Il y a des époques où les mots portent des charges émotionnelles et des significations positives, puis, plus tard, négatives. Les mots s’inversent et là où des générations y percevaient des choses louables, leurs successeurs y voient tout à l’inverse des sources de réprobations. La nation fut au firmament de la pensée politique avant de devenir ce nationalisme rance et repoussant. De même pour l’identité. Elle est avant tout un principe de la raison auquel s’associe la rigueur d’une définition et le bienfait de disposer de choses stables et connaissables. L'identité est alors vertueuse Avoir une identité, un nom, une filiation, voilà des choses positives. Aujourd’hui, tout cela semble contestable au profit du mouvement, des transhumances identitaires, par la conquête, la colonisation et les migrations de toute sorte mais aussi par le goût de librement déterminer son ou ses identités successives.
Il en est de même des appartenances. Elles étaient prescrites par le corps social dont on était un membre sans pouvoir s’en détacher facilement. Notre identité résultait du groupe : le nom, le prénom, l'appartenance familiale ou clanique, etc. Nos sociétés individualistes ont largement promu le droit de se détacher de ses cercles d’appartenances, ceux-ci-n’ayant aucun droit à retenir celui qui veut s’en affranchir pour être d’une autre communauté, s’appartenir déjà et appartenir au groupe qui lui convient. Que de mouvement donc dans le sens des choses.
Merci à Stéphane François de l’université de Mons d’avoir largement coordonné ce numéro avec les contributions de ses collègues ou élèves : Sébastien Carney de l’université de Bretagne qui aborde le nationalisme breton, Yoanna Rubio qui s’intéresse aux stratégies identitaires des gitans, Adrien Nonjon, doctorant qui nous plonge dans les mouvements nationalistes et identitaires autour du sport en Ukraine et Sinan Baykent, doctorant qui analyse le national-communisme d’Enver Hoxha en Albanie. Stéphane François étudie les origines paganistes des églises aryennes américaines. Ce parcours dans les identités et les appartenances nous livre des clés de compréhension de ce que sont ces phénomènes. Alain Deniau prend l’autre chemin de l'histoire de la controverse haineuse contre une communauté aux contours identitaires complexes et parfois insaisissables, celle des jésuites. Enfin, Pierre-Antoine Pontoizeau étudie quelques-unes des origines psychologiques et sociales du prosélytisme identitaire, du fait de la construction de soi et de sa projection sur les autres par son leadership, aux sources donc des influences et conformismes sociaux qui fabriquent des appartenances et des identités collectives.
Notre deuxième numéro consacré aux identités et appartenances abordera les phénomènes contemporains des transidentités et des transhumanismes, autres aspects, au combien important, des rapports psychologiques et sociaux aux identités individuelles et à la reconnaissance ou au rejet des sociétés selon qu’elles promeuvent ou non ces nouvelles transmutations identitaires.