaphore qui guide la pensée comme le disaient les anciens.

Les métaphores de la guerre. Reprenons succinctement la remarquable thèse de doctorat de Charlotte Dilks. Celle-ci s’intéresse à la présence croissante dans les médias d’une métaphorisation guerrière pour relater l’actualité. Est-ce le signe d’une violence ambiante, une surenchère verbale pour attirer l’attention, une mode aussi ? Sa thèse effectue un travail très démonstratif d’un usage très récurrent du vocabulaire de guerre dans de très nombreux champ : sport, économie, politique, les journalistes usant et abusant de cette métaphorisation. Quelques exemples d’une fonction très sémantique pour décrire les relations politiques : « les attaques de l’opposition », « la guerre de tranchées à l’assemblée », « la bunkerisation du parti » avec une fonction argumentative pour décrire et juger des événements [18]. Est-ce totalement anodin de créer un climat médiatique où le vocabulaire militaire se diffuse bien au-delà de son champ initial ? Charlotte Dilks montre que les relations économiques, syndicales, politiques, sociales sont ainsi prises d’assaut par la sémantique militaire. L’extension est en soi, déjà, subversive, puisqu’elle suggère insidieusement que les relations humaines sont des combats, des agressions, des luttes ; ce qu’elles sont sans doute, mais cette focalisation enferme bien progressivement dans le champ restrictif qu’impose l’usage répété de ce registre métaphorique. C’est le préconstruit situationnel et culturel de Jean-blaise Grize qui se trouve impacté par ces effets médiatiques d’une amplification de l’usage de la métaphore, jusqu’à saturer les représentations sociales dans un imaginaire obligé.  

Or, n’est-il pas étonnant, ces temps derniers, d’entendre nos politiques user et abuser d’une rhétorique guerrière dans tous les domaines : l’économie, le social, l’immigration, la sécurité ou la justice, l’école même, mais aussi la santé lors de l’épidémie de 2020. La métaphore belliqueuse est du dernier chic, même dans l’entreprise où la stratégie devient les buts de guerre ! Et sa médiatisation accélère cette contamination, jusqu’à bouleverser les repères de chaque champ sémantique, alors très largement normalisés par ce champ métaphorique dominant. Il faut penser toute chose en guerrier, donc se préparer à des guerres, des comportements de guerre, jusqu’à faire la guerre. La paix, la coopération, l’analyse, la diplomatie sont balayées car insignifiantes dans ce contexte métaphorique réducteur. Toute relation est avant tout un conflit, un combat !

7. La métaphorisation du monde

La généralisation du procédé métaphorique se substitue alors à l’exercice du Logos. Et cela n’est pas sans conséquence pour une pensée collective irréfléchie, parce que l’image entre par effraction d’un domaine dans un autre jusqu’à le subvertir incidemment. Mais la mise en image par un rapprochement analogique faisant emprunt à une discipline sur une autre valorise une perception intuitive, impulsive, séductrice et dénuée de la rigueur d’une approche plus méthodique. Le raccourci fait triompher une image mentale, celle qui fait de l’homme un loup ou de la religion une drogue. L’image mentale dispense alors de penser par l’ordonnancement des arguments et la construction logique des propositions. Qu’en est-il dans le dialogue et le débat démocratique si la métaphorisation se pratique en permanence telle une marotte ? Ce jeu des comparaisons plus ou moins hasardeuses crée une compétition des métaphores : les plus provoquantes, les plus persuasives, les plus polémiques pour susciter l’attention et la multiplication des commentaires. Mais elle évince le discours dans lequel elle se mettait en relief, par exception, chez les anciens. Cette métaphorisation détourne du réel en abandonnant la description des choses et l’argumentation des choix. Elle fabrique de l’adhésion, du rejet ou une controverse littéraire sur sa justesse ou son opportunité sociale et politique. L’image mentale devient l’objet du débat. Elle ne participe donc pas d’une conversation loyale sur la chose publique mais produit des controverses émotionnelles sur la perception de toutes ces métaphores.

Il y a deux conséquences pour terminer qu’il conviendrait d’explorer plus avant. La première tient à une perte de sens croissante du langage puisque progressivement, tout peut tout dire, tout parle de tout, tout est analogue à tout par une succession de rapprochements fictifs qui éloignent sans cesse de la précision analytique d’un langage plus ordonné. La seconde tient à l’usure de l’effet initial recherché par les classiques. La marotte métaphorique lui fait perdre sa saveur esthétique et son efficacité rhétorique. Elle dénature progressivement le langage et l’épuise dans un registre qui oblige à débattre des mots qui parlent des mots pour évoquer des mots selon des jeux d’émotions et d’abus de langage intempestifs, car les auteurs de toutes ces métaphores n’ont plus qu’à commenter leur figure, à discuter des rapprochements et de leur légitimité. Les réseaux sociaux et les médias ne sont-ils pas saturés de ces controverses langagières où l’on accuse d’une métaphore inappropriée et scandaleuse ou l’on souscrit et défend son auteur audacieux, impertinents, selon ses convictions. Cette métaphorisation du monde fait oublier le monde lui-même et l’on ne débat plus quant aux actions politiques mais quant aux actions discursives qui mobilisent alors l’attention de tous.

Conclusions

La métaphore va bien au-delà de la figure pratiquée par les anciens dans un environnement social fait de proximité humaine, par la relation directe à son auditoire dans une unité théâtrale de lieux et de temps, ou fait d’une distance scripturaire où la relation distanciée reste celle d’une relation bilatérale entre le lecteur et l’auteur. L’époque contemporaine introduit de nouvelles pratiques du fait ce ces médiatisations qui en transforment les usages, les intentions, et le jeu des acteurs, puisque les réseaux font de chacun un auteur, un lecteur et un diffuseur instantanément.

En montrant que la métaphore provoque un choc cognitif, en ayant à l’esprit qu’elle suggère, mais qu’elle est aussi une intrusion d’un champ cognitif dans un autre, la métaphore de la viralité s’applique à la figure de la métaphore. Elle vient perturber un registre sémantique et cognitif, elle insinue, pénètre et impose une réaction ou une assimilation dont les extensions viennent contaminer la discipline initiale jusqu’à la subvertir. Malice de l’auteur ou malice de la figure qui va bien-au-delà de l’intention peut-être, quand le virus métaphorique prend son autonomie, par-delà les acteurs : effet de mode, effet moutonnier, ambiance d’un temps, voire subversion orchestrée par quelques faiseurs d’opinion ? Insidieuse normalisation.

 

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Je tiens ici de nouveau à remercier mon ami Constantin Salavastru pour nos échanges et une partie de cette bibliographie dont il connait remarquablement les auteurs.

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[1] Je remercie ici mon ami Constantin Salavastru, professeur de philosophie à l’université de Iasi en Roumanie, dont les nombreuses recherches sur la métaphore sont éclairantes. Je lui dois ici les références qu’il connait mieux que quiconque. (Rhétorique, III, XI-XII,1410b-1413a ; 1991, 331-345)

[2] De lOrateur (III, IIIVIII-155 - XLIII-170 ; 1930, 61-68)

[3] La crise des fondements, mais aussi les propositions concernant la logique naturelle de Jean-Blaise Grize comme les travaux des linguistes et épistémologues dont John Langshaw Austin, John Searle ou Hilary Putnam ouvrent le moment de cette crise de légitimité du langage rationnel, dont l’académicien Daniel Andler résume magistralement la situation  dans son article : De la philosophie analytique à la philosophie de l’esprit où il écrit : « Chassé du langage par la porte de la logique, l’esprit revenait par la fenêtre du dire. Le philosophe ne pouvait plus espérer progresser par la seule analyse des significations véhiculées par un langage abstrait, il lui fallait réintégrer le locuteur dans ses calculs. Plus encore, il lui fallait soumettre ce locuteur à un examen philosophique : la philosophie du langage conduisait, volens nolens, à la philosophie de l’esprit. » (p.5)

[4] L’expression latine : homo homini lupus vient de Plaute dans sa pièce Asinaria, indiquant la cruauté de l’homme pour l’homme.

[5] La définition du sens proposée par B. Larsson retient toute notre attention car elle inclut bien ce respect de l’expérience vécue : « Le sens verbal, pour être, doit contenir une cognition ou une conceptualisation intersubjectivement construite, constatée ou reconnue et mémorisée par au moins deux locuteurs sous la forme d’un signe ou de rapports entre signes. [...] Cette conception du sens, sans aucun doute, satisfait en grande partie à notre bon sens commun. Pour se comprendre, dira-t-on, il faut bien sûr qu’il y ait du sens partagé. Sans du sens qui soit commun, il n’y a que malentendu ou absence de communication. La vraie compréhension présuppose évidemment qu’il y ait intersection de “compréhension” entre deux locuteurs. » (1997, 283-284) 

[6] Nous nous référons essentiellement à Logique naturelle et communication, publié en 1998 aux PUF. Le logicien démontre la non-neutralité axiologique des symboles et des figures logiques et rhétoriques, rapprochant la logique de la linguistique et de la psychosociologie pour mettre en évidence la création du récepteur à partir d’un donné. Marie-Anne Paveau développe cette thèse dans Les prédiscours : sens, mémoire, cognition, publié en 2006 aux Presse Sorbonne Nouvelle

[7] Nous pensons au fameux texte de Louis Althusser : « « C’est évident ! C’est bien ça ! C’est bien vrai ! ». Dans cette réaction s’exerce la fonction de reconnaissance idéologique qui est une des deux fonctions de l’idéologie comme telle (son envers étant la fonction de méconnaissance). » (1970, 30)

[8] Nous nous référons aux travaux de Georges-Elia Sarfati dont :  La sémantique : de l’énonciation au sens commun. Éléments pour une pragmatique topique. 1996, université Blaise Pascal, Clermont Ferrand II

[9] Nous nous référons à Les représentations sociales, sous la direction de Denise Jodelet publié en 2003 aux PUF

[10] « La première de ces approches concerne le problème de la constitution collective des significations, c’est-à-dire de leur origine et de leur devenir dans l’histoire d’un groupe linguistique ; les usagers héritent en effet de significations déjà constituées ou, pour le dire plus précisément – puisque aucun locuteur ne reconduit jamais à l’identique la totalité des significations qui ont cours dans une communauté linguistique –, les locuteurs entrent dans un règne de significations déjà constituées. Il s’ensuit qu’on ne saurait expliquer le phénomène des significations sans prendre en compte leur histoire antérieure et leur développement au sein d’une « lignée » linguistique (ou, plus généralement, sémiotique), lignée qui remonte d’une certaine façon aux commencements de l’humanité, mais qu’on ne saurait évidemment reconstituer en totalité. » (2003, 65)

[11] C’est même le titre de livre : La sagesse de l’éléphante de Bernard Bousquet publié aux éditions Libre & Solidaire en 2023.

[12] Il faut avoir à l’esprit les livres essentiels d’Antonio Damasio L’erreur de Descartes : la raison des émotions et ceux d’Alain Berthoz dont La décision et La simplexité ces psychologues cogniticiens développant bien la thèse du primat des émotions dans les jugements, les décisions et les passages à l’acte.

[13] Il faut lire l’excellent article d’Ugo Roux Viralité : la métaphore virale et ses limites publié dans la revue Terminal, technologie de l’information, culture et société en 2021 qui décrit une métaphore : la viralité.

[14] Michel Maffesoli écrit : « il y a, comme dans le phénomène de mode, quelque chose qui s’établit dans notre société, ne reposant plus sur la volonté, mais reposant sur la contamination. C’est quelque chose de l’ordre de la viralité. La mode c’est du viral ; cela donne lieu à des épidémies. » (1998)

[15] Paul Froissard, professeur en science de l’information et de la communication décrit ce glissement, évoquant la représentation des corps sociaux : « le sociobiologisme affuble de maladies, syndromes, tumeurs (délinquance, corruption, intégrisme, prostitution, suicide, alcoolisme) et pour lesquelles il imagine des anticorps (l’État, l’École, l’Armée). » (2009, 2)

[16] Nous nous référons à l’œuvre de Judith Epstein Schlanger Les métaphores de l’organisme publié initialement chez Vrin en 1971 et à la thèse de Charlotte Dilks publié par l’université de Stockholm en 2009.

[17]  Les deux sources de la morale et de la religion, PUF, édition séparée (noté 2S), p. 2.

[18] Charlotte Dilks donne de très nombreux exemples : « Le fer est donc engagé. Avec d’autant plus d’âpreté que les deux généraux qui conduisent cette bataille ne s’aiment pas. Pierre Lescure et Patrick Le Lay sont aussi antagoniques que cathode et anode. » pour décrire une relation d’affaire (2009, 118) ou : « La droite hésite à livrer une bataille procédurière contre la réduction du temps de travail. » pour évoquer des relations politiques dans une démocratie (2009, 126) ou encore : « L’UDF, qui menaçait de claquer la porte, est rentrée dans le rang. Du coup, la droite part unie au combat et recommence à croire à son destin. » (2009, 131)

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De la quête de la qualité à la culture des normes ou l’enjeu de la perte du sens

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